Ces derniers mois, les Français ont traversé des mésaventures dans leur vie quotidienne qui les a passablement énervés, et qui a du même coup fait la joie des journaux télévisés. Ceux-ci aiment pouvoir faire des reportages spectaculaires, facilement tournés et avec des thèmes de proximité qui "concernent" le plus grand nombre. Le conflit sur les retraites, d'une banalité affligeante, a ainsi pris un tour inattendu avec les fermetures de raffineries, qui ont rendu le carburant rare dans de vastes régions de France. Chacun a pu constater la panique, les queues aux stations service, les panneaux indiquant que celles-ci étaient au sec, et tout cela avec des répercussions immédiates sur les habitudes de déplacement des Français. A l'époque, le ministère des transports s'était fait remarqué en affirmant rapidement qu'il n'y aurait pas de pénurie, avant de devoir changer complètement son fusil d'épaule devant les protestations de tout le monde vis-à-vis de bien concrètes pénuries d'essence.

Avec la neige, le gouvernement a accompli l'exploit de commettre si peu de temps après la même erreur. Quand le ministre de l'Intérieur affirmait que tout était prévu et qu'il n'y aurait pas de "pagaille", la pagaille avait déjà commencé, puisque ce sont tous les automobilistes circulant sur la nationale 118 qui se trouvèrent bloqués par une neige abondante. Résultat : des files de voitures laissées à l'abandon, des pouvoirs publics aux abonnés absents et un long moment avant que les choses ne reviennent dans l'ordre. Et dernièrement, alors qu'il continue de neiger, l'aéroport de Roissy s'est particulièrement distingué. Si de nombreux aéroports européens sont en difficulté face à l'afflux de neige, celui de Roissy est semble-t-il le seul pour lequel les choses ont été pires, faute d'un dégivrant spécial, le glycol, qui n'aurait pas été stocké en assez grande quantité. De ce fait, on a pu voir des centaines de voyageurs passer le réveillon dans un terminal d'aéroport. On ne croirait pas qu'il avait déjà neigé autant l'année dernière, et qu'on aurais donc pu bénéficier de l'expérience précédente.

Ce sont là à chaque fois des échecs importants dans la politique de transports du gouvernement. Le ministère dédié n'arrive pas à gérer les situations de crise, alors que c'est bien le minimum. Il ne peut décider de la météo ou bien des grèves (deux phénomènes assez erratiques en France), mais au moins devrait-il pouvoir éviter les erreurs stupides, comme annoncer que tout va bien quand il suffit d'être dans la rue pour se rendre compte que ce n'est pas le cas, ou bien laisser Roissy être géré en dépit du bon sens.

On aurait pu légitimement croire que les ministres étaient en cause. Mais le remplacement de Jean-Louis Borloo par Nathalie Kosciusko-Morizet et de Dominique Busserau par Thierry Mariani entre la crise des carburants et la neige n'a pas améliorer les choses. Dans le cas de Thierry Mariani, c'est peut-être même pire, vu qu'il était à Moscou lorsque la N118 était au summum du chaos. Et pourquoi faire ? Si c'était pour vendre du matériel de transport, le secrétaire d'Etat au commerce extérieur aurait été plus indiqué que celui aux transports dans de pareilles circonstances. Et il savait les troubles traversés par la France, puisque son avion pour Moscou (celui du Premier ministre en fait) a décollé avec trois heures de retard due à la neige, au moment ou Brice Hortefeux niait à l'avance tout risque de pagaille.

Mais au-delà de cela, il semble bien qu'il y ait tout simplement une administration centrale qui ne fonctionne plus, qui n'est plus capable de prendre les informations les plus basiques du terrain, et d'en tirer les conséquences immédiates. Le rôle du ministère des transports n'est pas de vendre des avions ou des TGV, mais bien de permettre aux Français de se déplacer dans les meilleures conditions possibles. Ici, on ne dirait même pas que des efforts sérieux aient été faits. Qu'il vienne d'ailleurs ou qu'on le trouve déjà en place, il faut donc que quelqu'un prenne les commandes pour rediriger ce ministère à la dérive.