En adoptant le paquet fiscal promis par Nicolas Sarkozy, le parlement et la ministre de l'économie Christine Lagarde ont mis en œuvre l'une des mesures phares de l'ancien candidat. Par les réductions d'impôts, les ménages verraient leur revenus moins diminués par les ponctions fiscales, et donc leur pouvoir d'achat augmenter. En théorie, ce pouvoir d'achat supplémentaire serait réinjecté dans l'économie et favoriserait la demande de produits et services, ce qui augmenterait les débouchés des entreprises, et donc relancerait la croissance via le fameux mécanisme keynésien du multiplicateur. Avec la croissance viendrait l'emploi, et les rentrées fiscales supplémentaires qui essuierait l'argent perdu par l'Etat par la baisse des rentrées fiscales. Seulement, des voix s'élèvent à gauche pour affirmer que ces baisses d'impôts bénéficient aux ménages aux revenus les plus élevés, dont la propension à consommer est plus faible, et ces revenus supplémentaires seraient alors affectés à l'épargne ou à la spéculation immobilière. Cela peut être vrai pour la défiscalisation des successions, mais pour celle des heures supplémentaires, c'est surtout pour les ouvriers où le gain se fait sentir. Bien plus sérieusement, une grande partie des économistes remettent en cause le principe même de la mesure : une politique de la demande serait inutile à l'heure actuelle pour l'économie française. Alors que Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal prenaient tous les deux ce type de politique mais par des moyens différents (moindres rentrées fiscales d'un côté, dépenses supplémentaires de l'autre), l'économie française aurait davantage besoin d'une politique de l'offre.

Car en observant les moteurs de croissance de la France, les économistes constatent que la consommation se porte très bien ces dernières années, ce moteur là serait déjà allumé et largement mis à contribution. En revanche, l'investissement des entreprises serait insuffisant : chaque année, les entrepreneurs prévoient d'investir davantage dans leur appareil de production, mais au fur et à mesure des mois qui s'écoulent les prévisions sont révisées à la baisse et les investissements réalisés moindres. On touche alors à la psychologie des chefs d'entreprise : qu'est-ce qui fait que leur moral est si bas, leur confiance en l'avenir si faible qu'ils ne voient guère de retour sur investissement ? Déjà, l'échec colossal de la gauche en 1981 repose en partie sur un tel malentendu : le Parti Socialiste avait appliqué une politique très keynésienne, gonflant artificiellement une demande que l'appareil productif français ne pouvait absolument pas satisfaire, les entreprises étant vues comme des institutions capitalistes privant le travailleur de salaires décents. Lorsque les Français désiraient s'équiper en biens de consommation, il fallait en importer : d'où un effondrement de la balance commercial, et une politique qui favorisait la croissance surtout dans les pays étrangers.

Aujourd'hui, la balance commerciale est à nouveau déficitaire, y compris en ne tenant pas compte de l'influence de la hausse du prix de l'énergie achetée à l'extérieur. Avec l'euro, la grande majorité du commerce extérieur français se fait avec des pays où il n'y a plus de taux de change. Le niveau élevé de la monnaie est par contre un obstacle pour exporter en dehors de la zone euro, alors que les importations provenant de Chine sont encore moins chères. Mais avec la croissance forte des autres pays de la zone euro, avec en premier lieu le retour de l'Allemagne, le premier partenaire commercial de la France, le moteur constitué par les exportations devraient s'allumer à son tour. A moins qu'une fois encore, la compétitivité des entreprises françaises ne soit pas suffisante. Et l'on en revient alors au manque d'investissement des entreprises hexagonales.

Il y a peut être une certaine inertie des entrepreneurs français dans ce manque de volonté ferme pour investir. En premier lieu, les dépenses en recherche et développement issues du secteur privé sont trop faibles. L'Etat ne peut être le seul à blâmer dans cette insuffisance, il y a déjà un problème d'audace en France, de l'audace qui manque culturellement à tous les niveaux. Il y a surtout un manque de confiance dans l'avenir, qui éloigne les velléités de prendre des risques. Les entrepreneurs voient le coût du travail toujours trop élevé, et craignent toujours les multiples blocages qui règnent dans la société. Pour favoriser ces investissements, il faut donc redonner à la France confiance en elle, lui montrer que tous ces blocages ne sont pas appelés à survivre de façon inconsidérée, et avoir justement un peu d'audace dans la conduite des affaires. C'est le rôle du nouveau Président de la République, et de son gouvernement. Le paquet fiscal peut envoyer un premier signal psychologique, pour montrer que désormais, la richesse n'est plus vue comme quelque chose à punir, et l'opération est vue comme un "pari" par le gouvernement dans la relance de la croissance. Mais c'est les réformes suivantes qui seront déterminantes, qui devront montrer que la France n'est plus honteuse de son capitalisme, de s'appuyer sur son économie.