Réflexions en cours

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vendredi 11 septembre 2009

Angela Merkel à la recherche d'une vraie majorité

Plus que deux semaines avant les élections fédérales allemandes, destinées à renouveler le Bundestag, et donc à déterminer la majorité qui gouvernera l'Allemagne pour les prochaines années. Les précédentes élections avaient été une déception pour tout le monde : puisqu'aucun parti ne les avaient nettement remportées, les deux plus grands partis allemands avaient été obligés de conclure un accord pour gouverner ensemble. La formule pose de nombreux problèmes. Pour commencer, elle force les différents acteurs à se limiter à la politique du plus petit dénominateur commun. Quand la CSU souhaite prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires alors que le SPD veut la raccourcir, une décision concrète devient difficile à prendre. En conséquence, les sujets qui font consensus sont traités encore plus facilement que d'habitude, et ceux qui divisent ne sont plus traités du tout. En outre, il est difficile de voir qui est responsable de quoi, les opinions tranchées étant beaucoup moins assumées. Enfin, en forçant les principaux partis traditionnellement adversaires à gérer ensemble le pays en période ordinaire (ce n'est pas une "union sacrée" volontaire), les électeurs ont du mal à voir où sont les alternatives à la politique exercée. Comme cela pu être vu ailleurs, et notamment en Autriche, ce sont les partis à la marge car fréquemment extrémistes qui ont tendance à en profiter. En Allemagne, le partie Die Linke, très à gauche, pourrait en bénéficier.

Or pour qu'une politique différente soit exercée, il suffit que l'un des deux partis forme une majorité dans laquelle elle aurait pas ou peu à partager le pouvoir, lui permettant d'assumer ses orientations politiques sans les restreindre. Que ce soit en matière de politique économique, énergétique ou européenne, ce serait notamment à l'avantage d'Angela Merkel. Elle est actuellement très populaire en Allemagne et dans toute l'Europe, pour sa capacité à gérer sérieusement les affaires gouvernementales, mais n'a pas pu au cours des quatre dernières années véritablement mettre en place son programme politique. Son adversaire, le ministre des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, a bien peu cherché à amoindrir les tensions occasionnelles avec la France, et cherche actuellement à effrayer les électeurs quant au programme de la CSU de par sa propre peur de perdre le pouvoir. Une victoire nette d'Angela Merkel est souhaitable, mais même si elle arrive, ce serait après un trop long retard. C'est déjà la deuxième fois depuis la seconde guerre mondiale que l'Allemagne fédérale est acculée à un gouvernement d'union forcée. Cela tend à montrer que les institutions allemandes ne permettent pas l'émergence de majorités suffisamment fortes pour former des gouvernements cohérents. Dans le contexte allemand, cet état de fait peut se comprendre. Mais cela permet de comprendre quelles sont les limites de tel ou tel choix institutionnel.

En l'occurrence, il n'est même pas certain que les prochaines élections apportent la majorité nette si désirée par l'ensemble des candidats. La CSU et le SPD sont liés par un bilan commun, et ne peuvent donc s'attaquer à ce sujet. Angela Merkel et Frank-Walter Steinmeier ne sont pas des personnalités forcément flamboyantes, et la campagne électorale a tendance à être assez morne. Nous sommes pourtant dans la dernière ligne droite avant les élections. La France, elle aussi, a connu une situation analogue. En 2002, Jacques Chirac et Lionel Jospin s'étaient partagés le pouvoir, et après cinq années de cohabitation, se sont tous deux présentés à nouveau à la présidentielle. Pour les électeurs, l'opportunité d'un changement apparaissait bien faible. La campagne fut également très peu animée. Au final, les résultats amenèrent une grande surprise, au milieu d'une forte abstention. C'est ce qui pourrait arriver le 27 septembre prochain en Allemagne.

lundi 7 septembre 2009

Ségolène Royal renie le Pacte écologique de Nicolas Hulot

Nicolas Hulot est de retour dans le débat politique, à l'occasion de la question de la taxe carbone, actuellement envisagée par le gouvernement. Celle-ci est combattue par une partie du Parti Socialiste, notamment par l'ancienne candidate à la présidentielle, Ségolène Royal. Lors de l'université d'été de son parti, elle a rejetée en bloc la mesure, la qualifiant d'"insupportable". Et elle se targue aujourd'hui d'être le fer de lance du combat contre la contribution climat énergie, l'autre nom de cette fiscalité visant à décourager l'utilisation d'énergies émettant du dioxyde de carbone dans l'atmosphère. C'est donc dans ce climat que Nicolas Hulot se voit obligé d'intervenir, déjà pour soutenir le principe même de la taxe carbone en général, ensuite pour en demander des modalités d'applications exigeantes, et enfin pour rappeler que de nombreux candidats à la présidentielle l'avaient soutenue pendant la campagne de 2007. Et parmi eux, Ségolène Royal.

A ce moment-là, Nicolas Hulot avait encouragé les différents acteurs de la vie politique française à signer son Pacte écologique, afin de s'assurer que ses propres idées quant à la sauvegarde de l'environnement seraient mises en œuvres pendant la prochaine législature, considérant que la question dépassait les clivages politiques. Le Pacte écologique, pour pouvoir facilement être diffusé au sein de la population, était bref et direct : dix objectifs de politique général et cinq propositions concrètes. Difficile donc de s'y noyer. Et parmi ces cinq propositions concrètes, la deuxième était "Instaurer une contribution climat-énergie en croissance régulière". C'est de cela dont il est question aujourd'hui.

Le 31 janvier 2007, Ségolène Royal a signé le Pacte écologique, prononçant un discours à cette occasion. Elle s'y montre alors clairement favorable, en disant dès le début "Ici, et devant vous, je réaffirme mon engagement à mettre en œuvre si je suis élue le Pacte écologique." Elle appelle même l'ensemble de la population à le signer. Et plus particulièrement sur la question de la taxe carbone, elle dit :

"J'engagerai donc un vaste chantier pour réformer la fiscalité écologique, afin d'intégrer le coût des impacts environnementaux dans le coût des produits et des services, et mettre les instruments existants en cohérence avec le principe pollueur-payeur. Dans ce cadre, je mettrai en œuvre une adaptation de la taxe carbone."

Elle ajoute ensuite vouloir mettre en place cette réforme de la fiscalité à pression constante, ce qui est le but affiché du gouvernement. En somme, le 31 janvier 2007, elle affirme clairement vouloir faire ce que le gouvernement fait actuellement, mais depuis, elle a changé d'avis sur son ancien engagement, qui semblait pourtant fort. Elle renie donc publiquement le Pacte écologique, expliquant désormais qu'elle avait des "très fortes réserves" quant à la taxe carbone, alors qu'elle l'avait soutenu dans ses propos, et s'était engagée en sa faveur par sa signature. Parlait-elle et s'engageait-elle à l'époque en croisant les doigts dans son dos, se disant intérieurement que c'était pour rire ? A quoi bon signer un texte que l'on approuve pas, sinon par opportunisme ?

Son refus actuel de la mesure qu'elle défendait hier pourrait s'appuyer sur des considérations semblables. Le socialiste Jack Lang parle aujourd'hui d'une "opération populiste et opportuniste" de la part de l'ancienne candidate dont il faisait partie de l'équipe de campagne, regrettant au passage la démonétisation de la parole politique. Il est indéniablement étonnant que Ségolène Royal renie aussi spectaculairement le Pacte écologique qu'elle avait soutenu avec énergie il y a deux ans. Si elle n'arrive pas à tenir ses propres promesses alors qu'elle n'est que dans l'opposition, la question de son comportement si elle était au pouvoir peut être posée.

Image : AFP

dimanche 6 septembre 2009

Quel secret de l'instruction ?

En matière d'informations "chaudes", le journaliste est friand de scoop. Il croit qu'une exclusivité, même temporaire, mais de 10 minutes, fera la différence entre son organe de presse et la concurrence. Les informations les plus intéressantes sont les mieux cachées. Il cherchera donc à trouver tout ce qu'il ne doit pas avoir accès normalement. Et c'est encore plus manifeste dans les cas où tout le monde sait qu'il existe une information, et que personne ou presque ne l'a. Voilà ce qu'il se passe quand une affaire judiciaire est en cours, lorsqu'elle est encore en instruction : par la loi, la procédure doit rester secrète. Avant d'arriver au procès, l'enquête est lacunaire, car encore en cours. La présomption d'innocence est déjà difficilement respectée dans le circuit judiciaire, elle l'est encore moins dans le cirque médiatique. Voilà pourquoi il existe la règle du secret de l'instruction.

Mais pour les journalistes, l'idée de ne rien savoir de ce qui est en train de se passer est forcément insupportable. Or ils arrivent visiblement à prédominer malgré tout. Quelque soit l'affaire, pour peu qu'elle soit spectaculaire ou implique des célébrités, les journalistes arrivent toujours à faire sortir les dossiers pour les publier directement. Par exemple, dans l'affaire Clearstream, les procès verbaux d'audition des différents témoins ou mis en examen se retrouvent systématiquement à la une des différents sites internet d'information à peine l'audition est-elle terminé. Les personne concernées doivent alors réagir sur le terrain médiatique ce qui devrait se limiter à ce moment-là au terrain purement judiciaire.

La pratique est en fait généralisée. Le secret de l'instruction est méprisé par toutes les parties. Car pour que les journalistes puissent avoir accès à ces informations, il faut qu'ils aient des sources. Et on comprend alors que le monde judiciaire est parfaitement infiltré par la presse, et que les juges n'hésitent pas à outrepasser les règles juridiques et les codes de procédure pour donner les informations. Plus personne ne se demande à qui profite ces fuites, ni si elles ne sont pas arrangées de telle façon à ce que cela profite à quelqu'un en particulier. Cela permet certes des articles qui se veulent croustillants, mais en filigrane cela pose une vraie question sur l'intégrité de la justice française.

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