Réflexions en cours

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dimanche 30 novembre 2008

La mauvaise politique audiovisuelle de Christine Albanel

Parmi les ministres du gouvernement, la ministre de la culture Christine Albanel n'est pas la moins médiatisée. En effet, les dossiers qui la placent au devant de l'actualité sont nombreux. Elle est ainsi devenue celle qui porte le projet de la riposte graduée contre le piratage, un projet de loi qui n'est pourtant pas admissible d'après les règles édictées par le Parlement Européen. Elle est aussi la chef d'orchestre des états généraux de la presse, où elle vient de se faire remarquer par son souhait de faire profiter la presse d'un taux de TVA minimal de 2,1 %. Ce serait une nouvelle baisse de revenus pour l'Etat, alors que ses finances sont loin d'être à un niveau correct. Dans la lettre de mission à la ministre de la culture, Nicolas Sarkozy et François Fillon lui rappelaient pourtant la nécessité de faire en sorte de ne pas alourdir la dette. Cette préoccupation s'est envolée depuis longtemps. Nulle question de revoir le système de distribution ou les aides à la presse, mais envie spontanée d'accorder un cadeau fiscal. Mais le plus gros dossier qu'a à gérer Christine Albanel est celui de la réforme de l'audiovisuel, et elle peine vraiment à s'en sortir.

Il faut dire qu'à la base, cette réforme n'avait pas lieu d'être. Personne n'était demandeur de la suppression de la publicité sur France Télévisions. Quelque soit les choix de programmation, on ne trouvera jamais une majorité de satisfaits quant aux programmes du service public. Surtout, la question du financement de France Télévisions est immédiatement devenu un problème insoluble. La taxe sur les recettes du privé a été bien réduite après le passage au Parlement. Il est aussi question de taxer les nouvelles technologies, mais quoi qu'il en soit, tout cela continue une logique de taxation systématique de tout et n'importe quoi, alors qu'il était plutôt question de réduire les prélèvements obligatoires si l'on en croyait Nicolas Sarkozy. Alors qu'avec les ressources publicitaires, France Télévisions pouvait compter sur une source de revenue non négligeable provenant de prestations tarifées, il a fallu supprimer cela pour financer la télévision publique en prélevant l'argent autoritairement sur les agents économiques. La nomination du président de France Télévisions par le Président de la République est une autre idée qui ne peut être que dommageable pour tout le monde. Toute cette politique audiovisuelle est mauvaise. Christine Albanel ne semble pas se poser de questions quant à son application, et prend à coeur d'appliquer une politique déplorable.

On peut ainsi se poser la question de l'opportunité d'une deuxième coupure publicitaire dans les films sur les chaînes privés, si la publicité était si mauvaise que ça sur les chaînes publiques. L'accusation de rendre service aux dirigeants de TF1 existe, et devient de plus en plus difficile à rejeter. Christine Albanel s'en est même pris à M6 pour l'obliger à dépenser les sommes prévues par quota pour la production dans de la fiction au lieu de lui laisser le choix. M6 a pourtant une forte démarche de production de nouveaux programmes, centrée sur les magazines. Cela fait travailler autant de gens, mais l'idée de Christine Albanel est de forcer chaque chaîne à subir au moins les mêmes contraintes que celles de TF1, afin de ne pas être une menace pour elle. Au final, Christine Albanel semble avoir complètement oublié d'améliorer l'efficacité de son ministère. Elle passe bien plus de temps à polémiquer sur cette réforme de l'audiovisuel, parfois de façon incroyable comme lorsqu'elle explique quels sont les bons et les mauvais programme de France Télévisions. Alors plutôt que d'ouvrir les hostilités face à Julien Courbet et de laisser filer les dépenses en compensant les baisses de revenus de France Télévisions dont elle est à l'origine, ne ferait-elle pas mieux de tout simplement rendre plus efficace la politique culturelle de l'Etat français par rapport à ce qu'elle coûte ?

vendredi 28 novembre 2008

L'heure de Linux

Microsoft a décidé d'arrêter de vendre son ancien système d'exploitation Windows XP. Le but est bien sûr que ce soit la dernière version de Windows, Vista, qui soit installée sur tous les nouveaux PC. Les acheteurs de PC neufs n'ont donc pas le choix du système d'exploitation, puisqu'un PC dispose par définition de Windows. Pourtant Vista est presque unanimement conspué par ses utilisateurs. Problèmes de compatibilité avec d'anciens logiciels ou matériels, besoin de ressources systèmes disproportionnées, prix exorbitant... tout cela vendu de façon forcée avec la plupart des ordinateurs. Certaines personnes en sont venue à parler d'une "taxe Windows", dont on peut prendre conscience lorsque l'on constate la part importante représenté par ce système d'exploitation dans le prix d'un PC neuf. Le quasi-monopole de Microsoft sur les marchés des systèmes d'exploitations et des suites bureautique lui a permis de dégager d'énormes flux de trésorerie chaque année, dont il se sert pour imposer ses autres produits dans d'autres marchés, comme des baladeurs, des consoles de jeux vidéos, ou toute sorte de logiciels conçus par ses concurrents. Evidemment, à chaque fois que la situation de monopole est atteinte sur un marché, les prix s'envolent. Si le business model de Microsoft est performant, les consommateurs et entreprises qui achètent ses produits devraient s'interroger sur les nuisances représentées par cette titanesque corporation.

Des alternatives sont pourtant envisageables. Actuellement, elles gagnent en notoriété, mais elles peinent encore à devenir grand public car elles n'arrivent pas toutes à être faciles d'accès aux utilisateurs habitués aux logiciels Microsoft. Le navigateur Firefox a gagné de nombreuses parts de marché pour avoir réussis à minimiser ces difficultés de transition. Firefox est un logiciel libre gratuit de plus en plus utilisé par le grand public. D'autres logiciels libres sont prometteurs pour constituer une solution de remplacement aux produits Microsoft. Ils constituent même une opportunité de politique publique.

Linux est un système d'exploitation libre, ce qui veut dire qu'il est gratuit. Il est développé par de nombreux développeurs à travers le monde qui s'efforcent d'en améliorer les caractéristiques et la stabilité, à tel point qu'il est parfaitement fonctionnel pour tous les usages. Des entreprises informatiques travaillent sur des distributions de Linux pour entreprises et particuliers, sortes de configurations adaptées selon les utilisations, pour un coût bien plus faible qu'une version de Windows. Ces entreprises auraient tout à gagner à orienter leur recherche et développement pour limiter les difficultés de transitions des logiciels Microsofts aux logiciels libres, quitte même à ce sur certains aspects les logiciels libres aient l'apparence de quasi clones de ceux Microsoft. Cela créerait une formidable opportunité pour tous ceux qui ont à gagner à quitter Microsoft. En France, par exemple, les administrations pourraient progressivement migrer d'un bord à l'autre, d'abord avec la suite bureautique libre OpenOffice dès aujourd'hui, puis ensuite, au prochain renouvellement de matériel à une distribution Linux facile d'accès. Au final les économies représentées seraient considérables au niveau du budget de l'Etat et des collectivités locales, toujours en manque d'argent.

Le très grand marché représenté par les administrations encourageraient les entreprises travaillant autour des logiciels libres à poursuivre leurs efforts, permettant l'émergence d'un concurrent majeur à Microsoft. Les connaissances autour de l'utilisation de logiciels libres se répandraient au sein de la population, diminuant encore davantage le saut d'un système à un autre pour les particuliers et les entreprises. Au bout d'un moment, Microsoft se verrait contraint à la fois de baisser les prix de ses logiciels, mais aussi d'en sortir des versions spéciales pouvant être utilisées sur Linux. Un Etat comme la France aurait donc tout intérêt à mettre en place une véritable politique de transition vers les logiciels libres, vu les gains multiples : économies sur le budget de l'Etat, croissance économique de start-ups travaillant sur ces thèmes, baisses de prix pour les consommateurs, fiabilité renforcée des systèmes informatiques et positionnement de pointe sur ces technologies.

L'heure de Linux arrive, ainsi que celle de tous les logiciels libres. Techniquement, les alternatives sont plus que suffisantes. La transition peut paraître moins évidente, mais s'il y a une volonté partagée pour le faire, tout le monde a à y gagner. Sauf le monopole Microsoft bien sûr.

jeudi 20 novembre 2008

Un G20 pour changer le monde

Le sommet du G20 a en fin de compte assez peu attiré l'attention des médias par rapport aux enjeux qui y étaient traités. Il faut dire qu'aux Etats-Unis, la presse a déjà oublié que George Bush était encore Président pendant encore deux mois, et préfère traiter de façon plus qu'exhaustive les rares nouvelles provenant du Président élu Barack Obama. De même, en France, les journalistes préféraient traiter une actualité bien plus spectaculaire avec le psychodrame du Parti Socialiste au Congrès de Reims. C'est pourtant de la France qu'est venue l'idée d'appeler à la tenue de cette réunion des plus grands pays industrialisés et pays en développement. En tant que Président du Conseil Européen, Nicolas Sarkozy était même allé rendre visite au Président américain pour le convaincre de s'atteler au plus vite à la refondation du capitalisme mondial, ni plus ni moins. Tous les chefs d'Etat ou de gouvernements réunis à Washington le week-end dernier avait donc en quelque sorte l'objectif de changer le monde, et cette fois, de manière vigoureuse, en prenant de front les questions économiques. Evidemment, un objectif aussi ambitieux ne pouvait difficilement être atteint en si peu de temps, et chacun comprenait bien qu'au moins avancer sur plusieurs questions clés serait déjà considéré comme une réussite.

En fin de compte, ce fut le cas. Les différents pays réunis ont réussi à se mettre d'accord sur une explication de la crise, et ce dans le but d'en tirer les conséquences. Il y a déjà celles à court terme : l'économie mondiale semble être en train de s'écrouler, et les Etats décident d'intervenir pour limiter les dégats et dégager le chemin pour un prochain retour de la croissance. Puis il y a la vision lointaine : que faut-il faire pour que cela ne se reproduise plus, ou tout du moins pas dans de telles proportions ?

Sur ces deux sujets, le G20 a prôné la coordination des politiques publiques. Cela permet de mettre en place de manière plus rapide des politiques semblables dans des pays qui n'ont pas d'institutions communes, celles des Nations Unies n'étant pas taillées pour de tels défis. Et en ce qui concerne la refondation du capitalisme mondial, l'idée première est déjà de réguler davantage et mieux la finance internationale. La déclaration finale liste de nombreux sujets où les régulateurs de chaque pays doivent intervenir pour fixer de nouvelles règles, pour notamment favoriser la transparence et renforcer les normes suivies. Car c'est bien ce qui a défailli. Il n'est pas question de remettre en cause fondamentalement le capitalisme ni le libre échange, mais la puissance publique est invitée fermement à s'attaquer aux flux et montages financiers d'une taille si immense que leur influence devient angoissante par rapport au reste de l'économie mondiale.

La mise en place de régulations renforcées ne va évidemment pas dans le sens de la dérégulation maximale prôné par les pays anglo-saxons depuis les années 80. Mais tant Gordon Brown que George Bush semblent se rendre compte de la nécessité de changer les choses au vu des répercussions de ce qui avait été fait auparavant. Et les plans d'urgence visant à faciliter les conditions du crédit, soutenir les banques et relancer les économies par des politiques de relance sont bien peu libérales. Aujourd'hui, il est question d'un plan de relance européen, alors que Barack Obama appuie d'ores et déjà la mise en place d'un grand plan de relance aux Etats-Unis. Il s'agit là de l'application de politiques d'inspiration keynésienne, partant du principe que la demande est insuffisante et que l'économie est menacée par la déflation.

Bizarrement, la question de la déflation commence en effet à se poser. Cela est paradoxal alors qu'il y a encore six mois, l'augmentation du prix des matières premières favorisait l'inflation. Les ménages se plaignaient de la baisse du pouvoir d'achat, la BCE augmentait les taux d'intérêts et le prix du baril de pétrole augmentait en flêche jusqu'à dépasser largement les 150 $. Aujourd'hui, le baril vaut dans les 50 $, la BCE rebaisse les taux d'intérêts alors que ceux de la Fed sont quasiment nuls, et la principale menace pesant sur les ménages est désormais le chômage.

Il est donc question maintenant de grands plans de dépenses publiques pour relancer l'économie. Ils seront accessibles aux pays qui ont géré rigoureusement leurs finances comme l'Allemagne, tandis qu'ils aggraveront la situation à long terme de pays qui, comme la France, adoptent toujours le comportement de la cigale et jamais de la fourmi. Le fait que les plus grands pays coordonnent leurs plans de relance est une bonne nouvelle en soi : ces plans favorisent les importations et donc voient l'argent public s'échapper du territoire national, mais cela peut être compensé par les exportations si les principaux partenaires commerciaux font de même. Le plan de relance français de la gauche pendant les années 80 avait failli à cause d'une politique à contre courant, les chances de réussite sont désormais meilleures.

Plus difficile est la question de la confiance : en période de crise, les agents économiques peuvent avoir la tentation de faire le dos rond et donc de ne pas dépenser d'éventuels revenus supplémentaires pour les épargner en vu de périodes de vaches maigres. Voilà qui pourrait faire échouer ces plans de relance si la confiance des agents économiques ne s'améliore pas. Et lorsque l'on entend un gouvernement dire que les choses ne vont pas si mal, c'est d'ailleurs plus pour favoriser le moral des ménages et entreprises que pour échapper aux problèmes.

Un autre G20 doit avoir lieu au premier semestre 2009. Cette fois-ci, Barack Obama pourra peser de sa toute nouvelle influence pour aller plus loin dans les orientations déjà fixées. Il a un mandat de quatre années. D'ici à 2012, il y a le temps nécessaire pour accomplir quelque chose d'ambitieux.

lundi 17 novembre 2008

La femme qui venait du froid

Les comparaisons possibles entre Sarah Palin et Ségolène Royal ne cessent de croître. Ainsi, à l'instar de Ségolène Royal, Sarah Palin, tout juste après s'être fait battre lors d'une élection présidentielle, pense déjà à être candidate à celle de 2012. Et à l'instar de Sarah Palin, gouverneure de l'Alaska, Ségolène Royal est la femme qui vient du froid. En l'occurrence, en étant désormais candidate au poste de premier secrétaire du Parti Socialiste, elle sort tout droit du frigo, où était censée se trouver sa candidature.

Evidemment, son histoire de candidature suspendue n'était qu'un artifice de campagne, se permettant même de demander aux autres personnalités du PS d'en faire autant à un moment où elle était en fin de compte la seule à avoir déclaré sa candidature. La campagne interne pour le Congrès de Reims fut terne, la participation pour le vote des motions faibles, et le Congrès en lui-même fut bien l'échec éclatant que de nombreuses personnes prédisaient. Pour résumer, Ségolène Royal horripile tous ceux qui ne lui sont religieusement dévoués, Bertrand Delanoë n'approuve pas l'alliance de Martine Aubry avec Laurent Fabius, qui avait fait campagne pour le non au Traité Constitutionnel Européen et n'avait pas respecté le vote des militants à ce sujet, et Benoît Hamon est trop à gauche pour Bertrand Delanoë et Martine Aubry. Ces quelques ressorts ont joué à plein pendant tout un week-end et ont amené à un constat de désaccord général.

Pour la deuxième fois le PS n'a pas réalisé de synthèse à l'issue de l'un de ces Congrès. Si en observant les précédentes "synthèses", il est possible de se dire que ce n'est pas forcément grave, c'est surtout le symbole d'un manque d'unité. Il s'agit là en fait de la conséquence d'un manque de personnalité fédératrice, autour de laquelle le Parti se serait regroupé, et aurait tiré l'inspiration de son nouveau fond de pensée. Ségolène Royal pensait être celle-là, elle croyait que ce serait même nécessairement le cas après avoir la candidate de son parti à la présidentielle. Seulement elle n'arrive pas à se rendre compte que cette campagne a mis en évidences toutes ses lacunes. L'idée est désormais de considérer que la personne élue premier secrétaire par le vote des militants à venir devra être le chef incontesté, la personne à suivre en tous points. Mais l'adhésion à une personne ne suffit pas, elle doit aller avec l'adhésion à ses idées. Quand bien même Ségolène Royal serait élue premier secrétaire, tous ceux qui n'ont pas cru en elle jusqu'à présent ne risquent pas de découvrir d'un coup leur nouveau guide.

Ségolène Royal est opposée dans cette élection à Benoît Hamon et Martine Aubry. Cette dernière est une femme politique expérimentée, mais à la ligne politique inquiétante. Sa plus grande réalisation politique, la semaine de 35 heures, a été un échec épouvantable, conséquence d'une idéologie absurde et inadaptée. Elle vient néanmoins de recevoir le soutien de Bertrand Delanoë, au motif qu'ils sont tous les deux d'accords pour ne pas faire alliance avec le Modem. Ségolène Royal, elle, est pour. Elle oublie certainement que François Bayrou sera surtout prêt à une telle alliance au second tour des présidentielles si elle se fait à son propre profit. Pour rappel, l'UMP également est prête depuis toujours à faire alliance avec François Bayrou, mais celui-ci rejette toutes les situations dans laquelle il ne termine pas Président de la République.

Même après l'élection du Premier secrétaire, les querelles ne seront probablement pas terminées au Parti Socialiste. De nombreux adhérents doivent d'ores et déjà trouver difficile le choix qui s'offre à eux. Mais après tout, c'est aussi de leur faute aussi. Cette situation est la conséquence directe de leur vote pour les motions.

Image : Reuters

samedi 15 novembre 2008

Pas assez de minorités à la télé ?

Le président du CSA, Michel Boyon, s'est montré très énervé cette semaine devant la presse lorsqu'il a présenté les conclusions d'une étude portant notamment sur la représentation des "minorités visibles" à la télévision française. "Les résultats sont inacceptables, intolérables, pas admissibles" aurait-il dit. En effet, la représentation des personnes "non blanches" n'aurait augmenté que d'un seul pourcent (en fait, un point de pourcentage) depuis la précédente à ce sujet, il y a neuf ans. Conséquence, les "jeunes" ne se reconnaitraient pas dans la télévision. Pour qu'une personne de ce niveau s'emporte de cette façon, c'est que la situation doit être vraiment grave. Sauf qu'en fait, ce n'est pas vraiment le cas. L'étude montre que la population non blanche représente... 18 % des personnes vues à la télévision française. Est-ce si peu ? Jusqu'à quel niveau ce pourcentage doit-il augmenter pour que le CSA soit satisfait ? On peut alors se poser deux questions.

La première tient à la composition du CSA. Parmi les neuf "sages" du CSA, une seule peut être qualifiée comme appartenant à une minorité visible. Ce qui fait un taux de 11 %, un niveau largement inférieur à celui de la télévision française. Le CSA doit donc probablement se montrer très énervé vis-à-vis de sa propre composition. En outre, parmi tous les présidents du CSA (quelque soit son nom depuis 1982), aucun n'a appartenu à une minorité visible, ils étaient tous blancs. En conséquence, il ne fait donc aucun doute que Michel Boyon doit être à l'heure actuelle en train de rédiger sa lettre de démission au Président de la République, lui demandant de nommer quelqu'un faisant parti des minorités visibles à sa place.

La deuxième est plus importante : dans la mesure où toute enquête sur la composition "ethnique" (en fait, pour recenser la proportion de chaque minorité visible dans la population) de la France est interdite, il est impossible de savoir quelle proportion de la population n'est pas blanche. Sur quelle base alors le CSA peut-il affirmer que 18 % est un niveau si faible qu'il en est inacceptable ?

vendredi 14 novembre 2008

Le libre arbitre

La notion de libre arbitre est centrale dans l'image que l'on se fait de l'être humain. Dans quel mesure les actions d'un homme dépendent de ses décisions prises librement, et non les conséquences inévitables de causes préalables ? De cette alternative, apparaît deux possibilités, deux visions différentes. Soit l'environnement de chaque personne la façonne de façon si complète qu'elle en adoptera une certaine personnalité, une certaine façon de voir les choses, une grille de lecture à travers lesquelles tout sera jugé, et au bout de laquelle chaque cas aura une conclusion immanquable. Dans une telle optique, tout événement est inévitable, en n'étant que la conséquence de ceux précédents. Ou soit la vie présente à chaque personne des situations qu'elle devra juger de façon toujours nouvelle, lui laissant le choix. Elle devra alors choisir l'un des termes de l'alternative, mais ayant cette possibilité même de choisir intérieurement, expérimentera le libre arbitre : la capacité de penser et d'agir librement.

Le concept de responsabilité est indissociable de celui de libre arbitre. En effet, comment quelqu'un peut-il être tenu responsable de ses actes si l'on est dans l'hypothèse du déterminisme, où tout fait est inévitable depuis le commencement ? Sur la base de cette seule question repose toute l'idée de responsabilité. La société est obligée de retenir l'hypothèse que chaque personne dispose de son libre arbitre, sous peine d'anéantir toute responsabilisation personnelle, entraînant directement une anarchie où chacun excuserait ses actes par un fatal déterminisme.

Ainsi, toute personne consciente et étant douée de raison est considérée comme étant titulaire de son libre arbitre. Cela exclut donc deux catégories de personnes : ceux ayant des troubles mentaux, dont il faut prendre soin spécialement, et bien sûr les enfants, placés sous la responsabilité de leurs parents. En manquant des connaissances les plus élémentaires ainsi que d'une véritable expérience du raisonnement, les enfants ne sont pas en mesure de faire des choix éclairés, ils ne discernent pas les enjeux des différentes alternatives et ne sont donc pas en mesure de prendre soin d'eux-mêmes. C'est pour cela qu'il faut les éduquer. Et ils apprennent vite. A 10 ans, un enfant a généralement une très bonne idée de ce qui est moralement bien ou mal. Charge à lui, comme à tout le monde, de prendre les décisions qui vont dans le bon sens.

Un adolescent grandissant peut de moins en moins se servir de l'excuse de l'ignorance. Il peut être objecté que même les adultes peuvent être manipulés. Il n'en reste pas moins qu'au moment du choix, ils doivent pouvoir être redevables des décisions qu'ils prennent, quelque soit l'environnement.

vendredi 7 novembre 2008

Spin et décryptage

Une des ambitions de différents titres de presse ou émission est de mieux faire comprendre l'actualité. Un mot a fini par s'imposer pour désigner cela : décryptage. L'idée est que les informations seraient cryptées, auraient une signification mystérieuse que les journalistes s'emploieraient à rendre compréhensible, à défaire ce cryptage. Le but est alors de partir de faits pour arriver à une signification. Mais il y a un soucis : l'Histoire n'est pas quelque chose de brut qui a un sens objectif. Les événements ne sont pas cryptés, il n'y a que des faits dont l'agencement est susceptible d'interprétation. Et c'est précisément ce dont il est question avec le décryptage : trouver une interprétation aux faits. Et cette interprétation est personnelle, subjective. Les tentatives de décryptage sont donc autant d'interprétations orientées d'événements, voire même de manipulation : là où un éclairage est censé être apporté, il y a surtout l'ajout d'une nouvelle couche d'opinions. En fait, le décryptage, c'est la plupart du temps du spin : l'apport d'un angle de vue dans un sens donné, où chaque personne n'a plus à se faire sa propre opinion sur un fait, mais sur une interprétation d'un fait.

Les journaux ont beaucoup de travail à faire, notamment dans le travail d'information, aussi précis et complet que possible. Il est préférable qu'ils proposent leurs propres opinions dans des espaces séparés des informations brutes, via des éditoriaux ou des tribunes par exemple. Et à l'expérience, il apparaît que le travail de décryptage qu'ils revendiquent devraient entrer dans ces catégories. Par exemple, l'émission Arrêt sur Images proposait chaque semaine sa vision très orientée de l'actualité plutôt qu'une mise en perspective neutre. Les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs doivent simplement être conscient de cela. Et il appartient aux "décrypteurs" d'assumer le côté très personnel de leur travail.

mercredi 5 novembre 2008

Encore un Président américain blanc

En fin de compte, le nouveau Président des Etats-Unis ne représente pas un si grand changement. Il est même assez fréquent que ce soit des hommes blancs quadragénaires issus des plus grandes universités qui accèdent à la Présidence. A ce titre là, la victoire de Barack Obama représente la continuité. Son profil est le même que plusieurs prédécesseurs. Son âge peut donner l'idée du renouvellement, mais il n'est pas le plus jeune président que les Etats-Unis aient connu. Théodore Roosevelt, John Kennedy ou même Bill Clinton étaient plus jeunes que lui au moment d'arriver au pouvoir. A 47 ans, il semble issu du même moule que les autres personnalités politiques de Washington. Les médias semblent penser différemment : ils le considèrent comme noir, puisque son père est noir. Pourtant, il est tout aussi blanc, puisque sa mère est blanche. Il n'a d'ailleurs pas fait campagne sur la couleur de sa peau : elle est plus foncée que d'autres, mais qu'est-ce que ça change ? Lors de l'élection, elle a du autant le servir que le desservir. Et aujourd'hui, d'immenses chantiers l'attendent. Les plus urgents sont la crise financière et l'Irak, mais il devra d'une manière générale recréer un lien de confiance avec le monde entier et assainir le milieu politique de Washington. En fait, il devra nettoyer tous les dégâts causés par George Bush.

La principale différence entre Barack Obama et les autres Présidents restera en fin de compte son manque d'expérience avant d'occuper le bureau ovale. Il n'a jamais eu de responsabilité exécutive avant d'arriver au Sénat, n'a pas eu de carrière militaire, et n'a connu qu'une activité législative nationale de deux ans en tant que Sénateur avant de se lancer dans sa campagne présidentielle. Lors du début de son mandat, il était d'ailleurs conscient de cet handicap, et a répété à plusieurs reprises qu'il ne serait pas candidat en 2008. On voit aujourd'hui à quoi il fallait s'en tenir. La frénésie médiatique l'a entouré depuis son discours à la convention démocrate, et a fini de le convaincre qu'il y avait une opportunité pour lui aussi tôt. Cette frénésie et ses grandes qualités orales lui ont permis de décrocher l'investiture démocrate, et entraîné par cet élan, il a fini par remporté une victoire nette face à un John McCain handicapé par le bilan déplorable des républicains et affaibli par les sacrifices faits vis-à-vis de sa propre éthique. Le prochain vice-Président, Joe Biden, s'est lui aussi distingué par ses déclarations selon lesquelles il ne voulait pas de la vice-présidence. Visiblement, il s'est fait une raison. Mais tous auront besoin de courage et de talent pour faire face aux défis qui les attendent.

Les événements récents ont de quoi rappeler des souvenirs frais aux Français. Les Français aussi ont élu récemment un Président fils d'immigré. Et l'apparition d'une femme télégénique aux références bibliques, dirigeante d'une grande partie du territoire, se révélant être une incompétente notoire mais risquant quand même d'accéder à la tête d'un pays a été pour les Français un rappel direct de leur propre situation. A l'instar de Ségolène Royal, la carrière politique de Sarah Palin n'est malheureusement pas finie.

lundi 3 novembre 2008

Le processus de Bologne

L'éducation supérieure comme la recherche sont des domaines qui gagnent à être observées au niveau européen. Cela ne veut évidemment pas dire que la Commission Européenne doit en avoir l'entière responsabilité, seulement que pour constituer le savoir le plus élevé, les échanges entre les pays et les universités sont d'une grande utilité. En l'occurrence, le processus d'harmonisation des parcours universitaires n'est pas une initiative venant des institutions européennes, mais d'un accord entre ministres de l'Education basé uniquement sur le volontariat. Le processus de Bologne, du nom de la plus vieille université d'Europe où s'étaient retrouvés ces ministres, propose aux pays qui le souhaitent de modeler leurs parcours universitaires selon un modèle commun, largement inspiré du modèle anglo-saxon. En France, cela s'est traduit par la réforme LMD, répartissant les étapes de la vie universitaire autour de la licence (bac +3), du master (bac +5) et du doctorat (bac +8). Le système précédent était basé sur un premier cycle largement généraliste, le DEUG (bac +2), la maîtrise (bac +4), le DEA ou DESS (bac +5) et le doctorat au-delà.

L'un des buts avoués du processus de Bologne est de favoriser non seulement les échanges universitaires intra-européens, déjà encouragés par le programme Erasmus, mais aussi de faciliter la reconnaissance d'un pays à l'autre au niveau professionnel. En effet, l'une des façon de former l'Europe est d'accroître les possibilités de mobilité entre les différents pays. Mais c'est aussi un moyen d'améliorer les connaissances mutuelles des citoyens européens les uns sur les autres.

Comme toujours en France, la réforme LMD a été l'objet de protestations, manifestations et blocages d'universités (notamment à Toulouse II). A l'époque comme maintenant, ces protestations n'avaient et n'ont toujours pas de base sérieuse. Les années passent, les systèmes s'adaptent, et l'harmonisation est un grand succès. Et ce, pas seulement en France : l'Allemagne aussi, par exemple, se félicite aujourd'hui d'un nouveau modèle lui permettant de mieux mettre en valeur les parcours de ses étudiants.

Au bout du compte, le processus de Bologne restera comme l'une des étapes qui a permis de forger l'Europe de l'Education supérieure, un progrès notable pour tous qui ne produira plus aucune controverse. En conséquence, l'harmonisation sera devenue quelque chose d'évident dans les esprits, et peut-être oubliera-t-on comment ça se passait avant. Cela diminuerait le mérite de ceux qui ont réussi cette grande opération, mais les qualités de cette dernière resteront.

samedi 1 novembre 2008

Une UMP toujours plongée dans la léthargie

Il est difficile de dire que le débat d'idées fait beaucoup d'étincelles aujourd'hui sur la scène nationale. L'opposition, menée par un Parti Socialiste toujours au milieu de ses turpitudes traditionnelles, réagit de façon caricaturale à l'actualité, quand elle réagit. Mais du côté du parti majoritaire, ce n'est guère mieux. La seule personne de l'UMP qui se fait entendre actuellement est Frédéric Lefebvre. Devenu député suite à la nomination d'André Santini au gouvernement, il profite de sa fonction de porte-parole pour sur-réagir sur tout et n'importe quoi, et systématiquement en s'épargnant de réfléchir au contenu de ses paroles. Si Frédéric Lefebvre s'exprime autant, c'est en fait parce qu'il reste le dernier à l'UMP à vouloir faire son autopromotion, et que les autres sont plus modérés, notamment sur leurs prises de position et leur soutien au gouvernement. Surtout, il se trouve qu'il ne reste plus de grandes personnalités politiques à l'UMP. Il n'y a plus d'armée de réserve.

Si Nicolas Sarkozy avait promis un gouvernement resséré, c'était sans compter les très nombreux secrétaires d'Etat. Pour les recruter, il a fallu ratisser large, notamment dans les quadragénaires. Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Nadine Morano, Luc Chatel, Laurent Wauquiez étaient tous considérés comme des figures relativement nouvelles, et ils se voient tous dotés d'un portefeuille. Les poids lourds restés influents comme Jean-Louis Borloo ou Michèle Alliot-Marie y ont également trouvé bonne place. Alors qui reste-t-il d'à peu près important à l'UMP qui ne soit pas au gouvernement ?
- Jean-François Copé a récupéré la tête du groupe à l'Assemblée, mais ne se fait remarquer que par son ambition maladive. Il est actuellement très occupé à jouer sa carte personnelle auprès de ses collègues députés.
- Frédéric Lefebvre est arrivé au Parlement de façon la plus artificielle : parachuté au poste du suppléant d'une circonscription, étant entendu dès le départ que le titulaire à la réelection systématique démissionnerait une fois le suffrage passé.
- Patrick Devedjian est devenu secrétaire général par dépit d'avoir paru trop vieux pour devenir Garde des Sceaux. Il n'y prend que des coups, faute de deviner les pensées du Président de la République et à force de représenter un obstacle à d'autres ambitions (notamment dans les Hauts de Seine).
- Jean-Pierre Raffarin partage à peu près la même situation : vice-président de l'UMP, il aurait voulu un autre poste, et semble s'intéresser avec éloignement de son parti.
- Christian Estrosi a quitté le gouvernement pour avoir la mairie de Nice, mais cela ne l'empêche pas de cumuler avec un fauteuil de député. Ayant fait des caprices pour devenir secrétaire général adjoint, il partage ce titre à l'allure de hochet avec deux membres du gouvernement.
- Dominique Paillé, lui, est porte-parole, mais n'est plus l'élu de nulle part, à force de se faire battre à de multiples élections (législatives, sénatoriales...). Sans poid politique, sa fonction lui a été attribuée dans une volonté de le recaser d'une manière ou d'une autre.
- Jean-Claude Gaudin et Pierre Méhaignerie font désormais d'anciens de la droite en étant vice-présidents du conseil national, une position respectable, mais à l'influence modérée.
- Enfin, Chantal Brunel est elle aussi porte-parole, mais est restée pour l'instant discrète.

Et c'est tout. Une telle léthargie des responsables de l'UMP était largement attendue : c'était même une volonté de Nicolas Sarkozy, qui voulait éviter qu'apparaissent des responsables à hauts profils qui auraient pu restreindre sa marge de manoeuvre. Cela a parfaitement réussi dans l'absence de renouvellement, moins dans l'absence de contestation. Au sein du groupe UMP, des députés sans visages rechignent à toujours voter les mesures gouvernementales. Et à cela s'ajoute un trio de députés villepinistes qui étale fréquemment son amertume dans la presse. Mais au vu de cette UMP décapitée, les changements de gouvernements dont il est régulièrement fait rumeur ne pourront que donner l'impression d'un jeu de chaises musicales, étant donné le peu de ressources restant à l'UMP. Il n'est pas certain que sur le long terme ce soit une stratégie gagnante, alors qu'on peut déjà mesurer dans l'immédiat les effets d'un parti majoritaire profondément léthargique.

Image : Le Figaro/Delort
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