Il y a une dizaine de jours, l'annonce qu'Apple avait battu le record de la plus grosse capitalisation boursière de tous les temps a beaucoup impressionné. Surtout, le fait que le détenteur du précédent record soit Microsoft en 1999 a posé une question légitime : l'action Apple bénéficie-t-elle d'une bulle spéculative ? Après tout, en 1999, nous étions en pleine bulle internet, et Microsoft en était la valeur reine. Les bulles spéculative, cela paraît évident après éclatement, mais quand on est dedans, c'est bien compliqué. Encore dernièrement, le boom immobilier espagnol a fini par se révéler être une bulle immobilière, aujourd'hui, c'est manifeste lorsqu'on en constate les dégâts, mais auparavant, c'était surtout vu comme un facteur de croissance. C'était pareil pour la bulle internet : à l'époque, l'Internet et la téléphonie mobile étaient des ruptures technologiques majeures, entraînant la naissance de nombreuses innovations technologique, "révolutionnant" la société et l'économie. On parlait alors de "net économie", on voyait une nouvelle phase ascendante d'un cycle de Kondratiev (soit une bonne vingtaine d'années de croissance en prévision) à la faveur d'une vague d'innovations schumpéterienne. A ce moment là, on pensait que se lançaient les futurs acteurs majeurs du monde de l'économie, et il fallait en avoir sa part tant qu'il était encore temps.

Lorsque Microsoft fut l'objet d'enquêtes sur ses pratiques en position de monopole, cette seule inquiétude suffit pour que la musique arrête brusquement et qu'on commence à faire le tri. Bien des start ups côtées en bourse se révélait manquer d'un business model permettant de générer de l'argent. Elles disparurent, évidemment. D'autres étaient rentables, et restent importantes à ce jour, comme Amazon ou eBay. Microsoft, fort de ses deux vaches à lait Office et Windows, était également très rentable, mais sa valorisation revint à un niveau normal.

Les stars d'aujourd'hui s'appellent Apple, Google ou Facebook. Les trois disposent d'un modèle économique générant du cash. Apple est un revenant, très fort pour construire non pas des produits totalement nouveaux (le baladeur MP3 ou l'ordinateur portable tactile existaient auparavant), mais des systèmes qui arrivent à attirer les faveurs des clients. Entre la vente des produits électroniques, les gains venant des contrats téléphoniques et les commissions sur la vente en ligne de logiciels ou produits culturels, Apple génère beaucoup d'argent. L'action a monté en conséquence. Mais même en détenant ce record de capitalisation boursière, le Price/Earnings Ratio (PER) d'Apple reste tout à fait dans les moyennes historiques des entreprises côtées. En fait, le point le plus dérangeant était cette progression continue du cours de l'action, sans que des dividendes ne soient versés depuis 1995 : les actionnaires ne gagnaient rien à part la valorisation de leur action, fruit de leurs spéculations. Mais il a été annoncé qu'Apple verserait un dividende à partir de cette année. Enfin.

Google et Microsoft sont également dans des valorisations qui n'ont rien d'excessives, tirant profit de leurs quasi monopoles dans leurs produits respectifs. En revanche, celle de Facebook pose clairement problème : même en ayant perdu 50 % depuis son introduction, le PER de son action reste encore trop élevé par rapport aux niveaux normaux, même pour une entreprise en croissance comme elle. C'est plus un pari sur la faculté qu'aura cette entreprise totalitaire de prendre le contrôle de nos vies.

Pour l'instant, il n'y a donc pas de grande bulle de l'high-tech. C'est de toute façon difficile de voir se créer une vaste bulle économique, quand l'économie elle même est tellement morose à travers les pays développés. Mais ne nous voilons pas la face, des bulles économiques, il y en aura encore bien d'autres.