Réflexions en cours

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jeudi 31 mai 2012

Des médias engagés

Au fur et à mesure de la campagne présidentielle, le climat s'est nettement dégradé entre les médias et l'UMP. Les militants de ce parti ont reproché à certains médias un traitement totalement biaisé de la campagne. Cet aspect est difficile à nier, tant jour après jour, on voyait s'enchaîner les panégyriques sur François Hollande, quand Nicolas Sarkozy n'était plus traité que comme une caricature fantasmagorique, et non comme un candidat. D'autres candidats reprochaient aux médias de ne pas s'intéresser à eux, considérant certainement qu'un mauvais traitement vaut mieux que pas de traitement du tout. Si le traitement médiatique de cette campagne fut biaisé, il reste à savoir si cela a eu une grande influence sur les votes. Honnêtement, ce n'est pas certain. Mais même si les conséquences sont incertaines, il n'est pas forcément sain que tant de médias soient autant orientés idéologiquement vers un seul bord.

La liberté d'expression est un droit fondamental, et il n'est pas anormal qu'il y ait des commentateurs engagés. Plus généralement, il y a des médias que l'on peut sans grande difficulté classer à droite ou à gauche. A droite, on trouve ainsi TF1, LCI, Le Figaro, Le Figaro Magazine, Valeurs Actuelles. En fait, c'est tout. A gauche, il y a France 3, Canal Plus, iTélé, BFM TV, Libération, Le Monde, Le Nouvel Observateur, Marianne, Les Inrockuptibles, France Inter, France Info (et tout Radio France en fait), et la liste se poursuit...

Europe 1 fut qualifiée de droite, mais ça se limite à Jean-Pierre Elkabbach et Catherine Nay, deux anciens journalistes qui n'ont qu'un faible temps d'antenne en fin de compte. La station est dirigée par Denis Olivennes, auparavant directeur du Nouvel Observateur, et l'année dernière, Laurent Ruquier, Nicolas Demorand et Pierre-Louis Basse se succédaient de 15h30 jusqu'à 22h, soit 6h30 d'affilées à gauche toute. Pendant cette campagne, Le Monde s'est engagé nettement en faveur de François Hollande, pas seulement dans les éditoriaux mais aussi dans les articles, et fut le pendant exact à gauche du Figaro. Pendant ce temps, Libération ne prenait plus aucune distance, et s'est permis des unes que ne se seraient jamais permis un journal sérieux, se montrant bien plus engagé que la presse de droite. Il faut reconnaître que s'il existe des titres de droites, il ne sont pas moins écrits en bonne partie par... des journalistes de gauche. Ce qui explique certaines tensions entre direction et journalistes.

Le déséquilibre entre gauche et droite est donc structurel. Depuis l'élection de François Hollande, la presse est en pleine lune de miel, bien au delà de l'état de grâce habituel. Certains murmurent que les journalistes seront dûment récompensés de leur activisme par des avantages fiscaux. Ce n'est pas la peine : pourquoi faire appel à l'appât du gain, quand la conviction fonctionne déjà très bien ?

dimanche 27 mai 2012

Les Verts pastèque

La campagne présidentielle d'Eva Joly aura été une longue agonie. Après avoir recueilli 16 % des suffrages aux européennes de 2009, puis 12 % lors des régionales de 2010, on pouvait s'attendre à ce qu'ils fassent le meilleur score de leur histoire à la présidentielle de 2012. Deux candidats emblématiques se sont présentés à la primaire des Verts l'année dernière : la célèbre juge Eva Joly, et le télégénique Nicolas Hulot, qui avait réussi à influencer la campagne présidentielle de 2007 à travers son Pacte Ecologique. Ce dernier était encore trop naïf en politique : en acceptant de participer à cette primaire, il croyait permettre une candidature mobilisant les défenseurs de l'environnement, mais il tombait surtout dans le piège des Verts, qui n'en voulaient pas comme concurrent. Ils l'ont donc inciter à obtenir leur investiture, pour la lui refuser ensuite, et le mettre ainsi hors course.

Très loin de la défense de l'environnement, les Verts penchaient déjà nettement pour Eva Joly, spécialiste de la machine judiciaire et en procès politiques. L'idée, c'était de se placer sur le terrain de la morale, une morale de gauche, accusatrice de ce qui est à sa droite, par principe. Son profil représente tout ce qui était cher à la gauche, et bien qu'elle ne fut pas du tout en phase avec la société française, elle fut désignée candidate. Une nouvelle fois, les Verts ont peu parlé d'écologique dans cette campagne, alors que ce devait être la spécialité de ce parti lorsqu'il fut créé. Dès lors, il n'est pas étonnant que dans le nouveau gouvernement, les personnalités politiques issues des Verts occupent des ministères tels que le logement ou le développement, pour laisser celui de l'environnement au Parti Socialiste. Eva Joly elle-même n'avait d'yeux que pour le ministère de la Justice.

La bonne image pour caractériser les Verts, c'est la pastèque : vert à l'extérieur, rouge à l'intérieur. Les mentions de l'environnement ne relèvent plus pour eux que de l'affichage et du passage obligé. Ce qui leur importe vraiment, c'est la rhétorique de gauche, à base de victimisation, d'Etat Providence et de manichéisme économique et sociétal. Pour pouvoir gagner des postes de députés ou de ministres, ils sont prêts à avaler bien des couleuvres par rapport à leurs convictions supposées, sans jamais se rebeller. En effet, les places sont plus importantes... et leur poids n'est pas suffisant pour lutter seuls. Surtout que sur presque tous les sujets, ils sont parfaitement solubles dans le socialisme. Ils ont ressentis la victoire de François Hollande comme étant aussi leur victoire. Nos Verts sont décidément bien rouges.

mardi 22 mai 2012

Le sixième Président

Cela a été unanimement reconnu : Nicolas Sarkozy a réussi sa sortie. Dès le soir du second tour de la présidentielle, l'homme qui fut pourtant présenté comme non républicain a reconnu sa défaite, a remercié les Français et a souhaité bonne chance au nouveau Président. En invitant celui-ci à célébrer ensemble le 8 mai, il a montré qu'il était celui qui rassemble, tant dans la défaite que la victoire. Cette défaite est loin d'être cinglante, elle est même honorable. Evidemment, il aurait quand même préféré accomplir un second mandat. Mais comment aurait-il pu l'obtenir ? Par une stratégie plus centriste ? En essayant d'obtenir un meilleur report de voix des électeurs de Marine Le Pen ? Difficile à dire. En fait, la tâche paraissait insurmontable avant que la campagne commence. Il était d'ailleurs déjà enterré par l'ensemble de la presse, qui ne le voyait même pas franchir le premier tour. Pendant son quinquennat, il avait fait des erreurs, notamment sur son style ou sa famille. La crise financière a eu des répercussions politiques partout en Europe, seule Angela Merkel ayant réussi à se maintenir au pouvoir, capitalisant sur des réformes structurelles qui ont relancé l'Allemagne. Enfin, depuis 30 ans, en France, on sort les sortants, par principe.

Dès qu'il fut élu en 2007, on pouvait donc se douter que l'élection de 2012 serait autrement plus compliquée pour Nicolas Sarkozy. Il fallait donc en tirer les conséquences. "L'énergie que l'on met à durer, on ne la met pas à faire" avait coutume de répondre Nicolas Sarkozy, lorsqu'on lui posait assez tôt la question d'un second mandat. La meilleure des choses aurait donc été de tenir compte de ce principe. Trop souvent, la politique de la majorité a été altérée en se souciant des courbes d'opinions ou d'échéances électorales. Cela ne fut pas d'une grande utilité : l'exécutif fut impopulaire, et à part les élections européennes, les élections locales ont été largement perdues. Le mandat donné par les Français avait pourtant une durée de cinq années, et portait sur la "rupture". Eh bien il aurait fallu cinq années de rupture.

Nicolas Sarkozy, sixième Président de la République, aurait donc du utiliser toute son énergie à vraiment changer la France, en impulsant les réformes structurelles qui lui font tellement défaut. Certaines ont été faites. Mais ce n'était qu'une petite partie de ce que la France avait besoin. Dans de nombreux cas, ce sont des textes profondément édulcorés qui ont été adoptés, provoquant autant de rage protestatrice que si aucune concession n'avait été faite, mais apportant en fin de compte peu de changements. "On tiendra bon" avait dit Jean-François Copé il y a cinq ans. Si seulement...

Si la défaite était inévitable, il aurait donc fallu en profiter pour vraiment changer les choses et vaincre les conservatismes. Ce sera probablement le principal regret de cette Présidence. Il y a un autre regret associé à cette défaite : que celui qui soit amené à remplacer Nicolas Sarkozy soit quelqu'un comme François Hollande. Au sein de l'opposition, c'était loin d'être le plus brillant, nous voilà réduits à espérer qu'il deviendra un autre homme une fois élu, et qu'il n'appliquera pas son funeste programme.

dimanche 20 mai 2012

Un parti pirate ?

Lors de l'élection régionale en Rhénanie du Nord Westphalie, il y a une semaine, 7,8 % des voix sont allées au "parti pirate" allemand. Peu de temps auparavant, ce parti était également parvenu à un résultat similaire en Schleswig-Holstein. En Suède, où le premier "parti pirate" a été créé, des tels résultats ont permis à cette mouvance d'avoir deux députés européens, grâce à la proportionnelle. De tels partis se répandent en Europe. Ainsi, plusieurs dizaines de candidats devraient être alignés sous cette étiquette en France, à l'occasion des élections législatives.

En tant que tel, il est difficile de dire que la création d'un nouveau mouvement politique est une mauvaise chose. En effet, l'un des principes de base des démocraties représentatives, c'est que si l'on pense pouvoir faire mieux que les élus actuels, on n'a qu'a se présenter soi-même pour voir si l'on trouve l'assentiment de ses concitoyens, et ce que l'on donne si on est élu. C'est strictement ce que font les militants des partis pirate. La vraie question à se poser est plutôt : "faut-il voter pour un parti pirate ?" Chacun répondra à cette question en son âme et conscience (s'il se la pose), mais l'étude des propositions du parti force quelques observations.

En premier lieu, il s'avère que c'est un parti monothématique. C'est encore pire que les partis écologistes ou de défense de la chasse : la seule question que les "pirates" se posent, c'est, comme leur nom l'indique, celle du piratage sur internet. Et leur réponse est sans ambiguïté : ils sont pour. En revanche, pour tout le reste, ce ne sera pas à eux à qui il faudra s'adresser. L'emploi ? Le pouvoir d'achat ? Le logement ? La pérennité des retraites ? Les crises financières actuelles ? La productivité des entreprises françaises ? Ce sont les problèmes les plus importants en France de nos jours, ceux qui demandent de vraies réponses, réponses que seraient bien incapables de donner les pirates. Ils s'adressent avant tout à un public de personnes s'intéressant peu à la politique en particulier et à l'actualité en général, et ils espèrent recueillir les suffrages de personnes qui, comme eux, font du téléchargement illégal un vrai mode de vie.

Car au fond, en défendant le "partage" systématique de tous les contenus intellectuels, ils cherchent surtout à échapper aux sanctions pénales luttant contre les infractions au code de la propriété intellectuelle. Dans leur logique, toute oeuvre doit pouvoir être partagée, donc téléchargeable gratuitement, facilement et sans risque, ce qui suppose la fin des organismes de lutte contre le piratage, la fin des protections anti-piratage, la fin des législations dédiées... C'est donc le loup qui réclame la fin des clôtures autour des bergeries, le libre accès au mouton, et la fin des chiens de garde. Il n'est pas difficile d'imaginer ce qui se passerait dans un tel cas. Le parti pirate français critique le système économique actuel de la propriété intellectuelle, affirme qu'il se portera mieux si ses propositions sont adoptées, mais ne semble pas comprendre que l'adoption de telles propositions rendrait à peu près vain toute tentative de se faire de l'argent en créant de nouvelles œuvres. Pour filer la métaphore, qui se donnerait la peine de s'occuper d'une bergerie, si le bénéfice irait exclusivement aux loups, et non au berger ?

En fin de compte, la lutte du parti pirate, c'est celle de pouvoir télécharger le dernier film des Transformers alors qu'il est encore au cinéma, sans risquer de se faire couper sa connexion à Internet en représailles. Est-ce vraiment la question majeure de notre époque ? Pas du tout. En conséquence, la pertinence d'un parti pirate dans notre débat politique est nulle.

mercredi 16 mai 2012

Un repris de justice à Matignon

Six heures. C'est le temps qui se sera écoulé entre l'entrée en fonction de François Hollande, et sa première promesse rompue. La promesse en question n'était pourtant pas bien veille. Elle ne datait que du mois dernier, quand le candidat avait déclaré, une semaine avant le premier tour, "je n’aurai pas autour de moi à l’Élysée des personnes jugées et condamnées". Il a pourtant nommé à Matignon Jean-Marc Ayrault, bel et bien condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir confié un marché public à une personnalité proche du Parti Socialiste. Au moins, on sait à quoi s'en tenir sur la moralisation de la vie politique. Mais Jean-Marc Ayrault, ce n'est pas qu'une condamnation. Lui aussi n'a aucune expérience ministérielle, ce qui lui permettra de ne pas être meilleur que François Hollande. En revanche, son point fort, c'est qu'il sait parler allemand. C'est dommage que ce soit le Président où les ministres qui iront le plus souvent aux sommets européens, cela aurait pu être utile.

La composition du gouvernement obéit à une tradition française bien ancrée depuis toujours : être faite en urgence en moins de 36 heures, même lorsqu'on a une dizaine de jours pour la préparer. Observons là plus en détail sur quelques points :
  • Manuel Valls à l'Intérieur et Vincent Peillon à l'Education, ce sont deux nominations parfaitement logiques.
  • A l'instar de son alter ego Alain Juppé, Laurent Fabius est increvable, et réussit à décrocher à nouveau un gros ministère. Il se voit ainsi récompensé pour ne pas avoir obéi à François Hollande sur le Traité Constitutionnel Européen en devenant numéro deux du gouvernement et chargé des Affaires étrangères.
  • Marisol Touraine et Michel Sapin récupèrent le même ministère, les Affaires sociales.
  • En 2007, Ségolène Royal avait promis à Nicolas Hulot de nommer un vice Premier ministre chargé de l'Environnement. Nicolas Sarkozy avait promis de mettre à la tête d'un grand ministère de l'environnement un poids lourd politique, numéro deux du gouvernement. Ce fut d'abord Alain Juppé, puis Jean-Louis Borloo. Ce fut déjà un peu moins le cas avec Nathalie Kosciusko-Morizet, qui fut alors numéro quatre. Désormais, c'est donc une parfaite inconnue, Nicole Bricq, qui reprend l'Environnement, seulement huitième au rang protocolaire.
  • Arnaud Montebourg récupère un ministère au nom ronflant, le "redressement productif", qui n'est en fait que l'Industrie. Ce ne devait pas être un nom assez sexy.
Pour en revenir à la condamnation de Jean-Marc Ayrault, c'est vrai qu'il y a pire. Après tout, le PS soutient toujours sans sourciller Jean-Paul Huchon, qui lui a pourtant été condamné pour enrichissement personnel. Mais au delà de la promesse non tenue de François Hollande, on remarque quand même le deux poids, deux mesures de la gauche. Elle n'avait cessé de monter au front pour attaquer sur le plan du droit des membres du gouvernement qui n'avaient pas été condamnées, et contre lesquelles il n'y avait même pas de preuves le plus souvent. A contrario, le cas Jean-Marc Ayrault, c'est censé ne rien être du tout. En définitive, il faut savoir que pour la gauche, un coupable de gauche est forcément innocent, et un innocent de droite est forcément coupable.

lundi 14 mai 2012

François Hollande rend hommage au promoteur de la colonisation

La Présidence de François Hollande s'ouvrira demain sur un symbole fort : il rendra hommage au grand promoteur de la colonisation au XIXème siècle, Jules Ferry, un authentique raciste. Le choix de Jules Ferry comme personnalité marquante au mieux relève de la mémoire sélective, au pire témoigne de valeurs profondément abjectes de la part du nouveau Président. En effet, pour toute personne qui connait un minimum l'Histoire de France, Jules Ferry c'est avant tout le grand architecte de la colonisation de l'Afrique et de l'Asie par la France à la fin du XIXème siècle, qu'il justifiait pour le prestige de la France, la nécessité d'ouvrir de nouveaux débouchés et la nécessité d'éduquer les "races inférieures". Tout cela est parfaitement connu, et il y a un an, la façon dont Jules Ferry a justifié la colonisation dans un long discours à l'Assemblée Nationale était déjà racontée ici-même, bien avant qu'il ne vienne à l'esprit de François Hollande de déposer des fleurs au pied de sa statue.

"Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures..." "Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures..." Voilà comment Jules Ferry énonçait sans sourciller ses théories sur les races inférieures et les races supérieures (auxquelles il appartenait dans son esprit, naturellement). Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui reprochent encore à la France son passé colonial. Est-ce là la réponse du nouveau Président, montrer que pour lui, les théories racistes de Jules Ferry doivent être honorées, cinquante ans après la décolonisation ?

Le philosophe Luc Ferry a dit que, plutôt que rendre hommage à son homonyme Jules Ferry, François Hollande aurait mieux fait de rendre hommage à Georges Clemenceau, qui s'est fortement opposé à Jules Ferry et à la colonisation, car il ne croyait aucunement à l'existence de "races inférieures" et à la nécessité de faire la guerre à des peuples qui n'avaient rien demandé. C'est vrai. Et il y a bien une statue de Georges Clemenceau sur le parcours de François Hollande, sur les Champs Elysées, à Paris. Mais elle restera seule, quand un des plus grands représentants de la colonisation et du racisme en France se verra célébré par le nouveau Président, François Hollande, comme symbole de l'inflexion qu'il veut donner à son quinquennat.

dimanche 13 mai 2012

Fou, Breivik ? Bien au contraire !

Le procès d'Anders Behring Breivik est au centre de l'actualité norvégienne, un an après son attentat et son effroyable massacre. Vu l'ampleur du cas, c'est également un sujet d'actualité internationale. La question de la santé mentale de Breivik est au cœur du procès, parait-il. S'il n'est pas considéré responsable car fou, il passera le restant de ses jours à l'asile. S'il l'est, il passera plusieurs décennies en prison, voire plus, puisqu'il y resterait tant qu'il serait considéré dangereux. Et en fin de compte, le fait que ce soit sa santé mentale qui soit l'enjeu du procès en dit plus sur le reste de la société que sur lui-même. En effet, cela prouve seulement notre incapacité à envisager qu'un homme puisse avoir des idées et des comportements si éloignés des nôtres... d'où notre besoin de le faire passer pour "fou".

Mais pour ce que l'on sait de cette affaire, nous ne sommes pas dans un cas de perte de la raison. Il n'a pas obéi à des voix qui, un beau matin, lui ordonnaient de massacrer des gens. Il n'a pas commis ses actes par impulsion, l'entendement obscurci par des pensées totalement incohérentes. Au contraire. Nous voilà dans le cas d'un homme qui a usé de raisonnements tout au long du processus qui l'a mené jusqu'à cette tuerie. C'est bien pour prouver cela qu'il avait mis en ligne sur Internet un ouvrage détaillant l'ensemble de ses raisons, sa façon de procéder, le problème qu'il estimait devoir résoudre, les données de ce problème, et son plan pour y arriver. D'un bout à l'autre il est resté cohérent avec lui-même. Encore maintenant, il doit être ravi de pouvoir faire la promotion de ses idées à travers ce procès très médiatisé.

Evidemment, le problème qu'il expose n'est pas le bon, et, ce qui est pire, sa méthode ne consiste qu'à tuer des gens qui n'ont pas de vrai rapport avec ce qu'il croit combattre. Plus qu'une défaillance de sa raison, son souci est la défaillance de son système de valeurs. C'est le moins que l'on puisse dire que d'affirmer qu'il n'a aucun rapport avec le notre. Ce système de valeurs est tellement aux antipodes de celui du reste de la société qu'il nous apparaît comme parfaitement horrible, difficilement envisageable, à rejeter vigoureusement... Mais lui, dans son système de valeurs prônant la supériorité de l'occident et la lutte contre ses ennemis perçus par tous les moyens, il se sent parfaitement à l'aise. Du reste, on a peu accusé les nazis ou les terroristes islamistes d'avoir perdu la raison.

Tous les gens comme Breivik sont difficilement compatibles avec la société, puisqu'ils la rejettent si violemment. Breivik a déjà prévenu qu'il consacrera toute sa vie à sa "cause", le fait qu'il soit en vie est déjà du bonus par rapport à ses plans. Il restera donc éternellement dangereux, et ne pourra donc jamais être libéré. Son extrême marginalité ne doit pas nous leurrer : il reste un humain, et oui, comme on peut le voir, un humain peut être un massacreur froid. Cela n'est pas rassurant, et cela n'a rien de valorisant pour notre espèce, mais cela doit nous rappeler quelque chose de fondamental : la raison n'est jamais le but, mais seulement le moyen.

mardi 8 mai 2012

Le Modem, parti de gauche

Pour certains, ce fut semble-t-il une surprise. Mais François Bayrou avait déjà annoncé avant même que la campagne commence qu'il prendrait position lors du second tour, sous entendant qu'il appellerait à voter pour le candidat opposé à Nicolas Sarkozy. Il s'est donc prononcé en faveur de François Hollande. Ce faisant, il met fin à une fiction qui aura duré cinq ans, celle du "centre indépendant". Le centrisme pur, cela n'existe pas. On ne peut pas être à la fois dans la majorité et dans l'opposition. On peut être de centre droit ou de centre gauche, mais il est impossible d'être entre les deux, c'est comme faire de l'équilibrisme sur le fil d'un couteau : très rapidement, on bascule toujours d'un côté. Si l'ancienne UDF était censé être autrefois dans la majorité au début du second mandat de Jacques Chirac, François Bayrou s'est lui rapidement réfugié dans une opposition très classique, bien plus confortable. Sa posture d'opposant lui permit ainsi d'attirer bien des militants de gauche, effrayés par Ségolène Royal, mais soudés par la haine de la droite, pour établir le Modem.

Au bout du compte, le constat est bien net : le Modem est un parti de gauche. Et c'est un parti de gauche dont l'utilité n'est aujourd'hui plus avérée. En effet, à quoi bon un autre parti de gauche, alors qu'il y a déjà le Parti Socialiste ? Celui-ci n'a que faire du Modem. D'après les enquêtes d'opinion, l'électorat de François Bayrou s'est divisé entre les deux candidats restants d'une manière guère différente de celle de 2007. La prise de position de François Bayrou en faveur de François Hollande n'aura pas changé grand chose. Le Parti Socialiste n'a pas besoin du Modem pour gouverner. En effet, les législatives devraient lui donner une majorité suffisante pour gouverner seul. Et cette année, le Modem a moins le vent en poupe qu'en 2007, il y a donc peu d'espoir pour eux de créer un groupe parlementaire. Les électeurs qui voudront soutenir l'opposition aux socialistes voteront directement UMP, plutôt que pour un parti rallié comme le Modem.

Alors à partir de là, quel avenir pour le Modem ? Certains semblent bizarrement croire à une recomposition du centre droit autour de François Bayrou. Ce n'est que chimères. Pour commencer, une explosion de l'UMP apparaît aujourd'hui assez peu probable. Chez ceux qui en font actuellement partie, rares sont ceux qui y ont vraiment intérêt. Et si certains souhaitent en effet que ce parti se rééquilibre vers le centre, ce peut être fait sans grand big bang. Après tout, celui qui en était ultimement responsable, Nicolas Sarkozy, quitte la vie politique. En outre, les centristes de l'UMP ont encore moins apprécié les caricatures qui ont été faites de la campagne présidentielle que la campagne elle-même. Pour les sympathisants de l'UMP, le Modem s'est engagé pour la gauche, ils s'en souviendront à jamais et le tiendront responsables de la suite. Enfin, si une recomposition du centre droit devrait vraiment arriver, elle se ferait autour de Jean-Louis Borloo, avec le Parti Radical et le Nouveau Centre, qui ont toujours maintenu leur attachement à l'alliance avec la droite.

D'autres militants du Modem croient pouvoir jouer un rôle dans une majorité de gauche. Mais à part peut-être pour le seul siège de François Bayrou, il n'y a aucun accord électoral pour les prochaines législatives, et François Hollande a prévenu que son gouvernement serait socialiste. Le Modem ne bénéficie d'aucune considération de la part du PS, voilà tout. Quelques personnes se mettent à rêver que les résultats du gouvernement socialiste seraient tellement désastreux qu'après peu de temps, le Modem s'imposerait comme le recours naturel. Belle mentalité que celle induite par la politique du pire !

Au bout du compte, le Modem, ce n'est que François Bayrou. C'est un parti entièrement dédié au culte d'un seul homme, un homme qui a déjà été rejeté à trois reprises par les Français dans les urnes, un homme qui, ne pouvant être hégémonique à droite, se place à gauche, sans se rendre compte qu'il y a là encore moins de place pour lui.

dimanche 6 mai 2012

Président par hasard

Quand Nicolas Sarkozy fut élu en 2007, l'une des choses que l'on pouvait d'ores et déjà prévoir est que l'élection de 2012 serait beaucoup plus difficile pour lui en 2012. Et ce quelque soit la politique menée ou les résultats obtenus. En effet, en France, le leitmotiv des élections nationales, c'est "sortez les sortants", où ceux qui ont le pouvoir de fait n'arrivent jamais à le conserver. Valéry Giscard d'Estaing avait été battu en 1981. François Mitterrand avait perdu sa majorité en 1986. Le Premier ministre Jacques Chirac ne fut pas élu Président en 1988, il fut battu largement au second tour. François Mitterrand a de nouveau perdu sa majorité en 1993. Le Premier ministre Edouard Balladur ne fut pas élu Président en 1995, il ne passa même pas le premier tour. Jacques Chirac a perdu sa majorité en 1997. Le Premier ministre Lionel Jospin ne fut pas élu Président en 2002, il ne passa même pas le premier tour. En fin de compte, la prouesse dans tout ça, c'est que Nicolas Sarkozy ait réussi à se faire élire en 2007 alors que son camp était au pouvoir depuis cinq ans. Mais chacun se souvient qu'au sein de la majorité, sa différence avec Jacques Chirac avait très marquée depuis longtemps.

Alors qu'il y a quelques mois les sondeurs annonçaient une défaite aux proportions hors normes, telle que 62-38 pour son adversaire, il s'avère en fin de compte qu'elle reste honorable, avec 48 % des suffrages exprimés, voire plus. C'est de toute façon conforme au mouvement général en Europe où ceux qui ont été au pouvoir pendant cette crise économique sont guidés vers la sortie, qu'ils soient de droite ou de gauche. Désormais, Nicolas Sarkozy s'éloigne logiquement de la vie politique, et ce sera à ceux qui restent de décider quelle orientation prendra la droite et le centre droit.

Pour ce qui est de la France, dans l'immédiat, les choses ne sont pas dures à imaginer. Il n'y aura pas de grand "changement", comme il n'y a avait pas eu de "rupture" en 2007. En fait, tout continuera comme avant, comme lors des précédents gouvernements socialistes. Alors, bien sûr, ce soir, il y a des gens qui font la fête, croyant vraiment que tout va changer. Plus tard, ils seront déçus, ou bien voudront revivre cette sensation de rêver. Peut-être qu'il y aura moins de grèves, maintenant que les syndicats ont un parti idéologiquement compatible au pouvoir. Les professionnels de l'indignation sauront se taire, quelques soient les circonstances. Mais engoncée dans ses conservatismes, la France ne règlera pas ses problèmes de fond.

Dans tout cela, il y a quand même une lueur d'espoir. Auparavant, on croyait qu'être Président de la République, c'était avoir des talents de meneur d'hommes et arriver à créer un mouvement populaire en sa faveur. Seuls des personnalités exceptionnelles pouvaient occuper un tel poste. Ce n'est plus le cas, et on se rend compte désormais que n'importe qui peut le devenir, comme on l'a vu ce soir. François Hollande se retrouve donc élu Président grâce à un impressionnant concours de circonstance.

L'écroulement spectaculaire de Dominique Strauss-Kahn a permis aux candidats socialistes de second choix d'arriver sur le devant de la scène. Parmi ceux-là, il s'est avéré qu'il n'y en avait pas un qui s'imposait naturellement par son charisme et ses compétences. François Hollande fut désigné, étant comme au temps où il était le premier secrétaire du PS le plus petit dénominateur commun. Il n'était pas celui qui avait le plus de qualités, il était celui qui n'avait pas les défauts des autres. Dans toute cette campagne, personne n'a expliqué pourquoi François Hollande était qualifié pour devenir Président. Mais cette campagne fut menée comme un référendum sur Nicolas Sarkozy, et moins que la victoire de François Hollande, aujourd'hui, c'est la défaite du Président sortant. C'est comme cela que l'on a vu plusieurs personnalités politiques déclarer soutenir François Hollande, prenant pour argument qu'il ne réaliserait probablement pas son programme.

Alors bonne chance à François Hollande. Après tout, ce serait dommage que celle-ci ne le quitte qu'au moment où elle pourrait servir tout un pays et non pas une seule carrière.

Photo : Duvignau/Reuters

samedi 5 mai 2012

Quelques messages du peuple libyen

C'était l'année dernière :












mardi 1 mai 2012

Besoin de courage

C'était le 21 février dernier. Au Parlement, il s'agit de voter la création du Mécanisme de Stabilité Européen (MSE), un dispositif visant à améliorer le soutien aux pays les plus durement touchés par la crise de la dette. Au Parti Socialiste, on est bien embêté. En effet, ce dispositif, voulu par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, semble enfin être une solution durable pour la crise financière. D'ailleurs, depuis que son principe a été décidé, les marchés financiers se sont calmés, et ont réduit la spéculation sur les défauts de dette. Seulement, il met en avant la nécessité d'une gestion rigoureuse des dépenses publics, quelque chose dont les socialistes sont loin de raffoler. Mais ce n'est pas le plus grave. Ainsi, Jean-Christophe Cambadélis dénonce un "piège politique", puisque si c'est une réussite, Nicolas Sarkozy voudra en "faire un argument dans l'élection présidentielle". Et il est hors de question que Nicolas Sarkozy puisse améliorer les choses, c'est une question de priorité. Ce jour-là, les socialistes ont donc refusé de voter pour la création du MSE, et se sont donc abstenus. Ils étaient pour que ce soit fait, mais pas pour que ce soit Nicolas Sarkozy qui le fasse, et ce refus de s'engager reflète cela.

Cette semaine, l'hebdomadaire britannique The Economist explique souhaiter la victoire de Nicolas Sarkozy. Ses thèmes de campagne n'ont pas été bons, dit-il, mais dès leur une mondiale, il signale que François Hollande est un homme "plutôt dangereux". Dangereux, car d'une gauche désormais bien ancienne, un lointain souvenir pour le reste des pays développés. Une gauche qui ne se soucie pas de la rigueur budgétaire, et croit que les richesses se partagent, plutôt que se créent. Une telle politique est totalement inadaptée à notre époque, et le fait que François Hollande ne soit pas gêné de laisser tomber la coopération franco-allemande pour privilégier une telle orientation économique a de quoi inquiéter. La France a besoin de réformes, et il n'en est pas question pour François Hollande. Il se pose en garant de l'ordre établi.

Aujourd'hui, la France a besoin de réformes structurelles, de dynamisme, d'action, de décisions. Celles-ci ne sont pas faciles à prendre tellement les conservatismes, les rigidités, les pré carrés sont défendus avec rage par les partisans du statu quo. Aujourd'hui, la France a besoin de courage. A cette aune, Nicolas Sarkozy est bien plus qualifié que François Hollande. Alors que François Hollande n'a jamais fait preuve de leadership au sein de son propre parti, Nicolas Sarkozy a su prendre les bonnes décisions quand il le fallait.

Quand la crise financière s'est subitement aggravé, lorsque le gouvernement américain a laissé couler Lehman Brothers, c'est tout le système financier mondial qui pouvait s'effondrer suite à cette onde de choc. Concrètement, cela voulait dire que les banques pouvaient faire faillite les unes à la suite des autres, les particuliers perdre leur épargne, les entreprises mettre presque toutes la clé sous la porte. Cela aurait été en matière économique l'équivalent d'une guerre nucléaire en matière militaire.

C'était au second semestre 2008, la France présidait alors le Conseil Européen. Lors d'une réunion extraordinaire de cette instance, les pays européens ont coordonné leur réponse à cette crise financière, en garantissant les épargnes, et en mettant en place un plan de soutien au secteur financier. Il n'y avait pas de quoi gagner en popularité sur ce dossier, puisque c'était se condamner à être accusé de "donner de l'argent aux banques". Mais il fallait le faire, et Nicolas Sarkozy s'est battu pour que ce plan soit adopté par le Parlement français en un temps véritablement record, au regard de l'urgence et du risque. In fine, on ne donnait pas d'argent aux banques, on le prêtait, et il a même rapporté des intérêts. Mais une réponse prompte et efficace était nécessaire, et elle fut mise en place. Evidemment, on se souviendrait bien mieux de ce moment-là si le secteur financier se serait vraiment effondré. Parfois, c'est déjà une victoire de pouvoir maintenir les choses en l'état.

Cinq ans après l'élection présidentielle de 2007, plus personne n'ose imaginer ce qui se serait passé si Ségolène Royal avait élu, et qu'elle eut du affronter les événements récents à l'Elysée. C'est un choix similaire qui s'offre à nous maintenant. Il paraît qu'en 2009, François Hollande pensait être le meilleur pour être Président de la République. On se demande ce qui lui a permis de penser cela, vu son profil et ses expériences passées. Nicolas Sarkozy n'est peut-être pas le meilleur des hommes pour occuper ce poste, mais il est sans nul doute le meilleur des deux candidats restants.

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