Réflexions en cours

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mercredi 29 décembre 2010

Projet du PS : il pleut de l'argent !

Au Parti Socialiste, on travaille sur le projet pour 2012. Les conventions s’enchaînent, des textes sont pondus, le dernier étant celui sur "l’égalité réelle". Cette fois-ci, on peut distinguer clairement une ligne directrice, une vision claire des choses. Absolument tous les problèmes ont la même solution : plus d’Etat, davantage de réglementations, et surtout plus d’argent public !

On l’ignorait, mais dans le monde du PS, il semble bien qu’il pleut de l’argent. Et lorsqu’il sera de retour au pouvoir, le PS veut faire pleuvoir de l’argent partout, car c’est une solution de bon sens une fois que l’on a constaté que chaque problème venait de "pas assez de moyens". Et de fait, alors qu’on se posait la question de l’opportunité de l’Etat Providence, le PS répond en le renforçant et en le systématisant, montrant tout du long une idéologie déresponsabilisant l’individu.

L’Etat paiera pour financer "massivement" la construction de crèches, pour augmenter les effectifs d’enfants en maternelle, pour généraliser la "pédagogie personnalisée" tout au long de la scolarité, pour permettre la baisse radicale du nombre d’élèves par classe, pour les primes aux enseignants, pour que les premiers cycles universitaires bénéficient de conditions de formation équivalentes à celle des classes préparatoires, pour l’Aide au Départ en Vacances de 200 euros minimum, pour qu’il y ait des hôpitaux de proximité partout en France, etc.

Un long passage de ce projet est consacré à l’éducation, démontrant une philosophie qui se veut généreuse. Le Parti Socialiste ne veut plus de redoublements, considérant donc qu’il vaut mieux faire passer en classe supérieure un élève qui n’a déjà pas le niveau de sa classe actuelle. De toute façon, les notes chiffrées sont vilipendées, considérées comme facteur de "stress et de compétition". Et elles ne sont pas vraiment nécessaires, quand l’accent doit être mis sur des enseignements "plus transversaux, plus ouverts sur les activités artistiques, culturelles et sportives". Le but n’est pas de troubler les élèves en essayant de leur faire apprendre des choses importantes. Non, l’important, c’est bel et bien que 80 % d’une classe d’âge atteigne le "niveau" du bac (quoi que cela recouvre), et que 50 % soit au niveau licence. Ce qui compte, ce sont les objectifs ambitieux d'"expansion éducative", sans même se demander du bien fondé de pratiquer une telle massification par rapport aux débouchés. D’ailleurs, ce qui fonctionne bien est mal vu : la réussite des grandes écoles et des classes préparatoires fournit une concurrence "stérile" au détriment des universités, et du coup, tout devra s’en rapprocher.

En matière économique, c’est plus flou. Un passage est à citer entièrement : "La hausse des salaires est souvent présentée comme une menace pour l’emploi, qui pousserait les entreprises à la délocalisation ou rendrait inemployable les salariés aux plus faibles qualifications. Cette analyse est erronée. Comme les autres pays développés, la France souffre aujourd’hui d’une insuffisance de demande." C’est bien ce passage qui est économiquement aveugle. Oui, chaque salaire représente un coût pour l’employeur, ce que le PS ne semble même pas reconnaître. Et d’autre part, si la France souffre d’une insuffisance de demande, ce n’est pas de consommation, qui se porte pas mal, mais bien d’investissements, ce qui explique d’ailleurs le manque de compétitivité chronique de nos entreprises.

Mais le projet du PS ne considère pas l’entreprise comme un employeur, une possibilité de croissance. L’initiative privée n’a pas cours, dans sa philosophie elle est même considérée comme une déviance qu’il faut au mieux maîtriser, au pire réprimer. Et dès lors, la solution passe par des investissements publics dans les activités, via un Pôle Public d’Investissement Industriel financé massivement. Mais attention, ce ne doit pas pour autant être le prétexte de rechercher la "pseudoperformance". Dans cet ordre d’idée, les pôles de compétitivité ne doivent pas être trop focalisés sur l’innovation à vocation économique.

Par contre, en matière de politique sociale, c’est tout de suite la fête. Remarquant que les aides non demandées par les travailleurs pauvres équivalent à un milliard d’euros, la convention sur l’égalité réelle se propose de mobiliser ce milliard d’euros non dépensé (mais qui n’existe donc pas) pour financer des réponses aux problèmes des personnes en difficulté. Pour combattre le chômage, des moyens seront donnés à des organismes tels que les associations pour croître et insérer le plus grand nombre de personnes.

Un plan de cinq ans de construction de logements sociaux à très bas prix (financé par l’opération du Saint Esprit) permettra de diminuer le nombre des sans-abris des deux tiers, les exigences en matière de logements sociaux seront relevées (à 25 % des logements d’une ville), et l’on bétonnera dans la plus grande joie grâce à la politique d’"intensification de la ville". Pour aider les jeunes, il ne sera plus demandé à personne de caution personnelle pour louer un appartement, ce sera au loueur de souscrire une garantie contre les impayés de loyer. Et comme il ne faut pas que ça fasse augmenter les loyers, ceux-ci seront encadrés, et les appartements non occupés seront encore plus taxés. Grâce à tout cela, il sera parfaitement inutile (et non rentable) d’investir dans un appartement à louer, de toute façon, l’Etat ou les collectivités locales s’occupent de tout.

Et cela n’en finit pas. En matière de sécurité, le projet du PS rabâche sa vision du délinquant comme victime de la société, car "La violence de notre société est la première cause de l’insécurité." Ce n’est donc pas de sa faute. La réponse pénale doit donc se limiter à des travaux d’intérêt général, pendant qu’on résout le reste en construisant une "société plus solidaire et moins brutale".

Et alors que ces propositions s’empilent tranquillement, le thème le plus ignoré est celui des financements, évoqués seulement à mots couverts. Il y a bien sûr toutes les nouvelles taxes qui seront créées pour ceux qui ne respecteraient pas les nouvelles réglementations, mais cela veut dire que si elles sont respectées, ce ne serait pas un vrai moyen de financement. D’une manière générale, il n’est jamais question (et pour cause) de maîtrise de la dépense publique, de recherche d’économies, ou même d’une quelconque amélioration de la productivité en quelque endroit que ce soit. Il faut donc augmenter les impôts, sur les riches, le capital, le patrimoine, en espérant que les comptes soient bons (les conséquences sont balayées d’un revers de main). Le trou de la Sécurité Sociale est ainsi considéré comme un thème anxiogène vu à court terme, mais le PS rétablira les comptes quand même par "une mise à contribution raisonnable de l’ensemble des revenus de la nation". Cela ressemble fort à une augmentation de la CSG. Celle-ci est pourtant vouée à disparaître, pour être fusionnée à l’impôt sur le revenu.

Au bout du compte, il n’y a aucun chiffrage. Comme il est de tradition dans les programmes politiques optimistes, les finances publiques sont restaurées par le magique retour de la croissance permis par la politique menée. Et l’on sent que les socialistes eux-mêmes n’y croient pas, puisqu’ils se font forts d’obtenir de l’Union Européenne que les dépenses liées à l’éducation, aux infrastructures ou aux services publics ne soient pas comptabilisées pour l’appréciation du respect des critères du Pacte de stabilité, rendant donc précisément caducs ces critères. Il est ainsi bien précisé que l’orthodoxie budgétaire prévue par le Pacte de stabilité et de croissance limite les moyens de la France pour "garantir un haut niveau de protection sociale". Il faudra donc que les partenaires européens acceptent qu’on n’en tienne pas compte. Vu la situation actuelle de la France et de l’Europe, ça laisse présager une belle partie de rigolade.

Dans l’ensemble, c’est donc le grand arrosage inconsidéré d’argent public, la farandole des vœux pieux et la reprise en main par l’Etat de toute la société. On a du mal à croire que ce soit un PS post-1983 qui ponde un texte pareil. On ne sera à ce titre pas étonné que c’est le très à gauche Benoît Hamon qui en fut le principal artisan. Conscients du côté totalement irréaliste d’un tel programme, plusieurs figures du PS telles que Manuel Valls, François Hollande ou Pierre Moscovici ont tenu à garder leurs distances avec. Le texte sur l’égalité réelle ne fut lui-même adopté que par à peine 29 % des adhérents du PS. D’après Benoît Hamon, ce sera au candidat du PS pour la présidentielle d’être compatible avec de telles propositions. Pourtant, dans cet océan de mauvaises idées que représente ce programme, la plus mauvaise serait certainement de l’appliquer. Ses effets seraient dévastateurs. Mais au-delà de ça, pour une "égalité réelle", faut-il vraiment une liberté sacrifiée ?

Images : Fotolia - Bibliothèque rose - SIPA

lundi 27 décembre 2010

Y-a-il un pilote au ministère des transports ?

Ces derniers mois, les Français ont traversé des mésaventures dans leur vie quotidienne qui les a passablement énervés, et qui a du même coup fait la joie des journaux télévisés. Ceux-ci aiment pouvoir faire des reportages spectaculaires, facilement tournés et avec des thèmes de proximité qui "concernent" le plus grand nombre. Le conflit sur les retraites, d'une banalité affligeante, a ainsi pris un tour inattendu avec les fermetures de raffineries, qui ont rendu le carburant rare dans de vastes régions de France. Chacun a pu constater la panique, les queues aux stations service, les panneaux indiquant que celles-ci étaient au sec, et tout cela avec des répercussions immédiates sur les habitudes de déplacement des Français. A l'époque, le ministère des transports s'était fait remarqué en affirmant rapidement qu'il n'y aurait pas de pénurie, avant de devoir changer complètement son fusil d'épaule devant les protestations de tout le monde vis-à-vis de bien concrètes pénuries d'essence.

Avec la neige, le gouvernement a accompli l'exploit de commettre si peu de temps après la même erreur. Quand le ministre de l'Intérieur affirmait que tout était prévu et qu'il n'y aurait pas de "pagaille", la pagaille avait déjà commencé, puisque ce sont tous les automobilistes circulant sur la nationale 118 qui se trouvèrent bloqués par une neige abondante. Résultat : des files de voitures laissées à l'abandon, des pouvoirs publics aux abonnés absents et un long moment avant que les choses ne reviennent dans l'ordre. Et dernièrement, alors qu'il continue de neiger, l'aéroport de Roissy s'est particulièrement distingué. Si de nombreux aéroports européens sont en difficulté face à l'afflux de neige, celui de Roissy est semble-t-il le seul pour lequel les choses ont été pires, faute d'un dégivrant spécial, le glycol, qui n'aurait pas été stocké en assez grande quantité. De ce fait, on a pu voir des centaines de voyageurs passer le réveillon dans un terminal d'aéroport. On ne croirait pas qu'il avait déjà neigé autant l'année dernière, et qu'on aurais donc pu bénéficier de l'expérience précédente.

Ce sont là à chaque fois des échecs importants dans la politique de transports du gouvernement. Le ministère dédié n'arrive pas à gérer les situations de crise, alors que c'est bien le minimum. Il ne peut décider de la météo ou bien des grèves (deux phénomènes assez erratiques en France), mais au moins devrait-il pouvoir éviter les erreurs stupides, comme annoncer que tout va bien quand il suffit d'être dans la rue pour se rendre compte que ce n'est pas le cas, ou bien laisser Roissy être géré en dépit du bon sens.

On aurait pu légitimement croire que les ministres étaient en cause. Mais le remplacement de Jean-Louis Borloo par Nathalie Kosciusko-Morizet et de Dominique Busserau par Thierry Mariani entre la crise des carburants et la neige n'a pas améliorer les choses. Dans le cas de Thierry Mariani, c'est peut-être même pire, vu qu'il était à Moscou lorsque la N118 était au summum du chaos. Et pourquoi faire ? Si c'était pour vendre du matériel de transport, le secrétaire d'Etat au commerce extérieur aurait été plus indiqué que celui aux transports dans de pareilles circonstances. Et il savait les troubles traversés par la France, puisque son avion pour Moscou (celui du Premier ministre en fait) a décollé avec trois heures de retard due à la neige, au moment ou Brice Hortefeux niait à l'avance tout risque de pagaille.

Mais au-delà de cela, il semble bien qu'il y ait tout simplement une administration centrale qui ne fonctionne plus, qui n'est plus capable de prendre les informations les plus basiques du terrain, et d'en tirer les conséquences immédiates. Le rôle du ministère des transports n'est pas de vendre des avions ou des TGV, mais bien de permettre aux Français de se déplacer dans les meilleures conditions possibles. Ici, on ne dirait même pas que des efforts sérieux aient été faits. Qu'il vienne d'ailleurs ou qu'on le trouve déjà en place, il faut donc que quelqu'un prenne les commandes pour rediriger ce ministère à la dérive.

jeudi 23 décembre 2010

A propos du centre

Question posée : qu'est-ce que le centre ?

Quand l'analyse de la pensée politique est une part importante de ce blog, il est difficile de ne pas se répéter. Commençons par une vision large, celle de l'électeur centriste. Sa nature est d'être modéré. Conscient de l'art de la nuance, il voudra être gouverné au plus juste sur chaque dossier, plutôt que d'avoir une politique taillée à grands coups de hache. Il sera favorable à un certain interventionnisme de l'État dans l'économie, mais pas trop car il sait que cela peut avoir des effets pervers. Il est soucieux de l'ordre public, mais pas au prix de toutes les libertés fondamentales. Il croit au dialogue entre les pays, et ne pense pas que la guerre règle les difficultés. Bref, il est pondéré sur tout, et rejette avant tout les extrêmes. Aux élections, suivant les circonstances, son vote pourra se porter sur toute la partie haute du cercle de la politique. Il aura tendance à moins s'encarter dans les partis politiques, se considérant comme essentiellement indépendant dans l'exercice de son jugement (il sera aussi plus souvent noté comme indécis dans les enquêtes d'opinion avant les échéances électorales).

Et puis il y a les mouvements politiques. La gauche, la droite et le centre ne sont que des positionnements à des moments donnés pour des courants de pensée qui survivent à leurs déplacements dans l'hémicycle. Historiquement, il y a une poussée de ceux-ci vers la droite avec l'arrivée régulière de nouveaux mouvements à leur gauche, provoquant une glissade globale de la majorité vers la "gauche" si l'on s'en tient à l'axe initial. Au départ, en 1871, il y avait des royalistes (à droite) et des républicains (à gauche). Puis, quand les royalistes sont devenus moins influents, les divisions entre républicains se sont accentuées, avec les républicains modérés (au centre), et les républicains radicaux (à gauche). Puis, vers les années 1890, sont arrivés les socialistes, qui formèrent l'extrême gauche, repoussant les radicaux au centre gauche, les modérés au centre droit, et les conservateurs à l'extrême droite. Avec l'apparition de l'URSS, le congrès de Tours de 1920 fit naître la distinction entre le communisme révolutionnaire (à l'extrême gauche) et le socialisme réformateur (à gauche). A ce moment-là, Georges Clemenceau, ardent partisan d'un républicanisme féroce, considéré comme très à gauche à ses débuts, est vu comme un odieux briseur de grève par les socialistes et le sauveur de la patrie par la majorité, y compris la droite.

Par la suite, les républicains modérés se distinguèrent par leur libéralisme (ce cheminement permet de comprendre le changement assez récent -1997- de nom, du Parti Républicain vers Démocratie Libérale). Un libéralisme qui avait toujours été leur nature depuis Louis-Philippe, mais qui devint une caractéristique marquante, alors que la gauche ne parlait plus que contrôle de l'économie ou même dictature du prolétariat. Au début du XXème siècle, la démocratie chrétienne prit également plus d'importance, quelque part entre les radicaux et les modérés. Le "gaullisme", en fait bonapartisme, fut lui d'abord caricaturé comme une émanation de l'extrême droite.

Et c'est là qu'intervient le fonctionnement des institutions. Dans les régimes parlementaires des IIIème et IVème Républiques, le centre comme positionnement politique avait un rôle fondamental. Un simple différent politique permettait de faire chuter un gouvernement, ce qui arrivait souvent. Le scrutin à la proportionnelle fut particulièrement redoutable lors de la IVème République, favorisant les alliances de circonstances. Les radicaux et les chrétiens démocrates en ont beaucoup profité. Le passage à la Vème République, avec son scrutin uninominal et son exécutif fort, changea les choses. Les majorités devenant stables, il fallut choisir son camp. Ce n'était plus possible d'être comme l'électeur centriste, à voter au coup par coup en fonction de la question posée.

Chez les radicaux, cela aboutit à une scission, avec les radicaux de droite et ceux de gauche, qui demeure aujourd'hui. La distinction entre les deux se fait sur le choix de l'alliance. Les démocrates chrétiens se sont alliés avec les libéraux (donc la droite de facto) dans l'UDF, mais la "deuxième gauche" (de Jacques Delors et Michel Rocard), au sein du Parti Socialiste, est proche sur de nombreux aspects de la démocratie chrétienne (en particulier sur la foi européenne). François Bayrou a voulu tous les rassembler dans son Mouvement Démocrate (rayant le "chrétien" au passage), mais faute de choisir d'alliance, se condamne à ne pas avoir d'influence sur la politique française.

Le système empêche donc qu'il y ait un centre pur et dur, hier cela consistait uniquement à alterner les alliances frénétiquement, aujourd'hui, les mêmes sont divisés en fonction de leurs préférences d'alliance. Mais lorsque l'on considère qu'aux États-Unis, la gauche américaine correspond à notre droite française, ou même que l'on contemple notre propre histoire politique, on est surtout amené à relativiser l'aspect absolu de tels découpages.

mercredi 22 décembre 2010

CFoot, la chaîne du bluff

Entre CanalSat, Numéricable, ou les bouquets disponibles sur ADSL, les télespectateurs ont déjà l'embarras du choix pour élargir leur offre télévisuelle. Ces diverses options permettent d'accéder à des dizaines de chaînes supplémentaires, et sont désormais bien établies. La TNT payante fait donc face à une concurrence difficile. Au départ, il y a toujours la possibilité de s'abonner à Canal Plus en hertzien, même s'ils dont maintenant à peine un million (sur plus de quatre millions d'abonnés) à faire ce choix. Canal Plus a augmenté son offre hertzienne en proposant également en numérique ses déclinaisons Canal Plus Cinéma et Canal Plus Sport. Pour les autres chaînes payantes proposées, comme Planète, LCI ou TF6, il n'y a pas vraiment de marché. Canal Plus ne fait aucun effort pour commercialiser ces chaînes, et les autres petits opérateurs ont du mal à se faire entendre avec une offre assez faible. C'est ce qui a poussé les chaînes AB1 et Canal J à abandonner la partie, les gains étant trop importants en comparaison de coûts de diffusion énormes.

Le CSA a donc relancé un appel à candidatures pour les remplacer. Canal Plus voulait compléter son offre, en proposant Canal Plus Family à la place de Canal J, afin de continuer à proposer quelque chose pour les enfants. Mais ce fut CFoot qui fut choisie. Ce projet de chaîne est une curiosité en soi. Le président de la Ligue de Football Professionnel (LFP), Frédéric Thiriez, a voulu cette chaîne pour peser sur les négociations des droits télé de la ligue 1. En résumé, la compétition entre Canal Plus et TPS avait permis de faire monter les enchères pour ces droits jusqu'à atteindre 600 millions par an. Mais TPS fusionna avec Canal Plus, et ce dernier voulu faire des économies sur ce poste. Il y a deux ans, la LFP trouva une solution inespérée avec l'arrivée d'Orange sur le marché. Canal Plus paya moins, en ne déboursant que 460 millions d'euros, pour 9 des 12 lots proposés (le détail par lot n'est pas disponible). Orange remporta le reste, dont un match de Ligue 1 chaque samedi soir, pour 208 millions. Son ambition était de créer une vraie alternative à Canal Plus/Canal Sat sur l'ADSL et se différencier des autres fournisseurs d'accès à internet, avec une chaîne dédiée au sport recrutant les abonnés en masse.

Seulement, ce coût de 208 millions d'euros est colossal, et représenta un trou financier pour Orange. Avec l'abonnement fixé à 6 euros par mois, Orange n'arriva jamais à gagner de quoi rentabiliser cet investissement. L'entreprise a donc d'ores et déjà déclaré ne plus vouloir enchérir pour le prochain appel d'offres. Ce qui pose à nouveau un gros problème pour la LFP. CFoot est donc conçu comme un concurrent créé ex nihilo par la LFP pour faire monter les enchères des droits de la Ligue 1. Sa programmation à base de football doit recruter les amateurs du ballon rond en masse et inciter Canal Plus à payer au plus cher, et ainsi permettre de payer les salaires absurdes des footballeurs.

Mais tout ce plan est assez surprenant économiquement parlant. En quoi CFoot pourrait-il réussir là où Orange, qui avait bien plus de moyens, a échoué ? Le prix de l'abonnement mensuel est à 4 euros. Dans le cas où les différents lots ne trouvaient pas d'enchérisseurs à des niveaux comparables à la dernière fois, il faudrait 668 (millions d'euros) / 12x4 euros (d'abonnement annuel) = 13,9 millions d'abonnés à la chaîne. Sur environ 25 millions de foyers en France, c'est plus de la moitié. C'est totalement délirant. Et c'est sans compter les coûts représentés par le reste de la grille des programmes, et évidemment ceux de diffusion. Et bien sûr, CFoot ne pourrait diffuser qu'un match à la fois, alors que plusieurs ont cours en même temps chaque week-end.

CFoot ne pourra donc pas diffuser seule tous les lots proposés par la LFP. La chaîne prévoit en fait d'être distribuée sur le câble, le satellite en plus de la TNT. Elle compte sur 3,2 millions d'abonnés à terme, dont 700 000 sur la TNT. Ce sont là déjà des estimations très ambitieuses, pour un chiffre d'affaires quand même insuffisant. Là encore, sans compter sur les coûts adjoints, cela représenterait un revenu de 3,2 x 48 = 153,6 millions d'euros. Ce ne serait même pas suffisant pour remplacer les 208 millions d'euros d'Orange. Et Orange n'a réussi à obtenir que 112 000 abonnés. En effet, qui veut payer deux fois, un abonnement à Canal Plus pour avoir 9 matchs par journée de championnat, et un autre pour avoir le dixième ? A ce niveau-là, autant le dire clairement, le business plan de la LFP est non-sens complet.

L'ambition de son architecte, Frédéric Thiriez, est de faire peur à Canal Plus pour qu'elle propose un montant conséquent pour la Ligue 1. Mais il faudrait que les dirigeants de Canal Plus ignorent totalement les données très simples du problème, et le fait qu'ici, c'est la LFP qui a tout à perdre, quand bien même Canal Plus perdrait les droits. Et si son seul risque est de perdre un match sur dix, comme actuellement, celui de la LFP est de devoir financer un investissement à perte, ce qui est pire qu'une non rentrée d'argent. A l'heure des paris sportifs et du poker en ligne, CFoot est donc la chaîne du bluff sur le foot. Paradoxalement, pour elle, obtenir des matchs en direct de Ligue 1 représenterait une malédiction. Le CSA a favorisé cette chaîne pour que Canal Plus ne soit pas en situation dominante sur la TNT payante. Mais s'est-elle vraiment intéressé à sa viabilité, ou bien est-il heureux d'attribuer un canal de diffusion à une simple manœuvre de négociation ?

lundi 20 décembre 2010

Entre la hausse et la baisse du budget européen

Les dirigeants de l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Finlande et des Pays-Bas ont signé une lettre demandant au Président de la Commission Européenne, José-Manuel Barroso de geler le budget de l'Union Européenne en termes réels (ce qui signifie une augmentation en ligne avec l'inflation) jusqu'en 2020. Cela vient au terme d'une séquence où le Parlement Européen voulait une augmentation forte du budget 2011 des institutions européennes (supérieure à 5 %), quand le Conseil Européen la voulait limitée à 2,9 % (l'inflation sur les 12 derniers mois dans l'Union Européenne est de 2,3 %). Le Parlement arguait du besoin de moyens engendré par le Traité de Lisbonne, et par l'impossibilité de développer des politiques européennes avec un budget constant. Le Premier ministre britannique, l'eurosceptique David Cameron, voulait lui que le budget baisse pour ne plus représenter que 0,85 % du PIB européen. Finalement, c'est donc comme souvent une solution intermédiaire qui l'a emporté, avec une augmentation de 2,9 % pour 2011 puis une croissance conforme avec l'inflation. Le budget européen devrait donc rester au niveau de 1 % du PIB des pays de l'Union Européenne.

A court terme, il aurait été difficile de faire plus. Chaque pays fait face à une crise économique très difficile, certains gouvernements (à commencer par la Grèce ou l'Irlande) devant faire des coupes très sévères dans leurs budgets, ayant des répercussions brutales sur les vies de leur population. Ces coupes étaient tout à fait nécessaires, mais la Commission Européenne n'était pas la dernière à les réclamer. C'est même en partie son rôle. Elle est donc bien placée pour connaître l'importance d'une gestion saine et du besoin de faire attention à ses dépenses. Elle peut difficilement demander en même temps que les gouvernements diminuent leurs dépenses, tout en leur demandant également de lui augmenter son propre budget. A ce niveau-là, une augmentation de 2,9 % est déjà conséquente.

Pour les horizons plus lointains (comme 2020), il est plus difficile de savoir quelles seront les marges de manœuvre. Il serait présomptueux de déterminer dès maintenant du niveau de budget de l'Union Européenne d'ici 10 ans, alors que tant de choses (comme la situation économique ou même les gouvernements) peuvent changer. Cela veut donc dire que l'on ne peut fixer dans le marbre ni une stabilisation, ni augmentation de ce budget. Un point important dont il faut se soucier est l'adhésion (au moins minimale) des populations aux politiques européennes.

En l'occurrence, ce débat sur la hausse du budget peut être mal compris dans cette période d'efforts. Et ce d'autant plus que les 45 000 fonctionnaires européens ont obtenu devant la Cour de Justice du Luxembourg une hausse de 3,7 % (donc bien supérieure à l'inflation) de leurs salaires, le mécanisme de revalorisation ayant bizarrement été conçu pour que ces hausses soient calculées de façon automatique. Avec de telles structures, l'Union Européenne est donc condamnée à pouvoir faire moins d'année en année avec un budget constant en valeur. C'est désastreux pour l'Union Européenne directement, mais aussi indirectement, vu les répercussions en termes d'image que cela implique. Visiblement, il y a donc des réformes internes possibles pour dégager des moyens supplémentaires. L'Europe ne pourra que se porter mieux si son argent est mieux utilisé.

jeudi 16 décembre 2010

Un pays, deux systèmes pour Taïwan ?

La montée en puissance de la Chine inquiète sur le plan économique, mais aussi sur le plan géopolitique. Son soutien à la Corée du Nord, notamment, fait qu'elle cautionne un élément fortement déstabilisant pour la région pour de mauvaises raisons. Un autre dossier épineux est celui de Taïwan. La Chine a depuis adopté l'attitude du loup convoitant avec attention sa proie. Les causes sont évidemment historiques. A l'origine, la révolution communiste de Mao bouta le gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek hors de la Chine continentale. Celui-ci se réfugia sur l'île de Taïwan donc, dernier endroit où il continua à gouverner. Il se posa en tant qu'autorité légitimiste, mais la position de gouvernement en exil fut difficile à assumer avec le temps, et dans les années 70, l'administration chinoise continentale obtint d'être considéré comme "la Chine" par la plupart des pays du monde, les forçant à rompre leurs relations avec Taïwan. Le temps passant, le gouvernement de Taïwan se démocratisa, arrêta de prétendre gouverner toute la Chine et n'aspire plus désormais qu'à s'occuper de la population insulaire.

Du côté chinois, ce territoire, bien petit par rapport au reste du pays, représente la sensation désagréable d'un travail mal fini. En effet, la révolution communiste chinoise n'est pas complète, dans la mesure où une partie de l'ancienne Chine... résiste encore et toujours à l'envahisseur (rouge). Pour une Chine habituée à défendre rageusement ce qu'elle considère être ses intérêts vitaux, l'indépendance de fait de Taïwan est comme le cailloux dans la chaussure. Elle n'a jamais donc caché son aspiration à en reprendre le contrôle. Et si elle l'a souvent répété, il se pourrait bien qu'un jour cela devienne vrai. Taïwan, de son côté, n'a aucune envie de passer sous le système politique totalitaire de la Chine, et s'est donc armé en conséquence pour pouvoir se défendre en cas d'attaque.

En fin de compte, les positions ont bien changé d'un point de vue idéologie. La Chine est bien peu communiste aujourd'hui, elle a par contre tous les traits d'une dictature nationaliste. Taïwan, à l'origine nationaliste, est désormais démocrate. L'hostilité entre les deux populations demeure, et les puissances occidentales ne savent pas très bien quel comportement adopter en cas de déflagration. Mais est-ce qu'il doit forcément y avoir un conflit armé ? Ethniquement, ce sont des Chinois des deux côtés. Des décennies de séparation ont évidemment produit des différences culturelles, mais cela ne pose problème que si Pékin essaie d'obtenir le contrôle totale sur la population taïwanaise.

Il y aurait bien une solution. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les exemples de Hong Kong et de Macao. Ces villes étaient des protectorats de pays européens, et avaient échappé elles aussi à la révolution communiste. Leur rétrocession à la Chine était prévue de longue date, et pour lever les difficultés, le leader chinois des années 80 Deng Xiaoping avait proposé que ces villes gardent leur propre système politique. Cela crée donc des provinces autonomes, mais non indépendantes. Le gouvernement central chinois ne se réserve que la diplomatie et la défense. Ce serait possible également pour Taïwan. L'île pourrait donc être contrôlée démocratiquement par la population pour ses affaires intérieures. Elle n'a pas grand chose à préserver en diplomatie, vu qu'elle n'est pas formellement reconnue. Quant à sa défense, sa raison d'être est justement de tenir éloignée l'armée chinoise...

En Chine, tout est question de rapports de force. Elle n'est pas encore passé à l'action sur Taïwan car il n'y a pas d'urgence et que le conflit pourrait être difficile. Mais si réunification il doit y avoir un jour, autant qu'elle se passe sans verser de sang, et en préservant les droits des Taïwanais. Ceux-ci refusent cette possibilité, étant désormais attachés à leur indépendance, ce qui est parfaitement légitime. L'ironie du sort est que de l'autre côté de la Chine, le Tibet, par la voix du Dalaï Lama, serait particulièrement favorable à une telle solution. Il faut dire qu'il est lui déjà envahi...

mercredi 15 décembre 2010

Les assureurs se moquent de leurs clients

Le refus du gouvernement d'accorder un "coup de pouce" au SMIC (qui va quand même augmenter) fut critiqué, comme il est de tradition. Mais il n'y a pas que le salaire qui rentre en compte dans l'évolution du budget d'un ménage. Il y a aussi les taxes et les dépenses. Pour ces dernières, la marge du gouvernement s'avère souvent limitée. Il peut évidemment influer sur certains prix, notamment ceux des entreprises publiques telles que l'EDF. Mais pour les produits gérés par le secteur privé, la non intervention est la règle. Or le fait que les entreprises d'assurance vont toutes augmenter le tarif de leurs primes (d'une hausse bien supérieure à l'inflation) ne peut laisser indifférent. Le motif indiqué est particulièrement risible. La "sinistralité" serait en hausse. La tempête Xinthia et l'augmentation du nombre d'accidents de la route sont notamment pointés du doigt. L'argument est un peu court : les assureurs n'auraient pas prévus qu'il y ait des sinistres ? C'est pourtant leur métier. Les primes d'assurance versées les années précédentes visaient justement à nous couvrir de telles éventualités, et lorsqu'elles ont lieu, les assureurs sont pris au dépourvu. C'est à se demander pourquoi il font ce métier.

Surtout que les sinistres en question ne sont pas si extraordinaires que ça. Aucune tempête n'a été aussi importante que celles de décembre 1999, et cela n'a pas poussé les assureurs à baisser leurs tarifs entretemps. De même, les accidents de la route sont bien moins nombreux qu'il y dix ans, une hausse de leur nombre sur une année n'efface pas des années de baisse. Et même si le montant global des indemnisations augmentait, il ne devrait pas y avoir forcément répercussion sur les clients. Une entreprise peut jouer sur plusieurs aspects autre que l'augmentation de ses prix, elle peut par exemple réduire sa marge. Les entreprises d'assurance sont bien loin d'être déficitaires, et le jeu normal de la concurrence devrait inciter à garder ses prix sous contrôle. Mais y a-t-il concurrence ? Les signaux envoyés depuis des mois sur l'augmentation prochaine des prix a un intérêt : celui de faire passer le message que tout le monde va pouvoir augmenter ses prix, sans qu'il y ait d'incertitude sur le comportement du concurrent. Cela s'apparente au mieux à une entente implicite sur les prix, et il serait intéressant de savoir s'il n'y en a pas une d'explicite qui soit à l'oeuvre.

L'employé peut faire face à son employeur pour déterminer son salaire, le contribuable est l'électeur de celui qui fixe le montant des impôts, mais pour défendre son pouvoir d'achat, le particulier ne doit pas oublier son pouvoir de consommateur face aux fournisseurs de biens et de services. De même, l'entreprise doit déterminer la distribution de la valeur entre ses actionnaires, ses employés... mais aussi ses clients. A l'heure actuelle, le pouvoir du consommateur n'est pas suffisamment pris en compte. Il peut être défendu par des associations ou par les autorités. Dans le premier cas, l'UFC Que Choisir et d'autres associations dénoncent des augmentations non justifiées pour bénéficier aux actionnaires. Dans le second, Christine Lagarde, la ministre de l'économie, a annoncé le lancement d'une enquête menée par la direction du Trésor et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. C'est déjà une bonne chose. Mais individuellement, ce genre de pratique est également un appel à ce que chaque consommateur soit particulièrement vigilant, pour qu'il n'hésite pas à résilier un contrat, faire jouer la concurrence, et récompenser des acteurs peut-être plus petits, mais qui ont tout à gagner en proposant des prix plus modérés que les mastodontes du marché.

mardi 14 décembre 2010

Le conservatisme : le sentiment plutôt que la raison

Il y a bien des formes de conservatisme. Aux Etats-Unis, être conservateur n'est pas du tout une qualification péjorative, c'est même une fierté pour ceux qui conspuent les "libéraux". Dans l'Angleterre actuelle, les conservateurs sont également des personnes attachées aux traditions, des traditions démocrates et en fin de compte, assez libérales économiquement parlant. En France, le conservatisme renvoie plutôt au conservatisme réactionnaire, le mouvement politique favorable à la restauration pendant la révolution et le premier Empire, à une politique ultra-royaliste ensuite, et au légitimisme après l'arrivée de Louis-Philippe au pouvoir. Pour en comprendre la philosophie, il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Lorsque éclate la révolution, la noblesse est complètement prise au dépourvu. Si certains se rallient aux changements en cours (comme le père de Louis-Philippe, "Philippe Égalité"), d'autres préfèrent l'exil pour combattre le nouveau régime, d'une façon ou d'une autre.

Parmi eux, quelques uns (tels Louis de Bonald ou Joseph de Maistre) prennent leur plume pour s'opposer par le verbe aux nouvelles théories qui justifient la démocratie, et fondent ainsi la République honnie. Le contrat social cher à Jean-Jacques Rousseau ou la raison prônée par Voltaire ne trouvent pas grâce à leurs yeux. Bien au contraire, pour eux, la raison est une illusion. En brandissant sa raison comme instrument suffisant pour triompher de toutes les difficultés, l'homme ferait ainsi preuve d'un orgueil terrifiant. Particulièrement chrétiens, les penseurs conservateurs y voient là un instrument de défiance de Dieu, seul être apte à juger de toutes choses.

La monarchie absolue est elle le fruit de la tradition, elle bénéficie d'une autorité s'appuyant sur un passé de centaines d'années, elle est millénaire même. Chacun sait quel est sa place : le peuple est soumis au roi, et le roi est soumis à Dieu. Dans la société conservatrice, la vie menée n'est pas celle de bas calculateurs, toujours occupés à échafauder des manœuvres pour assouvir leur petit intérêt. L'honneur, la loyauté, par contre, y ont une place prééminente. Pour ceux dont l'idéal est la chevalerie, une vie réussie est celle où l'on a défendu son souverain avec bravoure et grandeur.

Là où le modernisme se voue à la raison, le conservatisme s'avère donc être un culte du sentiment. Le fondateur du journal Le Conservateur, François-René de Chateaubriand, s'était ainsi d'abord fait connaître en écrivant le Génie du Christianisme en exil. Il y faisait non seulement l'apologie de Dieu, mais y mettait en première place le sentiment, la conviction de son cœur. Il y avait d'ailleurs inclus deux romans, René et Atala, deux histoires d'amour tragiques, posant de fait les bases du romantisme français. Le jeune Victor Hugo en était un grand admirateur. Participant au courant littéraire romantique, il était lui-même ultra-royaliste, dédiant certaines œuvres à Charles X. Au début du XIXème siècle, la contemplation d'un glorieux passé et de faits extraordinaires satisfaisait davantage les âmes que la bien froide raison.

Fascinés par les tourments de l'âme, les conservateurs se rendirent compte que leur attachement à l'ultra-royalisme était également une tragique histoire d'amour. La raison, plus forte malgré tout, s'imposa peu à peu, et avec elle s'installèrent l'ère des négociations et des compromis, d'abord avec l'arrivée d'une monarchie libérale avec Louis-Philippe, ensuite avec la République. D'une façon globale, l'Europe se libéralisait petit à petit. La tradition dont se réclamaient les conservateurs fut alors brisée, la nouvelle tradition s'affirmant comme résolument démocrate. Mais il subsista tout de même un reliquat de tout cet amour pour le pays et cette grande volonté de faire les choses jusqu'au bout, quitte, une fois encore, à s'approcher de la tragédie. C'était le nationalisme.

lundi 13 décembre 2010

Copé, pourquoi faire ?

En étant à la tête de l'UMP pour son conseil national de samedi, Jean-François Copé a marqué une nouvelle étape dans son plan de carrière. Il n'en fait pas mystère, son but est de devenir Président de la République. Il y pensait certainement lorsqu'il a choisi de faire l'ENA, il y pensait lorsqu'il soutenait Jacques Chirac en 1995, il y pensait lorsqu'il était ministre lors du quinquennat précédent, il y pensait lorsqu'il dirigeait le groupe UMP à l'Assemblée Nationale, il y pense plus que jamais depuis qu'il est le secrétaire général de l'UMP. Depuis que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, n'a pas caché ses propres présidentielles, assumant ainsi son ambition personnelle, Jean-François Copé a choisi de suivre la même stratégie. Il fait donc savoir à tout le monde qu'il veut être à l'Elysée en 2017, se rangeant donc officiellement parmi ceux qui ont été obsédés par ce rêve toute leur vie (Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Laurent Fabius, Jacques Chirac, Ségolène Royal, François Bayrou...). C'est après tout son droit. Seulement, il a porté cette ambition au rang de fin en soi, sans jamais se préoccuper de fond.

Jean-François Copé suit son propre parcours, grimpant régulièrement l'échelle de la politique, sans jamais dire ce qu'il pense vraiment (autre que "je veux telle place"). Ses livres sont des témoignages, non l'exposition de ses idées. Ainsi, dans Promis, j'arrête la langue de bois, il explique de façon pathétique comment lors de la réélection de Jacques Chirac, sa seule préoccupation était de savoir quelle place il aurait au gouvernement, se désespérant que son téléphone ne sonne pas. Ce n'est peut-être pas de la langue de bois, c'est certainement parfaitement vrai, mais malheureusement, cela ne suscite que de la pitié pour n'avoir que ce genre de priorités. Et c'est comme cela que tout se résume à des questions de carrière personnelle. En 2004, il était candidat pour devenir le président de la région Ile-de-France, mais l'oublia dès que les élections furent terminées. A vrai dire, il se contenta de se féliciter pour être passé de "secrétaire d'Etat" à "ministre délégué" lors du remaniement qui suivit. En 2007, il aurait voulu un grand ministère, et se plaignit bruyamment de ne pas l'obtenir, avant se féliciter de devenir le nouveau président du groupe parlementaire. Et ces derniers mois, il fit campagne pour devenir le nouveau secrétaire général de l'UMP, sachant que c'est un passage obligé pour de plus hautes fonctions, se contentant de cracher sur le titulaire du poste, Xavier Bertrand, en guise d'arguments.

Et le plus surprenant, c'est qu'il n'a jamais prouvé quoi que ce soit dans les différents postes qu'il a occupé. Tant et si bien qu'il reste encore une feuille blanche : on sait qu'il veut monter de grade, mais on ne sait pas ce qu'il veut faire à son nouveau grade, ni s'il a bien rempli les fonctions de son grade précédent, s'il est compétent, ce qu'il pense, ou quoi que ce soit. On ne connaît pas sa ligne politique. Chiraquien sous Jacques Chirac, vaguement sarkozyste sous Nicolas Sarkozy, a-t-il des affinités avec la démocratie chrétienne ? le libéralisme ? l'interventionnisme gaulliste ? S'intéresse-t-il à la construction européenne ? Que veut-il changer ?

Il a paradoxalement monté un club de réflexion, Génération France. Ce groupuscule se décrit comme un lieu d'expression pour le débat d'idées, mais à le lecture de son site, il s'avère être un océan d'eau tiède. Sur chaque problème contemporain, toutes les causes sont citées, de nombreuses pistes d'exploration sont lancées... mais sans jamais arriver à une conclusion ferme. Au bout du compte, cela ne forme pas un programme politique, mais la seule impression qui reste est celle d'une écurie au service d'une ambition. Une ambition désincarnée. Certes, il reste sept ans à Jean-François Copé avant sa grande échéance. On a commencé à entendre Nicolas Sarkozy sur les grands sujets cinq années avant l'élection présidentielle, en passant précisément par des ministères importants. Mais il serait surement bon pour Jean-François Copé qu'il commence dès maintenant à se demander ce pourquoi il se bat.

dimanche 12 décembre 2010

Le cercle de la politique

Une petite polémique a lieu en ce moment sur le fait que Michel Drucker ne souhaite pas inviter Marine Le Pen dans son émission, alors qu'il y a déjà reçu Olivier Besancenot. En filigrane, se pose à nouveau la question de savoir si l'extrême gauche est plus "fréquentable" que l'extrême droite. Comme personne ne pose la question à l'extrême droite, on peut déjà entendre les réponses de la gauche et de l'extrême gauche. Et ces réponses sont assez simples : les deux extrêmes n'ont rien à voir l'un avec l'autre. L'un est raciste, lorsque l'autre est purement idéaliste ou simplement radical (dans le sens déterminé). Ainsi, les positions politiques s'étaleraient sur un axe gauche/droite, où l'extrême gauche serait le point des plus hauts et nobles idéaux (à commencer par l'égalité totale entre chacun), et tout déplacement vers la droite serait synonyme de compromission avec les bas sentiments (tel que l'égoïsme, l'individualisme), de corruption, ou même de vilénie absolue (normalement dans le cas de l'extrême droite, mais ça peut arriver assez vite avec les différentes visions personnelles).

Dans le cas de la scène politique française, cela donne une représentation assez traditionnelle, sur un axe, conformément à la disposition des parlementaires dans l'hémicycle. Voici donc l'axe de la politique française :



Mais cette représentation, pour traditionnelle qu'elle soit, oublie un élément important. Cela peut paraître comme une évidence, mais parfois, il peut être important de redire ce genre de choses : les extrêmes se rejoignent. Chaque bout de cet axe est en contact avec l'autre, formant un cercle qui est la véritable nature de la politique. Le voici :



Bien sûr, l'un des débats fondamentaux de la politique française est de savoir quel est le bon dosage entre liberté et égalité, ou plus concrètement, de savoir si la politique doit être plus interventionniste ou plus libérale. C'est la principale distinction entre l'UMP et le PS. Cela forme l'axe horizontal de ce cercle. Mais au delà du bipartisme, pour les autres partis ou courants politiques, il est aussi nécessaire de déterminer d'autres critères. En l'espèce, dans la partie supérieure du cercle, c'est peut-être le pragmatisme, ou plutôt la modération qui l'emporte sur le reste. Il est impossible d'être parfaitement au centre, cela s'est toujours vérifié. Mais il existe des formations de centre gauche ou de centre droit, en fonction de leurs choix d'alliance.

Par contre, dans la partie inférieure du cercle, c'est le radicalisme obtus qui l'emporte, la volonté de faire plier la réalité à sa vision des choses. Plus on descend sur cet axe vertical, et plus on est prêt à tout pour arriver à ses fins. C'est le moment où des privations de liberté sont décidées envers les opposants politiques, où la liberté de la presse est mise à mal, ou la démocratie n'est plus respectée. Et à cet égard là, Lutte Ouvrière ou le Nouveau Parti Anticapitaliste ne sont pas en reste avec le FN, loin de là. La "dictature du prolétariat", érigée en dogme, est la clé permettant tous les excès, tous les abus envers les "ennemis de classe". Pour créer une égalité factice, la liberté est purement et simplement supprimée.

L'Histoire fut riche d'enseignements sur la similitude entre extrême gauche et extrême droite. Dans les deux, on retrouve un État omniprésent, une dictature violente, une doctrine érigée en clé de voute de la société. Et cela a eu des répercussions concrètes. Alors que dans les années 30, les militants communistes et fascistes s'opposaient souvent violemment les uns aux autres, l'une des fiertés des communistes étaient justement d'être les plus éloignés possibles des fascistes sur un axe plat. Mais c'était justement oublier que les deux groupes, dans leurs folies, finissaient par se rejoindre. Le pacte Molotov/Ribbentrop, entre les ministres des Affaires étrangères de l'Allemagne nazie et de l'URSS communiste, en est le symbole évident. On aurait pu croire qu'ils n'avaient rien en commun, mais ils trouvaient parfaitement à s'entendre, d'abord pour ne pas se faire la guerre, ensuite pour se partager la Pologne, en l'envahissant par les deux bouts. Seule l'invasion de l'URSS décidée par Hitler permit plus tard aux communistes de se réveiller, et de se proclamer à nouveau comme champions de la lutte contre le fascisme.

Normalement, dans la théorie marxiste, après la dictature socialiste, il devrait y avoir la véritable société communiste. Dans ce cadre, tout devrait appartenir à tout le monde (et non seulement à l'État), et tout le monde serait parfaitement libre, libéré du joug des propriétaires du capital. Certains penseurs d'extrême gauche ont même mis en avant un idéal anarchiste, un monde libéré de toute obligation formelle. Cela rejoint d'ailleurs une autre forme d'extrémisme, celle des libertariens, qui rêvent également de libertés absolues et totales. La seule variation entre les deux étant la question de la propriété privée. Aucune de ces deux variantes n'a été mise en place au cours du passé, tout simplement parce que cela bloque auparavant. Au bout du compte, que ce soit en passant par l'extrême droite ou par l'extrême gauche, cela se termine à chaque fois par des camps meurtriers de prisonniers. Que l'extrême gauche fasse la même chose que l'extrême droite pour des idéaux supérieurs ou considérés comme plus nobles ne fait aucune différence. C'est toujours le même obscurantisme, la même haine de l'opposant. Et c'est pourquoi Besancenot vaut Le Pen et que le NPA vaut bien le FN.

jeudi 9 décembre 2010

Guerre culturelle aux Etats-Unis

La défaite des démocrates aux élections de mi-mandat représente un terrible coup pour l'administration Obama. Elle avait déjà du mal à faire passer ses textes lorsqu'elle avait la majorité à la chambre et la super majorité de 60 membres sur 100 au sénat. Maintenant, avec 53 sénateurs seulement et en étant en minorité à la chambre, le camp démocrate semble désespéré. Le seul espoir de courte durée est de faire passer un maximum de textes avant que la prochaine législature commence, en janvier prochain. A ce titre, le premier test était la reconduction des réductions d'impôts mises en place par George W. Bush il y a 10 ans. Les démocrates voulaient les reconduire, sauf pour les plus riches, quand les républicains voulaient les reconduire pour tout le monde. Au bout du compte, c'est Barack Obama qui a cédé. C'était le seul moyen pour lui d'obtenir une reconduction de l'indemnisation des chômeurs.

Les républicains étaient déjà remontés auparavant, cela sera encore pire dorénavant. Ils sont parfaitement clairs sur le fait qu'ils ne laisseront rien passer, étant prêt à deux ans d'immobilisme jusqu'à la prochaine élection présidentielle. Au Congrès, les démocrates sont souvent les dindons de la farce : quand ils étaient en minorité sous le Président précédent, ils ne sont pas arrivés à bloquer son programme. Avec un Président et un Congrès démocrates, ils ont encore beaucoup peiné. Et là ils semblent bien ne rien pouvoir obtenir, face à des républicains bien plus résolus qu'ils ne l'étaient.

Dans son livre The Audacity of Hope, Barack Obama laissait percer l'une des idées centrales de sa vision politique. Il considérait qu'autrefois, dans les années 60 notamment, les positions entre les camps étaient beaucoup moins figées, le dialogue existait toujours entre démocrates et républicains, de vraies amitiés existaient même. Aujourd'hui, Barack Obama regrette que cela ait disparu, et souhaite pouvoir rétablir un tel état d'esprit. A vrai dire, c'est peut être même la pierre angulaire de ce "changement" qu'il veut mettre en place. C'est la raison pour laquelle il a voulu que le Congrès prenne l'initiative sur la réforme de la santé, et qu'il a si ardemment souhaité que le texte soit au moins approuvé par une partie des républicains, quitte à faire des sacrifices sur les idéaux démocrates. Mais ce n'est pas vraiment l'humeur actuelle...

Il y a déjà la question institutionnelle. Le système américain de bipartisme et de primaires fait que chaque camp a tendance à désigner des candidats bien en ligne avec leurs idées plutôt que des centristes. Et les territoires américains sont souvent bien marqués d'un côté ou de l'autre. Cela fait qu'au Congrès, les représentants élus sont très vindicatifs, très convaincus, peu enclins à transiger. La dernière élection l'a bien montré. Les démocrates les plus centristes ont été les plus vulnérables : encore peu soutenus par la majorité des démocrates, ils étaient encore trop à gauche pour des circonscriptions très marquées à droite. Battus, le groupe démocrate à la chambre est donc globalement plus à gauche qu'avant. La Speaker, Nancy Pelosi, qui était rejetée par les centristes démocrates et violemment vilipendée par les républicains, a ainsi réussi l'exploit de garder la direction de son groupe. Représentante de San Francisco, elle est bien à gauche, et donc en ligne avec les autres représentants démocrates. La reddition de Barack Obama sur la reconduction des baisses d'impôt les a d'ailleurs particulièrement mis en fureur.

Mais au delà de cela, il y a un problème plus vaste. Ces institutions ont toujours été les mêmes. Ce qui a changé, c'est l'aspect culturel. Dans les années 60, les partis étaient en effet beaucoup moins "purs" idéologiquement. Alors que Lyndon Johnson mettaient en place les droits civiques pour les noirs, de nombreux démocrates des Etats du sud étaient encore ségrégationnistes. Chez les républicains, si chacun était farouchement anti-communiste, il n'y avait pas moins un état d'esprit permettant le dialogue, comme l'avait le Président Dwight Eisenhower dans les années 50. Le gouverneur Nelson Rockefeller de New York y illustrait même la force d'une aile progressiste.

Mais en même temps, un conservatisme bien plus prononcé émergeait. Il s'est d'abord manifesté par la candidature de Barry Goldwater à l'élection présidentielle de 1964, où il fut lourdement défait. L'époque semblait être plutôt celle de la contre-culture, avec l'influence d'un mouvement d'idées très à gauche dans l'Occident. La libéralisation des mœurs, l'intervention de plus en plus marquée de l'État dans l'économie, la remise en cause de piliers traditionnels de la société, arrivant jusqu'à l'émergence du mouvement hippie, ont immédiatement favorisé une très forte réaction de la part d'une part importante du pays. C'est dans ce contexte que l'acteur Ronald Reagan a pris le relais politique du conservatisme aux États-Unis.

Malgré son inexpérience, il fut tout de suite soutenu par de larges pans de la société dans son combat pour un retour aux valeurs conservatrices. Et dès 1966, il réussit à se faire élire gouverneur de Californie malgré un sortant bien en place. Cela suffit pour que les spéculations sur son avenir présidentiel commencent immédiatement. Bien que gouverneur depuis moins de deux ans, il fut ainsi une force redoutable lors des primaires pour l'investiture républicaine à la présidentielle de 1968. L'accent qu'il mettait sur la liberté personnelle en matière économique, le respect des valeurs morales traditionnelles et l'importance de la religion a formé une ligne directrice qui subsiste encore aujourd'hui. Il ne fut néanmoins pas en position d'aller jusqu'au bout, et il préféra soutenir Richard Nixon que Nelson Rockefeller.

Il ne se présenta pas contre le Président sortant en 1972, mais avec l'affaire du Watergate, l'Amérique se retrouva avec un Président qui n'avait pas été élu, Gerald Ford. En 1976, Ronald Reagan eut moins de scrupules, se présenta donc contre lui, et faillit de très peu l'emporter lors de la convention républicaine. Il ne le soutint qu'à condition que Nelson Rockefeller ne reste pas vice-Président. Mais le pardon accordé par Gerald Ford à Richard Nixon réduisit ses chances de succès, et Jimmy Carter fut élu. Ce dernier ne resta que quatre ans Président. En 1980, Ronald Reagan l'emporta haut la main.

Les républicains gardèrent la Maison Blanche douze ans durant, avant que les démocrates se résolvent à envoyer un centriste, Bill Clinton, pour la reprendre en 1992. Dès 1994, celui-ci dut faire face à une chambre républicaine très hostile, le Speaker Newt Gingrich s'étant déjà résolu à l'opposition frontale. Le retour des républicains au pouvoir lors de l'élection de 2000 fut pour eux comme un retour à la normale, et sans la faute que fut la guerre en Irak, ils auraient pu prétendre y rester en 2008.

Tout ce mouvement politique fut accompagné par un puissant élan en matière d'idées. Avec des penseurs/polémistes tels que William Buckley ou Irving Kristol, le conservatisme connut une renaissance des ses idées politiques. Encore aujourd'hui, ce bouillonnement perdure, avec des revues telles que le Weekly Standard ou le National Review, ou bien toute une constellation de thinks tanks conservateurs qui arrivent à peser dans les débats. Mais c'est certainement sur le front médiatique que le combat est le plus intense. Sous Bill Clinton, l'animateur de radio Rush Limbaugh devint la figure de l'opposition aux démocrates, jouant régulièrement sur le registre de la colère. Fox News, la chaîne d'informations de Rupert Murdoch, fut lancée avec un état d'esprit similaire. Son journaliste vedette, Bill O'Reilly, fut lui la figure du mépris des républicains pour l'opposition démocrate pendant les années George W. Bush. Et sur cette même chaîne, un nouvel animateur, Glenn Beck, fit son apparition début 2009, pour répondre à la nouvelle donne représentée par Barack Obama. Il rencontre à son tour un énorme succès avec des émissions stupéfiantes où il n'hésite pas à instaurer un état d'esprit paranoïaque, jouant sur le registre de la peur, décrivant un monde s'écroulant sous la menace démocrate.

Bill O'Reilly a parlé dans l'un de ses livres (Culture Warrior) de guerre culturelle entre les progressistes et les conservateurs. Il affirmait que l'Amérique devait en prendre conscience pour pouvoir se défendre face aux coups de boutoir progressistes, toute la magnificence des États-Unis ne découlant que de son attachement aux valeurs conservatrices. Tel est l'état d'esprit qui règne outre Atlantique aujourd'hui. Il devint de plus en plus extrême, mais il est présent depuis 30 ans au moins. La gauche américaine a pu s'illusionner pendant l'espace de quelques mois lorsqu'elle croyait à l'espoir et au changement promis par Barack Obama, mais l'Amérique n'en demande pas tant. Dans un pays où les conservateurs ont réussi à être aussi solides, seul un démocrate modéré ou un républicain peut gouverner. La guerre culturelle a encore de beaux jours devant elle.

Photo : Alex Wong / Getty Images

mercredi 8 décembre 2010

La présidentielle de 2012

La prochaine élection présidentielle est dans 18 mois. Comme il y a cinq ans, il est possible de faire d'ores et déjà un tour des candidats potentiels pour voir comment le champ de bataille apparaîtra. Et le premier constat, c'est que les acteurs seront les mêmes. En premier lieu, se pose la question du sortant. Nicolas Sarkozy se représentera et obtiendra l'investiture de l'UMP. Il n'aura pas la tâche facile, loin de là. En France, le pouvoir en place est presque toujours sanctionné. L'alternance avait ainsi prévalu depuis 1981. En 2007, Nicolas Sarkozy a pu jouer de ses différences avec Jacques Chirac pour promettre la rupture et apparaître comme le candidat du changement. Cette fois-ci, il pourra toujours tenter de montrer qu'il a lui-même changé, ou bien proposer une vraie nouvelle dynamique pour ne pas paraître épuisé par le pouvoir. Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, les pronostics sont contre lui, surtout avec la crise économique que traverse le monde. Mais il peut se passer beaucoup de choses en 18 mois, la situation de la France peut s'améliorer, et il est surtout très aguerri en campagne électorale.

A contrario, la gauche est elle favorite. Le Parti Socialiste reste sur la lancée de sa victoire aux régionales, mais il ne faut pas oublier les raisons de sa défaites aux européennes de 2009. Le spectacle lamentable des divisions du Congrès de Reims avait autant écarté les électeurs que celui du Congrès de Rennes pour les élections législatives de 1993. Or ces divisions ne sont en rien résolues. D'ores et déjà, les candidats commencent à s'accumuler, avec en premier lieu l'inénarrable Ségolène Royal, qui n'a toujours pas compris les raisons de sa défaite de 2007, et considère toujours s'être fait voler la direction du PS.

Un de ses anciens lieutenants, Arnaud Montebourg, est lui aussi dans la course. C'est l'occasion pour lui de défendre ses marottes telles que la VIème République (mais plus le combat contre le cumul des mandats depuis qu'il en est devenu un adepte). Ses chances sont encore limitées, il pourrait par contre obtenir un gros ministère en cas de victoire de son camp. Dans cette catégorie, on trouve aussi Manuel Valls. Lui aussi a 48 ans, lui aussi est un ancien soutien de Ségolène Royal, lui aussi a des positions particulières (un réalisme qui fait tâche au PS), lui aussi considère qu'il peut devenir Président dès 2012... et lui aussi paraît pour l'instant destiné à gros ministère. Pierre Moscovici a lui cinq de plus, était favorable à Dominique Strauss-Kahn, mais si celui-ci n'y va pas, ne se sent pas en mesure de contenir son ambition et se dit prêt à y aller lui aussi.

Dominique Strauss-Kahn est bien la question qui reste en suspens. Le "pacte" DSK/Aubry dont on parle tant à l'heure actuelle reste bien mystérieux. La côte de popularité du premier est stratosphérique, et doit beaucoup à son éloignement du bourbier de la politique française. La seconde peut gagner à ne pas l'affronter de face. Martine Aubry pourrait aussi avoir du mal à organiser des primaires ouvertes (dans la mesure où sa candidature n'est pas évidente pour les autres prétendants, contrairement à Mitterrand autrefois), et serait dans ce cas contrainte à quitter la tête du PS. Elle a donc intérêt à repousser au maximum la désignation du candidat du PS, que ce soit pour son bien ou celui de DSK. Dans le cas d'une candidature de DSK, il ne reviendrait qu'au plus tard sur la scène politique (et ce malgré ses promesses de rester au FMI pendant tout son mandat). Il faudrait qu'il puisse décrocher l'investiture sans avoir à s'abimer face aux autres candidats, et peut être limiter les primaires aux adhérents du PS pour écarter l'influence de l'extrême gauche. Il pourrait alors proposer un ticket DSK/Aubry, avec l'ancienne ministre des Affaires sociales au poste de Premier ministre. Dans le cas où cette dernière irait seule au combat, la droite aura beau jeu de rappeler les dégâts de la politique des 35 heures qu'elle représente, qui seront toujours plus importants que la question du bouclier fiscal. Accessoirement, François Hollande est aussi candidat, mais a-t-il un quelconque soutien dans la population ?

Quel qu'il soit, le candidat du PS devra déjà faire avec les autres candidats de la gauche au premier tour. Eva Joly pour les Verts et Jean-Luc Mélenchon pour le Front de Gauche peuvent faire du bruit pendant la campagne, sans compter tous les candidats trotskystes qui ne manqueront pas d'apparaître. François Bayrou rentre aussi dans cette catégorie. En 2007, il avait fait campagne sur le thème du "ni l'un, ni l'autre", mais au cours des dernières années, ses attaques contre la majorité se sont faites avec une telle violence, une telle systématicité et tellement sans le moindre discernement qu'il aura certainement du mal à être fort parmi les électeurs qui se considèrent de droite. Autant de candidats qui pourraient gêner le PS, et représenter une opportunité pour Nicolas Sarkozy.

Seulement, celui-ci devra aussi faire avec ses propres menaces. Il y aura déjà certainement Marine Le Pen, qui entamera l'air de "Sarkozy vous a trompé en 2007, pour une vraie politique nationaliste, votez FN". La faiblesse de Jean-Marie Le Pen en 2002 avait été une vraie surprise, il est difficile de savoir ce qu'il en sera cette fois-ci. Pour les déçus du sarkozysme, une alternative est toujours Dominique de Villepin... à condition d'oublier son mauvais passage à Matignon entre 2005 et 2007. Si l'affaire Clearstream est toujours d'actualité, il pourra continuer à jouer le rôle du martyre. Il n'a aucune chance de gagner, étant peu apprécié tant à droite qu'à gauche. Mais il peut avoir un pouvoir de nuisance suffisant sur Nicolas Sarkozy, et lui faire perdre l'élection. C'est à n'en pas douter une satisfaction suffisante pour lui.

Il y a cinq ans, on pouvait s'attendre à l'arrivée de politiques plus marquées, et avec l'élection de Nicolas Sarkozy, ce fut le cas dans certains domaines. Aujourd'hui, il est impopulaire, et son style énerve probablement plus que les politiques qu'il met en place. En 2012, le défi sera encore plus grand pour lui. Sa chance serait d'être sous-estimé. Actuellement, l'influence de la gauche de la gauche dans le jeu politique semble avoir diminué, et si cela a des conséquences après l'élection présidentielle, ce serait déjà une bonne chose.

mardi 7 décembre 2010

Les opportunités de la crise de l'euro

L'actualité donne de bonnes raisons de penser que l'euro n'est pas dans une bonne passe. La quasi-faillite de la Grèce, la déroute de l'Irlande, les unes alarmistes sur une contagion de ces problèmes à d'autres pays... Autant d'épisodes qui peuvent rendre nerveux. Alors on peut suivre l'attitude de la presse, et s'interroger sur la catastrophe qui nous attend tous. On peut ensuite suivre l'attitude des marchés financiers, et se laisser aller à la psychose en faisant n'importe quoi. Certains seront tentés d'en profiter pour tirer individuellement leur épingle du jeu. Mais on peut aussi tenter de voir ce que tout cela peut donner de bon.

Pour cela, inutile de nier les aspects négatifs de la crise actuelle. Les incertitudes rendent nerveux les créanciers, ce qui renchérit les taux d'intérêt et alourdit les difficultés des différents États, dans un tragique cercle vicieux. Pourtant, il ne saurait être véritablement question de la fin de l'euro. Déjà, sa fin générerait une crise économique pire que celle actuelle, et serait tragique pour les pays les plus faibles. Ensuite, les raisons qui ont poussé à la création de la monnaie unique demeureraient. Si actuellement le monde subit une guerre de monnaies entre l'euro, le dollar ou le yuan, sans l'euro, on aurait aussi le retour de celle entre le Franc, le Mark ou la Lire. Le passé nous l'a appris, à ce petit jeu là, les seuls gagnants étaient les Allemands. D'où la leçon qui en a été tirée, celle de devoir s'aligner sur eux.

La monnaie unique épargne aux particuliers et aux entreprises européennes des risques énormes de change. Le gain est donc clair. Comme la situation actuelle, il y a tout de même des problèmes. Hors l'euro est un projet ambitieux, il n'est donc pas scandaleux qu'il y ait des ajustements, de nouvelles actions à entreprendre. Et même si les dirigeants européens peuvent souvent se montrer lents à se coordonner entre eux, ils restent toujours conscients de leurs devoirs. Et il y a d'ores et déjà une leçon manifeste à tirer de tout cela. C'est celle qu'un pays ne doit pas avoir de déficits publics structurels. En effet, le recours à l'endettement le met à la merci de marchés financiers erratiques. Et lorsque l'endettement est si habituel qu'il est vital pour faire tourner l'administration courante, la menace de ne pas trouver de préteurs devient immédiatement gravissime.

Dès lors, la volonté de l'Allemagne que différencier les taux d'intérêts de la dette pour chaque pays va dans le bons sens. Il n'était pas normal que la Grèce puisse emprunter au même taux que les pays les plus vertueux, l'encourageant ainsi à vivre à crédit. La France elle-même est forcée à rétablir des comptes publics rigoureux. Auparavant, la Commission Européenne faisait les gros yeux lorsque les objectifs de déficits publics n'étaient pas tenus. Mais la meilleure motivation pour changer est celle qui vient de soi-même. Le spectacle d'économies menacées de faillite est suffisamment convaincant pour que le plus grand nombre comprenne spontanément les raisons qui poussent à une politique raisonnable en la matière.

Et puis ne négligeons pas un autre aspect immédiat : ces incertitudes font baisser le cours de la monnaie unique. Alors que la Fed américaine en est réduite à faire tourner la planche à billets, ces mésaventures nous permettent de ne pas voir le cours de notre monnaie s'envoler. C'est donc une chance de préserver notre croissance économique. On est encore bien loin d'un euro vraiment faible, en terme de parité de pouvoir d'achat, l'euro est même encore largement surévalué. Nous n'avons donc pas à nous en faire de ce côté là. Un euro entre 1 et 1,20 dollar serait même très bien pour permettre à nos économies de respirer davantage, pendant que les Etats devront les sevrer de l'argent public encore trop facilement dépensé.

lundi 6 décembre 2010

ITER, le bel espoir

Le mois dernier, la première pierre du siège d'ITER (sigle de "réacteur thermonucléaire expérimental international") a été posée. Le début de la construction des installations scientifiques devrait avoir lieu l'année prochaine. Elle durera plusieurs années, le début des opérations étant prévue pour 2019. Comme dans tous les grands projets d'envergure, il y aura probablement des retards. Ce sera difficile, ce sera long, ce sera coûteux. Autant en être conscient dès maintenant, ce projet apparaît comme un joyeux gouffre financier. Mais il s'agit là certainement de la plus belle opportunité du siècle, et peut-être même du millénaire.

Le champs de la recherche scientifique est presque infini, et si aucun domaine ne doit être négligé, nous devons quand même nous fixer quelques priorités. La santé, l'environnement et l'énergie sont les domaines de recherche dans lesquels nous avons le plus de besoins immédiats. Ils sont d'ailleurs liés entre eux : la façon dont nous produisons notre énergie a des impacts sur l'environnement, et un environnement dégradé est néfaste pour notre santé. Avec les technologies actuelles, nous approchons un cul de sac. Les énergies fossiles sont en quantités limitées, compliquées à obtenir géopolitiquement et entraînent une sévère pollution des airs, entraînant le réchauffement climatique. L'énergie nucléaire peut être risquée, les combustibles, encore abordables actuellement, ne sont pas inépuisables, et les déchets nucléaires nécessitent une gestion méticuleuse. Les énergies renouvelables sont peu développées : elles sont en général plus coûteuses, leurs possibilités sont limitées (on ne peut pas faire des barrages partout par exemple), et sont parfois sujettes à des oppositions incompréhensibles (comme dans le cas des éoliennes).

Les technologies nucléaires actuelles peuvent permettre de tenir le choc pendant que l'on développe davantage les énergies renouvelables. Mais il faudra quelque chose de plus fort pour que l'humanité puisse se développer harmonieusement sur le long terme. Et une voie particulièrement intéressante reste à explorer, celle de la fusion nucléaire. Théorisée en même temps que la fission nucléaire au début du XXème siècle, elle permettrait la création de réacteurs auto-entretenus où la fusion d'un plasma pourrait créer des quantités importantes d'énergies. Le combustible serait le deutérium, disponible de façon quasi inépuisable dans l'eau de mer par exemple. Le procédé n'entraîne aucun rejet nocif, apportant une réelle solution en matière d'environnements. De surcroît, le risque d'explosion serait nul, toute anomalie se traduisant par un refroidissement du plasma.

Le principal défi est en fait que l'installation produise davantage d'énergie qu'il n'en a eu besoin pour chauffer le plasma. Pour l'instant, les scientifiques n'y sont pas encore arrivé, mais c'est précisément le but d'ITER. Le projet est en effet dimensionné pour produire 10 fois plus d'énergie qu'il n'en nécessite, et permettra le développement de la technologie via de multiples expériences pendant 20 ans. Le travail de recherche à mener est colossal, et bénéficie pour l'occasion d'une coopération internationale inouïe. L'Union Européenne, les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Japon et la Corée du Sud sont tous partie prenante du projet. Les possibilités potentielles sont fantastiques pour l'humanité, et si aucune exploitation commerciale ne peut être envisagée avant les années 2040, il nous faut soutenir complètement ces perspectives d'avenir. C'est justement parce que cela prendra du temps qu'il faut commencer au plus tôt. Dès maintenant, la construction d'ITER apporte un bel espoir. D'ici la fin du siècle la science nous aura peut-être apporté une solution définitive à l'un des plus graves problèmes actuels de l'humanité.

dimanche 5 décembre 2010

Gbagbo élit Gbagbo à la présidence ivoirienne

"J'espère que la Côte d'Ivoire qui a toujours été un modèle de démocratie en Afrique permettra de conserver, voire de relancer cette image avec un calme entourant les résultats qui seront proclamés", a affirmé en début de semaine la ministre française des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie. Il y a deux choses à noter sur cette phrase. D'une part, même si le pays a été autrefois plutôt stable politiquement et prospère économiquement, la Côte d'Ivoire n'est pas vraiment un "modèle de démocratie". Cela fait près de 20 ans que la situation est plus ou moins troublée, et les 33 ans de règne de Félix Houphouët-Boigny n'étaient pas marqués du sceau du pluralisme. D'autre part, on ne peut que regretter que les derniers jours n'ont pas montré la sérénité que le Quai d'Orsay espérait. C'est le moins que l'on puisse dire...

Le Président sortant, Laurent Gbagbo, espérait pouvoir être réélu par une élection démocratique. Cela faisait cinq années qu'il repoussait cette élection pour des raisons diverses, ayant comme effet de doubler le temps de son premier mandat. Mais les résultats du vote ne lui ont pas été favorable : sa politique assez hostile aux provinces du nord n'a pas encouragé leurs électeurs à se montrer favorable avec lui. Ils se sont donc davantage tourné vers Alassane Ouattara, qui en est originaire. Lors de la précédente élection présidentielle, il y dix ans, celui-ci avait été écarté de l'élection de façon déjà particulièrement polémique. Cela ne fait que continuer aujourd'hui. Alors que Laurent Gbagbo aurait pu se montrer bon perdant comme dans toutes les vraies démocraties, et souhaiter bonne chance à son successeur, il a préféré le chemin de l'illégitimité.

Il a donc fait empêcher physiquement la commission électorale indépendante de proclamer les résultats pendant les trois jours où elle devait le faire, pour que ce pouvoir dépende du Conseil Constitutionnel, qui lui est totalement dépendant (lui et le chef de son parti en ont nommé les sept membres). Celui-ci a "annulé" le vote dans neuf départements du nord, constatant du fraude que les observateurs internationaux, rodés à l'exercice, ont pourtant démenties. Cela a mécaniquement fait passer les voix de Laurent Gbagbo de 46 % à 51 %, le désignant comme vainqueur. C'est un trucage manifeste, alors que Alassane Ouattara l'avait emporté.

Quand bien même il y aurait eu des problèmes lors du scrutin de ces départements, cela ne signifie pas que l'ensemble des électeurs puissent se voir dénier le droit d'être pris en compte. La moindre des choses aurait été de les faire voter à nouveau ! Mais le vrai problème ici c'est qu'ils votent intrinsèquement à l'inverse du sens souhaité. De surcroît, la fermeture des médias internationaux est la preuve de la forfanterie, la censure à grande échelle d'informations de politique courante n'étant utilisée que lorsqu'un pouvoir a quelque chose à cacher. Et ici, c'est tout simplement le résultat de l'élection.

Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ont tous deux prêté serments. Il y a donc deux Présidents, même si Alassane Ouattara est celui qui a été reconnu par la communauté internationale (notamment par l'ONU, l'Union Européenne, l'Union Africaine, la France ou les Etats-Unis). Le Premier ministre, Guillaume Soro, le reconnaît également, même si le chef de l'armée semble rester fidèle à Laurent Gbagbo. L'ancien Président sud-africain Thabo Mbeki est arrivé en Côté d'Ivoire pour tenter une médiation. Il faut espérer que cela ne se transforme pas en guerre civile à nouveau, et que Laurent Gbagbo accepte de se retirer. S'il venait à rester au pouvoir, il ne pourrait se prévaloir d'un autre titre que celui de dictateur.

jeudi 2 décembre 2010

Redistribuer l'argent que l'on n'a pas

L'économie d'un pays peut avoir trois moteurs : la consommation, les investissements et les exportations. Dans chacune de ces catégories, des différences importantes peuvent exister entre les différentes économies. Par exemple, l'Allemagne et le Japon sont tous les deux des pays fortement exportateurs, mais l'Allemagne exporte surtout des biens d'équipement quand la Chine produit des biens de consommation pour le monde entier. Malgré ses atouts dans le luxe ou l'agro-alimentaire, la France a une balance commerciale négative. Faute de compétitivité, de nombreuses entreprises françaises ont fermé ou délocalisé dans des pays à bas coûts. La France se distingue également par un manque chronique d'investissements de ses entreprises, qui explique en partie d'ailleurs cette faible compétitivité.

Faute de deux moteurs sur trois, la croissance économique française ne peut être faramineuse. Mais au moins on se satisfait du fait que la consommation tienne le coup malgré tout, et permette à la France de connaître un peu de croissance chaque année. Certains économistes affirment fréquemment qu'il faut favoriser la croissance en encourageant la consommation, comme si c'était le seul moteur possible. Dans leur esprit, la consommation est encouragée en donnant aux ménages les plus modestes des revenus supplémentaires, car ils seront plus enclins à le dépenser rapidement. Ils préféreront en effet répondre à leurs besoins immédiats plutôt que l'épargner.

Dans cette théorie de stimulation de la consommation, il faut effectuer un travail de redistribution des revenus. Le but est de prendre une partie des revenus de ceux qui en ont le plus pour le redistribuer à ceux qui en ont le moins. C'est une manière de combattre les inégalités, et la France pratique déjà ce type de politiques de façon intensive. Les cotisations sociales, les impôts sur le revenu, sur les plus values, et même sur le patrimoine n'ont rien de négligeable. De l'autre côté, les ménages les moins favorisés sont très largement aidés, que ce soit par des versements directs d'argents (avec les subventions de toute sorte, la prime pour l'emploi, le RSA) ou bien par des mécanismes comme l'assurance maladie par exemple.

Seulement, on pourrait penser que l'on applique bien une politique de redistribution si les comptes publics étaient à l'équilibre. Or cela fait une trentaine d'années maintenant que les déficits publics sont récurrents, créant une dette publique colossale. Il s'avère donc que l'on redistribue l'argent que l'on a pas. La consommation française se fait donc à crédit. Normalement, le mécanisme du multiplicateur keynésien explique qu'un afflux d'argent public financé par le déficit permet de créer une croissance économique dont les subsides permettront à terme de rembourser ce même déficit. Mais la permanence de cette consommation à crédit montre que l'économie est sous une drogue anesthésiante, qui n'a aucune chance de créer de vraies opportunités de croissance.

Il est donc inutile de vouloir redistribuer davantage quand l'on "redistribue" ce que l'on a pas dès le départ. Si la France ne pourra se transformer rapidement en une économie fortement exportatrice, elle peut néanmoins améliorer ses fondamentaux économiques en favorisant l'investissement dans les entreprises. Cela peut autant contribuer à la croissance économique, et il y a de meilleures chances pour que cela créé à l'avenir les conditions d'une consommation saine des ménages français.

mercredi 1 décembre 2010

Solution pour vaincre le sida

La journée mondiale de lutte contre le sida est l'occasion de faire le point sur l'état de la maladie dans le monde. Depuis 30 ans que le virus sévit à grande échelle, les scientifiques s'affairent et progressent par petites étapes. Rien ne permet de penser qu'un vaccin soit impossible à produire... un jour. Mais dans l'attente désespérée d'un vaccin, il y a quelque chose que tout le monde peut faire pour vaincre le virus.

Les voies de contamination du sida sont parfaitement connues. Dans les pays développés, des campagnes d'informations régulières sont organisées pour expliquer à la population de quelle façon il est possible de ne pas attraper le sida. En fin de compte, ces précautions à prendre sont plutôt simples. Contrairement à d'autres épidémies, la proximité ou un simple contact avec une personne atteinte ne peut en aucune façon transmettre le virus. La quasi-totalité des transmissions par voie sexuelle ou sanguine découle d'une imprudence. Et de nos jours, grâce à de meilleures techniques médicales, il est même possible de réduire le risque de transmission entre la mère et son enfant à 1 %.

D'où une conclusion simple : si tout le monde suit ces précautions, le nombre de nouveaux cas diminuera de façon drastique, pour n'atteindre que très peu de personnes. Et d'un point de vue froidement mécanique, le sida disparaîtra naturellement avec le temps, simplement parce qu'il n'aura pas eu l'occasion de trouver de nouveaux hôtes. Si le virus peut muter face aux traitements pharmacologiques, il ne se découvrira pas de nouvelles voies de transmission que les précautions actuelles ne pourraient empêcher.

Évidemment, cette idée est aussi simpliste, dans la mesure où le plus grand défi se trouve dans les pays développés où tout le monde n'est pas encore aussi bien informé sur les façon d'empêcher les contaminations. Mais cela montre aussi que c'est le genre de travail qu'il faut faire, en plus du traitement médical, pour éviter au maximum les tragédies supplémentaires. La possibilité que le sida soit vaincu par nos gestes du quotidien existe, et chacun doit en être bien conscient.

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