Réflexions en cours

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lundi 25 octobre 2010

Port de Marseille, ferroutage, France : comment planter une activité (ou un pays)

En France, on n'a pas de pétrole. On n'a peut-être pas d'idées non plus. Mais on a des grévistes. Certaines activités, habituées à une présence importante des pouvoirs publics, en sont de grandes habituées. C'est par exemple le cas au port de marchandises de Marseille. Des syndicats fortement marqués idéologiquement, rétifs à l'idée de profit et de compétitivité y font la loi. Cela se traduit certes par une situation enviable pour ceux qui y travaillent, mais aussi par une productivité faible lorsque le port fonctionne. Et encore faut-il qu'il fonctionne. Car la grève y est très fréquente. Encore à l'heure actuelle, la CGT bloque le port. Pour les clients du port (les compagnies de transport maritimes et les industriels qui ont besoin des marchandises acheminées), ce genre de situation est particulièrement frustrante. L'idée de ne pouvoir profiter de sa propriété du fait de la volonté illégitime d'autrui est particulièrement révoltante. C'est surtout dommageable pour l'activité de ces entreprises qui en dépendent. Mais progressivement, elles s'adaptent. Elles font transiter de plus en plus de marchandises par d'autres ports, notamment étrangers. Même si Marseille, de par sa proximité avec le canal de Suez, est bien situé, il est plus sûr et plus rentable de passer par les ports d'Anvers ou de Rotterdam. Le port de Marseille perd ainsi des contrats, et sa santé économique n'en finit plus de décliner. Mais les syndicats bloquent toute évolution, préférant visiblement la mort de l'activité plutôt qu'un quelconque compromis avec les réalités économiques.

La situation est exactement la même sur le dossier du ferroutage. A l'intérieur de la France, les marchandises transitent quasiment toutes par camions. Au final, c'est lourd et polluant. Le ferroutage pourrait être une solution frappée du coin du bon sens : les conteneurs transitent par trains électriques, les sociétés de camionnage ne s'occupant plus que du dernier maillon, entre le centre de transit et la destination (ou le lieu d'expédition). Dans d'autres pays, ce mode de transport des marchandises a une part notable du marché. En France, il est au mieux anecdotique. Là encore, on sait pourquoi le ferroutage ne se développe pas en France : la SNCF, monopole d'Etat sur le chemin de fer, est percluse de grèves chroniques. A tel point que mettre un conteneur sur des rails, c'est n'avoir aucune idée de quand on le reverra. Tous ceux qui s'y sont risqués en reviennent. Aujourd'hui, le ferroutage est quasi mort, et lorsque la SNCF veut en tirer les conséquences, elle doit faire face à de nouvelles grèves.

Ces deux exemples sont malheureusement révélateurs de la situation globale de la France. L'irrationalité la plus complète domine. Il n'est jamais question de compétitivité, de productivité, d'efficacité, mais toujours de lutte sociale, d'acquis à défendre et de grèves à mener. Le conflit actuel le montre parfaitement. Il s'est facilement transformé en opportunité pour toutes sortes de dérives visant à plomber l'économie française. Non seulement les trains et les administrations publiques succombent une fois de plus à la grève, mais aussi elle donne l'occasion de scènes d'émeutes ou de blocages de raffineries. Lorsque la Grèce a connu cela au printemps dernier, bien des touristes français ont renoncé à y voyager cet été. Il faut bien se dire que l'effet produit par nos habituels "conflits sociaux" donnent également ce genre d'impressions.

La France est-elle vraiment un pays mature, où l'on peut créer ou gérer une activité ? Les années passent, et il est parfois permis d'en douter. Elle est handicapée par les mêmes services publics qui devraient la servir, elle souffre d'un climat malsain où le progrès économique est tout simplement mal vu. De la même façon que le port de Marseille ou le ferroutage français ne sont plus considérés comme des partenaires fiables, beaucoup de gens dans le monde considère d'ores et déjà que la France est un pays avec lequel on ne peut pas travailler. Cela nous fait déjà du mal actuellement, et si l'on continue de si belle façon, cela ne pourra que nous en faire encore plus.

mercredi 20 octobre 2010

Sur la TVA sociale

Coup sur coup, des personnalités aussi différentes que Manuel Valls, Jean-François Copé ou Jacques Attali se sont exprimées en faveur de la TVA sociale. En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy s'était montré favorable à une expérimentation, avant que l'idée ne soit abattue habilement par Laurent Fabius pendant les législatives. Pourtant, l'idée reste séduisante, à gauche comme à droite. Le principe est de faire financer une baisse des charges sociales par une augmentation de la TVA. Une telle mesure est favorable à l'emploi, car elle oriente le financement de la protection sociale non pas en pénalisant le travail, qui est un coût dans les produits que l'on exporte mais pas dans ceux que l'on importe, mais vers la consommation. Ainsi, un produit importé pourrait financer lui aussi la protection sociale, limitant un peu les effets du dumping social ayant cours dans les pays où la main d'œuvre est mal rémunérée.

Le premier des obstacles est évidemment l'inflation qu'elle génèrerait. Déjà, on pourrait imaginer que les créations d'emplois (vu la diminution du coût du travail) ou les éventuelles hausses de salaires permettraient d'encaisser le choc via une hausse des revenus globaux. Ensuite, il faudrait étudier dans quelle mesure il faudrait augmenter la TVA. En Allemagne, par une décision du gouvernement Merkel 2007, elle a augmenté de trois points : deux pour la diminution des déficits (et la France en aurait bien besoin aussi), un pour la diminution des charges sociales. Aujourd'hui, l'Allemagne connaît un taux de chômage au plus bas depuis la réunification. Au Danemark aussi cette hausse avait été de trois points, avec une TVA atteignant 25 %. Actuellement, le niveau français de TVA se trouve dans la moyenne de la zone euro. Une hausse de trois points générerait 20 milliards de recettes supplémentaires immédiates.

Si elle était répercutée intégralement, cela ferait une inflation directe de 2,5 %. Mais ce n'est pas certain. Les industriels pourraient affecter leurs gains d'un côté (baisses de leurs charges patronales) à une maîtrise de leurs tarifs. En plus, ils ont parfois justement intérêt à garder leurs prix fixes, notamment pour garder un seuil psychologique, ou rester dans les clous de ce que leurs clients sont prêts à payer. Ainsi, les variations de TVA des années 90 n'ont pas eu des répercussions vraiment spectaculaires pour les consommateurs. Dernièrement, la baisse de la TVA dans la restauration l'a encore démontré. Les restaurants ont très majoritairement gardé les mêmes prix, tout simplement parce qu'ils savaient que leurs consommateurs étaient prêts à payer leurs menus à de tels niveaux, ou bien doutaient qu'une baisse des prix se traduise par une hausse de chiffre d'affaires, même avec une hausse des volumes.

Pour une fois qu'une idée simple, susceptible d'aider grandement à la résolution de nos problèmes est disponible, il serait bien bête de l'écarter d'un revers de main et de ne pas l'étudier attentivement. Il est dit qu'une grande restructuration de la taxation est prévue en 2011. Il faudra que l'idée de la TVA sociale soit au devant de la scène. Sinon, il faudra attendre la prochaine présidentielle pour la retrouver dans les programmes électoraux.

jeudi 7 octobre 2010

L'artisanat, un métier d'avenir

Une des grandes angoisses des classes moyennes (et parfois populaires) est la peur du déclassement social : que non seulement leurs enfants ne puissent avoir une situation meilleure que la leur, mais que celle-ci s'avère en fait même plus mauvaise. Autrefois considéré comme un passage obligé vers la réussite sociale, les études longues ne garantissent plus du tout d'une bonne situation. Certes, face aux délocalisations et la main d'œuvre à bas coûts dans les pays émergents, le statut d'ouvrier est de plus en plus menacé. Mais contrairement à ce que l'on a pu rêver, la France ne pourra pas facilement occuper une position de "donneuse d'ordres", où une masse salariale fortement diplômée créerait le design des produits fabriqués ailleurs. D'une part parce que les pays émergents n'ont aucune envie de voir cette partie de la création de la valeur ajoutée leur échapper éternellement, d'autre part parce que la France n'est pas un pays où l'innovation et l'entrepreneuriat sont parfaitement valorisés. Cela ne veut pas dire que des entreprises ne peuvent occuper ce créneau, mais il serait illusoire de croire que cela puisse concerner tout à chacun.

Sans forcément vouloir se tourner vers le Plan comme façon d'organiser l'économie, il peut être opportun de se poser la question des débouchés dans la façon de former les futurs actifs. Cela peut se faire de façon simple, en regardant quels métiers sont en pénurie de personnel qualifié, alors que le chômage reste fort : cela donne une bonne indication des déséquilibres entre emplois et travail. Le secteur des services y sont bien représentés : on manque ainsi d'infirmières et d'informaticiens. Si être informaticien demande une formation longue, d'autres métiers réclament de façon insistante de la main d'œuvre. Et on découvre alors que l'artisanat est un très gros employeur qui est bien peu satisfait. Les boulangers ou les plombiers sont ainsi fortement demandés. Les bouchers en particulier sont dans une situation très difficile : peu de jeunes arrivent pour reprendre les boutiques dont les occupants arrivent à l'âge de la retraite. Les supermarchés ont eux aussi des rayons boucheries qui demandent des personnes pour les faire tourner, ils n'en trouvent pas, ou pas assez. La demande des clients dans de tels domaines reste pourtant toujours aussi forte...

Il faudrait donc veiller à orienter une partie des élèves vers de tels métiers, où l'on peut d'ailleurs se faire des situations confortables. La concurrence étrangère y est limitée, et les besoins sont grands. Actuellement, seuls les mauvais élèves sont orientés vers de telles formations. Or on peut être un bon élève, et avoir les qualités nécessaires pour être artisan. D'autre part, de nombreux bacheliers s'inscrivent à l'université faute de réel projet professionnel. Ce pourrait être un bon moment pour en récupérer une partie d'entre eux. Plutôt que de risquer l'échec dans les premières années de fac faute de motivation et/ou des qualités nécessaires pour s'y frayer un chemin, il serait préférable qu'il y ait une sélection à l'entrée. Le nombre d'étudiants par filières se ferait non seulement sur ses capacités d'accueil, mais aussi sur leurs débouchés. Il pourrait ainsi y avoir moins d'étudiants en fac, mais des bacheliers qui entreprennent des formations menant aux métiers de l'artisanat. Au final, ce serait l'opportunité d'une meilleure allocation de nos ressources et d'une possible baisse du chômage.

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