En matière de polémiques sur la fiscalité, la France est gâtée : deux anciens débats ressurgissent actuellement, et visiblement, ils ont encore de beaux jours devant eux. Le bouclier fiscal et la baisse de la TVA dans la restauration sont deux promesses de campagnes dont la pertinence est remise en question. Pour commencer, le taux réduit de la TVA pour la restauration sur place avait été promise par Jacques Chirac lors de la présidentielle de 2002, avant d'être reprise à son compte en 2007 par Nicolas Sarkozy. Le délais s'explique par le refus des partenaires européens de la France quant à une telle mesure. En effet, bien que la restauration ne soit pas vraiment un service qui dépasse le cadre des frontières nationales, l'unanimité des membres de l'Union Européenne pour sur les questions de TVA rendait difficile un accord. Pendant ce temps, les restaurateurs s'émouvaient que la restauration à emporter bénéficiait d'une TVA à 5,5 % et celle sur place doive subir 19,6 %. Ils oubliaient la différence fondamentale entre les deux : la première est un marché de biens, de la même manière que l'on achète une pomme chez le maraîcher, on achète un sandwich à la boulangerie. La deuxième est un marché de service : ce que l'on achète est non seulement le plat, mais aussi le travail du serveur, le bénéfice des couverts, de la table et de la salle, et ainsi de suite. D'où les différences de taux.

Aujourd'hui, les différents pays de l'Union Européenne ont enfin accepté que la France fasse bénéficier la restauration sur place du taux réduit. Mais faut-il le faire pour autant ? Les restaurateurs ne cachent leur peu d'envie d'en faire bénéficier les consommateurs. Ils veulent avant tout améliorer leur rentabilité, qui est bien faible, disent-ils. Les tarifs qu'ils pratiquent sont pourtant bien élevés, à force d'augmenter. Le prix du café est à un niveau aujourd'hui stupéfiant. En fait, les restaurateurs bénéficient déjà d'une aide importante de l'Etat, mise en place il y a quelques temps lors d'une précédente déception quant à cette baisse des taux. On ne sait où elle est passé, en tout cas pas dans les tarifs, probablement pas dans la main d'oeuvre non plus, vu que les plaintes demeurent les mêmes. Il apparaît donc que cette mesure n'est qu'un cadeau fiscal électoraliste, bien peu utile à l'heure où les déficits explosent. Son coût serait de 3 milliards d'euros. La France ne peut tout simplement pas se le permettre à l'heure actuelle.

La question du bouclier fiscal se pose d'ailleurs à peu près dans les mêmes termes. L'idée qu'un individu puisse se faire prélever plus de la moitié de ses revenus pose un problème de justesse dans la taxation. De même, l'idée de l'impôt sur la fortune est assez déroutante, car il consiste en un prélèvement sur le patrimoine et non sur les revenus, ce qui peut pousser à un appauvrissement du contribuable qui y est assujetti. C'est comme cela que l'on obtient des ménages modestes, se voyant lourdement taxés car possédant une habitation depuis longtemps qui a récemment pris de la valeur à la faveur des marchés immobiliers, alors que leurs revenus sont les mêmes. Nicolas Sarkozy avait donc souhaité ne pas toucher à l'impôt sur la fortune, mais a mis en place un bouclier fiscal pour que personne ne soit imposé à plus de 50 % de ses revenus. Et l'on apprend aujourd'hui que le dispositif ne concerne que 14 000 foyers, pour un coût de 458 millions d'euros. C'est évidemment bien moins que ce qui est évoqué dans les délires du Parti Socialiste, qui parle facilement de 15 milliards (le résultat d'une confusion volontaire). Mais cela reste un coût.

Les deux tiers des foyers bénéficiant du bouclier fiscal ont de faibles revenus et le bouclier fiscal leur permet donc d'éviter l'écrasement par des impôts devenus absurdes. Les autres sont donc quantitativement peu nombreux, mais représentent la plus grande partie du coût du dispositif. Pour ces personnes, l'argent reversé atteint des montants très importants. Jean-François Copé affirme que l'on a besoin des gens fortunés en temps de crise, et Bercy affirme que cela fait diminuer l'évasion fiscale. Dès lors, il suffit de se demander si l'argent gagné en recettes fiscales (grâce à cette non-évasion fiscale) est supérieur au coût du bouclier fiscal pour ces mêmes personnes. On pourra alors voir si ce dispositif était si justifié que cela pour les personnes à très hauts revenus. Car sinon, cela creuse inutilement les déficits.

Que ce soit sur la TVA dans la restauration ou sur le bouclier fiscal, le principe est donc le même. Nicolas Sarkozy a affirmé ne pas avoir été élu pour augmenter les impôts. Certes, mais ici l'on parle des baisses d'impôts qui sont de son fait. Il pouvait fort bien rester au statu quo en la matière, tout du moins le temps de ramener l'équilibre budgétaire. Cela peut être long, mais ce le sera d'autant plus que les recettes fiscales diminueront.