mardi 14 décembre 2010
Le conservatisme : le sentiment plutôt que la raison
Par xerbias, mardi 14 décembre 2010 à 18:33 :: Pensée politique
Il y a bien des formes de conservatisme. Aux Etats-Unis, être conservateur n'est pas du tout une qualification péjorative, c'est même une fierté pour ceux qui conspuent les "libéraux". Dans l'Angleterre actuelle, les conservateurs sont également des personnes attachées aux traditions, des traditions démocrates et en fin de compte, assez libérales économiquement parlant. En France, le conservatisme renvoie plutôt au conservatisme réactionnaire, le mouvement politique favorable à la restauration pendant la révolution et le premier Empire, à une politique ultra-royaliste ensuite, et au légitimisme après l'arrivée de Louis-Philippe au pouvoir. Pour en comprendre la philosophie, il faut se remettre dans le contexte de l'époque. Lorsque éclate la révolution, la noblesse est complètement prise au dépourvu. Si certains se rallient aux changements en cours (comme le père de Louis-Philippe, "Philippe Égalité"), d'autres préfèrent l'exil pour combattre le nouveau régime, d'une façon ou d'une autre.
Parmi eux, quelques uns (tels Louis de Bonald ou Joseph de Maistre) prennent leur plume pour s'opposer par le verbe aux nouvelles théories qui justifient la démocratie, et fondent ainsi la République honnie. Le contrat social cher à Jean-Jacques Rousseau ou la raison prônée par Voltaire ne trouvent pas grâce à leurs yeux. Bien au contraire, pour eux, la raison est une illusion. En brandissant sa raison comme instrument suffisant pour triompher de toutes les difficultés, l'homme ferait ainsi preuve d'un orgueil terrifiant. Particulièrement chrétiens, les penseurs conservateurs y voient là un instrument de défiance de Dieu, seul être apte à juger de toutes choses.
La monarchie absolue est elle le fruit de la tradition, elle bénéficie d'une autorité s'appuyant sur un passé de centaines d'années, elle est millénaire même. Chacun sait quel est sa place : le peuple est soumis au roi, et le roi est soumis à Dieu. Dans la société conservatrice, la vie menée n'est pas celle de bas calculateurs, toujours occupés à échafauder des manœuvres pour assouvir leur petit intérêt. L'honneur, la loyauté, par contre, y ont une place prééminente. Pour ceux dont l'idéal est la chevalerie, une vie réussie est celle où l'on a défendu son souverain avec bravoure et grandeur.
Là où le modernisme se voue à la raison, le conservatisme s'avère donc être un culte du sentiment. Le fondateur du journal Le Conservateur, François-René de Chateaubriand, s'était ainsi d'abord fait connaître en écrivant le Génie du Christianisme en exil. Il y faisait non seulement l'apologie de Dieu, mais y mettait en première place le sentiment, la conviction de son cœur. Il y avait d'ailleurs inclus deux romans, René et Atala, deux histoires d'amour tragiques, posant de fait les bases du romantisme français. Le jeune Victor Hugo en était un grand admirateur. Participant au courant littéraire romantique, il était lui-même ultra-royaliste, dédiant certaines œuvres à Charles X. Au début du XIXème siècle, la contemplation d'un glorieux passé et de faits extraordinaires satisfaisait davantage les âmes que la bien froide raison.
Fascinés par les tourments de l'âme, les conservateurs se rendirent compte que leur attachement à l'ultra-royalisme était également une tragique histoire d'amour. La raison, plus forte malgré tout, s'imposa peu à peu, et avec elle s'installèrent l'ère des négociations et des compromis, d'abord avec l'arrivée d'une monarchie libérale avec Louis-Philippe, ensuite avec la République. D'une façon globale, l'Europe se libéralisait petit à petit. La tradition dont se réclamaient les conservateurs fut alors brisée, la nouvelle tradition s'affirmant comme résolument démocrate. Mais il subsista tout de même un reliquat de tout cet amour pour le pays et cette grande volonté de faire les choses jusqu'au bout, quitte, une fois encore, à s'approcher de la tragédie. C'était le nationalisme.
Parmi eux, quelques uns (tels Louis de Bonald ou Joseph de Maistre) prennent leur plume pour s'opposer par le verbe aux nouvelles théories qui justifient la démocratie, et fondent ainsi la République honnie. Le contrat social cher à Jean-Jacques Rousseau ou la raison prônée par Voltaire ne trouvent pas grâce à leurs yeux. Bien au contraire, pour eux, la raison est une illusion. En brandissant sa raison comme instrument suffisant pour triompher de toutes les difficultés, l'homme ferait ainsi preuve d'un orgueil terrifiant. Particulièrement chrétiens, les penseurs conservateurs y voient là un instrument de défiance de Dieu, seul être apte à juger de toutes choses.
La monarchie absolue est elle le fruit de la tradition, elle bénéficie d'une autorité s'appuyant sur un passé de centaines d'années, elle est millénaire même. Chacun sait quel est sa place : le peuple est soumis au roi, et le roi est soumis à Dieu. Dans la société conservatrice, la vie menée n'est pas celle de bas calculateurs, toujours occupés à échafauder des manœuvres pour assouvir leur petit intérêt. L'honneur, la loyauté, par contre, y ont une place prééminente. Pour ceux dont l'idéal est la chevalerie, une vie réussie est celle où l'on a défendu son souverain avec bravoure et grandeur.
Là où le modernisme se voue à la raison, le conservatisme s'avère donc être un culte du sentiment. Le fondateur du journal Le Conservateur, François-René de Chateaubriand, s'était ainsi d'abord fait connaître en écrivant le Génie du Christianisme en exil. Il y faisait non seulement l'apologie de Dieu, mais y mettait en première place le sentiment, la conviction de son cœur. Il y avait d'ailleurs inclus deux romans, René et Atala, deux histoires d'amour tragiques, posant de fait les bases du romantisme français. Le jeune Victor Hugo en était un grand admirateur. Participant au courant littéraire romantique, il était lui-même ultra-royaliste, dédiant certaines œuvres à Charles X. Au début du XIXème siècle, la contemplation d'un glorieux passé et de faits extraordinaires satisfaisait davantage les âmes que la bien froide raison.
Fascinés par les tourments de l'âme, les conservateurs se rendirent compte que leur attachement à l'ultra-royalisme était également une tragique histoire d'amour. La raison, plus forte malgré tout, s'imposa peu à peu, et avec elle s'installèrent l'ère des négociations et des compromis, d'abord avec l'arrivée d'une monarchie libérale avec Louis-Philippe, ensuite avec la République. D'une façon globale, l'Europe se libéralisait petit à petit. La tradition dont se réclamaient les conservateurs fut alors brisée, la nouvelle tradition s'affirmant comme résolument démocrate. Mais il subsista tout de même un reliquat de tout cet amour pour le pays et cette grande volonté de faire les choses jusqu'au bout, quitte, une fois encore, à s'approcher de la tragédie. C'était le nationalisme.