Ségolène Royal serait populaire car les gens se sentiraient proches d'elles, ou plutôt ils la sentent proche d'eux, à l'instar de Jean-Pierre Raffarin ou d'Antoine Pinay en leur temps, qui ressemblaient à "l'électeur ordinaire". Elle comprendrait les problèmes de chacun et affirme que chaque personne est le meilleur expert pour parler de ce qui lui arrive. Difficile de faire plus populiste. En effet, en démocratie, la voix de chaque citoyen compte, mais est-ce synonyme du fait que chaque citoyen défende ses propres intérêts dans l'isoloir ? Ce serait oublier très vite le seul souci qui doit animer l'électeur dans sa prise de décision : l'intérêt général.

Car c'est bien la recherche de l'intérêt général qui doit primer dans le débat démocratique. Certes, bon nombre de gens vivent des vies difficiles, et ils souhaitent pouvoir avoir un peu d'espoir quant à l'amélioration de leurs conditions de vie. Ils sont nombreux, et ils forment de façon notable le bien être de la population. C'est évidemment les plus faibles qu'il faut protéger, en créant les conditions d'une amélioration de leur vie. Mais l'intérêt général est-il la somme des intérêts particuliers ? On peut en douter, tant ces intérêts particuliers peuvent diverger, et s'annuler mutuellement. L'intérêt général est donc tant quantitatif dans la mesure où c'est l'intérêt du plus grand nombre, mais aussi qualitatif, dans la mesure où il représente les différences de progrès respectives entre les différentes politiques possibles. Dès lors, ne juger qu'au vu de son propre intérêt particulier est profondément réducteur vis-à-vis de l'analyse de l'intérêt général. Cela peut même être franchement contradictoire.

La meilleure façon de parler à l'électeur est donc de lui présenter les problèmes qui se posent à la communauté, que l'électeur connaît peut être lui-même, et les solutions possibles pour y remédier, par ordre de gravité. S'adresser à l'électeur en lui disant qu'on va régler chacun de ses problèmes, en oubliant que la résolution de certains en apporte d'autres à d'autres personnes, et que c'est donc une question de priorité. C'est clairement un optimum de second rang qui est recherché, un premier rang n'étant pas possible. Mais trop souvent, cet état de fait est nié, et en conséquence la population n'en tient pas compte, mesurant la réussite d'une décision qu'à sa propre expérience et à ses propres intérêts. Il est néfaste de cacher que tout n'est pas possible uniquement pour faire "rêver" le peuple et s'assurer ainsi l'élection. Une personnalité politique responsable est celle qui annonce avant l'élection les mesures qu'il compte prendre, aussi douloureuses soient-elles pour certaines personnes, et qui les applique après, avec un certain pragmatisme et une volonté forte.

"Parlez-moi de moi". C'est le message envoyé par chacun, car tout le monde aime se sentir concerné. Si ce message peut s'appliquer pour des magazines, il ne saurait en être de même pour la politique. Dans ce domaine, c'est le "nous" du peuple qui doit primer.