Quand Nicolas Sarkozy fut élu en 2007, l'une des choses que l'on pouvait d'ores et déjà prévoir est que l'élection de 2012 serait beaucoup plus difficile pour lui en 2012. Et ce quelque soit la politique menée ou les résultats obtenus. En effet, en France, le leitmotiv des élections nationales, c'est "sortez les sortants", où ceux qui ont le pouvoir de fait n'arrivent jamais à le conserver. Valéry Giscard d'Estaing avait été battu en 1981. François Mitterrand avait perdu sa majorité en 1986. Le Premier ministre Jacques Chirac ne fut pas élu Président en 1988, il fut battu largement au second tour. François Mitterrand a de nouveau perdu sa majorité en 1993. Le Premier ministre Edouard Balladur ne fut pas élu Président en 1995, il ne passa même pas le premier tour. Jacques Chirac a perdu sa majorité en 1997. Le Premier ministre Lionel Jospin ne fut pas élu Président en 2002, il ne passa même pas le premier tour. En fin de compte, la prouesse dans tout ça, c'est que Nicolas Sarkozy ait réussi à se faire élire en 2007 alors que son camp était au pouvoir depuis cinq ans. Mais chacun se souvient qu'au sein de la majorité, sa différence avec Jacques Chirac avait très marquée depuis longtemps.

Alors qu'il y a quelques mois les sondeurs annonçaient une défaite aux proportions hors normes, telle que 62-38 pour son adversaire, il s'avère en fin de compte qu'elle reste honorable, avec 48 % des suffrages exprimés, voire plus. C'est de toute façon conforme au mouvement général en Europe où ceux qui ont été au pouvoir pendant cette crise économique sont guidés vers la sortie, qu'ils soient de droite ou de gauche. Désormais, Nicolas Sarkozy s'éloigne logiquement de la vie politique, et ce sera à ceux qui restent de décider quelle orientation prendra la droite et le centre droit.

Pour ce qui est de la France, dans l'immédiat, les choses ne sont pas dures à imaginer. Il n'y aura pas de grand "changement", comme il n'y a avait pas eu de "rupture" en 2007. En fait, tout continuera comme avant, comme lors des précédents gouvernements socialistes. Alors, bien sûr, ce soir, il y a des gens qui font la fête, croyant vraiment que tout va changer. Plus tard, ils seront déçus, ou bien voudront revivre cette sensation de rêver. Peut-être qu'il y aura moins de grèves, maintenant que les syndicats ont un parti idéologiquement compatible au pouvoir. Les professionnels de l'indignation sauront se taire, quelques soient les circonstances. Mais engoncée dans ses conservatismes, la France ne règlera pas ses problèmes de fond.

Dans tout cela, il y a quand même une lueur d'espoir. Auparavant, on croyait qu'être Président de la République, c'était avoir des talents de meneur d'hommes et arriver à créer un mouvement populaire en sa faveur. Seuls des personnalités exceptionnelles pouvaient occuper un tel poste. Ce n'est plus le cas, et on se rend compte désormais que n'importe qui peut le devenir, comme on l'a vu ce soir. François Hollande se retrouve donc élu Président grâce à un impressionnant concours de circonstance.

L'écroulement spectaculaire de Dominique Strauss-Kahn a permis aux candidats socialistes de second choix d'arriver sur le devant de la scène. Parmi ceux-là, il s'est avéré qu'il n'y en avait pas un qui s'imposait naturellement par son charisme et ses compétences. François Hollande fut désigné, étant comme au temps où il était le premier secrétaire du PS le plus petit dénominateur commun. Il n'était pas celui qui avait le plus de qualités, il était celui qui n'avait pas les défauts des autres. Dans toute cette campagne, personne n'a expliqué pourquoi François Hollande était qualifié pour devenir Président. Mais cette campagne fut menée comme un référendum sur Nicolas Sarkozy, et moins que la victoire de François Hollande, aujourd'hui, c'est la défaite du Président sortant. C'est comme cela que l'on a vu plusieurs personnalités politiques déclarer soutenir François Hollande, prenant pour argument qu'il ne réaliserait probablement pas son programme.

Alors bonne chance à François Hollande. Après tout, ce serait dommage que celle-ci ne le quitte qu'au moment où elle pourrait servir tout un pays et non pas une seule carrière.

Photo : Duvignau/Reuters