En 1997, 66 cinéastes signaient un appel à la désobéissance civile vis-à-vis de lois sur l'immigration qu'ils n'appréciaient pas. Ces temps-ci, José Bové est candidat à la présidentielle tout en étant condamné à une peine de prison ferme, pour un acte d'arrachage qu'il justifie par la désobéissance civile. Aujourd'hui, des militants hostiles à la publicité pronent également la désobéissance civile pour se permettre de vandaliser le mobilier urbain. Le concept de désobeissance civil est donc utilisé en de multiples occasions pour justifier le non-respect intentionel des lois. Selon ses concepteurs, la désobeissance civile doit être non-violente, être en application de l'intérêt général et se faire de façon publique. Il n'est pas certains que tous les militants anti-pub agissent en accord avec la dernière de ces conditions. En outre, agir en fonction de l'intérêt général est évidemment nécessaire, mais l'intérêt général est justement défini par le débat démocratique : les lois sont l'application de débats et d'élections, ce qui leur donne une légitimité totale dans les régimes démocratiques. Ainsi, il pouvait être nécessaire aux soldats et aux ouvriers du IIIème Reich de lui désobeïr lorsqu'il leur faisait accomplir des tâches inhumaines car le régime avait perdu toute légitimité populaire. Tant que les élections sont tenues de façon régulière et transparente, par une constitution approuvée par la majorité, force doit rester à la loi.

La non-violence doit en outre être fondamentale. Cela vaut aussi pour les violences faites aux biens. Gandhi, qui a utilisé la désobéissance civile pour favoriser l'indépendance de l'Inde, a ainsi annoncé qu'il préférait se faire maltraiter par les forces de l'ordre plutôt que de riposter face à elles. Sit-ins, non coopération ou marches pacifiques étaient ses faits d'arme. Leur puissance symbolique était plus forte que les destructions. Si de nos jours les promoteurs de la désobeissance civile (ou civique) comptent aussi sur la force symbolique, elle est secondaire par rapport à leur satisfaction d'avoir participé à une destruction matérielle et donc bien plus effective que symbolique, et se serve du concept avant tout pour donner un semblant de légitimité à une simple illégalité.

Ils dénaturent ainsi un concept qu'il ne faut utiliser qu'en de graves situations, lorsque tous les autres recours ont été épuisés et que le pouvoir en place n'est plus l'émanation du peuple. Car ceux qui pronent actuellement le non respect des lois sont loin d'avoir épuisés tous les recours. Le fait est qu'ils sont tout simplement en minorité dans l'expression de la volonté populaire, et c'est bien ça qu'ils ne supportent pas. En refusant de se soumettre à l'intérêt général, tel qu'il est énoncé par la majorité de la population, ce sont eux en fait qui bafouent la démocratie. Leur autre tort est de se servir d'une justification aussi malhonnête dans leur cas que celle de la désobéissance civile.