Réflexions en cours

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jeudi 4 juillet 2013

La chute de la presse de gauche

Le premier concerné fut l'hebdomadaire Marianne. Dès l'année 2012, ses ventes en kiosque diminuèrent fortement. Mais ce n'était pas le seul titre couvrant l'actualité à perdre une partie de son électorat. En effet, on apprit courant juin que les ventes du quotidien Libération avaient chuté de 40 % au cours des douze derniers mois. Quand on regarde les chiffres de l'année 2012, cette diffusion était déjà très faible. Dans plusieurs départements, il n'y avait même pas une centaine d'exemplaires du célèbre quotidien qui s'écoulaient chaque jour. Près de la moitié des ventes se faisaient dans la seule région parisienne, ce qui montre une certaine déconnexion vis-à-vis de la province, alors que c'est censé être un quotidien national. Pour dire les choses plus simplement : plus grand monde ne lit Libération en format papier. Le site est devenu payant. Cela réduit forcément le lectorat, et les rentrées d'argent supplémentaires ne suffisent pas à compenser la désaffection du papier. L'influence du titre va donc progressivement s'étioler.

Plus récemment, on a également appris que pour la première fois depuis des décennies, les ventes du Canard Enchaîné avaient diminué. Entre ces trois titres, il est aisé de voir un point commun. Ils avaient tous largement profité du passage de la droite au pouvoir. Leurs lecteurs pouvaient y lire des articles écrits par des gens ayant les mêmes opinions qu'eux, les rassurant et les confortant. Dès le quinquennat de Jacques Chirac, Marianne ne tournait plus qu'autour de Nicolas Sarkozy. Quant à Libération, ses unes étaient devenues parfaitement outrancières ces derniers temps vis-à-vis de tous ceux considérés comme les ennemis par les dirigeants du journal. Débarrassés de leur objet d'obsession, Nicolas Sarkozy, ces publications se retrouvent totalement démunies. La droite ne représente plus une vraie menace pour le lectorat. Pire, la gauche, arrivée au pouvoir, échoue terriblement, ce qui ne produit pas une activité heureuse à suivre pour ce côté de l'échiquier politique.

La presse française est de toute façon en crise depuis longtemps. Elle l'était avant même l'étranger : elle n'a pas qu'Internet comme défi à relever, elle devait également faire face à un système d'impression et de distribution gangréné par les conservatismes syndicaux, peu à même à produire un travail d'un bon rapport qualité/prix. Faute de ne pas vouloir s'adapter depuis trop longtemps, la voilà en difficulté. Pour une partie de la presse, les règlements de compte faciles ont pris le pas sur un journalisme de qualité. Cela a permis de retarder l'échéance, mais pour quel résultat ? Une sérieuse perte de crédibilité. Quand le vent tourne, il n'y a plus rien.

Comment cela finira-t-il ? Eh bien logiquement, les titres les plus gravement touchés par cette baisse des ventes devraient arrêter leur publication au bout d'un moment. Mais il ne faut pas se leurrer : ils crieront à la nécessité de faire vivre la diversité de la presse, même pour des titres sans lecteurs, pour obtenir des subventions publiques qu'on ne peut se permettre. Et ainsi, beaucoup d'argent sera gâché pour rien.

samedi 23 février 2013

La folle course à l'écran

Quand on créé une administration, elle doit se trouver une raison d'être. Et cette administration essaiera par la suite de justifier son existence en essayant de prendre part à un nombre croissant de dossier, favorisant bureaucratie et processus alambiqués. C'est comme ça que le CSA aimerait voir ses prérogatives s'amplifier, récupérer l'ARCEP pour pouvoir "réguler" télécoms et Internet. Le seul contrôle des programmes télés ne lui suffit pas, il faut qu'il puisse contrôler le destin de la télé en France, et aussi régulièrement que possible. On a déjà vu qu'il multipliait dans cette optique les changements de normes de diffusion. Malheureusement, il continue de travailler dans cette voie. Dans un rapport publié en début de mois, le CSA demande au Parlement de changer encore les diffusions de normes à travers une politique ubuesque à courte vue.

Le premier grand tort du CSA fut d'avoir voulu que la Télévision Numérique Terrestre se fasse au format de compression MPEG-2. On savait alors que le format MPEG-4 était plus performant et permettait la haute définition, mais il était alors considéré comme plus facile et plus rapide de passer au MPEG-2. C'est ainsi que la TNT fut lancée sous cette norme, et une longue, pénible et coûteuse campagne pour la transition entre l'analogique et cette TNT fut mis en route.

Quand il fallut décider comment utiliser les canaux libérés par l'extinction de l'analogique, le CSA décida de lancer six nouvelles chaînes... exclusivement en MPEG-4. Donc inaccessibles à ceux qui venaient tout juste de s'équiper en matériel compatible uniquement en MPEG-2. L'intérêt de ces nouvelles chaînes est d'ailleurs bien discutables : elles font doublon par rapport aux chaînes déjà existantes de la TNT (pas toutes utiles), et celle consacrée aux documentaires a même eu l'autorisation de diffuser des programmes radios nullement documentaires le matin.

Dans son nouveau rapport, le CSA découvre donc qu'il faudrait qu'il y ait plus de chaînes en HD. Pour commencer, avant d'en lancer de nouvelles, il aurait d'abord fallu permettre aux anciennes d'être toutes en HD. Pour le CSA, cela implique de laisser tomber le MPEG-2 et de forcer la conversion en MPEG-4. Il veut donc une nouvelle transition avec tout le fatras de la dernière fois dès 2015... et la nécessité pour les gens de changer à nouveau de matériel. Tout cela sera encore coûteux, puisque le CSA veut encore une aide financière pour aider les gens à changer de téléviseurs. L'Outre mer est passé directement de l'analogique au MPEG-4, mais pour la métropole, il faudrait donc faire deux fois ce qui aurait pu être fait en une seule fois. Quel gâchis ! Et 12 chaînes ne seraient pas encore en haute diffusion, même après tout ça.

Mais cela ne s'arrête pas là ! Le CSA veut également qu'une fois la norme MPEG-4 généralisée, on fasse encore un changement qui implique un rééquipement complet des appareils audiovisuels, avec les normes DVB-T2/HEVC. Le CSA pointe qu'il faudra rendre ce changement attractif pour que le public ne trouve pas cela totalement scandaleux. Or c'est là bel et bien un scandale. Ces changements de normes ne profitent qu'aux fabricants de produits audiovisuels. Le rapport du CSA reprend ainsi benoîtement leurs arguments de ventes : les normes DVB-T2/HEVC seront nécessaires pour diffuser de l'"Ultra Haute Définition", qui sera, oh, oui, beaucoup mieux qu'avant, qui était déjà la perfection.

"Selon ces experts [du secteur de la télévision], les avancées en termes de qualité d’image de la télévision en ultra-HD s'apparenteront à celles vécues lors du passage de la télévision analogique à la télévision en haute définition. La qualité ultra-HD s'accompagne d'une meilleure restitution de la couleur et le nombre d'images par seconde est plus élevé que dans les systèmes de télévision en vigueur aujourd'hui. Elle offrira des images d'un réalisme saisissant pour la plus grande satisfaction du téléspectateur."

Mais... qui donc se plaint de la qualité d'image des téléviseurs existants ? Est-ce vraiment le téléspectateur qui est satisfait de devoir changer tout son équipement régulièrement ?

Revenons en arrière. A l'époque des tubes cathodiques, la qualité d'image n'était déjà pas un problème. La vraie limite, c'était la taille de l'écran. Le tube cathodique prenait de la place derrière l'écran, et une diagonale d'écran élevée faisait des appareils proportionnellement volumineux en profondeur. La vraie innovation, ce fut donc les écrans plats, pas tant sur la place qu'ils permettaient de gagner que sur l'augmentation de tailles d'écrans qu'ils permettaient sans accroissement de l'emprise derrière. Or avec la définition utilisée dans les normes analogiques, cela rendait mal sur les écrans de tailles aussi grandes (plus de 70 cm). D'où l'introduction de la haute définition. Et upscaling ou pas, un signal basse définition rend mal sur un écran haute définition. C'est pour ça que la transition au numérique basse définition était une belle imbécilité. Voilà où on en est actuellement.

Ces dernières années, les constructeurs de téléviseurs sont en désarroi : tout le monde a fini par s'équiper en écran plat et les prix de ceux-ci, grâce à la concurrence, se sont effondrés. Ils cherchent donc de nouveaux relais de croissance, des nouveautés qui forceront les gens à changer de télé encore une fois. Auparavant, ils croyaient fort dans la 3D. Seulement, le public n'est pas intéressé par le fait de devoir porter des lunettes pour regarder la télé quotidiennement. Il s'agit donc d'un échec cuisant. Leur nouvel espoir est donc dans l'Ultra HD, avec beaucoup plus de pixels. Vu qu'il fallait déjà des écrans d'une belle taille pour que les bénéfices de la HD se fassent percevoir, quel est l'intérêt de la UHD ? Il y a deux possibilités :

La première est que cette meilleure résolution permettra de se rapprocher de l'écran. Mais à part les écrans d'ordinateurs et de tablettes, bénéficiant déjà d'excellentes résolutions, quel intérêt pour une télé ? S'imagine-t-on les gens rapprocher leur télé de leur canapé, ou l'inverse ? Généralement, cela dépend de la configuration des pièces uniquement.

La seconde possibilité est que cette meilleure résolution permette de fabriquer des écrans encore plus grands. Pour qu'on voit la différence avec la HD simple, il faudra des écrans de 2 mètres. A tout hasard, combien de personnes s'imaginent avoir un écran de 2m chez soi ? Pour ce "home cinema", il faudrait avoir vraiment avoir une grande pièce dédiée, et ne pas avoir peur de tourner la tête pour voir tel ou tel élément. Il peut y avoir un marché pour de tels monstres, mais il ne pourra concerner la majorité d'entre nous. Seuls les plus riches seront concernés.

Le CSA peut bien expliquer que des petits écrans existent déjà, ils ne serviront à rien du tout ! La seule perspective qu'on nous laisse, ce sont des murs écrans... ce qui nous envoie directement à l'anticipation faite par Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 : des écrans envahissant l'espace et les vies, et dont l'acquisition devient la seule ambition d'une population décérébrée. C'est ce qu'on voudrait nous vendre, mais la limite sera quand même atteinte. Le CSA s'est planté sur le MPEG-2, la Radio Numérique Terrestre, la Télévision Mobile Personnelle, les industriels sur la 3D... Il est désormais question de remettre ça avec l'Ultra Haute Définition. Cela commence à bien faire. Le CSA devrait arrêter de suivre chaque mode pour se rappeler que l'intérêt du consommateur n'est pas le gâchis en matière d'électronique.

jeudi 31 janvier 2013

L'exil des créateurs

Avec Gérard Depardieu, Bernard Arnault ou Alain Afflelou, nous avons eu le droit à un certain nombre de polémiques sur l'exil fiscal. La politique actuelle d'augmentation massive des impôts fait des dégâts. Les plus gros revenus sont particulièrement mis à contribution, dans un effort de "solidarité nationale", d'autres parleraient d'extorsion institutionnelle. Le taux sur 75 % des revenus envoie un signal clair à ceux qui y sont soumis : "vous ne devriez pas gagner cet argent". Et le gouvernement se fait donc fort que ceux-là ne puissent toucher qu'un quart des fruits de leur travail. Un tel taux est évidemment confiscatoire et remet en cause le droit à la propriété individuelle (un droit de l'homme), et le Conseil Constitutionnel l'a donc naturellement rejeté. Mais l'ambiance de "chasse aux riches" persiste.

La France ne va pas bien, c'est indéniable. Comment pourrait-il en être autrement quand la lutte contre le succès est devenu une part importante de la mentalité collective depuis des décennies ? Les politiques publiques veulent réduire les inégalités, mais s'efforcent surtout de ramener tout le monde vers le bas. On le vois dans des bien des domaines, comme dans l'enseignement, où les classes préparatoires sont aujourd'hui attaquées car faisant de l'ombre aux universités. Mais c'est dans l'économie que c'est le plus manifeste. Quand quelque chose marche (comme les entreprises liées à l'Internet), il doit être imposé pour financer les secteurs sur le déclin. Quand un film est rentable, il doit servir à financer des films qui n'ont aucun espoir de trouver un public. Quand quelqu'un créé une start up et parvient à la revendre pour une somme importante, il ne doit pas en toucher les gains. Quand un dirigeant met une entreprise sur de bons rails, il ne doit pas espérer en profiter, ni lui, ni ceux qui ont investi dedans.

Le risque et la créativité ne sont plus récompensés. Le contrat moral de la réussite par l'effort est rompu, et c'est comme ça qu'on a eu le mouvement des "pigeons" qui se voyaient privés des fruits de leur travail. La France n'est plus un pays qui accueille la réussite, il est donc normal que celle-ci aille voir ailleurs. Les Français qui veulent créer des choses comprennent alors qu'il vaut mieux s'exiler pour pouvoir accomplir leurs rêves. Voilà comment notre pays perd son dynamisme et son économie ne connait plus que le marasme.

Dans son roman Atlas Shrugged, Ayn Rand imagine l'exil des principaux créateurs américains (entrepreneurs, innovateurs, artistes talentueux), exaspérés par le travail de sape d'une société socialisante, vers un village caché dans le Colorado. Là, ils peuvent enfin vivre selon leurs mérites personnels, pendant que le reste de la société s'effondre sans eux. Comme toujours avec ce genre de roman parlant de sociétés dystopiennes, le trait est forcé, exagéré jusqu'à la caricature. Mais en entendant ces histoires d''exils fiscaux et de fuite des cerveaux, difficile de ne pas repenser à ce scénario. Se pose pour nous une douloureuse question : le talent peut-il encore s'épanouir en France ?

dimanche 20 janvier 2013

Virgin et la Fnac face à Internet

La fin annoncée du Virgin Megastore des Champs Elysées est le signe de plusieurs évolutions. D'une part, la célèbre avenue parisienne perd là son meilleur magasin, celui qui pouvait intéresser tout le monde, permettait la rencontre avec auteurs et artistes, et qui avait le grand avantage d'être ouvert jusqu'à minuit et le dimanche. Quand on parle de dynamisme culturel, la présence d'un point de vente avec autant de choix est un atout, au moins autant que celle de petits libraires ou disquaires avec Virgin Megastore était concurrent. Maintenant, aux Champs Elysées, il n'y aura plus rien pour les classes moyennes, sans même parler des classes populaires. Cela réjouit le Comité des Champs Elysées qui se félicite d'avoir des commerces "de prestige" luxueux, qui ne s'adressent qu'aux touristes. Le commun des mortels n'a plus le droit que de marcher sur les trottoirs...

D'autre part, si les loyers du bail des Champs Elysées était devenu exorbitant, c'est bien le business model de tous les Virgin Megastores qui est en grave crise. Sur les produits culturels tels que la musique ou les films, au delà du piratage (qui a parfois bon dos vu qu'une œuvre piratée n'aurait pas forcément été achetée sans piratage), il y a les autres profonds changements apportés par Internet. Virgin peine surtout face au e-commerce. Et c'est la même chose pour ses concurrents traditionnels disposant d'une distribution physique, comme la Fnac. Si les plus grands magasins Virgin ou Fnac proposent un grand choix, ce sera toujours moins de choix que ce qui peut être stocké dans des entrepôts géants tels que ceux d'Amazon. En outre, e-commerce veut non seulement dire vente par correspondance, mais également dématérialisation. Et cette dématérialisation tend à court-circuiter les intermédiaires traditionnels de la distribution. Aujourd'hui, CDs et DVDs sont des supports qui sont sur le déclin, alors qu'ils représentaient une part important du chiffre d'affaire des grandes surfaces culturelles. Et comme on pouvait le prévoir, l'augmentation des ventes de Blu Ray ne suffit pas à compenser celles de DVDs. La montée d'Internet comme moyen de distribution était également parfaitement prévisible, et avait d'ailleurs été prévue par Richard Branson, qui estimait en 2000 que la moitié des disques serait vendu sur le Net.

La Fnac et Virgin n'ont toutefois pas tiré les mêmes conclusions à ces enjeux, ce qui explique en partie que le premier survive encore quand le deuxième disparaît non seulement en France mais aussi à travers le monde. Virgin n'est pas allé très loin dans le e-commerce, quand la Fnac n'a pas hésité à y mettre les deux pieds dès le départ. Plutôt que de laisser son réseau physique de distribution affronter seul Amazon, la Fnac a lancé très tôt son site forme de vente en ligne Fnac.com. Le risque de cannibalisation était grand bien sûr, et s'est tout à fait concrétisé. Cela peut au moins limiter les dégâts : aujourd'hui de nombreux clients vont dans les boutiques physiques seulement pour se renseigner, puis achètent en ligne. En ayant un site performant, la Fnac peut compter récupérer les ventes des visites faites dans ses magasins. De plus, cette chaîne logistiques désormais éprouvée facilite les commandes en magasin quand un article est manquant, sans avoir à payer de frais de port.

Néanmoins, il ne faudrait pas que la Fnac s'entête à rendre son site beaucoup plus attractif que ses magasins : autrefois, la réduction de 5 % sur les livres était automatique pour tous les clients. Désormais, en boutique, il faut acheter la carte Fnac pour y avoir droit. Elle coûte 12 €, et pour qui n'achète que des livres, il faut en acheter pour 240 € par an pour que cela commence à devenir rentable... Alors que sur Fnac.com, la réduction reste systématique pour tous, peut même aller au delà, et en plus, les frais de port sont gratuits sur les livres. Cela veut dire que pour quelqu'un qui habite en face d'une Fnac, il est plus rentable de commander en ligne sur le site de l'enseigne que de traverser la rue ! Contrairement au souhait de petits libraires, il ne faut surtout pas supprimer cette possibilité de réduction sur le prix unique des livres, mais que les boutiques veillent à rester compétitives, y compris sur le prix.

La Fnac essaye aussi de modifier son offre de produits : les rayons musique et films se contractent avec les chiffres d'affaires de ces produits, ce qui laisse de la place pour les livres, les jouets, ou le petit électroménager. A l'avenir, il y aura probablement des fermetures de magasins. C'est la loi de l'évolution alors que le changement est profond dans ce secteur. Mais il faut quand même souhaiter qu'il en reste : en apportant quelque chose en plus par rapport à la seule vente ligne, les grandes surfaces culturelles participent à faire vivre la concurrence.

mardi 13 novembre 2012

Le rapport Gallois

Après avoir évité le thème de la compétitivité comme la peste pendant la campagne électorale et ses premiers mois au pouvoir, François Hollande a commencé à s'intéresser à la question en juillet, quand Jean-Marc Ayrault a commandé un rapport sur ce thème à Louis Gallois. Alors que sa publication approchait, les fuites se multipliaient, et laissaient entrevoir des propositions bien éloignées des positions habituelles de la gauche. Mais le gouvernement assurait que ce rapport ne serait pas enterré, et que les mesures préconisées seraient appliquées. Qu'en est-il ?

Après un rapide état des lieux, le rapport aborde les mesures à mettre en oeuvre. Surtout, pas de politique de la demande (où l'on cherche à favoriser la consommation), puisque cela ne fait que profiter aux importations ! On pourrait croire que tout le monde le sait, mais comme on continue d'en entendre beaucoup, y compris au gouvernement, qui réclament une telle politique, ce rappel reste utile. Il faut donc favoriser une politique de l'offre, en donnant la priorité à l'investissement, qui permet d'être moins sensible à la compétitivité prix des salaires. Et puis le rapport continue avec des idées bien éloignées de celle de la majorité jusqu'à présent : halte à la sur-réglementation et vite un choc de compétitivité... à travers le transfert d'une partie du financement de la protection sociale (30 milliards d'euros) vers la baisse des dépenses publiques et la fiscalité : au choix, la TVA ou la CSG. Le festival continue avec la volonté de mener des recherches sur les techniques d'exploitation des gaz de schiste.

Le rapport souhaite que l'industrie française puisse monter en gamme grâce à l'innovation, et met l'accent sur le maintien du crédit impôt recherche et des pôles de compétitivité aux bilans positifs. Il évoque également le problème du transfert de la recherche vers l'innovation, dont les raisons sont idéologiques lorsqu'il s'agit de transformer la recherche publique en innovation dans le privé. Il est également question d'orienter l'action des pouvoirs publics vers trois priorités techniques et industrielles : les technologies génériques, la santé et l'économie du vivant et la transition énergétique. La plupart des propositions restantes ne mangent pas de pain, même si elles ne sont pas toutes évidentes à mettre en place (comme la systématisation de la présence des entreprises aux conseils d'administration des établissements d'enseignement technique et professionnel).

Alors, que reste-t-il de ces mesures une fois passées par le gouvernement ? La vraie question est bien évidemment celle de la survie des plus audacieuses, celles les plus aptes à changer quelque chose. Pour ce qui est du gaz de schiste, la politique gouvernementale ne peut être qualifiée d'"écologiste" mais bien d'"obscurantiste". En effet, il est tabou ne serait-ce que de chercher une manière peu polluante d'exploiter le gaz de schiste, dont la France est, dit-on, bien pourvue, alors que ces nouveaux apports d'énergie font actuellement le bonheur inespéré des Etats-Unis. Si les techniques d'exploitation actuelles sont polluantes, il faudrait justement en trouver de meilleures, mais il en est hors de question pour raisons politiciennes ! En France, on a peut-être du pétrole (de schiste), mais visiblement, on ne veut même pas avoir des idées.

Pour trouver l'usine à gaz, il faudra se tourner vers le mécanisme retenu pour diminuer les charges sociales des entreprises. Baisser les taux serait bien sûr trop simple, il y aura donc "un crédit d'impôt basé sur la masse salariale" versé avec une année de décalage. Fini le choc de compétitivité, visiblement, il n'y a pas de raison d'être pressé en France. C'est un pacte pour les cinq prochaines années, on peut donc prendre notre temps. En revanche, il est bien question d'augmenter la TVA, quelques mois à peine après avoir remis en cause sa hausse voulue par le gouvernement précédent. François Hollande clamait partout qu'il n'augmenterait pas la TVA, Jean-Marc Ayrault critiquait durement la droite sur ce sujet, ils s'y mettent également malgré tout ce qu'ils ont pu dire ! Dans sa première année de mandat, François Hollande aura passé les six premiers mois à défaire ce que Nicolas Sarkozy avait fait, et va passer les six prochains à le refaire lui-même. En fin de compte, c'est une sorte d'hommage.

Seuls les taux changeront. L'objectif est d'augmenter les marges des entreprises plutôt que de leur permettre d'avoir des prix plus faibles à l'exportation. Du coup, l'essentiel de la hausse se fait bien plus sur les produits à taux réduits que sur la majorité des biens et services. Mécaniquement, les importations contribueront bien peu au financement de la protection sociale, et ce n'est donc plus de TVA sociale dont il est question. La compétitivité prix des entreprises ne profitera donc pas directement de ces taux. Et puis, cela ne dégage que six milliards d'euros au mieux, sur les 30 milliards nécessaires selon le rapport Gallois. Qu'à cela ne tienne, le gouvernement limite ce crédit d'impôt à 20 milliards, dont 10 viendront de la baisse des dépenses publiques. Le reste ? Le reste viendra d'une nouvelle "fiscalité écologique" qui ne sera pas en place avant 2016. Autant dire à la Saint Glinglin... Pendant ce temps, les sommes prévues ne seront tout simplement pas financées (une solution qui s'appelle l'emprunt et donc l'augmentation de la dette publique).

Sur les grands principes, le rapport est donc positif, et même mieux accueilli à droite qu'à gauche. L'exécution, en revanche, risque bien de pécher. Le gouvernement, tel Perséphone, se retrouve à retricoter ce qu'il a détricoté la veille. Autant dire qu'il navigue à vu, et que cela laisse quand même une impression d'amateurisme. On a perdu bien du temps !

lundi 5 novembre 2012

La redevance télé devrait être optionnelle

Ces temps-ci, à l'Assemblée Nationale, les jours se passent tranquillement en jouant au jeu du "quel impôt va-t-on pouvoir créer ou augmenter ?" Cela fait bien longtemps que le pouvoir en place ne se soucie plus des effets des hausses d'impôts sur l'économie, le maintien de dépenses publiques énormes pour raison idéologiques étant de loin la priorité. Si seulement ces dépenses pouvaient toutes être nécessaires, voire même utiles... Mais non, on continue de se faire plaisir en augmentant les impôts afin de financer des postes parfois très accessoires. Tel est le cas des débats actuels sur la hausse de la redevance audiovisuelle. En effet, la question n'est pas de savoir s'il faut l'augmenter, mais bien jusqu'à quel point il faut l'augmenter. 4 euros d'augmentation (soit déjà plus que l'inflation) sont déjà actés, entre le Parlement et le gouvernement, on tergiverse désormais pour savoir s'il faut passer cette augmentation à 6 euros. Jamais, au grand jamais, on ne se soucie des contribuables qui auront à la payer. Envolés, tous les discours sur le pouvoir d'achat, l'essentiel de nos jours, c'est le pouvoir de payer l'impôt.

Et pourquoi faudrait-il payer cette redevance ? Elle finance les chaînes et les radios publiques, on peut parfaitement vivre sans y avoir recours, mais il faut s'en acquitter à partir du moment où l'on possède un téléviseur. La redevance, c'est un bouquet de chaînes payantes obligatoire. De la vente forcée, en somme. Contrairement à d'autres services publics, celui-ci n'est pas forcément d'intérêt général, et il coûte plus cher que la concurrence privée. Pour bien faire, il faudrait que le paiement de la redevance soit optionnel, pour permettre à ceux qui ne le souhaitent pas d'économiser cet argent.

Alors bien sûr, cela réduirait considérablement les ressources de l'audiovisuel public. Eh bien justement, cela permettrait de s'interroger enfin sur notre politique audiovisuelle afin de la rendre plus pertinente. Pour commencer, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques après 20 h n'était pas utile, et a fait perdre des ressources. Il conviendrait donc de la rétablir, contrairement aux vœux du gouvernement actuel. Ensuite, est-ce bien nécessaire qu'il y ait autant de chaînes publiques ? En métropole, on a sur la TNT :
  • France 2
  • France 3
  • France 4
  • France 5
  • France Ô
  • Arte
  • LCP/Public Sénat
  • Gulli, détenue à 34 % par France Télévisions
Et on peut rajouter à cela France 24 en trois déclinaisons (français, anglais, arabe) sur le satellite, et TV5 Monde, détenue en grande partie par la France. Pourquoi autant de chaînes ? Est-ce bien nécessaire pour le public ? On pourrait commencer par supprimer France 4, qui n'est qu'une chaîne de plus qu'on ne peut pas distinguer des autres sur la TNT. Laissons le secteur privé s'en occuper, ou bien libérer cette fréquence pour qu'une autre chaîne puisse diffuser en haute définition à la place. Même chose pour France Ô. Est-ce une chaîne régionale, ou bien une chaîne communautaire ? Si c'est une chaine régionale, une simple diffusion gratuite des programmes produits en outre-mer sur le satellite et l'ADSL suffirait, on ne peut pas supporter le coût énorme de diffusion sur l'ensemble du territoire métropolitain en TNT. Si c'est une chaîne communautaire, elle n'a pas sa place du tout dans l'audiovisuel public.

La logique est la même pour LCP/Public Sénat. Il est utile que chacun puisse avoir accès aux débats du Parlement, seulement, il faut s'en tenir à ça, et ne pas ajouter en plus des programmes de flux ou de stock qui alourdissent le coût. Le problème de ces chaînes est bien qu'absolument personne ne les regarde, à tel point qu'elles refusent de souscrire aux données d'audience. La plupart du temps, quand le public regarde l'Assemblée Nationale, ce sont les questions au gouvernement sur France 3... Le flux des débats en assemblée plénière ou en commission doit donc pouvoir être accessible sur internet, avec possibilité de revoir les séances passées, mais une diffusion sur la TNT ne se justifie pas. Economisons l'argent public !

De même, si l'audiovisuel public français a besoin d'argent, il peut revendre sa participation dans Gulli, à moins que d'éventuels dividendes constituent une rentrée d'argent en soi. Un service public de l'audiovisuel doit se concentrer sur des missions que ne peuvent pas assurer le privé. En tant que chaîne de culture et de documentaire, la présence d'Arte se justifie pleinement, et représente des programmes de qualité. L'audiovisuel extérieur français est également un outil utile, en l'occurrence pour l'influence de la France dans la monde.

France 2, France 3 et France 5 ne sont-elles pas en surnombre ? Si l'argent manque, on pourrait rationaliser tout ça. France 3 garderait les informations et les programmes régionaux, France 2 l'information nationale, et les meilleurs programmes de France 5 pourrait alimenter les grilles de ces deux chaînes, qui garderaient également les programmes religieux et les clips électoraux. Et du côté de Radio France, la publicité pourrait faire son entrée. Une privatisation de France Inter est également une idée intéressante. Voilà bien des manières de maîtriser les coûts de l'audiovisuel public, et ainsi, permettre le maintien du pouvoir d'achat des Français.

mardi 30 octobre 2012

La taxe du jour : sur le référencement

Malgré 500 millions d'aides publiques, la presse française va mal. Les raisons sont anciennes : il y a non seulement la concurrence d'Internet comme partout dans le monde, mais aussi des circuits d'impression et de distribution dramatiquement inadaptés, la faute en revenant au poids des conservatismes. Pour résumer, personne n'a envie de changer ses vieilles habitudes, quitte à rester sur un chemin qui conduit vers un gouffre. Plutôt que de se remettre en question, il y a une méthode plus simple : se plaindre, et faire payer les autres. Cette tactique bien rodée a permis de grever le budget de l'Etat par toutes ces aides illégitimes. Mais cela ne suffit pas. Alors il faut piquer l'argent de quelqu'un d'autre, encore. Et ces temps-ci, la victime désignée du secteur s'appelle Google. En effet, cette entreprise innovante gagne beaucoup d'argent, et comme la presse n'en gagne pas assez, elle veut lui en prendre une partie. La justification relève de la haute acrobatie, et s'avère donc parfaitement fumeuse. Constatez...

Les investissements publicitaires sur les sites de presse en ligne (en affichant de la publicité au sein des contenus) sont bien plus faibles que ceux réalisés sur le site de Google lui-même (où la publicité est affichée au sein des pages de recherche). L'astuce, c'est de demander que Google "partage" cette manne, car Google peut proposer des résultats de recherche que dans la mesure où il a indexé d'autres sites auparavant. Evidemment, ce que propose Google, ce sont des liens vers ces sites, et Google leur fournit donc gratuitement du trafic. Mais les sites de presse considèrent que s'ils n'avaient pas été référencés, Google ne pourrait pas proposer ses pages de recherche, et donc y mettre de la publicité. Google devrait donc reverser une partie de ses revenus aux sites de presse. Et si Google ne veut pas, eh bien voilà que le gouvernement, toujours prêt à créer de nouveaux impôts sur tout et n'importe quoi, déclare vouloir créer un impôt spécial, similaire à la taxe sur la copie privée de sinistre mémoire.

C'est une démarche très prétentieuse de la part des sites de presse. Ils croient que le succès de Google leur revient. Seulement, ce raisonnement ne vaut pas que pour les sites de presse, mais également pour tous les sites. Le blog que vous lisez, Réflexions en cours, n'affiche pas de publicités. Mais avec ce genre de principes, il pourrait réclamer aux moteurs de recherche de l'argent, provenant de toutes les pages de résultats de recherche où un lien vers lui s'affiche. C'est de la folie, et ce serait bien sûr une incroyable usine à gaz à gérer. Et puis cela finirait par tuer le concept de moteur de recherche, bien pratique pour les utilisateurs, et qui permet d'amener des visiteurs aux sites.

Si cette n-ième taxe ne concerne que les sites de presse (au nom de quoi eux et pas les autres), Google trouvera certainement plus simple de les déréférencer. D'ailleurs, si ces sites détestent tellement se faire indexer par les moteurs de recherche, ils peuvent facilement s'en prémunir. Ce serait plus simple, mais il n'y aurait pas d'argent à piquer. Au final, ça gênera tout le monde, et ne règlera rien des difficultés de la presse. Inutile donc de vouloir créer une taxe absurde sur le référencement. Par ailleurs, Google est déjà champion dans la créativité pour éviter d'être imposé. Alors avant de vouloir lui faire payer des nouveaux impôts abscons, il faudrait déjà qu'il paye les impôts traditionnels à quelqu'un. Et dans ce cas, l'argent doit revenir aux Etats qui en ont toujours bien besoin, pas à d'autres sociétés privées.

jeudi 30 août 2012

Un nouvelle bulle de l'high-tech ?

Il y a une dizaine de jours, l'annonce qu'Apple avait battu le record de la plus grosse capitalisation boursière de tous les temps a beaucoup impressionné. Surtout, le fait que le détenteur du précédent record soit Microsoft en 1999 a posé une question légitime : l'action Apple bénéficie-t-elle d'une bulle spéculative ? Après tout, en 1999, nous étions en pleine bulle internet, et Microsoft en était la valeur reine. Les bulles spéculative, cela paraît évident après éclatement, mais quand on est dedans, c'est bien compliqué. Encore dernièrement, le boom immobilier espagnol a fini par se révéler être une bulle immobilière, aujourd'hui, c'est manifeste lorsqu'on en constate les dégâts, mais auparavant, c'était surtout vu comme un facteur de croissance. C'était pareil pour la bulle internet : à l'époque, l'Internet et la téléphonie mobile étaient des ruptures technologiques majeures, entraînant la naissance de nombreuses innovations technologique, "révolutionnant" la société et l'économie. On parlait alors de "net économie", on voyait une nouvelle phase ascendante d'un cycle de Kondratiev (soit une bonne vingtaine d'années de croissance en prévision) à la faveur d'une vague d'innovations schumpéterienne. A ce moment là, on pensait que se lançaient les futurs acteurs majeurs du monde de l'économie, et il fallait en avoir sa part tant qu'il était encore temps.

Lorsque Microsoft fut l'objet d'enquêtes sur ses pratiques en position de monopole, cette seule inquiétude suffit pour que la musique arrête brusquement et qu'on commence à faire le tri. Bien des start ups côtées en bourse se révélait manquer d'un business model permettant de générer de l'argent. Elles disparurent, évidemment. D'autres étaient rentables, et restent importantes à ce jour, comme Amazon ou eBay. Microsoft, fort de ses deux vaches à lait Office et Windows, était également très rentable, mais sa valorisation revint à un niveau normal.

Les stars d'aujourd'hui s'appellent Apple, Google ou Facebook. Les trois disposent d'un modèle économique générant du cash. Apple est un revenant, très fort pour construire non pas des produits totalement nouveaux (le baladeur MP3 ou l'ordinateur portable tactile existaient auparavant), mais des systèmes qui arrivent à attirer les faveurs des clients. Entre la vente des produits électroniques, les gains venant des contrats téléphoniques et les commissions sur la vente en ligne de logiciels ou produits culturels, Apple génère beaucoup d'argent. L'action a monté en conséquence. Mais même en détenant ce record de capitalisation boursière, le Price/Earnings Ratio (PER) d'Apple reste tout à fait dans les moyennes historiques des entreprises côtées. En fait, le point le plus dérangeant était cette progression continue du cours de l'action, sans que des dividendes ne soient versés depuis 1995 : les actionnaires ne gagnaient rien à part la valorisation de leur action, fruit de leurs spéculations. Mais il a été annoncé qu'Apple verserait un dividende à partir de cette année. Enfin.

Google et Microsoft sont également dans des valorisations qui n'ont rien d'excessives, tirant profit de leurs quasi monopoles dans leurs produits respectifs. En revanche, celle de Facebook pose clairement problème : même en ayant perdu 50 % depuis son introduction, le PER de son action reste encore trop élevé par rapport aux niveaux normaux, même pour une entreprise en croissance comme elle. C'est plus un pari sur la faculté qu'aura cette entreprise totalitaire de prendre le contrôle de nos vies.

Pour l'instant, il n'y a donc pas de grande bulle de l'high-tech. C'est de toute façon difficile de voir se créer une vaste bulle économique, quand l'économie elle même est tellement morose à travers les pays développés. Mais ne nous voilons pas la face, des bulles économiques, il y en aura encore bien d'autres.

samedi 7 juillet 2012

La parabole des Tuileries, démonstration bidon

En mars dernier, le site d'actualité LeMonde.fr publie une vidéo intitulée La parabole des Tuileries, censée nous expliquer en quoi les "mécanismes économiques à l'œuvre dans le champ culturel se distinguent des règles courantes" et comment l'intervention publique dans la culture favorise la croissance. La voici :


C'est avec ce genre de propos que l'on peut définitivement se convaincre que l'économie est loin d'être une science. Cette vidéo n'a été conçue non pour présenter le résultat d'une démonstration, mais pour présenter une conviction, dont la démonstration est un échec. Reprenons : au début, on nous parle de l'utilité marginale décroissante des biens et des services. L'exemple de la limonade est pertinent, tout va bien. Cela se complique après. Avoir soif est quelque chose qui est arrivé à la plupart d'entre nous en plein août, mais qui peut dire que les situations suivantes se présentent aussi fréquemment ?

En l'occurrence, la vidéo affirme des choses qui n'ont rien d'établies. A force d'écouter Schubert, c'est comme pour tout, au bout d'un moment, on en a marre. Il n'y a pas d'utilité marginale croissante en matière de musique, ou même de culture. Ecouter un morceau de musique ne donne pas forcément davantage envie d'écouter le suivant qu'auparavant. Un tel mécanisme relèverait du produit addictif, et ce serait le modèle économique le plus rentable au monde (celui des drogues dures). Ce n'est pas le cas du domaine de la culture.

La plupart des gens n'auront pas acheté de CD au quatuor jouant en plein air, et la plupart des gens n'a pas découvert non plus Schubert à travers un cours de musique au collège. L'Etat n'est pas indispensable pour amorcer la découverte culturelle. La musique contemporaine, les films ou les jeux vidéos sont des produits considérés culturels qui se vendent et deviennent populaires sans que l'Etat n'ait besoin d'en faire la publicité directement.

Cette démonstration ratée se poursuit par une rencontre avec des touristes. La vidéo affirme "Vous êtes Français, et cela vous procure d'emblée un capital de sympathie gigantesque". Eh bien avec ce genre d'affirmations, on comprend mieux pourquoi les étrangers, les Français sont surtout connus pour leur arrogance. Si la France est un beau pays, le capital de sympathie pour les Français est loin d'être aussi élevés que cette vidéo semble le croire. On nous explique ensuite que c'est l'Etat qui nous a "offert" ce "prestige" à grands coups de subventions. Parmi les exemples de cette culture française dont on profite en indiquant le chemin aux touristes, apparaissent :
  • la cuisine française, qui repose sur l'activité de restaurants, entreprises privées
  • les vins, provenant d'exploitations viticoles, entreprises privées, peut-être subventionnés par la PAC actuellement, mais celle-ci est loin de relever d'une politique culturelle
  • la littérature "libertine", illustrée à travers les ouvrages du marquis de Sade. Les écrits de l'auteur n'ont pas été aidés de quelconques subventions, de la part de la puissance publique, ils lui ont plutôt valu de longues années de prison.
Au final, le lien entre subventions et attractivité de la France n'est pas prouvé, en dehors du simple entretien du patrimoine.

La vidéo poursuit "Auriez-vous fait tous ces achats si à deux pas de vous ne se trouvait pas un espace public qui valait qu'on s'y attarde ?" Pour commencer, le commun des mortels n'aurait pas fait tous ces achats, même en étant au jardin des Tuileries. Ensuite, pour les Parisiens, ce jardin est un parc et non un endroit de culture. Mais tout cela n'a qu'un seul but : nous assommer avec l'effet multiplicateur, mécanisme keynésien qui dit que tout argent injecté dans l'économie par l'Etat démultipliera les créations de richesses au fur et à mesure qu'il circulera. C'est l'idée favorite de tous les avocats de l'Etat Providence, mais qui dans la réalité, est loin d'être aussi systématique. Cet argent peut être épargné, mais également utilisé pour des importations, ce qui au final, sera d'une faible utilité pour l'économie local dans l'immédiat. Généralement, cela permet surtout tous les gaspillages d'argent public.

Pour finir, la dépense publique dans la culture ne peut être systématiquement qualifiée d'investissements. Mais c'est sûr, cela sonne mieux, et ne donne pas l'impression que cet argent est définitivement perdu. Plutôt qu'un cours d'économie, cette vidéo est bien évidemment une opération de communication qui ne satisfera que ceux qui étaient déjà convaincus que l'Etat devait mettre de l'argent dans la culture. Ce même raisonnement sert à subventionner tout et n'importe quoi, c'est d'ailleurs ce que fait l'Etat de nos jours, avec les résultats navrants que l'on sait. La réalisation de la vidéo a bénéficié de l'aide du "Forum d'Avignon", association visant à lier culture et économie, soutenue par le ministère de la culture. Il s'agit donc pour le ministère de défendre sa raison d'être et son budget. Cela tombe à l'eau...

mardi 12 juin 2012

Qui a besoin de BeIN Sport ?

Le 31 mai dernier, la chaîne payante CFoot a cessé d'émettre. Conçue comme un moyen de pression sur Canal Plus dans le cadre des enchères sur les droits du championnat de football de Ligue 1, la chaîne n'était pas viable économiquement, on le savait avant même qu'elle ne se créée. Les déficits importants ont bien été au rendez-vous, mais la surprise fut l'arrivée des Qataris d'Al Jazira Sport, qui ont utilisé leurs revenus colossals issus du pétrole pour mettre la main sur certains droits sportifs. De son côté, Canal Plus n'a pas renchéri. La chaîne créée par Al Jazira (sur deux canaux), appelée BeIN Sport, proposera les matchs de second choix de la Ligue 1, de la Ligue des Champions et du Championnat d'Europe des Nations. BeIN Sport a payé cher pour récupérer les droits de tous ces matchs, mais comme toujours, on peut se demander s'il y aura vraiment beaucoup de fans de foot qui choisiront de s'abonner à la fois à Canal Plus et à BeIN Sport, seul moyen d'en rater le moins possible. La facture finale est salée pour le supporter, et s'il faut choisir, il préférera certainement les grandes affiches, et elles sont dans l'escarcelle de Canal Plus.

Surpris par l'arrivée d'un tel concurrent, Canal Plus vilipende déjà BeIN Sport. Son principal reproche est que ce n'est pas un projet économiquement rationnel, et il est difficile de le nier. Les perspectives de rentabilité sont très douteuses, mais pour les Qataris, l'essentiel semble d'acheter une influence sur le milieu sportif européen. La Fédération Française de Football y voit également son intérêt, puisqu'il s'agit là d'une nouvelle manne d'argent inespérée. Pourtant, pour le bien du football, la manœuvre pourrait s'avérer défavorable. Une grande compétition internationale de football a commencé, et l'on n'en entend très peu parler, si on compare avec les éditions précédentes. Il faut remonter à loin pour retrouver une époque où un Euro intéressait si peu les Français... Si on compare avec un pays comme l'Allemagne, qui bien avant la compétition, ne vit plus pour que pour sa Mannschaft, la différence est frappante.

Alors bien sûr, l'essentiel de cette perte d'intérêt du public provient de la faillite morale de notre équipe nationale, mise en évidence en 2010, comme si les difficultés sportives ne suffisaient pas. Mais en attribuant une grande partie des droits télé de cet Euro à BeIN Sport, une chaîne à péage, l'UEFA n'a pas aidé. Elle a sciemment sacrifié la visibilité de l'événement sportif qu'elle organise au profit de l'argent. Mais combien de personnes ont eu le temps de s'abonner à une chaîne qui vient à peine de se lancer ? Le chiffre ne sera pas communiqué. Bien des rencontres comme le Grèce/République Tchèque de cette fin d'après-midi ne seront vus que par très peu de Français.

Il n'est pourtant pas forcément nécessaire de payer son écot aux Qataris pour voir tous les matchs de l'Euro 2012. En effet, des millions de foyers français ont une parabole pointée sur les satellites Astra (où sont diffusés les chaînes Canal Plus et CanalSat), et ceux-là peuvent regarder l'ensemble de la compétition sur les deux chaînes publiques allemandes, ARD et ZDF, qui la retransmettent. En outre, les versions HD de ces chaînes sont gratuites, il suffit de faire une recherche progressive des chaînes pour trouver celles qui ne sont pas relevées par défaut par le décodeur. En fin de compte, s'abonner à BeIN Sport, c'est uniquement payer le droit d'entendre des commentateurs parler français, tel une radio payante. Décidément, c'est économiquement irrationnel pour tout le monde.

lundi 9 avril 2012

Haro sur les jeux vidéo d'occasion

Sur le marché des jeux vidéo, les éditeurs préparent une nouvelle évolution. Elle ne concerne pas du nouveau matériel, ou de nouveaux jeux, mais des limitations sur l'utilisation de ceux-ci. Jusqu'à présent, ils avaient déjà essayé de mettre en place des contraintes visant à limiter le piratage des jeux, à travers des codes, la vérification de la légitimité du jeu en se connectant sur le net ou divers autres mécanismes. Mais désormais, de plus en plus d'éditeurs veulent s'assurer que les joueurs jouent avec un jeu neuf, et non d'occasion.

Leur raisonnement est assez simple : un jeu vidéo coûte cher à produire, et demande donc de lourds investissements. Sur console HD, il nouveau jeu coûte 70 euros pour le tarif standard, bien plus que pour la génération de console précédente. A ce tarif là, de plus en plus de joueurs préfèrent attendre un peu, pour pouvoir acheter le jeu vidéo moins cher, en occasion. Seulement, si les magasins prospèrent en vendant tant les jeux neufs que d'occasion (dont la marge est encore plus importante vu les tarifs de rachat), les éditeurs ne gagnent rien du tout sur ces derniers. Cela les fait enrager que l'on puisse profiter légalement de leur travail, sans leur avoir donné de l'argent. D'où des limitations.

Un jeu a poussé la perfidie jusqu'à ne mettre qu'un seul emplacement de sauvegarde sur une cartouche, sans qu'il soit effaçable, nécessitant le rachat du jeu pour faire une deuxième partie. La plupart du temps, le jeu demande à être associé à une console précise, et refuse d'exploiter toutes ses fonctionnalités (notamment réseau) s'il est mis sur une autre console. Il faut alors le débloquer, ce qui nécessite de payer un droit spécial à l'éditeur du jeu. C'est un procédé scélérat, car il vise à déterminer l'usage que l'on fait du produit, et in fine à détruire le marché du jeu d'occasion.

D'un point de vue moral, c'est indéfendable. Le marché d'occasion a toujours existé, et ce, pour tous les biens. Vouloir que seul le neuf soit négocié est stupide, voire irresponsable. Les maçons demandent-ils que seules des logements neufs puissent être achetés ? Cela supposerait de démolir systématiquement une maison en cas de déménagement, pour en reconstruire une nouvelle à la place. Tout le monde se rend bien compte des raisons pour lesquelles c'est impossible. De même, exiger que seules des voitures neuves soient négociées n'a pas de sens : certes, ce serait probablement positif pour l'emploi dans chez les constructeurs, mais ce serait un énorme gâchis de ressources. Les constructeurs, eux, préfèrent produire des véhicules moins chers qui puissent concurrencer les voitures d'occasion plutôt que d'interdire le marché de seconde main (sur lequel ils sont présents eux aussi d'ailleurs).

Mais la lutte contre l'occasion est également une bêtise sur le plan économique. Les éditeurs de jeux vidéo ne semblent pas imaginer que le marché de l'occasion finance l'ensemble du secteur du jeu vidéo, de façon indirecte : quand l'acheteur d'un jeu neuf le revend, il dégage de nouvelles ressources qui lui permettront d'acheter plus facilement un jeu neuf. Le mécanisme permet de vendre le produit à chacun au prix juste. Neuf au prix fort pour les collectionneurs qui (s')investissent beaucoup dans ce loisir. Neuf mais à un prix supportable pour celui qui a revendu ses précédents jeux. Et d'occasion à un prix réduit pour celui qui est patient et est prêt à avoir un produit déjà un peu usé. Il pourra lui-même diminuer sa propre charge s'il revend à son tour ces jeux d'occasion.

Le principe n'est en rien différent de la finance : les entreprises émettent des actions pour se financer, et le financement ne vient en fait que lors de l'émission. La cotation vient du marché des actions de seconde main, où s'échangent des actions déjà émises. Sa nécessité est unanimement reconnue, car la possibilité de revendre ses actions facilite la décision d'achat lors de l'émission, et donc permet le financement d'entreprises par ricochet. Les éditeurs de jeu vidéo feraient bien de s'en rappeler, plutôt que d'essayer de rendre la vie difficile à leurs clients, même lorsqu'ils sont dans la légalité.

dimanche 25 mars 2012

La TVA sociale en un coup d'oeil

La TVA sociale a été votée le mois dernier par le Parlement, et sera appliquée d'ici la fin de l'année. C'est une bonne mesure, dont le principal tort est de ne pas avoir été appliquée plus tôt. Pour ceux qui peineraient encore à en comprendre le principe, son principe peut parfaitement être résumé en un tableau que voici :



Améliorer notre compétitivité prix, réduire notre déficit commercial et préserver ainsi des emplois ? Tout ce qu'il nous fallait.

dimanche 4 mars 2012

Les problèmes de Carrefour

Le groupe Carrefour a de nouveau changé de dirigeant. Le suédois Lars Olofsson a été remplacé par Georges Plassat, auparavant dirigeant de Vivarte. Lars Olofsson n'aura pas été à la tête de Carrefour très longtemps, n'y étant arrivé qu'en 2009, à la suite de l'Espagnol José Luis Duran, lui même remplaçant en 2005 la figure marquante qu'était Daniel Bernard (resté 12 ans à ce poste). Pour un poste de dirigeant d'un si grand groupe, cela dénote quand même d'une certaine instabilité. Mais le groupe Carrefour était à la peine en France, ses hypermarchés ayant même connu une baisse d'activité en 2011. Il faut dire qu'il rencontre plusieurs problèmes stratégiques.

Son premier problème est son positionnement. José Luis Duran avait voulu une stratégie agressive de prix bas, plus ou moins bien suivie concrètement. Lars Olofsson avait surpris en réorganisant ses surfaces de ventes sous trois enseignes principales : Carrefour City, Carrefour Market (ancien Champion) et Carrefour Planet. Renommer les supermarchés Champion en Carrefour Market n'a pas eu de grand bouleversement sur la structure de ces magasins. En revanche, le passage des hypermarchés en mode "Planet" s'est accompagné d'importantes modifications dans les magasins, avec beaucoup d'efforts faits sur la présentation des produits. Les lumières, les linéaires, les sons d'ambiance... on trouve même des artisans sushi à temps plein dans les rayons poissonnerie de certains des Carrefour Planet. Avec tout cela, on se croirait dans un grand magasin, et moins dans un hypermarché.

Le but de ce concept était de "réenchanter l'hypermarché", ce qui donnerait davantage envie d'acheter. Seulement, tous les signaux envoyés sont clairement ceux de la montée de gamme. Et pour la grande majorité des consommateurs, le terrain qui compte, c'est celui des prix. Ils n'ont alors pas envie de se fournir dans un cadre luxueux, car ils savent que ce sera répercuté dans le ticket de caisse. Quand tous ses concurrents faisaient la guerre des prix, Carrefour a voulu se démarquer sur la présentation. Paradoxalement, c'est mal connaître le marché, et il est étonnant que des spécialistes aient pu faire ce genre d'erreurs. La formule n'a pas les effets escomptés, et demande trop d'immobilisations, d'investissements. Ce n'est pas vraiment une surprise.

Le deuxième problème de Carrefour en France est son organisation. Certains de ses concurrents comme Leclerc, Intermarché ou Système U opèrent selon des systèmes de franchise ou de coopératives. Cela leur permet plus facilement des initiatives locales, au plus proche des attentes de leurs clients. La montée en puissance des "drive", ces magasins où le panier est préparé suite à une commande sur un internet, et est directement chargé dans le coffre de l'automobile du client, est d'abord le fait de propriétaires, et non de directeurs salariés. Pour Carrefour, cela nécessite de remonter la chaîne de direction pour qu'une décision soit prise, d'où une réactivité moindre. Mais Carrefour n'est certes pas le seul groupe à opérer d'abord comme un grand groupe intégré.

Le troisième problème lui est plus spécifique : c'est son actionnariat. Par rapport à ses concurrents français, le capital de Carrefour est beaucoup moins stable, avec une part majoritaire d'actions "flottantes". Cela a permis à Bernard Arnault et à Colony Capital de monter jusqu'à 16 % du capital (et 22 % des droits de vote). Mais ce n'est pas là un placement de long terme, ils veulent que l'investissement soit rentable au plus vite... alors que l'action baisse nettement. C'est comme ça que Carrefour a du subir un débat en temps normal invraisemblable, sur la vente des murs de son immobilier. Le but est alors de profiter des rentrées d'argent venant de ces sessions, tout en sachant que l'acquéreur se remboursera sur les loyers qu'il touchera. A long terme, c'est évidemment une mauvaise opération. La filiale gérant l'immobilier des grandes surfaces a vu sa mise sur le marché suspendue, mais les murs de 97 supermarchés ont bien été vendus.

Au bout du compte, la structure de l'actionnariat influe sur chacun de ces problèmes. Qu'une grande entreprise soit contrôlée par des actionnaires instables est trop souvent une mauvaise chose. Les grands propriétaires familiaux sont vilipendés pour leur richesse, mais eux peuvent se permettre de voir à long terme pour leurs actifs. Cela donne une certaine sécurité en soi. En période de développement, la recherche de capitaux pour investir est certes moins évidente, mais les avantages des entreprises familiales ne sont pas négligeables.

jeudi 9 février 2012

Enfin la TVA sociale !

Au conseil des ministres d'hier, la mise en place de la TVA sociale a donc été mise en route. Enfin ! Elle était réclamée depuis longtemps. Elle était prévue dans le programme de Nicolas Sarkozy, mais fut renvoyée aux calendes grecques lors des dernières législatives, car la mesure est impopulaire. On la ressort enfin du placard car c'est une mesure qui est une vraie opportunité, on ne peut que se désoler qu'elle n'ait pas été mise en place plus tôt, alors que ses effets bénéfiques auraient pu profiter à l'économie française. Evidemment, voir le taux de TVA augmenter fait rarement plaisir, puisque instinctivement, on se dit que cela signifie une hausse des prix. Mais, et c'est justement ça la particularité de la TVA sociale, ce ne sera pas forcément le cas.

Il s'agit de supprimer les cotisations familiales des charges sociales. Elles sont payées par chaque entreprise pour chaque employé. Le fait que les charges sociales (patronales et salariales) sont trop élevées est bien connu. C'est particulièrement défavorable à l'emploi, puisque ce sont des impôts supplémentaires de fait pour chaque nouvel employé. Elles sont bien plus élevées que presque partout dans le monde. Les produits fabriqués en France doivent intégrer leur coût, et sont en concurrence avec des produits qui ne subissent pas de telles charges. La TVA sociale doit donc transférer le coût de cette protection sociale du travail vers la consommation. Cela aura les effets suivants :
  • Les entreprises produisant en France et vendant en France seront soumis au taux majoré, mais verront leur structure de coût allégée, via la suppression des cotisations familiales. Elles pourront donc financer elles-mêmes cette augmentation de TVA, et n'auront rien à répercuter sur les prix. Elles ne pourront donc pas prendre la TVA sociale comme prétexte pour augmenter les prix. Il faut que chacun en soit conscient pour échapper aux éventuelles arnaques, et sanctionner ceux qui seraient malhonnêtes sur ce point là.
  • Les entreprises produisant en France et vendant à l'étranger ne sont soumis qu'au taux de TVA du pays de vente. Celui-ci ne bougeant pas, et leur structure de coût diminuant grâce à la suppression des cotisations familiales, elles pourront baisser leurs prix sans baisser leur marge, et ainsi augmenter leurs parts de marché. Voilà qui est favorable pour les exportations françaises.
  • Les entreprises produisant à l'étranger et vendant à l'étranger, en concurrence avec les exportations françaises, ne verront pas leurs coûts et leurs prix baisser, quand ceux des produits français diminueraient.
  • Les entreprises produisant à l'étranger en vendant à l'étranger seront soumis au taux majoré, sans voir leurs coûts baisser. Logiquement, cela entraînera soit une baisse de leur marge, soit une hausse des prix de leurs produits. Avec la TVA sociale, les seuls produits dont les prix devraient augmenter sont ceux importés, et soumis au taux pleins (ce qui exclut la nourriture par exemple). C'est une façon possible de rendre l'importation de produits moins avantageuse, et donc de lutter contre la désindustrialisation de la France. En effet, comme les prix des produits importés augmenteront alors que ceux de ceux produits en France resteront stables, l'écart pour l'acheteur sera moins important, rendant les produits made in France plus intéressants.
La TVA sociale ne permettra pas de rendre le prix de tout ce qui est fabriqué en France inférieur à celui des importations. Dans certains secteurs, l'écart est gigantesque. Mais au moins, il se réduira. On notera d'ailleurs que l'augmentation de 1,6 point reste modeste, alors qu'elle aurait pu être importante. C'est une mesure destinée à améliorer la compétitivité prix de la France. Vu les chiffres abyssaux de notre déficit de la balance commerciale, on se rend bien compte que les prix sont un souci, mais pas le seul. Nos entreprises doivent augmenter la qualité de leurs produits, s'engager davantage sur le chemin de l'innovation et améliorer leurs structures de ventes à l'étranger. Il n'est pas exclu que l'Etat leur facilite la tâche, mais au bout du compte, cela reste de la responsabilité des agents privés. Sur ces trois aspects, c'est une nouvelle mentalité qui est nécessaire pour réussir.

dimanche 29 janvier 2012

Pour une politique de l'offre

Pourquoi aussi peu de croissance en France ? A l'heure actuelle, celle-ci est quasi nulle. Cela s'explique par la crise économique et financière qui date de 2008. La crise de l'euro qui en découle n'aide pas, mais les pays situés en dehors de la zone euro ne font pas mieux, ce qui fait relativiser. Il y a aujourd'hui bien des pays qui en sont en pire état que la France, notamment ceux qui avaient une croissance forte auparavant mais qui vivaient en fait sur une bulle. Pour ceux-là, le retour à la réalité est à la fois brutal et terrible. Néanmoins, la France tend à avoir des taux de croissance inférieurs à ceux des autres pays développés depuis des décennies. Or quand la croissance est trop faible, le chômage augmente mécaniquement. Le manque de croissance structurel de la France lui assure un chômage tout aussi structurel.

Le grand leitmotiv des politiciens français a donc été leur volonté de relancer la croissance pour créer des emplois. Seulement il faut se souvenir que, à moins d'embaucher des fonctionnaires en masse, ce ne sont pas les gouvernements qui créent des emplois, ce sont les entreprises. Et les politiques menées ne leur ont pas été favorables. Leur déficit de compétitivité ne les handicape pas seulement pour l'exportation, mais aussi pour la vente dans le marché intérieur. Voyons comment cela fonctionne...

Sur les trois dernières décennies, relancer la croissance a voulu dire, pour les politiciens, relancer la consommation. En donnant plus d'argents aux ménages français, ceux-ci le dépenseront, ce qui fera travailler les entreprises, et donc créera des emplois. Théoriquement, selon le mécanisme du multiplicateur keynésien, le surcroit d'activité engendré finirait par générer suffisamment de ressources fiscales pour au final compenser l'argent "investi" dans la relance. Cela paraît séduisant, mais ça ne fonctionne plus. Si les Français dépensent bien l'argent qu'on leur donne, ils l'utilisent pour acheter en grande partie des produits achetés à l'étranger. Plus innovants, de meilleure qualité ou moins chers, ils sont souvent plus compétitifs que les produits produits en France. L'argent investi dans la relance va donc bien générer de l'activité économique, mais de l'activité pour les entreprises chinoises. Evidemment, les ressources fiscales escomptées n'arrivent pas, et l'investissement, sans retour, se transforme en débit pur et simple, financé par la dette qui s'accumule.

Ces histoires de relance, c'est comme essayer de remplir le tonneau des Danaïdes, un récipient percé. On comprend donc la thématique de l'"acheter français", relancé par François Bayrou et le gouvernement : il s'agit de boucher le trou. Le concept n'a rien de nouveau. Mais plutôt que de prendre les consommateurs par les sentiments avec des slogans tels que "nos emplettes font nos emplois", il serait préférable de s'appuyer sur la rationnalité économique des acheteurs. Si le produit français est le meilleur (en innovation, solidité, voire prix), il aura beaucoup plus de chances de rencontrer le succès, en France, mais aussi à l'étranger.

On en revient donc à la question de la compétitivité des entreprises françaises. Au niveau des prix, la TVA sociale est une bonne piste pour améliorer cet aspect de la compétitivité, mais vu l'ampleur des sommes dépensées pour la protection sociale en France, une hausse de la TVA ne suffira jamais à tout compenser. Au niveau de l'innovation, la situation est bien sombre pour la France. Si la France n'arrive pas à atteindre l'objectif de 3 % du PIB dépensé en recherche et développement, c'est bien à cause de la faiblesse des investissements en la matière par les entreprises françaises. Il y a un soucis de mentalité, mais aussi un problème de marges suffisantes pour financer de tels investissements à long terme. On pointe souvent du doigt les profits des entreprises du CAC 40, mais ce n'est qu'une partie de l'économie française, et elles tirent une grande part de ces profits par des biens et services produits à l'étranger.

La croissance économique française est insuffisante car ses entreprises manquent de compétitivité. Le but de la politique économique française doit donc de permettre aux entreprises d'améliorer leur compétitivité. On pourra débattre des mesures à mettre en place pour cet objectif, mais on cela signifie d'ores et déjà une chose : la France n'a pas besoin d'une politique économique fondée sur la relance de la demande, elle a besoin d'une politique améliorant son offre de biens et services.

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