En matière d'informations "chaudes", le journaliste est friand de scoop. Il croit qu'une exclusivité, même temporaire, mais de 10 minutes, fera la différence entre son organe de presse et la concurrence. Les informations les plus intéressantes sont les mieux cachées. Il cherchera donc à trouver tout ce qu'il ne doit pas avoir accès normalement. Et c'est encore plus manifeste dans les cas où tout le monde sait qu'il existe une information, et que personne ou presque ne l'a. Voilà ce qu'il se passe quand une affaire judiciaire est en cours, lorsqu'elle est encore en instruction : par la loi, la procédure doit rester secrète. Avant d'arriver au procès, l'enquête est lacunaire, car encore en cours. La présomption d'innocence est déjà difficilement respectée dans le circuit judiciaire, elle l'est encore moins dans le cirque médiatique. Voilà pourquoi il existe la règle du secret de l'instruction.

Mais pour les journalistes, l'idée de ne rien savoir de ce qui est en train de se passer est forcément insupportable. Or ils arrivent visiblement à prédominer malgré tout. Quelque soit l'affaire, pour peu qu'elle soit spectaculaire ou implique des célébrités, les journalistes arrivent toujours à faire sortir les dossiers pour les publier directement. Par exemple, dans l'affaire Clearstream, les procès verbaux d'audition des différents témoins ou mis en examen se retrouvent systématiquement à la une des différents sites internet d'information à peine l'audition est-elle terminé. Les personne concernées doivent alors réagir sur le terrain médiatique ce qui devrait se limiter à ce moment-là au terrain purement judiciaire.

La pratique est en fait généralisée. Le secret de l'instruction est méprisé par toutes les parties. Car pour que les journalistes puissent avoir accès à ces informations, il faut qu'ils aient des sources. Et on comprend alors que le monde judiciaire est parfaitement infiltré par la presse, et que les juges n'hésitent pas à outrepasser les règles juridiques et les codes de procédure pour donner les informations. Plus personne ne se demande à qui profite ces fuites, ni si elles ne sont pas arrangées de telle façon à ce que cela profite à quelqu'un en particulier. Cela permet certes des articles qui se veulent croustillants, mais en filigrane cela pose une vraie question sur l'intégrité de la justice française.