Réflexions en cours

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mercredi 29 novembre 2006

Le gaullisme aujourd'hui

René Rémond a brillamment exposé les différences entres les différentes familles de la droite française, en opposant notamment la droite bonapartiste à la droite orléaniste, la première se retrouvant d'une façon contemporaine dans le gaullisme, la deuxième dans le libéralisme. La création de l'UMP a pourtant mis une fin à la logique d'affrontement qui prévalait entre les différentes composantes du centre droit français. Mais les traditions de ces pensées politiques subsistent : ainsi, Nicolas Sarkozy est souvent considéré comme un libéral, ce qui a tendance à déplaire à ceux qui se considèrent chiraquiens, ou de façon plus noble gaulliste. Le désir de Michelle Alliot-Marie de se présenter à l'élection présidentielle relève d'une volonté de proposer une offre authentiquement gaulliste aux Français. Le RPR s'était d'ailleurs fondé en se considérant explicitement héritier du gaullisme, qui promeut une vision sociale de l'économie, ainsi qu'un fort attachement à l'intérêt national français. Ainsi, Michelle Alliot-Marie représenterait une forme plus interventionniste de la droite que celle de Nicolas Sarkozy, suspecté d'être libéral, et donc favorable à la loi de la jungle de l'offre et de la demande. Si Nicolas Sarkozy n'hésite pas en effet à en appeler à l'effort individuel pour l'amélioration des conditions de vie, il serait difficile de dire qu'il est un libéral pur et dur, à tel point que la presse étrangère le voit comme à peine différent sur ce plan des autres hommes politiques français. En effet, son passage par le Ministère de l'économie et des finances aura été marqué par un interventionnisme assumé en matière économique, comme lorsqu'il décida d'épauler temporairement Alstom, l'un des champions industriels français, le temps de ses difficultés.

En fusionnant avec une partie de l'UDF et avec Démocratie Libérale, il est difficile de dire que l'âme du RPR existe encore, même si tous ses anciens ténors sont encore aux hauts niveaux de la politique actuelle. En fait, l'UMP représente le centre et la droite française, avec une orientation républicaine et pro-européenne. Dès lors, le gaullisme est une des pensées de l'UMP, ce n'est pas la seule pour autant. La différence entre l'UMP et les alliances électorales précédentes est le fait qu'il n'y a plus vraiment de "vrai" gaulliste ou de "vrai" libéral : une personnalité politique ne se définit plus comme cela, car elle doit intégrer les différentes pensées de sa famille politique dans son raisonnement. Loin d'être un effort à faire, il s'agit d'une conséquence naturelle de l'union. Ainsi, si Michelle Alliot-Marie a de grands mérites et une vision claire de politiques à appliquer, en se définissant comme gaulliste uniquement il lui manque de nombreux angles d'analyses disponibles à la droite ou au centre-droit français. Et ce d'autant plus que certaines familles de pensée, certes plus modestes, mais dignes d'intérêts comme le radicalisme représenté par le Parti Radical Valoisien, participent aussi à cette union.

D'une façon plus générale, on peut s'interroger sur la signification concrète du gaullisme aujourd'hui. Si cette famille politique tournée vers l'interventionnisme, le souci social, l'exception française a une longue histoire relevant d'une tradition bonapartiste, il faut bien comprendre que le principal mérite du vrai gaullisme, c'était De Gaulle. C'est en effet par son talent, ses convictions, sa façon de faire et sa personnalité que les principes qu'il énonçait étaient applicables. Sa pensée politique était naturellement taillée sur mesure pour qu'elle soit appliquée par lui, et ce d'autant plus qu'elle pouvait surtout suivre ses actions comme des justifications a posteriori. En somme, il est bien dur d'être gaulliste sans De Gaulle. Le terme gaulliste valait surtout comme partisan du Général dans sa conduite des affaires, mais en fin de compte il n'y a pas de lignes claires sur la façon de gérer les affaires en son absence. Et ce d'autant plus qu'il savait lui-même être très pragmatique, acceptant ainsi la construction européenne tout simplement parce qu'il en était de l'intérêt de la France. Sa méfiance occasionnelle pour elle ne saurait être transformée comme une ligne de conduite par des héritiers obnubilés par le monument politique qu'il représentait. Ainsi, Nicolas Dupont-Aignan se montre particulièrement dogmatique lorsqu'il attaque l'Union Européenne en invoquant un gaullisme figé depuis plus de 35 ans. C'est pour cela que si un héritage de la pensée politique demeure, il ne saurait y avoir de gaullisme "pur" dans un monde qui a changé sans la pierre angulaire de cette pensée, le Général De Gaulle lui-même. Pour combler les failles ainsi crées, la possibilité de se pencher sur des analyses différentes permet d'offrir un éventail de possibilités élargi, et donc d'avoir une vision plus fine du monde actuel. Et c'est ce dont aura besoin le prochain Président ou la prochaine Présidente de la République française.

samedi 25 novembre 2006

Des Canaries à Mayotte

Lorsque le temps est calme et la mer apaisée, les conditions sont réunies pour favoriser les voyages en bateau d'immigrés clandestins vers les terres de l'Union Européenne. Dans ces critères, l'été 2006 a été particulièrement propice pour les départs depuis les côtes africaines jusqu'aux îles Canaries, qui ont de ce fait été rapidement submergées par l'immigration clandestine. Celle-ci passait auparavant par les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila en Afrique du Nord. Mais l'Espagne a du renforcer grandement ses mesures de sécurité pour rendre moins perméables ses frontières et se préserver d'un flux d'immigrants incontrôlable. Néanmoins, plutôt que de passer par le Sahara, les immigrants d'Afrique noire ont désormais trouvé un autre point faible : les îles européennes, en passant par la mer. Il faut dire que pour ceux qui arrivent à mettre un pied en terre européenne, la législation leur est particulièrement bienveillante : aucune expulsion immédiate, il leur est donné la chance de tenter des procédures de régularisation, qui, le temps de leur durée, leur donnera un titre de séjour provisoire, qu'elles soient un succès ou non. Il leur est également donné une somme d'argent, et ils sont le plus souvent envoyés en métropole espagnole, pour ne pas surcharger les îles Canaries. Dès lors, si un arrêté de reconduite à la frontière est prononcé à son égard, l'immigrant a eu tout le temps qu'il fallait pour se fondre dans la masse des sans-papiers, n'ayant aucun titre au séjour, mais restant clandestinement par le non-respect des lois.

Cette situation est inacceptable pour plusieurs raisons. D'abord, le voyage en lui-même : il est extrêmement dangereux pour les immigrants, qui laissent pourtant des sommes considérables à des passeurs peu scrupuleux, des sommes qui seraient mieux utilisées dans le développement local dans les villes ou villages d'origines des immigrants. Ensuite, l'immigration clandestine représente une faute originelle pour les immigrants qui ne respectent pas les lois des titres de séjour, qui ont été justement faites pour que l'immigration se fasse de façon saine tant pour les pays de départ que pour les pays d'accueil. On peut certes s'interroger sur la misère qui pousse les Africains à prendre de tels risques, alors que la situation d'un immigré clandestin est fort logiquement difficile dans le pays où il s'installe. Il y a d'abord une ignorance des conditions de vie des personnes sans papiers dans les pays européens. Cette ignorance relève tant du rêve béat, que de la honte de ceux qui s'y trouvent déjà qui se refusent à expliquer à leurs proches restés au pays que leur investissement donne si peu de résultats. La pauvreté pousse de nombreux jeunes hommes à croire en cette illusion. Il faut donc supprimer l'illusion, en expliquant clairement les conséquences d'une telle immigration. Il faut évidemment aussi s'attaquer à la pauvreté. Quelles en sont les sources ? Nombreux sont ceux qui évoquent la dégradation des termes de l'échange entre pays sous développés et pays développés, dans la mesure où les premiers produiraient avant tout des matières premières, qui permettraient d'avoir de moins en moins de pays manufacturés en provenance des pays développés. C'est une explication à prendre compte, mais les pays d'Afrique noire connaissent tout de même une certaine croissance économique. Mais cette croissance ne se traduit pas forcément en développement des conditions de vie, de par les politiques bancales souvent adoptées dans ces pays. Le fait est surtout que cette croissance économique ne suffit pas à l'accroissement de la population.

En effet, s'il y a tellement de jeunes gens désespérés vis à vis de leur situation, c'est qu'ils sont en grand nombre pour des ressources économiques qui ne suivent pas, d'où la tentation du départ. A partir de cette constatation, l'idée d'une politique malthusienne apparaît comme pertinente. Dans des pays comme le Sénégal ou le Mali, le taux de croissance de la population est proche de 3 % par an, ce qui est considérable. Le nombre d'enfants par femmes dépasse les 5 enfants, ce qui fait une population qui augmente rapidement et est très jeunes, sans que le développement économique puisse suivre. Si l'accroissement de la population est souvent un facteur de croissance économique, il arrive un moment où les infrastructures économiques ne peuvent plus suivre et fournir un bon emploi à chacune de ces jeunes personnes, et ce d'autant plus lorsque les fondamentaux sont peu solides. Autrefois, les pays européens qui avaient une forte transition démographique voyaient leurs jeunes générations participer à l'exode rural et émigrer dans des terres autrefois relativement vierges comme les Etats-Unis. L'exode rural n'est désormais plus supportable en Afrique noire, vu les bidonvilles énormes qu'il a générés, et il n'y a plus de terres vierges. Il faut d'autant plus se resservir des leçons du passé, et se déterminer à adopter de vraies politiques de contrôle de naissances dans de tels pays, sous peine qu'ils soient condamnés à la misère. Malheureusement, il n'existe pas de volonté politique pour de telles mesures, et il n'y a même pas encore de débat public sur une telle opportunité.

En attendant, les conséquences néfastes de l'immigration clandestines se poursuivent. Ainsi l'île française de Mayotte connaît elle une situation semblable à celle des Canaries, à la différence près que les immigrants comoriens ne sont pas conduits en métropole française. Ils sont donc très nombreux à résider à Mayotte, et ce d'autant plus que les femmes enceintes comoriennes viennent à Mayotte dans le but avoué de donner naissance à un enfant qui pourra revendiquer plus tard la nationalité française, et donc donner un statut régulier à ses parents. Un tel détournement des lois généreuses françaises du droit du sol provoque une colère légitimes des Mahorais, de moins en moins nombreux proportionnellement parlant sur leur propre île. En effet, l'afflux de Comoriens est de plus en plus difficile à vivre pour eux, et des problèmes concrets se posent, comme la gestion des maternités, les plus actives de France, ou l'enseignement à dispenser à des enfants en grande partie étrangers, outre la création de fait d'un second bloc ethnique sur une petite île. L'exaspération des Mahorais est telle qu'ils en sont à demander une remise en cause partielle du droit du sol pour faire face à cette situation exceptionnelle, et François Baroin, le ministre des DOM-TOM, recherche activement une solution alors que la métropole semble se sentir peu concernée. Ainsi, que ce soit aux Canaries ou à Mayotte, il faut prendre le problème de face et trouver des solutions à l'ampleur du problème de ces îles, quitte à remettre en cause les conditions d'accueil des immigrants clandestins.

mercredi 22 novembre 2006

Sylvie Goulard pour le Mouvement Européen

Le Mouvement Européen France défend depuis des décennies la construction européenne avec un but fédéral. Avec ses milliers d'adhérents, il a par exemple fait campagne pour le Traité Constitutionnel européen. Cette association oeuvre donc en faveur de l'intérêt général en promouvant la construction européenne, dans une logique de paix, d'union, et d'efficacité. Malheureusement, cette dernière campagne fut un échec. Et à l'heure où l'Union Européenne est déboussolée par le refus français, il est temps pour le Mouvement Européen français de voir ce qu'il aurait pu mieux faire pour la promotion de ses objectifs. Auparavant, le président du Mouvement était coopté par son prédécesseur, par des accords tacites et d'obscurs équilibres entre partis. En effet, si l'association n'est pas apolitique dans la mesure où elle défend une certaine ligne politique en matière d'Europe, elle se veut transpartisane, ce qui veut dire que chacun laisse de côté ses convictions qui n'ont rien à voir avec la construction européenne pour combattre ensemble en faveur de celle-ci. Mais désormais, le président peut être élu par le Conseil National, ce qui est nouveau en soi, et cela a une importance dans la mesure où cette fois il y a deux candidatures. Ainsi, si le président sortant, Pierre Moscovici, se représente, il doit faire face à Sylvie Goulard, l'une des personnalités de l'association.

Pierre Moscovici présente dans sa profession de foi des idées intéressantes d'actions à venir pour le Mouvement Européen. Et il faut lui reconnaître l'introduction du débat dans l'association en permettant justement cette possibilité de multi-candidatures. Mais dans sa présentation, l'idée d'aborder la questions des frontières de l'Europe semble taboue : il ne voit en elle que la possibilité de division entre pro-européens, et s'avoue favorable à la poursuite des négociations entre l'UE et la Turquie jusqu'à leur terme. A vrai dire, il est d'autant plus hostile à ce genre de débat qu'il est personnellement favorable à l'adhésion turque. Et s'il refuse le débat sur un éventuel échec de l'adhésion turque, c'est pour d'autant mieux proposer comme priorité la tenue d'un débat sur les liens entre l'Europe et "l'espace méditerranéen", soit l'Afrique du Nord.

On pouvait penser que Pierre Moscovici, en tant que personnalité politique influente, aurait pu promouvoir avec force les idées du Mouvement Européen. S'il a effectivement souvent accès aux médias, c'est toujours en tant que membre du Parti Socialiste, et jamais en tant que président du Mouvement Européen. De plus, lorsqu'il s'exprime sur la construction européenne, c'est carrément pour se faire l'avocat passionné d'une Union Euro-Méditerranéenne, allant "de l'Arctique jusqu'au Sahara" selon l'expression de Dominique Strauss-Kahn, dont il est le lieutenant. Donc s'il se montre peu en avant pour le Mouvement Européen, il souhaite continuer à en être le président pour lui faire adopter ses propres idées d'espace euro-méditerranéen, qui n'a plus grand chose à voir avec l'idée d'Europe fédérale que l'association défend.

En face, la candidature de Sylvie Goulard a plusieurs mérites. D'une part, elle n'est pas une personnalité politique, ce qui lui permet d'être au-dessus du débat droite/gauche, en étant pas de la mêlée, et donc de s'affranchir d'accords millimètrés censés éviter de froisser les égos de chacun. De plus, lors de la prise de parole, ce ne pourrait être qu'en tant que présidente du Mouvement Européen. Car il faut plus qu'une simple association organisant des débats entre convaincus pour faire progresser le fédéralisme, il faut que celle-ci soit un porte-voix, un mégaphone de la cause européenne. Enfin, Sylvie Goulard n'hésite pas à aborder la question des frontières de l'Europe, et celle de la candidature turque. Car elle n'ignore pas que l'adhésion de ce pays changerait la construction européenne et anéantirait toute possibilité d'Europe fédérale. Défendre celle-ci c'est donc aussi combattre les obstacles qui lui sont prévus. Sa personnalité, son parcours, ses propositions sont donc les bonnes pour le Mouvement Européen, et c'est pour cela qu'il faut souhaiter sa victoire dans cette élection.

mardi 21 novembre 2006

"Parlez-moi de moi"

Ségolène Royal serait populaire car les gens se sentiraient proches d'elles, ou plutôt ils la sentent proche d'eux, à l'instar de Jean-Pierre Raffarin ou d'Antoine Pinay en leur temps, qui ressemblaient à "l'électeur ordinaire". Elle comprendrait les problèmes de chacun et affirme que chaque personne est le meilleur expert pour parler de ce qui lui arrive. Difficile de faire plus populiste. En effet, en démocratie, la voix de chaque citoyen compte, mais est-ce synonyme du fait que chaque citoyen défende ses propres intérêts dans l'isoloir ? Ce serait oublier très vite le seul souci qui doit animer l'électeur dans sa prise de décision : l'intérêt général.

Car c'est bien la recherche de l'intérêt général qui doit primer dans le débat démocratique. Certes, bon nombre de gens vivent des vies difficiles, et ils souhaitent pouvoir avoir un peu d'espoir quant à l'amélioration de leurs conditions de vie. Ils sont nombreux, et ils forment de façon notable le bien être de la population. C'est évidemment les plus faibles qu'il faut protéger, en créant les conditions d'une amélioration de leur vie. Mais l'intérêt général est-il la somme des intérêts particuliers ? On peut en douter, tant ces intérêts particuliers peuvent diverger, et s'annuler mutuellement. L'intérêt général est donc tant quantitatif dans la mesure où c'est l'intérêt du plus grand nombre, mais aussi qualitatif, dans la mesure où il représente les différences de progrès respectives entre les différentes politiques possibles. Dès lors, ne juger qu'au vu de son propre intérêt particulier est profondément réducteur vis-à-vis de l'analyse de l'intérêt général. Cela peut même être franchement contradictoire.

La meilleure façon de parler à l'électeur est donc de lui présenter les problèmes qui se posent à la communauté, que l'électeur connaît peut être lui-même, et les solutions possibles pour y remédier, par ordre de gravité. S'adresser à l'électeur en lui disant qu'on va régler chacun de ses problèmes, en oubliant que la résolution de certains en apporte d'autres à d'autres personnes, et que c'est donc une question de priorité. C'est clairement un optimum de second rang qui est recherché, un premier rang n'étant pas possible. Mais trop souvent, cet état de fait est nié, et en conséquence la population n'en tient pas compte, mesurant la réussite d'une décision qu'à sa propre expérience et à ses propres intérêts. Il est néfaste de cacher que tout n'est pas possible uniquement pour faire "rêver" le peuple et s'assurer ainsi l'élection. Une personnalité politique responsable est celle qui annonce avant l'élection les mesures qu'il compte prendre, aussi douloureuses soient-elles pour certaines personnes, et qui les applique après, avec un certain pragmatisme et une volonté forte.

"Parlez-moi de moi". C'est le message envoyé par chacun, car tout le monde aime se sentir concerné. Si ce message peut s'appliquer pour des magazines, il ne saurait en être de même pour la politique. Dans ce domaine, c'est le "nous" du peuple qui doit primer.

lundi 20 novembre 2006

L'eau de Paris

La protection de l'environnement nous encourage à être économes en ressources, et donc d'utiliser moins d'eau courante et moins d'énergie, d'éviter les gâchis pour éviter les effets secondaires relatifs à la production et au retraitement de ces flux essentiels à chacun. Mais visiblement, ce n'est pas la logique appliquée par la municipalité de Paris, pourtant censée être en pointe sur les questions environnementales.

En effet, le Conseil municipal de Paris a voté une augmentation de près de 10 % du prix du mètre cube d'eau il y a quelques jours, et prévoit de recommencer en décembre. Le motif invoqué pour cette augmentation est le fait que les ressources dégagées par l'exploitation sont insuffisantes pour assumer les coûts engagés, et ce du fait que la consommation d'eau courante a baissé de 20 % depuis 1990. Ainsi, même pour l'un des conseils municipaux les plus dominés par les Verts, la consommation responsable de ressources est punie plutôt qu'encouragée. Malgré toutes les campagnes d'information sur le thème "prenez une douche plutôt qu'un bain", "utilisez vos eaux usées pour les utilisations non alimentaires ou sanitaires", "prenez soin de la planète", ce genre de décision tend à montrer que les pouvoirs publics qui promeuvent ces attitudes responsables ne prennent pas en compte les progrès de leur population. Quelle confiance leur accorder alors ? De telles mesures tendent à dissuader en fait la pratique du développement durable. Un consommateur peut légitimement penser qu'en consommant moins, il aura également moins à dépenser tout en préservant les ressources naturelles. Mais non, visiblement, il joue dans un marché de dupes, où il sera perdant dans toutes les situations.

C'est donc une décision tout à fait scandaleuse, qui saborde la confiance envers la promotion du développement durable, ce qui est bien évidemment nuisible à tous. C'est une hypocrisie d'autant plus grande de par la nature pro-environnementale revendiquée par ce conseil municipal. Mais ce qui est presque aussi étonnant est le fait que rares sont les médias qui l'ont évoqué, et ceux qui l'ont fait l'ont montré comme une décision tout à fait ordinaire, alors qu'il y a un raisonnement tout à fait perverti que celui de punir les consommateurs pour les progrès qu'ils réalisent pour l'environnement. A vrai dire, cette hausse du prix de l'eau courante est une injure faite aux citoyens, aux défenseurs de l'environnement au quotidien. L'hypocrisie qui l'entoure, et le manque de réaction des vigies traditionnelles donne à cette eau parisienne un goût bien amer.

dimanche 19 novembre 2006

La doctrine Monroe

En 1823, le président américain James Monroe affirmait que le continent américain entier relevait uniquement de l'influence des Etats-Unis dans le sens où toute tentative d'intervention européenne en Amérique du Sud était exclue. En 1904, Theodore Roosevelt ajouta son propre corollaire à cette doctrine : les Etats-Unis auraient désormais le droit d'intervenir en Amérique latine pour défendre ses intérêts. Ainsi, si le premier mouvement était une marque d'hostilité au colonialisme des Européens, le second établit de fait un certain protectorat sur les pays latins. C'est ainsi une certaine forme de cynisme qui est mise en avant, dans la mesure où les grands idéaux de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes mis en avant pour justifier une politique est bafouée pour justifier son prolongement.

C'est par de tels procédés que les Etats-Unis ont été amenés à avoir les mains sales dans biens des pays d'Amérique latine et centrale. La paranoïa des administrations américaines à propos de l'extension du communisme les a amenés à financer les opposants les plus douteux à la cause du socialisme d'Etat. En pratique, cela s'est traduit par des guérillas entre pouvoir en place et rebelles, l'un étant soutenu par les Etats-Unis, l'autre par l'URSS, dans des conflits toujours particulièrement répugnants. Il faut dire que ce ne fut pas l'apanage de l'Amérique latine, de tels affrontements ayant eu lieu dans de très nombreux pays à travers le monde dans le cadre de la guerre froide. Dans le cas des ingérences des Etats-Unis dans son continent, les exemples sont édifiants. La manoeuvre la plus célèbre et la plus décriée fut le support de la CIA au coup d'Etat réalisé par le Général Pinochet contre Salvador Allende au Chili en 1973, établissant au passage une dictature militaire. Il y en d'autres, et le soutien de l'administration Reagan aux contre-révolutionnaires du Nicaragua en est un symbole. Mais c'est évidemment Cuba qui reste un point toujours épineux, vu comment les Présidents américains qui se sont succédés ont toujours été nerveux d'avoir un régime hostile proche de la Floride. Lors de l'arrivée de Fidel Castro, le tort des communistes étaient avant tout de remettre en cause les intérêts commerciaux américains dans le pays, et c'est ce qui a donné lieu à la pitoyable expédition de la Baie des Cochons. Puis lorsque le régime cubain s'est allié aux Soviétiques, la crise des missiles de Cuba a légitimé cette inquiétude. En fin de compte, il y a eu un certain consensus implicite : Cuba ne serait le théâtre de mouvements militaires pour aucun des deux super puissances.

Mais l'effondrement du bloc soviétique a beaucoup changé la donne. Il est désormais difficile de suspecter les pays socialistes d'Amérique latine de danger mortel pour les Etats-Unis. Mais curieusement, ces derniers les prennent toujours autant au sérieux. C'est en particulier le cas pour Hugo Chavez. Celui-ci, dirigeant du Venezuela, un pays riche en pétrole, énerve fortement l'administration Bush par ses rodomontades, la proximité affichée avec le régime de Fidel Castro, ses quelques tentatives de créer une coalition diplomatique anti-US en Amérique latine ou bien par sa volonté d'insulter George Bush en prenant tout le monde à témoin, comme lorsqu'il décide de fournir du fuel aux citoyens des Etats-Unis les plus modestes. Ce qui constitue une volonté d'humiliation, en tentant de montrer que le Venezuela, pays pauvre, est obligé de venir en aide à la population d'un pays riche.

Hugo Chavez est un vrai souci pour les Etats-Unis, alors qu'il est très loin de Mahmoud Ahmadinejad ou de Kim Jong-Il dans le danger effectif. En fait, les Etats-Unis ne souffrent pas la contestation, y compris lorsqu'elle vient d'un petit pays. Le fait que le Venezuela se trouve dans la zone concernée par la Doctrine Monroe et le corollaire Roosevelt est une circonstance aggravante. Mais vis-à-vis d'une menace nulle, plutôt que de reprocher à un pays ses remarques hostiles, pourquoi ne pas essayer de montrer qu'elles ne sont pas justifiées ?

jeudi 16 novembre 2006

Double nationalité

Les franco-algériens sont de plus en plus mal vus. Alors que la société française est décrite par certains comme raciste, cette phrase s'applique en fait à l'Algérie. En effet, les conditions de la double nationalité devraient être revues dans un pays qui voient dans ceux qui en disposent comme des émissaires des intérêts français. Ainsi, le Président algérien Abdelaziz Bouteflika souhaite que ceux qui ont à la fois la citoyenneté algérienne et celle d'un autre pays fasse un choix, et en particulier si l'autre nationalité est celle française. Car après avoir obtenu son indépendance, l'Algérie semble avoir un grand besoin de se constituer une identité nationale, et en l'occurrence celle-ci se fait contre la France, étant donné que c'est le plus facile. On voit ainsi que les Franco-Algériens se plaignent de discriminations en France, et ne sont pas les bienvenus en Algérie. Vouloir garder une attache française veut dire refuser son "algérianité" outre Méditerranée selon le mouvement actuel, et l'Algérienne Assia Djebar fut même raillée quand elle entra à l'Académie Française, pour sa supposée soumission. Zinedine Zidane lui-même fut aussi regardé de haut par le pouvoir en place, pour ne pas avoir mis ses talents pour l'Algérie (bien qu'il n'ait que la seule nationalité française, ses parents sont d'origines algériennes). Mais devant la ferveur populaire algérienne en faveur du joueur français, Abdelaziz Bouteflika a préféré faire croire que Zinedine Zidane était toujours algérien, en organisant un voyage à la gloire du footballeur, et par ricochet du Président algérien.

Si les relations semblent encore difficiles avec l'Algérie, la question de la double-nationalité est posée : ceux qui en bénéficient déclarent se sentir comme appartenant également à deux pays. Pourtant, ce double choix est vu comme un non-choix par les pays concernés, que ce soit par leurs gouvernements ou leurs populations.

lundi 13 novembre 2006

Casino Royal

La sortie du prochain James Bond approche. Mais ce qui fait l'activité actuellement, c'est la primaire pour l'investiture socialiste à l'élection présidentielle. Jeudi, le PS votera pour désigner son candidat. Et dans cette campagne, on ne peut pas dire que l'affrontement ait été digne de ceux que mène l'espion britannique. En effet, elle a été féroce, mais on peut comprendre que Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn ne se soient pas laissés remisé par une candidature qui aurait du être fantaisiste. Ségolène Royal aura montré au cours des derniers mois un état d'impréparation ahurissant pour un poste de si haut niveau, en essayant de montrer son "originalité" en lançant des idées bancales voire inquiétantes, comme lorsqu'elle propose de faire du tirage au sort un procédé de contrôle démocratique à la place du suffrage universel, pour ensuite se lancer dans des explications de texte tenant lieu de retraites désorganisées.

Si elle a eu lieu de nombreuses occasions de s'exprimer, ce fut à chaque fois pour provoquer la consternation de ceux qui l'écoutaient vraiment. Lorsqu'on lui demande comment elle compte financer les mesures du programme socialiste, voire faire reculer la dette, elle s'en tient à dire qu'elle compte sur une croissance plus forte. Oui, mais comment obtenir une croissance plus forte ? Elle déroule alors un argumentaire stupéfiant, expliquant que le manque de croissance s'explique par le manque de confiance entre le gouvernement et les administrations régionales, qu'il y a du "désordre", qu'elle veut elle veut l'"ordre juste", et que ça suffira pour créer les conditions de la croissance. L'alignement de la couleur du gouvernement avec celle des exécutifs des régions, voilà tout son programme économique. Qui est contre l'ordre ? Qui est contre la justice ? Qui est contre l'ordre juste ? Elle tient depuis des mois sur des slogans creux, et pour de nombreuses personnes qui s'intéressent au débat politique, le subterfuge commence à devenir vraiment grossier. Sur la plupart des grands sujets, elle apparaissait incompétente en comparaison de ses adversaires. Est-ce sa vraie nature, ou tente-t-elle de dissimuler ce qu'elle pense vraiment ?

L'affaire de la vidéo où elle annonce clairement qu'elle ne veut pas "crier sur les toits" ses idées de réforme de l'enseignement au collège de peur de provoquer la colère des syndicats, montre avant même d'observer le fond du problème, qu'elle ne fait de la politique qu'à grands coups de sondage, quitte à tenir un double langage sur ce qu'il faut faire, et que ce qui compte avant tout est d'être suffisamment populaire pour être élue, le reste passe après et de loin. Dès lors, s'exprimer, c'est prendre des risques. Et vu comment elle se décrédibilise sur les figures obligées comme l'économie ou la politique étrangère, il est naturel qu'elle ne souhaite pas être audacieuse sur le reste. Du reste, ce n'est pas ce que ses partisans demandent. La plupart la soutienne uniquement en considérant qu'elle est la seule à pouvoir battre de Nicolas Sarkozy. Quant on lui demande ses différences, elle répond que sa différence est visible, et qu'il est temps que la France ait une femme chef de l'Etat. Certes, mais pourquoi ce serait-elle ? Les féministes combattent pour que les jugements se fassent sur les compétences, et non sur le sexe. Pour Ségolène Royal, sa féminité est le seul élément qu'elle met en avant pour demander les suffrages des citoyens, c'est donc bien l'inverse d'une démarche d'égalité des sexes. Cet angle qu'elle a adopté pour sa campagne touche au répugnant, lorsque son ultime argument pour contrer les critiques de ses propositions (ou de ses non-propositions) est d'accuser ses adversaires de machisme, en s'abritant derrière une stratégie de victimisation qui ne convient évidemment pas pour un Président ou une Présidente de la République.

Dès lors, une éventuelle victoire de Ségolène Royal en mai 2007 serait un pari extrêmement risqué pour la France. Pour s'en sortir il faudrait qu'elle nomme un Premier ministre solide, qui prendrait la responsabilité de la plupart des questions. Mais il n'est pas dit que cela suffise. Les Français devront refuser un jeu où ils ont toutes les chances de perdre, malgré la séduction qu'il peut engendrer.

samedi 11 novembre 2006

Le joli coup de Nicolas Hulot

En menaçant de se présenter à l'élection présidentielle, Nicolas Hulot a indéniablement adopté une stratégie astucieuse pour faire progresser ses convictions sur la protection de l'environnement. Il le dit lui-même : il n'a aucune envie d'y aller. Les contraintes de la campagne seraient énormes, alors qu'il ne souhaite pas vraiment assurer les fonctions de président, à l'inverse de personnalités à la popularité moins flagrante. Mais il a envie de défendre des idées, et surtout l'environnement. Lors de ses voyages à travers le monde, il a eu l'occasion d'en observer la beauté, et combien celle-ci était menacée. Il y a bel et bien une urgence vis-à-vis de l'effet de serre, et si cela fait une vingtaine d'années que la question a été posée, elle reste jusqu'à présent sans réponse. Il y a tout de même une prise de conscience dans le pouvoir politique : Al Gore étudiait ces questions lorsqu'il était sénateur, et son engagement actuel n'en est que la continuation. Nicolas Hulot lui-même a depuis des années l'oreille de Jacques Chirac, qui n'a pas été inactif en la matière. Nul besoin de Verts au gouvernement pour faire progresser la cause écologique, et cette précaution est désormais inscrite dans la Constitution française. C'est la mesure la plus symbolique, mais des mesures concrètes ont été également prises. Ce n'est certes pas suffisant, et c'est pour cela que Nicolas Hulot prend la parole aujourd'hui.

Il le fait au travers d'un pacte, une demande d'engagement aux candidats aux présidentielles et aux simples citoyens. Il y d'autant moins d'excuses à ne pas en tenir compte que, contrairement à d'autres démarches écologiques déconnectées, les objectifs et recommandations prônées sont pragmatiques et réalisables. Les objectifs sont particulièrement clairs et impératifs : transports moins gourmands en énergie, recherche en la matière, biodiversité doivent être pris en compte dans la création des politiques publiques. Les propositions ont le mérite d'être ouvertes au dialogue, ce qui est un signe de souci d'efficacité. On peut se demander en effet si l'imposition des émissions de carbone est le meilleur moyen dans toutes les situations de les diminuer. Quant à la mise en place d'une grande politique de sensibilisation, elle sous-entend cruellement que trop nombreux sont ceux qui ne prennent pas déjà en compte cette préoccupation. On ne peut alors pas en faire l'économie.

C'est donc en défendant un objectif clair et de façon pragmatique que Nicolas Hulot a demandé le soutien de tous les autres candidats, sous peine de s'y mettre lui-même. Son combat désintéressé et ses émissions émouvantes l'ont rendu populaire, et une éventuelle candidature, appuyée par la société civile, serait dangereuse pour chaque parti, de par la concurrence créée. Avec une menace suffisamment crédible, il a réussi à imposer l'environnement dans le débat présidentiel. Cela devrait se traduire par des engagements clairs des différents candidats qu'on sera leur rappelé une fois au pouvoir. Il est encore heureux qu'un simple citoyen puisse participer de façon forte au débat sans être un politicien de métier. Ce n'est pas forcément évident, mais Nicolas Hulot a trouvé le moyen d'utiliser sa notoriété de façon crédible et intelligente pour faire progresser une cause qui nous concerne tous.

jeudi 9 novembre 2006

La campagne électorale des mid-terms

Les élections de mi-mandats aux Etats-Unis ont vu les républicains défaits par les démocrates, qui ont repris le contrôle du Sénat comme de la Chambre des représentants, ce qui n'était pas arrivé depuis 1994. Les motifs de mécontentement des électeurs américains étaient nombreux : guerre en Irak évidemment, mais aussi scandales sexuels, corruption, débats moraux sur les cellules souches, usage de la torture, respect des libertés individuelles, économie et thématiques locales... tout cela a favorisé un vote démocrate fort, qui s'apparentait davantage à une sanction de pouvoir en place. La législature précédente avait failli à contrôler efficacement l'exécutif, alors que c'est précisément son travail. Les représentants s'étaient d'ailleurs faits remarquer par leur faible présence au Congrès ces deux dernières années.

Mais il n'y avait pas que des représentants et des sénateurs à élire, chaque électeur pouvait voter pour un bon nombre de décisions à prendre, comme les éventuelles élections de gouverneurs, de maires, de députés ou sénateurs d'état, ainsi que de nombreux postes plus ou moins locaux, sans oublier les nombreux référendums sur lesquels les citoyens avaient à se prononcer. A ce titre, il faut remarquer la façon dont s'est déroulée la campagne électorale. Aux Etats-Unis, elle est longue, précédée plusieurs mois en avance par la campagne des primaires entre les différents candidats aux investitures démocrates ou républicaines pour un même poste. Mais elle est surtout complètement dominée par des questions d'argent, vu les sommes folles nécessaires pour financer chaque campagne si jamais elle est disputée. La compétition se transforme souvent en une épreuve de levée de fonds, ce qui l'éloigne des électeurs.

En effet, si elle a une influence énorme sur le monde entier, les Américains se désintéressent beaucoup de la politique de leur pays. Les taux d'abstentions sont bien pires qu'en France, surtout pour les élections de mi-mandats, où il n'y a pas l'enjeu de la présidentielle pour attirer les électeurs. En conséquence, la politique n'attire pas forcément les téléspectateurs, et dans leurs tranches d'informations, elle est traitée de façon assez distante par les grands réseaux de chaînes télévisés. Certes, la politique est bien plus présente sur les chaînes continues d'informations, mais on est plus dans le cadre de l'information généraliste. De ce fait, pour apparaître à la télévision devant le plus grand nombre, les candidats doivent dépenser des sommes immenses en publicités télévisées, pratique autorisée outre Atlantique au nom de la liberté d'expression. Avant même les primaires, la viabilité d'un candidat est donc mesurée aux sommes qu'il arrive à lever par divers moyens : riches particuliers, petits dons d'anonymes, dîners avec des personnalités, ou bien financement par des lobbys. Cette dernière possibilité est la plus navrante, mais c'est pourtant la plus efficace : de nombreux groupes de pressions font le maximum pour faire passer leurs vues et les intérêts de leurs clients dans la législation américaine. La frontière avec la corruption n'est vraiment pas loin, mais c'est comme cela que ça marche là bas.

Dans ces publicités, les candidats font d'abord la promotion de leur personne, pour se faire connaître et apprendre aux électeurs les qualités qui les caractérisent. Des sondages serrés ou franchement mauvais incitent ensuite à adopter un autre angle, celui de l'attaque personnelle envers le concurrent. A ce titre, à peut prêt toutes les accusations sont permises : soumission aux lobbys justement, incompétence, irrésolution, absence de service dans l'armée, mensonges, le fait d'être proche d'une personnalité impopulaire (en l'occurrence cette année, les républicains essayaient de se distancer de George Bush), petite vertu, infidélité au sein du mariage, racisme... la liste est vraiment sans fin. Et ce sont ces attaques que les candidats s'échangent par publicités interposées, à une fréquence qui devient infernale plus les élections approchent, rendant rares les publicités pour les produits de grande consommation. Cette année, les dépenses engagées dans les publicités télévisées pour les campagnes électorales ont battu les records précédents.

Le procédé est d'ailleurs tout aussi vicieux pour les référendums au niveau des états. En Californie, les manufacturiers de tabac ont dépensé des millions en publicités vraiment vicieuses pour convaincre avec succès les électeurs de rejeter une mesure qui les taxerait pour financer des programmes de santé, dont la lutte anti-tabac. De même, les compagnies pétrolières ont réussi à faire rejeter par ce moyen une mesure analogue finançant la recherche en énergies renouvelables. Les publicités laissaient entendre que cette mesure engendrerait un moindre financement des écoles, avec l'argument tordu et non énoncé que les taxes permettraient feraient baisser le bénéfice de ces sociétés, l'impôt sur les bénéfices serait donc moins élevé et les rentrées d'argent de l'état seraient donc moins importantes, d'où des difficultés à financer les écoles, la police ou les pompiers. Bref, ce fût presque une campagne uniquement constituée de coups bas et de malhonnêteté intellectuelle, et même s'il restait des sources d'informations rigoureuses qui parlaient de politique, elles semblaient bien loin du grand public.

mardi 7 novembre 2006

Le libéralisme avec Malthus

Thomas Malthus était un pasteur et un économiste du début du XIXème siècle. Proche de Ricardo, il se fait connaître par un essai de démographie où il expose le fait que le développement de l'agriculture n'arrive plus à suivre la croissance du nombre d'humains. Il ne voit que deux issues à ce problème. L'une d'elle est la solution qu'il prône, soit diminuer le nombre de bouches à nourrir en faisant diminuer le nombre des naissances par divers moyens, tels que l'abstinence ou un allongement de l'âge moyen où l'on se marie. Ce sont les politiques malthusiennes de contrôle des naissances qui sont encore appliquées aujourd'hui dans de nombreuses situations, comme dans le cas de la politique de l'enfant unique en Chine. L'autre issue des crises de surpopulation est moins débattue, mais elle est pourtant intéressante. Elle est appelée catastrophe malthusienne. Si la population dépasse trop la quantité de nourriture disponible, alors l'issue sera funeste. Cela se traduira par des famines, des guerres ou des épidémies qui feront des ravages dans la population.

La catastrophe n'est pas arrivée dans les termes énoncés par Malthus. D'une part, les progrès réalisés dans l'agriculture ont été meilleurs que prévus. Ensuite, par le biais de la transition démographique, le taux de natalité a fini par bien diminuer. Enfin, l'application de politiques malthusiennes a été une solution dans de nombreux pays. Mais la possibilité subsiste, elle a d'ailleurs été constatée au sein de populations animales. Du reste, si elle peut encore arriver pour des questions de nourriture, une catastrophe malthusienne est beaucoup plus envisageable pour des questions d'énergies, comme le pétrole, ou bien d'eau.

Mais on peut voir la catastrophe malthusienne sous un autre angle, celui de la forme la plus développée du libéralisme économique, résultant de l'offre et de la demande. En effet, la théorie néo-classique enseigne qu'aucune intervention n'est nécessaire, le marché faisant automatiquement ajuster l'offre à la demande. En l'occurrence, en cas de chômage massif, cela veut dire que le nombre de travailleurs excède celui des emplois. Normalement, le prix du travail devrait baisser de telle façon à ce que l'offre de travail diminue. Ainsi, tant qu'il y aura du chômage, les rémunérations diminueront. Au bout d'un moment, tout le monde aura du travail pour une rémunération quasi-inexistante. Cette rémunération ne sera pas suffisante pour nourrir les travailleurs, qui en toute logique, mourront. Au fur et à mesure des morts, le nombre des travailleurs diminuera, jusqu'à faire réaugmenter les rémunérations, et qu'elles atteignent un montant suffisant pour qu'elles permettent les travailleurs de survivre. C'est d'ailleurs ce que Marx analyse en évoquant le lumpenprolétariat, où le salaire offert aux travailleurs ne dépasse pas le montant strictement nécessaire pour qu'ils puissent reconstituer leur force de travail.

Bien sûr, la vision de morts courantes et ordinaires dans les ajustements du libéralisme du fait d'un déséquilibre ne peut que déranger. Mais il faut bien se rendre compte que c'est là l'aboutissement de cette logique, aussi terrifiant que cela soit. Heureusement, de nombreux organismes viennent en aide aux miséreux pour leur éviter au maximum de mourir. Ils sont nécessaires, mais pas prévus par la théorie libérale poussée à son paroxysme. Et c'est justement le point qu'elle ne doit jamais atteindre. Si le libéralisme est nécessaire, comme tout, il faut qu'il y ait un dosage dans son application.

lundi 6 novembre 2006

Les évangéliques américains

L'élection puis la réélection de George Bush en 2000 et 2004 ont été souvent attribués à l'activisme des évangéliques, les chrétiens protestants profondément conservateurs ayant une lecture littérale de la Bible qui rejettent l'avortement et le mariage gay pour promouvoir les valeurs familiales et une vision chrétienne du monde. George Bush en est d'ailleurs un, en étant un born again christian comme le sont de nombreux évangéliques, soit des personnes qui ont découvert la religion à un stade avancé de la vie pour lui donner un sens. Avant de découvrir Jésus, George Bush était un alcoolique qui ne savait pas quoi faire de sa vie, alors que son père évoluait au plus haut niveau. C'est sa conversion qui l'a poussé à défendre les valeurs qu'il venait d'adopter en politique, et qui l'a mené en politique. Comme lui, de plus en plus d'américains sont revenus au christianisme, parfois aidés par les mega churches dirigées par des pasteurs charismatiques, ce qui a fait émerger un mouvement de grande ampleur outre Atlantique.

Ces religieux ont tellement d'influence et de fidèles qu'ils en deviennent des célébrités souvent présentes dans les médias, et des acteurs à part entière de la vie politique américaine. Ainsi, Ted Haggard était l'un des porte étendards des évangéliques, et ses églises étaient remplies chaque semaine de milliers de personnes. Il soutenait sans ambiguïté George Bush, plaisantant même sur le fait que leur seul désaccord était sur quel modèle est le meilleur 4x4. Pourtant, alors que les républicains souhaitaient orienter à nouveau la campagne des mid-terms sur les valeurs morales, les conservateurs ont été ébranlés par une série de scandales à ce niveau là. Ainsi, il a été découvert un mois avant le vote que le représentant républicain Mark Foley essayait de débaucher des lycéens travaillant au congrès. Et quelques jours avant l'élection c'est précisément Ted Haggard qui a été accusé par un prostitué d'entretenir des relations sexuelles homosexuelles et de se droguer. Après n'avoir reconnu que des "massages", Ted Haggard a fini par reconnaître prendre des méthamphétamines et d'avoir un côté sombre dans sa vie, laissant bel et bien entendre qu'il bafouait les règles qu'il prônait. Au vu de la force de sa réprobation des comportements qu'il considère comme immoraux, on peut imaginer qu'il s'accorde plus facilement le pardon chrétien qu'aux autres.

Aux États-Unis, la religion permet à des milliers de personnes de retrouver un sens à leur vie, et de sortir des chemins sans issus. Mais faut-il vraiment que cette renaissance religieuse se fasse nécessairement au profit de ce qui s'apparente parfois à un extrémisme ? Il est possible de trouver du réconfort ou une moralité dans la religion tout en gardant des vues modérées, et parfois les fidèles semblent mal guidés par des pasteurs qui font passer leurs intérêts avant ceux des croyants en promouvant des idées exagérées. Et si la révolution conservatrice s'est faite en s'appuyant sur certaines des valeurs évangéliques, l'ensemble des évangéliques américains ne suit pas forcément le parti républicain dans ses méandres. Car après tout, le réchauffement climatique ou le sous développement dans le monde sont aussi des problèmes où les chrétiens peuvent vouloir intervenir fortement. Quant à la politique étrangère menée par les Etats-Unis, son appréciation par la Bible est variable, et à ce niveau là, il n'y avait aucune certitude sur la guerre en Irak. Pour la présidentielle de 2008, le vote évangélique peut donc être considéré comme ouvert pour les démocrates qui en auront besoin pour l'emporter.

vendredi 3 novembre 2006

Les transferts de technologie

On a souvent une vision misérabiliste des pays en voie de développement. Pourtant, en dehors de ceux de l'Afrique noire, la plupart d'entre eux font des progrès soutenus vers la prospérité économique. A ce titre, les Tigres et les Dragons d'Asie ont montré un exemple convaincant de développement réussi, et aujourd'hui la Chine connaît des taux de croissance annuelle dépassant les 9 %, alors que sous Mao, l'économie communiste blessait au plus haut point le pays et sa population. Le modèle appliqué par la Chine est à ce titre particulièrement intéressant. L'économie est désormais capitaliste, mais le régime politique est autoritaire. A ce titre, le gouvernement chinois a fortement orienté les directions prises par les entreprises, en contrôlant notamment les investissements étrangers, attirés par la perspective de toucher un énorme débouché de plus de un milliard de consommateurs aux revenus croissants.

Ainsi, les firmes multi-nationales ont du impérativement négocier leur implantation avec le gouvernement, et durent accepter systématiquement d'entrer sur le marché chinois en travaillant avec un partenaire local à travers une joint-venture. Le mécanisme permet à ces entreprises chinoises d'acquérir rapidement de l'expérience, notamment par le biais de transferts de technologies obligatoires par contrat, qui leur permettra plus tard de prendre leur envol seules. Aujourd'hui, les compagnies occidentales semblent ravies d'accepter et se félicitent des contrats ainsi obtenus. Mais demain elles auront à faire face à de nouveaux concurrents qu'elles auront elles-mêmes formés.

Il est naturel pour le gouvernement chinois de tirer profit de son avantage : en tant que système mi-communiste, mi-capitaliste, il ne respecte pas toutes les règles de l'économie libérale, et est la porte d'entrée nécessaire à l'accès aux nombreux consommateurs chinois. Il en tire donc une position dominante sur l'économie chinoise dont il fait profiter les entreprises nationales. Celles-ci deviennent de plus en plus fortes, et si elles s'occupent essentiellement d'assemblage en sous-traitance d'entreprises étrangères, elles acquièrent progressivement la connaissance nécessaire pour l'ingénierie et la conception, ce qui leur permettra d'augmenter la valeur ajoutée produite et maîtrisée.

Face aux bas coûts de la main d'Å“uvre chinoise, il est souvent prôné par les pays occidentaux la montée en gamme et la recherche et développement afin de créer des produits où l'avantage de coûts est moins évident. Mais la stratégie adoptée par la Chine lui permettra d'adopter à terme avec confiance la conception de produits technologiquement évolués, comme l'avait fait en son temps le Japon. Seulement ce sera à une toute autre échelle. Déjà, ces champions nationaux montrent les dents au niveau mondial : si les automobiles chinoises ont encore mauvaise réputation à l'étranger, les exemples du rachat des téléviseurs Thomson par TCL ou des PC d'IBM par Lenovo ont alerté les pays occidentaux sur la montée de compétiteurs redoutables. Il n'est pas encore dit que les entreprises chinoises seront forcément meilleures que les occidentales sur leurs propres marchés, mais l'on peut se poser la question sur la durabilité de tels transferts de technologie lorsque l'on apprend que pour vendre des avions, Airbus prévoit de faire construire leurs ailes en Chine. Tout le projet Airbus repose pourtant sur la fabrication d'avions en Europe, à quoi bon tant d'efforts européens à promouvoir son propre champion, si c'est pour que même les emplois demandant le plus de savoir-faire soient délocalisés ? La même question s'est posée pour les réacteurs nucléaires d'Areva. On peut donc être heureux qu'un pays autrefois extrêmement pauvre trouve sa place dans le capitalisme mondial. Néanmoins, il ne faut pas pour autant sous-estimer la Chine et le danger qu'elle représente au niveau économique, y compris sur les technologies les plus évoluées.

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