Réflexions en cours

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jeudi 31 janvier 2013

L'exil des créateurs

Avec Gérard Depardieu, Bernard Arnault ou Alain Afflelou, nous avons eu le droit à un certain nombre de polémiques sur l'exil fiscal. La politique actuelle d'augmentation massive des impôts fait des dégâts. Les plus gros revenus sont particulièrement mis à contribution, dans un effort de "solidarité nationale", d'autres parleraient d'extorsion institutionnelle. Le taux sur 75 % des revenus envoie un signal clair à ceux qui y sont soumis : "vous ne devriez pas gagner cet argent". Et le gouvernement se fait donc fort que ceux-là ne puissent toucher qu'un quart des fruits de leur travail. Un tel taux est évidemment confiscatoire et remet en cause le droit à la propriété individuelle (un droit de l'homme), et le Conseil Constitutionnel l'a donc naturellement rejeté. Mais l'ambiance de "chasse aux riches" persiste.

La France ne va pas bien, c'est indéniable. Comment pourrait-il en être autrement quand la lutte contre le succès est devenu une part importante de la mentalité collective depuis des décennies ? Les politiques publiques veulent réduire les inégalités, mais s'efforcent surtout de ramener tout le monde vers le bas. On le vois dans des bien des domaines, comme dans l'enseignement, où les classes préparatoires sont aujourd'hui attaquées car faisant de l'ombre aux universités. Mais c'est dans l'économie que c'est le plus manifeste. Quand quelque chose marche (comme les entreprises liées à l'Internet), il doit être imposé pour financer les secteurs sur le déclin. Quand un film est rentable, il doit servir à financer des films qui n'ont aucun espoir de trouver un public. Quand quelqu'un créé une start up et parvient à la revendre pour une somme importante, il ne doit pas en toucher les gains. Quand un dirigeant met une entreprise sur de bons rails, il ne doit pas espérer en profiter, ni lui, ni ceux qui ont investi dedans.

Le risque et la créativité ne sont plus récompensés. Le contrat moral de la réussite par l'effort est rompu, et c'est comme ça qu'on a eu le mouvement des "pigeons" qui se voyaient privés des fruits de leur travail. La France n'est plus un pays qui accueille la réussite, il est donc normal que celle-ci aille voir ailleurs. Les Français qui veulent créer des choses comprennent alors qu'il vaut mieux s'exiler pour pouvoir accomplir leurs rêves. Voilà comment notre pays perd son dynamisme et son économie ne connait plus que le marasme.

Dans son roman Atlas Shrugged, Ayn Rand imagine l'exil des principaux créateurs américains (entrepreneurs, innovateurs, artistes talentueux), exaspérés par le travail de sape d'une société socialisante, vers un village caché dans le Colorado. Là, ils peuvent enfin vivre selon leurs mérites personnels, pendant que le reste de la société s'effondre sans eux. Comme toujours avec ce genre de roman parlant de sociétés dystopiennes, le trait est forcé, exagéré jusqu'à la caricature. Mais en entendant ces histoires d''exils fiscaux et de fuite des cerveaux, difficile de ne pas repenser à ce scénario. Se pose pour nous une douloureuse question : le talent peut-il encore s'épanouir en France ?

dimanche 20 janvier 2013

Virgin et la Fnac face à Internet

La fin annoncée du Virgin Megastore des Champs Elysées est le signe de plusieurs évolutions. D'une part, la célèbre avenue parisienne perd là son meilleur magasin, celui qui pouvait intéresser tout le monde, permettait la rencontre avec auteurs et artistes, et qui avait le grand avantage d'être ouvert jusqu'à minuit et le dimanche. Quand on parle de dynamisme culturel, la présence d'un point de vente avec autant de choix est un atout, au moins autant que celle de petits libraires ou disquaires avec Virgin Megastore était concurrent. Maintenant, aux Champs Elysées, il n'y aura plus rien pour les classes moyennes, sans même parler des classes populaires. Cela réjouit le Comité des Champs Elysées qui se félicite d'avoir des commerces "de prestige" luxueux, qui ne s'adressent qu'aux touristes. Le commun des mortels n'a plus le droit que de marcher sur les trottoirs...

D'autre part, si les loyers du bail des Champs Elysées était devenu exorbitant, c'est bien le business model de tous les Virgin Megastores qui est en grave crise. Sur les produits culturels tels que la musique ou les films, au delà du piratage (qui a parfois bon dos vu qu'une œuvre piratée n'aurait pas forcément été achetée sans piratage), il y a les autres profonds changements apportés par Internet. Virgin peine surtout face au e-commerce. Et c'est la même chose pour ses concurrents traditionnels disposant d'une distribution physique, comme la Fnac. Si les plus grands magasins Virgin ou Fnac proposent un grand choix, ce sera toujours moins de choix que ce qui peut être stocké dans des entrepôts géants tels que ceux d'Amazon. En outre, e-commerce veut non seulement dire vente par correspondance, mais également dématérialisation. Et cette dématérialisation tend à court-circuiter les intermédiaires traditionnels de la distribution. Aujourd'hui, CDs et DVDs sont des supports qui sont sur le déclin, alors qu'ils représentaient une part important du chiffre d'affaire des grandes surfaces culturelles. Et comme on pouvait le prévoir, l'augmentation des ventes de Blu Ray ne suffit pas à compenser celles de DVDs. La montée d'Internet comme moyen de distribution était également parfaitement prévisible, et avait d'ailleurs été prévue par Richard Branson, qui estimait en 2000 que la moitié des disques serait vendu sur le Net.

La Fnac et Virgin n'ont toutefois pas tiré les mêmes conclusions à ces enjeux, ce qui explique en partie que le premier survive encore quand le deuxième disparaît non seulement en France mais aussi à travers le monde. Virgin n'est pas allé très loin dans le e-commerce, quand la Fnac n'a pas hésité à y mettre les deux pieds dès le départ. Plutôt que de laisser son réseau physique de distribution affronter seul Amazon, la Fnac a lancé très tôt son site forme de vente en ligne Fnac.com. Le risque de cannibalisation était grand bien sûr, et s'est tout à fait concrétisé. Cela peut au moins limiter les dégâts : aujourd'hui de nombreux clients vont dans les boutiques physiques seulement pour se renseigner, puis achètent en ligne. En ayant un site performant, la Fnac peut compter récupérer les ventes des visites faites dans ses magasins. De plus, cette chaîne logistiques désormais éprouvée facilite les commandes en magasin quand un article est manquant, sans avoir à payer de frais de port.

Néanmoins, il ne faudrait pas que la Fnac s'entête à rendre son site beaucoup plus attractif que ses magasins : autrefois, la réduction de 5 % sur les livres était automatique pour tous les clients. Désormais, en boutique, il faut acheter la carte Fnac pour y avoir droit. Elle coûte 12 €, et pour qui n'achète que des livres, il faut en acheter pour 240 € par an pour que cela commence à devenir rentable... Alors que sur Fnac.com, la réduction reste systématique pour tous, peut même aller au delà, et en plus, les frais de port sont gratuits sur les livres. Cela veut dire que pour quelqu'un qui habite en face d'une Fnac, il est plus rentable de commander en ligne sur le site de l'enseigne que de traverser la rue ! Contrairement au souhait de petits libraires, il ne faut surtout pas supprimer cette possibilité de réduction sur le prix unique des livres, mais que les boutiques veillent à rester compétitives, y compris sur le prix.

La Fnac essaye aussi de modifier son offre de produits : les rayons musique et films se contractent avec les chiffres d'affaires de ces produits, ce qui laisse de la place pour les livres, les jouets, ou le petit électroménager. A l'avenir, il y aura probablement des fermetures de magasins. C'est la loi de l'évolution alors que le changement est profond dans ce secteur. Mais il faut quand même souhaiter qu'il en reste : en apportant quelque chose en plus par rapport à la seule vente ligne, les grandes surfaces culturelles participent à faire vivre la concurrence.

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