Réflexions en cours

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jeudi 5 mai 2011

Les dépenses de R&D en France

Du Conseil Européen de Lisbonne en mars 2000, on a surtout retenu la nécessité d'achever le marché intérieur. Cela fut reproché au gouvernement socialiste. Mais ce n'était pas le seul point abordé. Le but général était de fonder une société de croissance fondée sur la connaissance. En conséquence, plusieurs objectifs précis avaient été décidés. L'"objectif de Barcelone" était ainsi d'arriver en 2010 à un niveau de dépenses de 3 % du PIB en recherche et développement (R&D) : 1 % financé par les administrations, 2 % financés par les entreprises. Par la suite, ce fut une des promesses de campagne de Jacques Chirac en 2002. En 2002, ce taux de dépenses fut de 2,22 %. Il baissa, puis remonta, mais l'ordre de grandeur des évolutions annuelles restait dans les quelques centièmes de point. L'objectif n'aura pas été tenu en 2010, puisqu'en fin de compte, c'est une certaine stabilité qui prime. Les statistiques publiées pour 2008 sont néanmoins intéressantes.

En 2008 donc, la dépense nationale de R&D est donc de 42,2 milliards d'euros, soit 2,16 % du PIB. Les administrations représentent 46 % de ces dépenses, soit 0,99 % du PIB. Avec 22,9 milliards d'euros, les entreprises ne dépensent donc que 1,17 % du PIB en R&D. Le premier constat est alors assez simple : à travers ses administrations publiques, l'Etat respecte donc le niveau de dépenses dans la recherche qu'il s'était fixé. En comparaison, les Etats-Unis, qui dépensent 2,77 % de leur PIB en R&D en 2008, n'ont un niveau de dépenses publiques que de 0,7 % environ. Cela veut dire que leur secteur privé a bien un niveau de 2 % du PIB en dépenses de R&D. C'est donc loin d'être impossible. Le taux global est de 3,42 % pour le Japon, 3,37 % pour la Corée du Sud, et 2,64 % en Allemagne.

En France, la dépense privée est surtout porté par des grandes entreprises, appartenant principalement à trois secteurs d'activités : l'automobile, l'industrie pharmaceutique et la construction aéronautique et spatiale. On voit immédiatement des quels groupes il s'agit. Faute d'assise financière et de taille critique, les petites entreprises ont évidemment beaucoup moins de possibilités de monter des services de R&D véritablement déterminants.

L'Etat aide beaucoup la R&D se faisant dans le secteur privé. Il y a un flux financier de 3,1 milliards d'euros, ce qui fait que le privé exécute 63 % de la recherche française, quand les administrations (universités comprises) en exécutent 37 %. Ce financement public du privé passe par des crédits incitatifs (Oséo), des grands programmes technologiques ou bien le financement de la recherche en matière de défense. On se rend ainsi compte que l'Etat aide la R&D des PME. L'inverse est moins prononcé : les PME pourraient également déléguer à des laboratoires publics (nombreux dans les facultés) des efforts de recherche qu'elles ne peuvent mener seules. Mais l'argent privé dépensé par les administrations publiques dans ce cadre ne sont que de 700 millions d'euros. C'est probablement un point d'amélioration : de telles solutions peuvent être avantageuses tant pour les universités, qui peinent à se financer, que pour les PME, qui peuvent alors bénéficier directement des retombées de cette recherche et développement.

A part cela, comment faire en sorte pour que les entreprises se préoccupent davantage de R&D, quelque chose qui leur est profitable à long terme ? C'est plus une question d'état d'esprit que de pure volonté politique. Il y a bien des dispositifs fiscaux, comme le statut de Jeune Entreprise Innovante ou le Crédit Impôt Recherche. Ce dernier a été déplafonné en 2008, mais il n'est pas certain que les conséquences soient vraiment positives. Le coût pour l'Etat a explosé : il est passé de 1,8 à 4,2 milliards d'euros. Le nombre d'entreprises bénéficiaires est pourtant loin d'avoir augmenté dans les mêmes proportions. Récemment, le Crédit Impôt Recherche a été mis en cause, accusé de constituer une niche fiscale abusive, où les entreprises défiscalisent tout et n'importe quoi, faisant passer la création d'une nouvelle version de leur site internet comme une dépense de R&D. Ce n'est pas vraiment l'objectif recherché par la puissance publique.

On peut également chercher à améliorer l'efficacité des dépenses publiques en R&D. Par exemple, 20 % des dépenses (le deuxième poste en ordre d'importance) prévues par la mission interministérielle de recherche et d'enseignement supérieur étaient dédiées aux "sciences humaines et sociales, vie en société". Cela représente quand même 2,82 milliards d'euros, pour une utilité qui, il faut bien l'avouer, s'avère quasi-nulle. Les sciences de la vie, l'énergie et l'environnement sont des domaines qui méritent en revanche d'être encore plus soutenus face aux défis actuels.

mardi 3 mai 2011

Go-Go-Gadget à 1 000 euros !

Qui a bien pu penser le premier à cette prime de 1 000 euros, et qu'est-ce qui a bien pu lui passer par la tête à ce moment-là ? Cela reste flou, mais on peut tenter de retrouver quelques éléments de cette réflexion...
  1. Les gens se plaignent que leur pouvoir d'achat n'augmente pas.
  2. Les caisses de l'État sont vides, donc absolument aucune marge de manœuvre de ce côté-là.
  3. Si quelqu'un doit augmenter les salaires, c'est donc le privé.
  4. Seules les entreprises qui vont bien peuvent se permettre d'augmenter leur masse salariale. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de l'investissement.
  5. Il faut donc pousser (par des défiscalisations qui se révéleront quand même coûteuses pour les finances publiques) ou forcer les entreprises qui vont bien à rémunérer davantage son personnel.
  6. La mesure doit être spectaculaire, pour que les gens aient vraiment l'impression d'en avoir plus dans leur portefeuille.
Voilà comment on s'est retrouvé avec une annonce grandiloquente de prime à 1 000 euros pour tous les salariés travaillant dans des entreprises de plus de 50 salariés qui augmentent leurs dividendes. Les dirigeants d'entreprises sont consternés : ce n'est ni plus ni moins qu'une nouvelle usine à gaz qui se créé devant eux, et dont ils sont les dindons de la farce. Après tout, c'est bien le rôle d'une entreprise d'allier capital et travail pour permettre une production qui rémunérera tant le capital que le travail. Ce n'est pas le rôle de l'Etat de forcer l'entreprise de moins rémunérer le capital pour rémunérer davantage le travail. Normalement, il y a la négociation entre l'employeur et l'employé pour décider de ce genre de choses. Et décider d'une telle mesure à si brève échéance, alors que des plans d'affaires sont réalisés bien à l'avance, c'est vraiment se moquer du monde économique.

Mais le pire, c'est que cette mesure ne déchaîne pas l'enthousiasme des salariés non plus. Comme il s'agit d'un moule unique pour tout le monde, le nombre d'entreprises pouvant encaisser un tel coût est assez faible. Les critères décidant de ces entreprises sont réducteurs, et forcément, peu de salariés bénéficieront de cette prime à 1 000 euros. En outre, si la prime est pérenne, les entreprises sauront ce qu'une augmentation de leurs dividendes impliquera comme coûts salariaux, et préféreront peut-être ne rien augmenter, quitte à vouloir rémunérer les actionnaires par la seule augmentation de la valeur de l'action. Si la prime n'est pas pérenne, ce sera un dispositif un peu ridicule dont on ne souviendra pas. Dans les deux cas, le risque est que les entreprises prenne sur les augmentations ou autre crédits de toute façon prévue pour les salariés, ce qui n'en feront pas des gagnants.

Nous voilà donc face à cas évident de mesure gadget qui ne satisfera personne, ne réglera rien et sapera un peu plus le climat économique. Quelle nécessité d'une intervention de l'Etat à ce niveau-là ? Quelle confiance est-elle possible entre agents économiques avec de telles conceptions économiques ? Si les salariés doivent bénéficier des bénéfices par l'entreprise, les dispositifs d'intéressement qui existent déjà sont de bien meilleurs vecteurs. Moins spectaculaire que ses concepteurs l'ont cru, la prime de 1 000 euros ne leur bénéficiera probablement pas non plus.

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