Réflexions en cours

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vendredi 23 janvier 2009

Impact de la crise et plan de relance

La crise économique qui touche aujourd'hui le monde entier est surtout une crise de confiance. Ce paramètre est d'ailleurs central dans l'économie, et joue un rôle dans la plupart des crises, tant l'économie est dépendante des anticipations des différents acteurs. L'événement d'origine, l'écroulement des placements liés aux subprimes, n'était pas d'une taille suffisante pour mettre à mal l'économie mondiale à si grande échelle. Si les conséquences se sont diffusées, ce fut bien du fait de la suspicion qu'elle a entraînée, poussant les établissements financiers à restreindre considérablement le crédit par peur de faire face à des intervenants in fine insolvables, ou bien de vouloir augmenter la marge pour limiter une baisse des profits. Ces premiers signaux ont immédiatement indiqué au reste des agents économiques une situation grave, les poussant à leur tour à faire le dos rond et à attendre des jours meilleurs. Ce qui a entraîné une contraction forte de la demande, faisant basculer l'ensemble des secteurs économiques dans la récession. A partir de ce moment-là, le cercle est vicieux : la récession fait peur aux agents qui donc limitent leurs dépenses, ce qui accroit la la récession. En comparaison avec les crises économiques précédentes, l'aspect plus international que de coutume de celles-ci ne fait qu'ajouter à sa gravité.

Au moins peut-on espérer que l'on appris des expériences précédentes. L'Histoire économique nous a surtout appris qu'il n'y avait pas de principes simples absolus en la matière, qu'une seule recette ne pouvait servir de réponse à tout. Les situations sont diverses et demandent donc que l'on s'adapte au cas par cas. Quels sont les signaux de cette crise-ci ? Contrairement aux années 70, on ne peut parler de stagflation. En effet, l'inflation qui était jusqu'à très récemment une menace, a quasiment été effacée par la baisse brutale de la demande. Les prix des matières premières tels que le pétrole ou les céréales sont en chute libre. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui craignent une déflation, soit un excès flagrant de l'offre par rapport à la demande, forçant baisse des prix, chômage partiel et fermeture des usines. La situation peut ainsi être comparée avec la crise de 29, qui était du même type. Pour y faire face, l'économiste John Maynard Keynes a conçu des politiques économiques fondées sur l'encouragement de la demande.

Les politiques keynesiennes apparaissent comme judicieuses actuellement, mais il faut être conscient qu'elles n'ont pas vocation à être appliquées en permanence. Certains socialistes notamment font de la politique de la demande une exigence constante, principalement pour des raisons idéologiques. Cela ne doit pas être le cas. En France notamment, la persistance de déficits publics importants ont souvent été vus comme une manière de favoriser le bien être social. Cette persistance même créait une accoutumance qui finissait par rendre quasiment neutre les effets de cette politique de la demande, pour n'en conserver que les inconvénients, c'est à dire la dette publique.

Toujours est-il que les pays du monde entier adoptent logiquement des plans de relance basés sur la dépense publique pour créer de la demande. Si aux Etats-Unis, le plan de Barack Obama manque encore de précision, en Europe chaque pays est généralement un peu plus avancé dans ce processus. L'internationalisation des économies, notamment celles de l'Union Européenne, pousse naturellement les différents gouvernements à coordonner leurs efforts, à défaut de pouvoir s'entendre sur un plan global.

Dans le cas particulier de la France, il faut trouver par quels leviers l'argent public peut être à même de favoriser une reprise de la demande. L'un des premiers critères est de trouver de quelle façon l'argent dépensé peut profiter à l'économie française ou même européenne, plutôt que pousser à l'achat de biens par exemples asiatiques : de par sa structure d'échanges, la croissance française dépend de sa demande intérieur et des exportations européennes bien plus que de la demande chinoise. La relance doit pouvoir impacter autant de strates économiques françaises et européennes que possible. Le deuxième critère est celui de l'arbitrage entre la consommation, l'investissement et l'épargne. Aujourd'hui, l'épargne n'est pas quelque chose qu'il faut favoriser. La peur vis-à-vis de la situation économique pousse à épargner, d'où le cercle vicieux déjà évoqué. Les différentes banques centrales l'ont bien compris, et ont pour cela nettement diminué leurs taux d'intérêts, pour rendre le crédit plus attractif et l'épargne moins rémunératrice. Mais cette propension à épargner, facteur psychologique, doit aussi être prise en compte dans le plan de relance. Donner de l'argent aux ménages dans cette optique ne serait pas efficace de façon optimale, dans la mesure où ils risqueraient d'en épargner une bonne partie. Cela doit être pris en compte.

Le plan de relance actuel a principalement été conçu sur ces bases là. L'immobilier et la construction automobile sont des secteurs limitant l'appel aux économies lointaines. Que ce soit pour des sacs de ciment ou des voitures, il y a une limite de poids qui rend le trafic de marchandises peu rentables, et pour la France, les usines peuvent difficilement être plus éloignées que l'Europe ou l'Afrique du Nord. En outre, ces deux secteurs nécessitent une main d'oeuvre importante sur le lieu de vente, et font vivre également un très grand nombre d'entreprises en rapport.

Dans le cas de l'immobilier, il est d'ailleurs à noter que la baisse des prix est faible en France : la demande de logements reste structurellement forte, et les vendeurs sont peu enclins à baisser leurs prix sachant cela. La conséquence est surtout la baisse du volume des transactions, ainsi que des mises en chantiers. Un plan de relance ambitieux peut être l'occasion de faire travailler les entreprises de BTP à des infrastructures publiques, en attendant qu'elles recommencent à construire des logements privés. De très nombreux projets d'infrastructures n'attendent qu'une ligne de financement. Ne serait-ce qu'avancer immédiatement les fonds échelonnés dans le temps est une bonne idée. Il y a par exemple beaucoup à faire en matière de transports en commun en France, et c'est actuellement la bonne période pour faire avancer ce genre de dossiers.

La construction automobile est un bon exemple de façon de contourner la propension à épargner : les fonds versés aux ménages prennent la forme d'une réduction de prix sur les voitures neuves prise en charge par l'Etat directement auprès du constructeur. Les consommateurs n'ont dès lors qu'un choix prédéfini d'utillisation avec l'argent proposé, celui jugé utile pour la collectivité. Mais tant qu'à faire, autant faire en sorte que ces véhicules subventionnés profitent également à la société. Un critère important quant aux réductions devrait être le respect de l'environnement par ces véhicules, poursuivant ainsi les objectifs du Grenelle de l'Environnement. Cela pourrait d'ailleurs être l'occasion de développer les compétences des constructeurs européens en matière de véhicules propres.

D'une manière générale, si les de relance peuvent être des opportunités à la fois économiques et publiques, il ne faut surtout pas oublier que cette crise a vocation à être temporaire. L'économie doit sentir nettement l'impact de relance, mais pas se redimensionner en incluant une dépense publique de cette ampleur. Par exemple, quand Xavier Darcos annonce le financement de l'emploi de 5 000 personnes pour mettre fin à l'absentéisme scolaire sur les fonds du plan de relance, cela ne peut qu'être mauvais à terme. Un tel objectif n'a pas un horizon final de trois ans seulement, et après la crise, la France devra toujours mettre en œuvre des politiques fortes des dépenses structurelles de l'Etat. L'argent dépensé ne peut l'être que de façon conjoncturelle. De même, la crise ne doit pas faire oublier certaines restructurations nécessaires. Ainsi, les mesures en faveur de la presse sont vouées à l'échec malgré les centaines de millions d'euros prévus. Et ce pour une simple raison : rien n'est fait pour remédier à ce qui cause vraiment problème, soit les blocages en matières d'impression et de distribution.

Au final, si la crise donne de grandes difficultés mais aussi certaines opportunités, il ne faudra pas oublier de faire preuve de discernement pour maximiser les chances de récupération rapide.

samedi 3 janvier 2009

Le quasi échec du Blu Ray

En janvier dernier, l'industrie cinématographique sortit de sa deuxième guerre de formats. La première avait eu lieu à l'apparition des magnétoscopes, et avait vu s'affronter les cassettes VHS et celles Beta-max, chacune soutenues par des groupements industriels différents. Ces dernières années, c'étaient le HD DVD qui faisait face au disque Blu Ray pour la vente de programmes audiovisuels dans le commerce. Cette guerre de format était considérée comme nuisible au développement des deux offres, pensaient les industriels, tant il était évident qu'il n'y avait de la place que pour un seul format, et qu'en conséquence, investir dans l'un sans avoir la garantie qu'il serait exploité par la suite était risqué. Au final, c'est le Blu Ray qui a prédominé. Mais 2008, contrairement aux attentes de l'industrie, n'a vu aucun boom des achats de lecteurs Blu Ray et des disques associés. Les ventes sont considérées "décevantes", et cela semble étonner tous ceux qui préparaient ce changement technologique depuis plusieurs années. La victoire du Blu Ray s'est accomplie parce que la dernière console de Sony, la Playstation 3, en disposait par défaut. Tous ceux qui ont donc voulu acheter la console ont donc disposé du lecteur de disque avec, garantissant donc une plus grande distribution que le HD DVD. Mais aujourd'hui, il s'avère que si la Playstation 3 est le lecteur de Blu Ray le plus répandu, elle est aussi une console qui a moins de succès que ses concurrentes et que les modèles précédents de Sony. Et ce pour une raison simple : le prix.

Les dirigeants des industries cinématographiques et électroniques s'étaient retrouvés avec une belle unanimité sur l'étape suivant le succès du DVD : l'avenir serait aux programmes en haute définition, cela justifiait une nouvelle technologie, un nouveau format de disque, de nouveaux lecteurs, et un prix plus élevé. Visiblement, personne ne s'est posée la question des véritables attentes des clients en la matière. Il ne s'agissait plus de répondre aux demandes des clients, mais de justifier une augmentation des marges par l'exploitation d'une nouvelle technologie. Or celle-ci a les mêmes arguments de ventes que celle qui la précédait. La transition entre les cassettes VHS et les DVD est encore très récente. Elle date d'une dizaine d'années environ, et l'on trouve encore des appareils lisant les VHS dans le commerce. La technologie DVD s'est imposée en promettant une image et un son parfaits, une bande son et des sous-titres en de nombreuses langues, ainsi que des bonus s'ajoutant à chaque programme.

Or voilà que pour le Blu Ray, l'on explique au consommateur qu'il disposera d'une image et d'un son parfaits, ainsi que des bonus pour chaque programme. Si celui-ci avait bien remarqué la qualité de l'image offerte par le DVD, il n'est pas en revanche pas certain que l'on puisse vraiment faire mieux. L'argument des bonus exclusifs se révèle même miné dans la mesure où la promesse a en fin de compte été assez peu tenue pour les DVD. Quant aux différentes langues, elles ont très vite été réduites au stricte minimum. Il est dès lors facile de penser que les films Blu Ray sépareront eux aussi les éditions collector disposant des bonus promis des éditions normales. Il y a même une incertitude sur la durée de vie du nouveau format : si le DVD devient périmé si vite, combien de temps durera le Blu Ray avant que ce matériel ne soit lui aussi considéré comme obsolète par les industriels ?

Au bout du compte, la valeur ajoutée promise par le Blu Ray apparait bien faible. La grande capacité de stockage du disque peut paraître intéressant pour de l'archivage de données, ou pour mettre par exemple plus d'épisodes d'une série télé par disques, mais la philosophie du "plus que parfait" n'intéresse que les plus exigeants des cinéphiles. Et visiblement, ils ne semblent déjà pas suffisamment attirés pour acheter le nouveau système en masse. S'il n'y a pas d'hostilité franche des consommateurs au principe de la haute définition, l'engouement ne peut se faire aux niveaux de prix actuels. Au final le principal atout des lecteurs Blu Ray est leur rétrocompatibilité : ils lisent les disques DVD, ce qui fait que les consommateurs n'auront pas besoin de racheter ou transformer les disques qu'ils possèdent déjà, comme ils avaient été poussés à le faire au moment du passage de la VHS au DVD. Mais il faut maintenant que le prix des lecteurs Blu Ray descende franchement. Dans deux ans, dans cinq ans ou dans dix ans, les lecteurs Blu Ray auront le même prix que les lecteurs de DVD actuels. Lorsque ceux-ci tomberont en panne, les consommateurs pourront les changer sans que cela ne les handicape au niveau du budget. On peut alors penser que les Blu Ray se généraliseront, mais si c'est avec des lecteurs et des disques au mêmes niveaux de prix que pour les DVD, la valeur ajouté du nouveau système pour les industriels se révèlera quasi-nulle.

Même répandu, le Blu Ray serait alors dans une situation synonyme d'échec. En effet, les nouveaux produits traversent habituellement une première phase où les foyers s'équipent en masse, puis une deuxième phase où ce n'est plus qu'un marché de remplacement. Si le Blu Ray devient directement un produit de remplacement du DVD, les gains escomptés par ses promoteurs ne s'accompliront pas. Et d'ores et déjà, se profile l'idée que la dématérialisation des programmes audiovisuels pourrait à terme remplacer tous types de disques. Les perspectives sont donc sombres pour une nouvelle technologie, coupable au final d'être trop peu utile.

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