Réflexions en cours

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jeudi 17 juillet 2008

La fusion Gaz de France / Suez

Les actionnaires de Gaz de France et de Suez viennent d'approuver la fusion entre les deux entreprises. Le but annoncé est de créer un géant mondial de l'énergie. Mais pourquoi faire ? A l'origine, cette fusion semblait être improvisée par Dominique de Villepin, alors Premier ministre, en faisant jouer à Gaz de France le rôle de chevalier blanc venant secourir Suez, en proie à une OPA inamicale du groupe italien Enel. Aujourd'hui, le nouveau prétexte est de créer le groupe le plus gros possible. Après avoir séparé Gaz de France et EDF, la pertinence de la taille d'une entreprise énergétique semble être variable. Et c'est surtout la question de la privatisation de Gaz de France qui fait débat. Lorsqu'il était ministre de l'économie, Nicolas Sarkozy s'était engagé à ce que l'Etat ne diminue pas sa participation à moins de 70 % du capital, après une première ouverture du capital. En toute logique, il n'aurait donc pas du laisser passer cette fusion qui, de facto, baisse le niveau de l'Etat à 35 % dans le capital du nouvel ensemble, maintenant qu'il est Président de la République. Et pourtant, il a donné son accord, marquant une renonciation flagrante à un engagement politique. C'est, en soi, déplorable.

C'est d'autant plus troublant que cela concerne un secteur actuellement sensible, celui de l'énergie, où les Français ne seraient pas contre un peu de volontarisme pour amoindrir un fardeau au poids croissant. Les prix du gaz ne cessent d'augmenter, la faute à une corrélation injustifiée avec les prix du pétrole, et les consommateurs français souffrent à cause de l'importance que prend ce poste budgétaire. L'énergie est l'un responsable de la baisse du pouvoir d'achat, et s'il n'est pas réaliste de sur-taxer les profits de Total, au moins pourrait-on faire en sorte que Gaz de France, entreprise sur laquelle la France a un levier, limite l'importance des hausses de tarifs. Et la première annonce faite à la suite de la constitution du groupe fusionné est le versement d'un dividende extraordinaire, laissant le sentiment fort que toutes ces hausses de prix sont en fait destinées à prélever l'argent des consommateurs au profit des actionnaires. Cette manœuvre apporte donc de l'eau au moulin de tous ceux qui dénoncent les méfaits du capitalisme, et c'était loin d'être souhaitable.

En somme, le pire c'est que les consommateurs n'ont pas le choix. Gaz de France, aujourd'hui fusionné avec Suez, garde largement le monopole de la distribution du gaz, créant ainsi un monopole privé sur un service essentiel. S'il est encore possible d'argumenter sur le mérite d'entreprises publiques pour assurer le service public dans un monopole, à condition que le service soit effectué avec efficacité, il est bien difficile de prôner la création d'un monopole privé dans un secteur aussi crucial. Et si l'on ajoute à cela le manquement à la parole politique, le déshonneur est complet.

mercredi 2 juillet 2008

Opération Campus

Le mauvais état global des universités françaises est un fait peu contestable. Le sujet se rapproche de la question de l'effort fait en matière de recherches et développement : il y a unanimité à reconnaître que l'investissement dans la recherche est nécessaire pour construire l'activité économique de demain, et la classe politique s'exprime avec constance pour que les dépenses en recherche et développement atteignent les 3 % du PIB. C'était l'un des engagements de Jacques Chirac en 2002, et aujourd'hui encore, c'est une proposition qui figure en bonne place dans les contributions des socialistes en préparation de leur prochain congrès. L'une des solutions du gouvernement pour renflouer les universités fut de prendre le parti-pris d'en privilégier quelques unes, pour que l'investissement soit plus conséquent. Le but est de créer quelques pôles universitaires d'excellence plutôt que de donner des miettes à tout le monde. Le financement est obtenu par la vente de 3 % du capital d'EDF (soit 5 milliards d'euros), une solution peu pérenne, mais envisageable dans le cadre d'une dépense d'investissement et non de fonctionnement. Ce plan, baptisé "Opération Campus", vise à réhabiliter les campus universitaires via un influx d'argent sur 10 projets déposés par les universités, si possibles regroupées pour permettre des projets transversaux.

A peu près toutes les universités ont été candidates, d'une manière ou d'une autre, attirées par la perspective de financements qui leur font cruellement défaut. Autour de chacune d'elle, les collectivités locales les ont encouragées dans ce processus, étant toujours attachées à l'idée d'avoir un pôle d'université à proximité. Mais il faut reconnaître que les universités ne sont pas égales entre elles, non seulement en terme de moyens, mais aussi en terme de résultats. Les diplômes, bien que nationaux et d'une même valeur théorique, ne sont pas de valeur égale dans les faits. Universitaires et personnalités politiques locales doivent accepter que des petites universités locales ne soient pas au niveau de grands pôles d'excellence. Il y a de la place pour une douzaine de ces pôles en France, mais cet effort financier ne sera pas encore suffisant pour mettre l'enseignement supérieur français au niveau des meilleurs mondiaux.

Pour bien il faudrait faire en sorte que les pôles de compétitivité correspondent à ces pôles universitaires d'excellence. Les pôles de compétitivité sont déjà liés à la recherche universitaire, mais ils sont trop nombreux pour bénéficier d'un financement conséquent chacun. L'idée serait donc de faire coïncider les deux mouvements. Les partenariats avec le secteur privé devraient pouvoir être envisagés sans immédiatement soulever des soupçons irrationnels de privatisation de l'université. Les difficultés dans la mise en place de nouvelles gouvernances dans des universités devenues autonomes illustrent d'ailleurs une politisation forte qui nuit grandement à l'efficacité de leur gestion. Enfin, comment vouloir des pôles universitaires d'excellence s'il n'y a aucune sélection à l'entrée des facultés ? Celles-ci se trouvent condamnées à gérer les conséquences de nombreuses erreurs d'orientations et d'échecs de la part des étudiants. Cette sélection à l'entrée avait pourtant évoquée par Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidentielle, en 2007. Les immobilismes de la part des étudiants ont empêché cela. Si l'Opération Campus va donc dans la bonne direction, elle doit donc être accompagnée d'autres mesures fortes sous peine de n'être qu'un pansement temporaire.

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