Le sommet du G20 a en fin de compte assez peu attiré l'attention des médias par rapport aux enjeux qui y étaient traités. Il faut dire qu'aux Etats-Unis, la presse a déjà oublié que George Bush était encore Président pendant encore deux mois, et préfère traiter de façon plus qu'exhaustive les rares nouvelles provenant du Président élu Barack Obama. De même, en France, les journalistes préféraient traiter une actualité bien plus spectaculaire avec le psychodrame du Parti Socialiste au Congrès de Reims. C'est pourtant de la France qu'est venue l'idée d'appeler à la tenue de cette réunion des plus grands pays industrialisés et pays en développement. En tant que Président du Conseil Européen, Nicolas Sarkozy était même allé rendre visite au Président américain pour le convaincre de s'atteler au plus vite à la refondation du capitalisme mondial, ni plus ni moins. Tous les chefs d'Etat ou de gouvernements réunis à Washington le week-end dernier avait donc en quelque sorte l'objectif de changer le monde, et cette fois, de manière vigoureuse, en prenant de front les questions économiques. Evidemment, un objectif aussi ambitieux ne pouvait difficilement être atteint en si peu de temps, et chacun comprenait bien qu'au moins avancer sur plusieurs questions clés serait déjà considéré comme une réussite.

En fin de compte, ce fut le cas. Les différents pays réunis ont réussi à se mettre d'accord sur une explication de la crise, et ce dans le but d'en tirer les conséquences. Il y a déjà celles à court terme : l'économie mondiale semble être en train de s'écrouler, et les Etats décident d'intervenir pour limiter les dégats et dégager le chemin pour un prochain retour de la croissance. Puis il y a la vision lointaine : que faut-il faire pour que cela ne se reproduise plus, ou tout du moins pas dans de telles proportions ?

Sur ces deux sujets, le G20 a prôné la coordination des politiques publiques. Cela permet de mettre en place de manière plus rapide des politiques semblables dans des pays qui n'ont pas d'institutions communes, celles des Nations Unies n'étant pas taillées pour de tels défis. Et en ce qui concerne la refondation du capitalisme mondial, l'idée première est déjà de réguler davantage et mieux la finance internationale. La déclaration finale liste de nombreux sujets où les régulateurs de chaque pays doivent intervenir pour fixer de nouvelles règles, pour notamment favoriser la transparence et renforcer les normes suivies. Car c'est bien ce qui a défailli. Il n'est pas question de remettre en cause fondamentalement le capitalisme ni le libre échange, mais la puissance publique est invitée fermement à s'attaquer aux flux et montages financiers d'une taille si immense que leur influence devient angoissante par rapport au reste de l'économie mondiale.

La mise en place de régulations renforcées ne va évidemment pas dans le sens de la dérégulation maximale prôné par les pays anglo-saxons depuis les années 80. Mais tant Gordon Brown que George Bush semblent se rendre compte de la nécessité de changer les choses au vu des répercussions de ce qui avait été fait auparavant. Et les plans d'urgence visant à faciliter les conditions du crédit, soutenir les banques et relancer les économies par des politiques de relance sont bien peu libérales. Aujourd'hui, il est question d'un plan de relance européen, alors que Barack Obama appuie d'ores et déjà la mise en place d'un grand plan de relance aux Etats-Unis. Il s'agit là de l'application de politiques d'inspiration keynésienne, partant du principe que la demande est insuffisante et que l'économie est menacée par la déflation.

Bizarrement, la question de la déflation commence en effet à se poser. Cela est paradoxal alors qu'il y a encore six mois, l'augmentation du prix des matières premières favorisait l'inflation. Les ménages se plaignaient de la baisse du pouvoir d'achat, la BCE augmentait les taux d'intérêts et le prix du baril de pétrole augmentait en flêche jusqu'à dépasser largement les 150 $. Aujourd'hui, le baril vaut dans les 50 $, la BCE rebaisse les taux d'intérêts alors que ceux de la Fed sont quasiment nuls, et la principale menace pesant sur les ménages est désormais le chômage.

Il est donc question maintenant de grands plans de dépenses publiques pour relancer l'économie. Ils seront accessibles aux pays qui ont géré rigoureusement leurs finances comme l'Allemagne, tandis qu'ils aggraveront la situation à long terme de pays qui, comme la France, adoptent toujours le comportement de la cigale et jamais de la fourmi. Le fait que les plus grands pays coordonnent leurs plans de relance est une bonne nouvelle en soi : ces plans favorisent les importations et donc voient l'argent public s'échapper du territoire national, mais cela peut être compensé par les exportations si les principaux partenaires commerciaux font de même. Le plan de relance français de la gauche pendant les années 80 avait failli à cause d'une politique à contre courant, les chances de réussite sont désormais meilleures.

Plus difficile est la question de la confiance : en période de crise, les agents économiques peuvent avoir la tentation de faire le dos rond et donc de ne pas dépenser d'éventuels revenus supplémentaires pour les épargner en vu de périodes de vaches maigres. Voilà qui pourrait faire échouer ces plans de relance si la confiance des agents économiques ne s'améliore pas. Et lorsque l'on entend un gouvernement dire que les choses ne vont pas si mal, c'est d'ailleurs plus pour favoriser le moral des ménages et entreprises que pour échapper aux problèmes.

Un autre G20 doit avoir lieu au premier semestre 2009. Cette fois-ci, Barack Obama pourra peser de sa toute nouvelle influence pour aller plus loin dans les orientations déjà fixées. Il a un mandat de quatre années. D'ici à 2012, il y a le temps nécessaire pour accomplir quelque chose d'ambitieux.