Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

dimanche 29 janvier 2012

Pour une politique de l'offre

Pourquoi aussi peu de croissance en France ? A l'heure actuelle, celle-ci est quasi nulle. Cela s'explique par la crise économique et financière qui date de 2008. La crise de l'euro qui en découle n'aide pas, mais les pays situés en dehors de la zone euro ne font pas mieux, ce qui fait relativiser. Il y a aujourd'hui bien des pays qui en sont en pire état que la France, notamment ceux qui avaient une croissance forte auparavant mais qui vivaient en fait sur une bulle. Pour ceux-là, le retour à la réalité est à la fois brutal et terrible. Néanmoins, la France tend à avoir des taux de croissance inférieurs à ceux des autres pays développés depuis des décennies. Or quand la croissance est trop faible, le chômage augmente mécaniquement. Le manque de croissance structurel de la France lui assure un chômage tout aussi structurel.

Le grand leitmotiv des politiciens français a donc été leur volonté de relancer la croissance pour créer des emplois. Seulement il faut se souvenir que, à moins d'embaucher des fonctionnaires en masse, ce ne sont pas les gouvernements qui créent des emplois, ce sont les entreprises. Et les politiques menées ne leur ont pas été favorables. Leur déficit de compétitivité ne les handicape pas seulement pour l'exportation, mais aussi pour la vente dans le marché intérieur. Voyons comment cela fonctionne...

Sur les trois dernières décennies, relancer la croissance a voulu dire, pour les politiciens, relancer la consommation. En donnant plus d'argents aux ménages français, ceux-ci le dépenseront, ce qui fera travailler les entreprises, et donc créera des emplois. Théoriquement, selon le mécanisme du multiplicateur keynésien, le surcroit d'activité engendré finirait par générer suffisamment de ressources fiscales pour au final compenser l'argent "investi" dans la relance. Cela paraît séduisant, mais ça ne fonctionne plus. Si les Français dépensent bien l'argent qu'on leur donne, ils l'utilisent pour acheter en grande partie des produits achetés à l'étranger. Plus innovants, de meilleure qualité ou moins chers, ils sont souvent plus compétitifs que les produits produits en France. L'argent investi dans la relance va donc bien générer de l'activité économique, mais de l'activité pour les entreprises chinoises. Evidemment, les ressources fiscales escomptées n'arrivent pas, et l'investissement, sans retour, se transforme en débit pur et simple, financé par la dette qui s'accumule.

Ces histoires de relance, c'est comme essayer de remplir le tonneau des Danaïdes, un récipient percé. On comprend donc la thématique de l'"acheter français", relancé par François Bayrou et le gouvernement : il s'agit de boucher le trou. Le concept n'a rien de nouveau. Mais plutôt que de prendre les consommateurs par les sentiments avec des slogans tels que "nos emplettes font nos emplois", il serait préférable de s'appuyer sur la rationnalité économique des acheteurs. Si le produit français est le meilleur (en innovation, solidité, voire prix), il aura beaucoup plus de chances de rencontrer le succès, en France, mais aussi à l'étranger.

On en revient donc à la question de la compétitivité des entreprises françaises. Au niveau des prix, la TVA sociale est une bonne piste pour améliorer cet aspect de la compétitivité, mais vu l'ampleur des sommes dépensées pour la protection sociale en France, une hausse de la TVA ne suffira jamais à tout compenser. Au niveau de l'innovation, la situation est bien sombre pour la France. Si la France n'arrive pas à atteindre l'objectif de 3 % du PIB dépensé en recherche et développement, c'est bien à cause de la faiblesse des investissements en la matière par les entreprises françaises. Il y a un soucis de mentalité, mais aussi un problème de marges suffisantes pour financer de tels investissements à long terme. On pointe souvent du doigt les profits des entreprises du CAC 40, mais ce n'est qu'une partie de l'économie française, et elles tirent une grande part de ces profits par des biens et services produits à l'étranger.

La croissance économique française est insuffisante car ses entreprises manquent de compétitivité. Le but de la politique économique française doit donc de permettre aux entreprises d'améliorer leur compétitivité. On pourra débattre des mesures à mettre en place pour cet objectif, mais on cela signifie d'ores et déjà une chose : la France n'a pas besoin d'une politique économique fondée sur la relance de la demande, elle a besoin d'une politique améliorant son offre de biens et services.

mardi 24 janvier 2012

C'est l'heure de payer !

La perte du AAA de la France chez l'agence de notation Standard & Poors a, comme on pouvait s'y attendre, permis un bel exercice de pointages du doigt de tous les côtés. La gauche a parlé d'une "présidence dégradée", reprenant exactement les mêmes mots que ceux utilisés par les républicains pour critiquer Barack Obama lorsque les Etats-Unis ont connu un sort similaire. La droite a fait remarquer que l'ampleur de la dette publique tient pour beaucoup à son explosion lors de la présidence de François Mitterrand. En réalité, c'est plus simple que ça. C'est de notre faute à tous, nous, l'ensemble des Français. On le savait que notre dette était importante, et qu'il était malsain que le budget de l'Etat n'ait pas été à l'équilibre pendant des décennies. On le savait qu'il n'était pas normal d'emprunter pour financer des dépenses de fonctionnement. On le savait que l'on ne pouvait indéfiniment durer comme ça. Et pourtant, on ne s'en préoccupait pas vraiment. Pire, nos revendications, nos exigences portaient toujours sur de l'octroi d'argent pour de nouvelles dépenses. Quand on manifeste dans la rue, le mot d'ordre en général, c'est "on a besoin de davantage de moyens pour"... quoi que ce soit.

Voilà le résultat :

Le PIB et la dette publique en France 1980-2010


Les dépenses publiques ont bien plus augmenté que le PIB, alors qu'en même temps, les recettes fiscales le suivaient assez fidèlement. Le taux de prélèvements obligatoires est resté à peu près stable sur les 30 dernières années, et pour cause, puisqu'on difficilement prélever plus sur l'économie. En 2008, la France avait le quatrième taux de prélèvements obligatoires le plus élevé dans l'OCDE (à 43,5 %), devant la Finlande, l'Allemagne (36,4 %), l'Espagne (33,3 %) ou le Japon (28,3 %). D'après l'OCDE, nous sommes le pays où il y a le plus grand nombre de taxes.

Jusqu'à présent, les investisseurs acceptaient de financer la dette de la France en considérant qu'elle pourrait toujours créer de nouveaux impôts pour rembourser. Mais la dette s'accumule, et notre faible croissance structurelle met en doute la durabilité d'un tel système. Ceux qui avaient voulu mettre en avant le besoin de rigueur budgétaire étaient vilipendés pour leur libéralisme économique néfaste aux conditions sociales de la population. Cassandre avait raison. Aujourd'hui, ce que nous signifie cette dégradation de la dette, c'est qu'il est finalement l'heure de payer. On savait que ça allait arriver, on disait "un jour, nos enfants auront à rembourser tout cela, ils naissent avec des dettes", on l'a dit pendant des décennies. C'était vrai, et c'est pour maintenant. Reste désormais à voir comment on fera avec nos nouvelles conditions sociales.

free hit counter