Réflexions en cours

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mercredi 18 mars 2009

Sur le bouclier fiscal et la TVA dans la restauration

En matière de polémiques sur la fiscalité, la France est gâtée : deux anciens débats ressurgissent actuellement, et visiblement, ils ont encore de beaux jours devant eux. Le bouclier fiscal et la baisse de la TVA dans la restauration sont deux promesses de campagnes dont la pertinence est remise en question. Pour commencer, le taux réduit de la TVA pour la restauration sur place avait été promise par Jacques Chirac lors de la présidentielle de 2002, avant d'être reprise à son compte en 2007 par Nicolas Sarkozy. Le délais s'explique par le refus des partenaires européens de la France quant à une telle mesure. En effet, bien que la restauration ne soit pas vraiment un service qui dépasse le cadre des frontières nationales, l'unanimité des membres de l'Union Européenne pour sur les questions de TVA rendait difficile un accord. Pendant ce temps, les restaurateurs s'émouvaient que la restauration à emporter bénéficiait d'une TVA à 5,5 % et celle sur place doive subir 19,6 %. Ils oubliaient la différence fondamentale entre les deux : la première est un marché de biens, de la même manière que l'on achète une pomme chez le maraîcher, on achète un sandwich à la boulangerie. La deuxième est un marché de service : ce que l'on achète est non seulement le plat, mais aussi le travail du serveur, le bénéfice des couverts, de la table et de la salle, et ainsi de suite. D'où les différences de taux.

Aujourd'hui, les différents pays de l'Union Européenne ont enfin accepté que la France fasse bénéficier la restauration sur place du taux réduit. Mais faut-il le faire pour autant ? Les restaurateurs ne cachent leur peu d'envie d'en faire bénéficier les consommateurs. Ils veulent avant tout améliorer leur rentabilité, qui est bien faible, disent-ils. Les tarifs qu'ils pratiquent sont pourtant bien élevés, à force d'augmenter. Le prix du café est à un niveau aujourd'hui stupéfiant. En fait, les restaurateurs bénéficient déjà d'une aide importante de l'Etat, mise en place il y a quelques temps lors d'une précédente déception quant à cette baisse des taux. On ne sait où elle est passé, en tout cas pas dans les tarifs, probablement pas dans la main d'oeuvre non plus, vu que les plaintes demeurent les mêmes. Il apparaît donc que cette mesure n'est qu'un cadeau fiscal électoraliste, bien peu utile à l'heure où les déficits explosent. Son coût serait de 3 milliards d'euros. La France ne peut tout simplement pas se le permettre à l'heure actuelle.

La question du bouclier fiscal se pose d'ailleurs à peu près dans les mêmes termes. L'idée qu'un individu puisse se faire prélever plus de la moitié de ses revenus pose un problème de justesse dans la taxation. De même, l'idée de l'impôt sur la fortune est assez déroutante, car il consiste en un prélèvement sur le patrimoine et non sur les revenus, ce qui peut pousser à un appauvrissement du contribuable qui y est assujetti. C'est comme cela que l'on obtient des ménages modestes, se voyant lourdement taxés car possédant une habitation depuis longtemps qui a récemment pris de la valeur à la faveur des marchés immobiliers, alors que leurs revenus sont les mêmes. Nicolas Sarkozy avait donc souhaité ne pas toucher à l'impôt sur la fortune, mais a mis en place un bouclier fiscal pour que personne ne soit imposé à plus de 50 % de ses revenus. Et l'on apprend aujourd'hui que le dispositif ne concerne que 14 000 foyers, pour un coût de 458 millions d'euros. C'est évidemment bien moins que ce qui est évoqué dans les délires du Parti Socialiste, qui parle facilement de 15 milliards (le résultat d'une confusion volontaire). Mais cela reste un coût.

Les deux tiers des foyers bénéficiant du bouclier fiscal ont de faibles revenus et le bouclier fiscal leur permet donc d'éviter l'écrasement par des impôts devenus absurdes. Les autres sont donc quantitativement peu nombreux, mais représentent la plus grande partie du coût du dispositif. Pour ces personnes, l'argent reversé atteint des montants très importants. Jean-François Copé affirme que l'on a besoin des gens fortunés en temps de crise, et Bercy affirme que cela fait diminuer l'évasion fiscale. Dès lors, il suffit de se demander si l'argent gagné en recettes fiscales (grâce à cette non-évasion fiscale) est supérieur au coût du bouclier fiscal pour ces mêmes personnes. On pourra alors voir si ce dispositif était si justifié que cela pour les personnes à très hauts revenus. Car sinon, cela creuse inutilement les déficits.

Que ce soit sur la TVA dans la restauration ou sur le bouclier fiscal, le principe est donc le même. Nicolas Sarkozy a affirmé ne pas avoir été élu pour augmenter les impôts. Certes, mais ici l'on parle des baisses d'impôts qui sont de son fait. Il pouvait fort bien rester au statu quo en la matière, tout du moins le temps de ramener l'équilibre budgétaire. Cela peut être long, mais ce le sera d'autant plus que les recettes fiscales diminueront.

mercredi 11 mars 2009

Total fait campagne pour Besancenot

Le groupe pétrolier Total supprime 555 emplois, peu de temps après avoir annoncé 14 milliards de bénéfices. Il suffit de dire cela pour savoir ce qui suit : une inévitable énorme polémique. La plupart des gens ne comprennent pas très bien ce qui justifie des suppressions d'emplois lorsqu'une entreprise fait des profits. Cela se voit dans chaque situation, et encore plus lorsque l'entreprise est importante et célèbre, et sa santé excellente. Il suffit de se rappeler des exemples passés de Danone ou Michelin. Sur la base de cette incompréhension, l'extrême gauche matraque continuellement son idéologie marxiste, à base de lutte des classes, de spoliation de la plus-value et de volonté de faire interdire les licenciements. Même si la majorité reconnaît ce discours comme extrémiste et caricatural, la France reste un pays qui considère le capitalisme avec suspicion, et donc cette petite musique perdure et fait son œuvre dans les esprits.

Les annonces du groupe Total semblent donc tomber à propos pour clouer le cercueil d'un capitalisme devenu fou. La réussite de Total n'est pas la conséquence d'une quelconque brillante stratégie d'entreprise basée sur l'innovation, bien au contraire : ses profits sont étroitement corrélés aux cours du pétrole, et la création de valeur pour les actionnaires dépend donc essentiellement de la rareté de cette ressource sur le marché mondial. Et au vu des hausses passées, et de la fusion Total/Fina/Elf, l'entreprise n'a donc aucun mal à être la première capitalisation de la Bourse de Paris, et d'avoir des profits gigantesques en comparaison des autres firmes du CAC 40. Après des variations vertigineuses du cours du baril de pétrole, celui-ci s'est stabilisé à un niveau quand même plus élevé que les cours constatés au cours de la décennie précédente. Total n'a donc aucun souci à se faire, et pourrait, par exemple, se servir de ce trésor de guerre pour se positionner franchement dans les énergie alternatives. Au lieu de cela, l'investissement est utilisé pour supprimer des emplois dans une raffinerie, alors que le chômage est déjà fortement en hausse.

Le symbole est terrible. Et il vient après une série de scandales (Erika, AZF, Birmanie) où Total était le principal protagoniste, et refuse de se remettre en question. L'entreprise n'a pas l'air de comprendre ce qu'on lui reproche. Son secrétaire général, Jean-Jacques Guilbaud, affirme même que le plan est exemplaire, puisqu'il prévoit des changements de poste et des pré-retraites, et non des licenciements. Mais les délocalisations d'entreprises, même au sein du même pays, sont bien un drame pour les familles, et les pré-retraites nuisent à l'économie, notamment par leurs effets sur les systèmes d'assurance sociale.

Ce que des entreprises comme Total doivent comprendre, c'est qu'elles ont aussi un rôle à jouer dans la société, une responsabilité à assumer en faveur de l'intérêt général. C'est une simple question de morale. Tant qu'elles écartent ces questions d'un revers de main, elles favorisent la méfiance envers elles, et plus généralement envers le capitalisme. En somme, si le groupe Total avait voulu faire campagne pour le Nouveau Parti Anticapitaliste d'Olivier Besancenot, il ne s'y serait pas pris autrement. C'est triste évidemment, mais cela peut également être lourd de conséquences.

mardi 3 mars 2009

Croissance et chômage

90 000 emplois de perdus en France au mois de janvier. Le chiffre est énorme, à la mesure de la crise mondiale actuelle. Au moins, on ne peut pas vraiment dire que le pouvoir politique essaie de cacher la gravité de ce qu'il se passe. Depuis un discours du Président de la République consacré à ce sujet il y a quelques mois, tout le monde a bien compris les périodes difficiles qui commençaient. Les médias enchaînent les histoires commençant par "avec la crise", ce qui est accrocheur, mais peut également surprendre : après tout, depuis quand n'était-ce plus la crise en France ? Depuis 1974, la France était frappée par la crise, soit une croissance économique insuffisante entraînant la montée du chômage. Une génération entière a grandi dans un monde de "crise", et a bien compris que rien n'était facile, qu'elle était condamnée à vivre dans un monde où l'opulence a été bannie. Bien sûr, le chômage baissait depuis plusieurs années, mais il n'y a eu personne pour le remarquer. La question du pouvoir d'achat avait remplacé le chômage dans les complaintes quotidiennes.

Aux Etats-Unis, la situation est bien pire. Les Américains ont connu des vrais périodes de croissance au cours des dernières décennies, et aujourd'hui, c'est 600 000 emplois qui sont détruits en un mois. C'est proportionnellement plus qu'en France. Là-bas, la crise financière est encore loin d'être finie, comme en témoigne la descente aux enfers d'AIG. Pratiquement partout, le chômage augmente donc.

Dans la plupart des pays, la population active a tendance à augmenter chaque année. L'augmentation de la force de travail participe à la croissance économique, avec les augmentations du capital économique et de la productivité. Si l'amélioration de la productivité participe à la croissance économique, elle entraîne également une destruction directe d'emplois. Mais quand la croissance économique dépasse celle de la productivité plus celle de la population active, alors le chômage diminue. Il faut donc une croissance économique assez forte pour qu'il puisse y avoir une baisse du chômage.

Lorsque la croissance est trop faible, le chômage augmente. Alors évidemment à chaque période de récession, voire en phase de dépression, quand la croissance économique est négative, les effets sont apocalyptiques sur l'emploi. En 1993, la France connut une récession marquée qui se traduisit par une catastrophe sociale. Cette fois, on nous promet au moins deux années de croissance négative. Alors forcément, les effets seront très durs, amplifiés par la dimension résolument internationale de cette crise. Il ne sert à rien de se le cacher. Mais la dimension psychologique est centrale, et si chacun arrête de consommer et d'investir, cela ne fera qu'empirer les choses. Pour tous ceux qui en ont les moyens, c'est donc le moment de dépenser son argent !

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