Une des grandes angoisses des classes moyennes (et parfois populaires) est la peur du déclassement social : que non seulement leurs enfants ne puissent avoir une situation meilleure que la leur, mais que celle-ci s'avère en fait même plus mauvaise. Autrefois considéré comme un passage obligé vers la réussite sociale, les études longues ne garantissent plus du tout d'une bonne situation. Certes, face aux délocalisations et la main d'œuvre à bas coûts dans les pays émergents, le statut d'ouvrier est de plus en plus menacé. Mais contrairement à ce que l'on a pu rêver, la France ne pourra pas facilement occuper une position de "donneuse d'ordres", où une masse salariale fortement diplômée créerait le design des produits fabriqués ailleurs. D'une part parce que les pays émergents n'ont aucune envie de voir cette partie de la création de la valeur ajoutée leur échapper éternellement, d'autre part parce que la France n'est pas un pays où l'innovation et l'entrepreneuriat sont parfaitement valorisés. Cela ne veut pas dire que des entreprises ne peuvent occuper ce créneau, mais il serait illusoire de croire que cela puisse concerner tout à chacun.

Sans forcément vouloir se tourner vers le Plan comme façon d'organiser l'économie, il peut être opportun de se poser la question des débouchés dans la façon de former les futurs actifs. Cela peut se faire de façon simple, en regardant quels métiers sont en pénurie de personnel qualifié, alors que le chômage reste fort : cela donne une bonne indication des déséquilibres entre emplois et travail. Le secteur des services y sont bien représentés : on manque ainsi d'infirmières et d'informaticiens. Si être informaticien demande une formation longue, d'autres métiers réclament de façon insistante de la main d'œuvre. Et on découvre alors que l'artisanat est un très gros employeur qui est bien peu satisfait. Les boulangers ou les plombiers sont ainsi fortement demandés. Les bouchers en particulier sont dans une situation très difficile : peu de jeunes arrivent pour reprendre les boutiques dont les occupants arrivent à l'âge de la retraite. Les supermarchés ont eux aussi des rayons boucheries qui demandent des personnes pour les faire tourner, ils n'en trouvent pas, ou pas assez. La demande des clients dans de tels domaines reste pourtant toujours aussi forte...

Il faudrait donc veiller à orienter une partie des élèves vers de tels métiers, où l'on peut d'ailleurs se faire des situations confortables. La concurrence étrangère y est limitée, et les besoins sont grands. Actuellement, seuls les mauvais élèves sont orientés vers de telles formations. Or on peut être un bon élève, et avoir les qualités nécessaires pour être artisan. D'autre part, de nombreux bacheliers s'inscrivent à l'université faute de réel projet professionnel. Ce pourrait être un bon moment pour en récupérer une partie d'entre eux. Plutôt que de risquer l'échec dans les premières années de fac faute de motivation et/ou des qualités nécessaires pour s'y frayer un chemin, il serait préférable qu'il y ait une sélection à l'entrée. Le nombre d'étudiants par filières se ferait non seulement sur ses capacités d'accueil, mais aussi sur leurs débouchés. Il pourrait ainsi y avoir moins d'étudiants en fac, mais des bacheliers qui entreprennent des formations menant aux métiers de l'artisanat. Au final, ce serait l'opportunité d'une meilleure allocation de nos ressources et d'une possible baisse du chômage.