"J'espère que la Côte d'Ivoire qui a toujours été un modèle de démocratie en Afrique permettra de conserver, voire de relancer cette image avec un calme entourant les résultats qui seront proclamés", a affirmé en début de semaine la ministre française des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie. Il y a deux choses à noter sur cette phrase. D'une part, même si le pays a été autrefois plutôt stable politiquement et prospère économiquement, la Côte d'Ivoire n'est pas vraiment un "modèle de démocratie". Cela fait près de 20 ans que la situation est plus ou moins troublée, et les 33 ans de règne de Félix Houphouët-Boigny n'étaient pas marqués du sceau du pluralisme. D'autre part, on ne peut que regretter que les derniers jours n'ont pas montré la sérénité que le Quai d'Orsay espérait. C'est le moins que l'on puisse dire...

Le Président sortant, Laurent Gbagbo, espérait pouvoir être réélu par une élection démocratique. Cela faisait cinq années qu'il repoussait cette élection pour des raisons diverses, ayant comme effet de doubler le temps de son premier mandat. Mais les résultats du vote ne lui ont pas été favorable : sa politique assez hostile aux provinces du nord n'a pas encouragé leurs électeurs à se montrer favorable avec lui. Ils se sont donc davantage tourné vers Alassane Ouattara, qui en est originaire. Lors de la précédente élection présidentielle, il y dix ans, celui-ci avait été écarté de l'élection de façon déjà particulièrement polémique. Cela ne fait que continuer aujourd'hui. Alors que Laurent Gbagbo aurait pu se montrer bon perdant comme dans toutes les vraies démocraties, et souhaiter bonne chance à son successeur, il a préféré le chemin de l'illégitimité.

Il a donc fait empêcher physiquement la commission électorale indépendante de proclamer les résultats pendant les trois jours où elle devait le faire, pour que ce pouvoir dépende du Conseil Constitutionnel, qui lui est totalement dépendant (lui et le chef de son parti en ont nommé les sept membres). Celui-ci a "annulé" le vote dans neuf départements du nord, constatant du fraude que les observateurs internationaux, rodés à l'exercice, ont pourtant démenties. Cela a mécaniquement fait passer les voix de Laurent Gbagbo de 46 % à 51 %, le désignant comme vainqueur. C'est un trucage manifeste, alors que Alassane Ouattara l'avait emporté.

Quand bien même il y aurait eu des problèmes lors du scrutin de ces départements, cela ne signifie pas que l'ensemble des électeurs puissent se voir dénier le droit d'être pris en compte. La moindre des choses aurait été de les faire voter à nouveau ! Mais le vrai problème ici c'est qu'ils votent intrinsèquement à l'inverse du sens souhaité. De surcroît, la fermeture des médias internationaux est la preuve de la forfanterie, la censure à grande échelle d'informations de politique courante n'étant utilisée que lorsqu'un pouvoir a quelque chose à cacher. Et ici, c'est tout simplement le résultat de l'élection.

Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ont tous deux prêté serments. Il y a donc deux Présidents, même si Alassane Ouattara est celui qui a été reconnu par la communauté internationale (notamment par l'ONU, l'Union Européenne, l'Union Africaine, la France ou les Etats-Unis). Le Premier ministre, Guillaume Soro, le reconnaît également, même si le chef de l'armée semble rester fidèle à Laurent Gbagbo. L'ancien Président sud-africain Thabo Mbeki est arrivé en Côté d'Ivoire pour tenter une médiation. Il faut espérer que cela ne se transforme pas en guerre civile à nouveau, et que Laurent Gbagbo accepte de se retirer. S'il venait à rester au pouvoir, il ne pourrait se prévaloir d'un autre titre que celui de dictateur.