samedi 10 mars 2007
Le Japon face à son histoire
Par xerbias, samedi 10 mars 2007 à 18:27 :: Monde
En septembre dernier, Shinzo Abe a succedé à Junichiro Koizumi au poste de Premier ministre du Japon. Ce dernier était très populaire, en sortant son pays de la crisé économique qu'il traversait, en ayant un côté spectaculaire qui faisait son charisme, et en n'hésitant pas à faire des visites annuelles au sanctuaire de Yasukuni. Par contraste, Shinzo Abe est perçu comme un homme politique plutôt terne, mais qui pouvait être plus enclin que son prédécesseur à veiller à des relations aussi bonnes que possible avec les autres pays d'Asie. En effet, Junichiro Koizumi était très controversé en Chine et en Corée du Sud. Le sanctuaire de Yasukuni honore ceux qui sont morts pour le Japon, dont une grande partie de militaires, et parmi eux des personnes qui se trouvent être considérées comme des criminels de guerre par la Chine et la Corée, pays que le Japon a occuppé de façon violente pendant la première moitié du XXème siècle. Là bas, le souvenir des méfaits accomplis par l'armée japonaise y sont fort, et laisse l'image d'un Japon dominateur et totalitaire. Il n'y a pas eu de grandes réconciliations en Asie comme il y en a eu en Europe après la seconde guerre mondiale. Les sentiments nationalistes restent toujours aussi forts au Japon, même si le recours à la guerre est une idée qui a été éradiquée par l'occuppation américaine et une constitution qui l'interdit explicitement. En parallèle, la Chine et la Corée voient dans le Japon un héréditaire ennemi mortel, dont il est nécessaire de se méfier. Le fait que le Japon n'ait pas vraiment fait de mea culpa de ses actions passées n'arrange rien à l'affaire. Dans la vision historique japonaise des anciens événements, une bonne part de ce qui ne peut pas être porté à la gloire de la patrie est tout simplement minoré. Pour les Japonais, reconnaitre des débordements de la part de leur armée serait en une certaine manière porter injure à leurs ancêtres qui ont combattu pour la grandeur du Japon.
En visitant le sanctuaire de Yasukuni, Junichiro Koizumi honorait une promesse électorale visant à flatter le sentiment nationaliste de ses compatriotes. Mais la contrepartie était des relations excécrables avec ses voisins, qui eux enrageaient de voir leur ancien oppresseur sembler proclamer sa fierté de les avoir tenus sous sa domination. L'arrivée d'un nouveau Premier ministre, Shinzo Abe, était donc de nature à favoriser de meilleures relations diplomatiques dans la zone. Celui-ci a d'ailleurs décider de se rendre à Pekin et à Seoul au début de son mandat pour opérer dans ce sens. Mais se révélant de moins en moins populaire, il en a appelé le 1er mars dernier à la corde nationaliste de ses compatriotes en refusant de reconnaître la prostitution forcée de Chinoises et de Coréennes par l'Armée impériale japonaise dans les années trente et quarante, ce qui était pourtant une revendication de la Chine et de la Corée du Sud. Cela a aussitôt déclenché la fureur de ces pays, et remisé pour plus tard les espoirs d'apaisement dans la région.
Il faut déjà remarquer que ces histoires d'interprétation de l'Histoire reposent en bonne partie sur des confrontations de sentiments nationaux, qui pour être devastateurs en matière diplomatique (avec de graves conséquences potentielles), n'en soint pas moins assez irrationels. Ainsi, on peut s'interroger sur les tords réels et supposés du Japon, la Chine n'hésitant pas elle même souvent à faire de son ancien envahisseur un bouc émissaire responsable de tous les maux du passé afin de se refaire une unité nationale. Pour que tout l'extrème-orient puisse travailler ensemble de façon apaisée, il faudrait donc que chacun fasse preuve d'honnêteté, quitte à faire appel à des historiens indépendants pour déterminer la part de chaque organisation dans tel ou tel événement. Pour commencer, il faudrait y mettre de la bonne volonté. Dans un colloque de l'automne dernier, le correspondant japonais de la NHK en Francesoulignait le fait que l'idée d'Union Européenne apparaissait étrange au Japon, vu que cela ne viendrait à l'idée de personne en Asie de chercher les voies d'une cohésion supra-étatique. Ne serait-ce que pour faire une simple zone de libre échange, les négociations sont très difficile. Dès lors, l'idée d'avoir des politiques communes entre plusieurs états représente presque une hérésie.
Cette situation est d'autant plus déplorable qu'il serait justement nécessaire qu'une certaine unité se fasse entre le Japon, la Chine et la Corée du Sud, à propos de dossiers qui les concernent tous, avec en premier lieu la gestion du cas de la Corée du Nord. Si ces trois pays arrivent à se mettre d'accord sur une ligne claire à opposer à la Corée du Nord, les marges de manoeuvre de celle-ci en seraient d'autant plus faibles. Si la voie pour la paix entrouverte par l'Europe à travers une solution de forte coopération entre Etats n'est pas une solution réaliste à moyen terme en Asie, au moins peut-on espérer que dans les pays démocratiques de la région on puisse voir apparaitre des hommes d'Etat qui auront le courage de maintenir la discussion, quitte à faire leurs inventaires respectifs de leurs tords passés. Actuellement, ce ne serait pas trop demander au Japon que de faire ce premier pas.
Photo : AFP/Yoshikazu Tsuno
En visitant le sanctuaire de Yasukuni, Junichiro Koizumi honorait une promesse électorale visant à flatter le sentiment nationaliste de ses compatriotes. Mais la contrepartie était des relations excécrables avec ses voisins, qui eux enrageaient de voir leur ancien oppresseur sembler proclamer sa fierté de les avoir tenus sous sa domination. L'arrivée d'un nouveau Premier ministre, Shinzo Abe, était donc de nature à favoriser de meilleures relations diplomatiques dans la zone. Celui-ci a d'ailleurs décider de se rendre à Pekin et à Seoul au début de son mandat pour opérer dans ce sens. Mais se révélant de moins en moins populaire, il en a appelé le 1er mars dernier à la corde nationaliste de ses compatriotes en refusant de reconnaître la prostitution forcée de Chinoises et de Coréennes par l'Armée impériale japonaise dans les années trente et quarante, ce qui était pourtant une revendication de la Chine et de la Corée du Sud. Cela a aussitôt déclenché la fureur de ces pays, et remisé pour plus tard les espoirs d'apaisement dans la région.
Il faut déjà remarquer que ces histoires d'interprétation de l'Histoire reposent en bonne partie sur des confrontations de sentiments nationaux, qui pour être devastateurs en matière diplomatique (avec de graves conséquences potentielles), n'en soint pas moins assez irrationels. Ainsi, on peut s'interroger sur les tords réels et supposés du Japon, la Chine n'hésitant pas elle même souvent à faire de son ancien envahisseur un bouc émissaire responsable de tous les maux du passé afin de se refaire une unité nationale. Pour que tout l'extrème-orient puisse travailler ensemble de façon apaisée, il faudrait donc que chacun fasse preuve d'honnêteté, quitte à faire appel à des historiens indépendants pour déterminer la part de chaque organisation dans tel ou tel événement. Pour commencer, il faudrait y mettre de la bonne volonté. Dans un colloque de l'automne dernier, le correspondant japonais de la NHK en Francesoulignait le fait que l'idée d'Union Européenne apparaissait étrange au Japon, vu que cela ne viendrait à l'idée de personne en Asie de chercher les voies d'une cohésion supra-étatique. Ne serait-ce que pour faire une simple zone de libre échange, les négociations sont très difficile. Dès lors, l'idée d'avoir des politiques communes entre plusieurs états représente presque une hérésie.
Cette situation est d'autant plus déplorable qu'il serait justement nécessaire qu'une certaine unité se fasse entre le Japon, la Chine et la Corée du Sud, à propos de dossiers qui les concernent tous, avec en premier lieu la gestion du cas de la Corée du Nord. Si ces trois pays arrivent à se mettre d'accord sur une ligne claire à opposer à la Corée du Nord, les marges de manoeuvre de celle-ci en seraient d'autant plus faibles. Si la voie pour la paix entrouverte par l'Europe à travers une solution de forte coopération entre Etats n'est pas une solution réaliste à moyen terme en Asie, au moins peut-on espérer que dans les pays démocratiques de la région on puisse voir apparaitre des hommes d'Etat qui auront le courage de maintenir la discussion, quitte à faire leurs inventaires respectifs de leurs tords passés. Actuellement, ce ne serait pas trop demander au Japon que de faire ce premier pas.
Photo : AFP/Yoshikazu Tsuno