mardi 7 novembre 2006
Le libéralisme avec Malthus
Par xerbias, mardi 7 novembre 2006 à 20:15 :: Pensée politique
Thomas Malthus était un pasteur et un économiste du début du XIXème siècle. Proche de Ricardo, il se fait connaître par un essai de démographie où il expose le fait que le développement de l'agriculture n'arrive plus à suivre la croissance du nombre d'humains. Il ne voit que deux issues à ce problème. L'une d'elle est la solution qu'il prône, soit diminuer le nombre de bouches à nourrir en faisant diminuer le nombre des naissances par divers moyens, tels que l'abstinence ou un allongement de l'âge moyen où l'on se marie. Ce sont les politiques malthusiennes de contrôle des naissances qui sont encore appliquées aujourd'hui dans de nombreuses situations, comme dans le cas de la politique de l'enfant unique en Chine. L'autre issue des crises de surpopulation est moins débattue, mais elle est pourtant intéressante. Elle est appelée catastrophe malthusienne. Si la population dépasse trop la quantité de nourriture disponible, alors l'issue sera funeste. Cela se traduira par des famines, des guerres ou des épidémies qui feront des ravages dans la population.
La catastrophe n'est pas arrivée dans les termes énoncés par Malthus. D'une part, les progrès réalisés dans l'agriculture ont été meilleurs que prévus. Ensuite, par le biais de la transition démographique, le taux de natalité a fini par bien diminuer. Enfin, l'application de politiques malthusiennes a été une solution dans de nombreux pays. Mais la possibilité subsiste, elle a d'ailleurs été constatée au sein de populations animales. Du reste, si elle peut encore arriver pour des questions de nourriture, une catastrophe malthusienne est beaucoup plus envisageable pour des questions d'énergies, comme le pétrole, ou bien d'eau.
Mais on peut voir la catastrophe malthusienne sous un autre angle, celui de la forme la plus développée du libéralisme économique, résultant de l'offre et de la demande. En effet, la théorie néo-classique enseigne qu'aucune intervention n'est nécessaire, le marché faisant automatiquement ajuster l'offre à la demande. En l'occurrence, en cas de chômage massif, cela veut dire que le nombre de travailleurs excède celui des emplois. Normalement, le prix du travail devrait baisser de telle façon à ce que l'offre de travail diminue. Ainsi, tant qu'il y aura du chômage, les rémunérations diminueront. Au bout d'un moment, tout le monde aura du travail pour une rémunération quasi-inexistante. Cette rémunération ne sera pas suffisante pour nourrir les travailleurs, qui en toute logique, mourront. Au fur et à mesure des morts, le nombre des travailleurs diminuera, jusqu'à faire réaugmenter les rémunérations, et qu'elles atteignent un montant suffisant pour qu'elles permettent les travailleurs de survivre. C'est d'ailleurs ce que Marx analyse en évoquant le lumpenprolétariat, où le salaire offert aux travailleurs ne dépasse pas le montant strictement nécessaire pour qu'ils puissent reconstituer leur force de travail.
Bien sûr, la vision de morts courantes et ordinaires dans les ajustements du libéralisme du fait d'un déséquilibre ne peut que déranger. Mais il faut bien se rendre compte que c'est là l'aboutissement de cette logique, aussi terrifiant que cela soit. Heureusement, de nombreux organismes viennent en aide aux miséreux pour leur éviter au maximum de mourir. Ils sont nécessaires, mais pas prévus par la théorie libérale poussée à son paroxysme. Et c'est justement le point qu'elle ne doit jamais atteindre. Si le libéralisme est nécessaire, comme tout, il faut qu'il y ait un dosage dans son application.