Réflexions en cours

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mardi 9 avril 2013

Margaret Thatcher, une force transformatrice

La disparition de l'ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher a fait naître des réactions assez déplorables, et ce plus particulièrement de ce côté-ci de la Manche. Pourquoi se réjouir de la mort d'une personnalité politique démocratiquement élue ? A force de juger les choses de façon manichéenne, une partie de notre gauche est ravagée par la haine, avec ce genre de tristes effets. Doit-on rappeler qu'on peut avoir des divergences politiques sans perdre son humanité à force de rejeter ceux qui pensent différemment ?

Si Margaret Thatcher a le droit au respect de tout à chacun comme femme d'Etat, elle peut également susciter l'admiration par les résultats qu'elle a réussi à obtenir. Vu la Grande Bretagne actuelle, on a du mal à se souvenir ce qu'elle était dans les années 70 : au fond du trou, pas moins. Paralysée par les grèves incessantes, les syndicats égoïstes et un Etat obèse, la Grande Bretagne était considéré comme un pays à la régression rapide, un désastre inquiétant tous les autres pays développés. C'est dans ce cadre que Margaret Thatcher a réussi à se faire élire avec un programme de franche rupture avec le statu quo maintenu tant par les conservateurs que les travaillistes précédemment. Et chose étonnante : elle a tenu ses promesses, et mit son énergie à transformer le pays. Elle n'a pas cédé face aux éléments du blocage, et s'est battu pour ses convictions. Evidemment, on peut lui reprocher bien des aspects de sa politique, notamment son opposition à la construction européenne ou la "poll tax" qui l'a faite chuter. Mais les résultats sont là en matière économique, puisque la Grande Bretagne a connu des des décennies de dynamisme économique, un chômage en nette diminution quand celui de la France se maintenait toujours à des niveaux élevés, et surtout, un plébiscite populaire.

En tant que Première ministre, elle remporta les élections de 1983 et 1987, conservant sa majorité. Cela montre bien le soutien des électeurs à sa politique, alors que ce sont eux qui la subissent... ou en profitent. Après son départ du 10 Downing Street, les conservateurs gagnèrent encore les élections générales de 1992. A croire que les électeurs n'étaient pas dégoutés du traitement de cheval appliqué. Et pour que les travaillistes reconquièrent la majorité, il fallut qu'ils se déplacent considérablement sur leur droite, avec le New Labour de Tony Blair. Pour résumer : Margaret Thatcher a réussi à convaincre la population du bien fondé de sa politique, et cela s'est ressenti sur la mentalité générale britannique. Oui, à elle seule, elle a réussi à transformer son pays. A l'heure où la France souffre du manque de vrai changement, celle-ci conspue la femme qui a réussi à l'apporter chez nos voisins. Comment s'étonner, dès lors, de notre marasme actuel ?

jeudi 18 octobre 2012

L'Union Européenne nobélisée

Ces temps-ci, le prix Nobel de la Paix a perdu de sa superbe. Le comité s'était ridiculisé en le descernant à Barack Obama, alors que celui-ci venait à peine d'arriver à la Maison Blanche et n'avait rien fait de significatif. Le comité ne l'avait pas attribué à Vaclav Havel quand il en était encore temps, pourtant le chef d'orchestre d'une révolution majeure parfaitement pacifique et d'un passage à la démocratie réussi. Il ne pourra plus le recevoir, étant décédé en décembre dernier. Mais la décision de récompenser l'Union Européenne est parfaitement justifiée. Certes, cela amusera les Américains qui croiront que l'Europe se récompense elle-même, ignorant que la Norvège est justement en dehors de l'Union Européenne. Mais si l'on parle d'efforts pour la paix, alors la construction européenne est la plus belle réussite en la matière.

"Faire l'Europe, c'est faire la paix", a-t-on coutume de dire, à tel point que pour certains, cela n'a plus vraiment de réalité concrète. Car on a tendance à oublier que notre état de paix permanente n'a pas toujours existé, que des relations commerciales et amicales avec nos voisins européens n'allaient pas toujours de soi. Pour la France, le résultat est plus spectaculaire à l'échelle de l'Histoire. Cela fait 67 ans maintenant qu'elle n'a plus été en conflit armé avec un de ses voisins directs. Une éternité, et un record. Jusqu'à quand faut-il remonter pour voir un phénomène comparable ? A la pax romana de l'Empire romain peut-être ? Mais elle n'était pas sans soucis du côté de la frontière germaine.

La paix perpétuelle rêvée par Kant, nous l'avons à portée de main en Europe, au moins entre Etats membres de l'Union Européenne. La performance est impressionnante, et mérite notre gratitude. L'Union Européenne est un superbe projet, dont les effets bénéfiques se font sentir au quotidien, avec une telle réussite qu'on en oublie comment ce fut auparavant. Oui, elle a aidé la paix comme nul autre, et ce prix Nobel est parfaitement justifié.

samedi 13 octobre 2012

Imbroglios à gauche sur le traité européen

Cette semaine a été l'occasion d'un singulier spectacle médiatique au parlement. En effet, le gouvernement s'était fixé comme objectif de montrer que le nouveau traité européen (sur des règles budgétaires plus contraignantes) avait le soutien de la gauche. Tout ne relevait plus que du symbole, il fallait montrer à tout prix que ce traité était adopté à l'Assemblée Nationale grâce aux voix de gauche, et qu'elles étaient suffisantes. Au fond, l'idée est de faire oublier que ce traité a été négocié par deux gouvernements de droite, en Allemagne et en France, et que Nicolas Sarkozy en était le grand promoteur. François Hollande, pendant la campagne électorale, avait promis qu'il renégocierait ce traité car il le considérait comme pas acceptable. Or ce traité était déjà signé et était satisfaisant, aucun des autres signataires n'aurait accepté de le remettre sur la table. Si François Hollande croyait vraiment pouvoir le renégocier, c'est qu'il était sacrément stupide. Mais il faut être indulgent, et bien considérer qu'il ne le croyait évidemment pas. En conséquence, il a tout simplement menti en toute conscience.

Seulement, il arrive à un moment où les mensonges d'hier font face à la réalité. Et c'est ce qui s'est passé lorsqu'il a voulu faire adopter le traité "Merkozy" par l'Assemblée. Plutôt que d'admettre son revirement à 180 degrés sur la question, il a préféré faire croire que ce traité a toujours été convenable pour lui, et qu'il ne posait pas de problème à la gauche. Reste à convaincre la gauche. Et à éviter de s'associer à la droite... Les socialistes ont du coup été pris d'étranges scrupules, craignant que l'on voit qu'ils votaient la même chose que la droite à l'Assemblée. Les centristes ont bien évidemment voté en faveur du texte, puisqu'ils sont favorables au projet européen. L'UMP était également heureuse de le voter, puisqu'il a été voulu et négocié par Nicolas Sarkozy. En en arrive donc à cette mascarade autour d'un tout petit enjeu, le fait que les voix de gauche suffisent pour voter ce traité. Hé, il ne faudrait pas faire croire que la France puisse arriver à un consensus sur quelque chose...

A l'Assemblée, le vote a au final recueilli 282 voix de gauche, soit 6 de moins que la majorité absolue des sièges. Mais le gouvernement s'est consolé en voyant que c'était huit de plus que la majorité absolue des suffrages exprimés, l'abstention étant bien pratique dans cette situation. Evidemment, il n'était pas question pour les communistes de voter un texte parlant de finances saines et empêchant de dépenser l'argent que l'on a pas. Plus étonnant, les députés d'Europe Ecologie ont majoritairement voté contre. Leur parti s'était déjà exprimé contre le traité. Pourtant, Europe Ecologie fait partie de la majorité, et ce texte est un acte majeur de la politique du gouvernement. S'il y a des députés écologistes au gouvernement, c'est parce que les Verts sont censés le soutenir. Qui peut croire que Cécile Duflot a obtenu un portefeuille uniquement sur ses grandes compétences en matière de logement ? A ce propos, comment expliquer qu'elle ne se soit pas exprimé sur ce texte, et montré un minimum de solidarité gouvernementale ? Le quotidien Le Monde a estimé qu'il fallait en tirer les conséquences et que les Verts devaient quitter le gouvernement, et il avait raison.

Ce qui est encore plus grave, c'est que de nombreux députés socialistes ont également voté contre le texte défendu par le gouvernement. On voit qu'au PS, il n'y a toujours pas de ligne directrice sur la politique européenne à mener. A ce propos, François Hollande a pris une décision insensée en nommant deux opposants au Traité Constitutionnel Européen aux ministères diplomatiques, Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve aux Affaires étrangères et aux Affaires européennes respectivement, assurant ainsi la faible influence de la France au sein des institutions européennes...

Au Sénat, le PS n'a pas la majorité absolue sans les communistes et les Verts. Cette fois-ci il fallut bien compter sur les voix de la droite pour adopter le texte, mais comme le Sénat est moins exposé médiatiquement, ce n'était pas grave. Et il faudra aussi passer par l'étape du Congrès, pour modifier la Constitution. Là encore, les voix de droite seront indispensables. Elle, au moins, saura prendre ses responsabilités en dehors des considérations d'affichage politiciennes.

jeudi 2 août 2012

La légitimité du Président roumain

Lorsqu'en 1991, la Roumanie voulut se donner une nouvelle constitution en sortant de l'ère communiste, elle choisit curieusement de s'inspirer fortement de la constitution française de la Vème République française. En conséquence, le Président est élu directement par le peuple, ainsi que les députés. Contrairement à la France, les durées des mandats de Président et de député n'ont pas été égalisés, le gouvernement change donc au gré des coalitions ou des élections législatives, sans lien avec les élections présidentielles. En 2004, Traian Basescu (centre droit) avait été élu Président de la Roumanie sur la base d'une programme anti-corruption. Ne se contentant pas du simple rôle de figure tutélaire de la nation, il avait prévenu qu'il voulait influer sur les politiques menées. Alors qu'il était Président, la Roumanie a rejoint l'Union Européenne en 2007. Mais ils semble qu'en se montrant trop impliqué en politique, il énerve profondément ses adversaires politiques.

En 2007, l'opposition avait demandé sa destitution, arguant qu'il n'était pas dans son rôle de Président. La cour constitutionnelle roumaine n'avait pas vu de faute de sa part dans l'exercice de son mandat, mais il se trouva quand même une majorité du parlement pour le suspendre et organiser un référendum sur sa destitution. Le résultat fut clair : 75 % des votants s'opposèrent à ce qu'il soit destitué. En 2009, Traian Basescu fut réélu à la Présidence. Réélu de peu, certes (avec 51 % des voix), mais réélu légitimement quand même, pour un second mandat de cinq ans.

Comme en France, la Roumanie peut donc connaître des périodes de cohabitation. Depuis mai dernier, le nouveau Premier ministre est ainsi un social démocrate, Victor Ponta. Bien qu'englué dans son propre scandale (la thèse qu'il écrivit plus jeune était truffée de copier-coller), Victor Ponta a voulu une nouvelle crise politique. Considérant que son arrivée au poste de Premier ministre n'était pas compatible avec la présence d'un libéral à la Présidence, il souhaite pousser Traian Basescu à la sortie. Et il a lui même engagé la procédure de référendum pour destitution visant le Président. Considéré comme sortant, Traian Basescu est d'autant plus impopulaire que la crise économique mondiale est passée par là, et s'est traduit par une politique de rigueur pour les Roumains. Le référendum a eu lieu dimanche dernier, mais le parti de Traian Basescu préféra demander à ses soutiens de s'abstenir, le référendum n'étant pas valide si la participation est en dessous de 50 %. Le résultat fut donc de 88 % de oui, mais seulement 46 % de participation. Victor Ponta écume, considère que Traian Basescu doit partir quand même, et a essayé de bidouiller le seuil de validité avant et après l'élection.

Cela fonctionnera peut-être, d'ailleurs. Mais le principe n'en est pas bon pour autant. Traian Basescu a été élu pour cinq ans, pas pour être destitué en cours de route par un coup politique. Si les Roumains n'étaient pas contents de lui, ils pouvaient tout à fait le remplacer en 2014. Mais tenir des référendums pour destituer tel ou tel homme politique est destructeur, car renforce l'instabilité politique, alors que la fonction de Président est justement de permettre une certaine stabilité. Le référendum sur le nom d'une seule personne créé un climat politique malsain, et lance une véritable chasse à l'homme qui n'aide jamais à faire avancer la chose publique. Ce système existe dans d'autres pays, avec des effets souvent néfastes.

Aux Etats-Unis, la procédure du "recall" existe dans plusieurs Etats, permettant d'organiser un référendum sur la destitution d'un élu local, s'il se trouve suffisamment de gens pour signer une pétition. Quand le gouverneur californien Gray Davis dut affronter une telle procédure, la Californie fut un véritable cirque politique où n'importe qui s'est présenté pour le remplacer. Arnold Schwarzenegger fut élu. Plus récemment, le gouverneur du Wisconsin fit face à cette menace, l'élection créant un climat de guerre civile. Pendant ce temps, il n'est jamais question de résoudre les problèmes des électeurs. Et ce genre de menaces empêche les décisions impopulaires, mais parfois nécessaires. Dans nos démocraties, les élus ont le pouvoir pour un temps limité. Il doit être respecté, ce qui suppose de ne pas rester après la fin de son mandat (n'en déplaise à Laurent Gbagbo), mais cela suppose aussi de laisser le temps imparti à l'élu. Pour qu'il soit viré en cours de mandat, il faut que de vraies fautes graves soient établies, et non pas de simples divergences de politiques à appliquer. Dès lors, il faut espérer que Traian Basescu termine normalement son mandat, et ne soit plus inquiété par ce genre de coup fourré.

lundi 9 juillet 2012

Comment faire un nationalisme européen

Les fédéralistes européens se heurtent fréquemment à un obstacle de taille : il n'y a pas de nation européenne. Alors que nous nous sommes habitués au cadre de l'Etat nation, les citoyens des pays européens n'ont pas vraiment conscience d'avoir l'avenir en commun. Pire, dans plusieurs pays, dont la France, le nationalisme représente un mouvement important, parfois encore en progression. "Le patriotisme, c'est l'amour de son pays, le nationalisme, c'est la haine des autres pays" dit-on. L'Europe est bien placée pour connaître tous les effroyables dégâts, elle en a payé les conséquences dans deux guerres mondiales qui se sont déroulées sur son territoire. Le nationalisme s'est développé au XIXème siècle. A l'époque, les choses semblaient en apparence plus calmes, mais le long mouvement de formation des nations était comme un marmite qui bouillait de plus au plus, jusqu'à finalement exploser.

La formation d'une nation ne passe heureusement pas forcément par la désignation d'un ennemi à combattre, justifiant que l'on se regroupe comme un peuple uni. Mais l'artifice a été employé par des idéologues apprentis sorciers dans de nombreux cas. En France, pour les révolutionnaires, les nobles, d'abord français, puis étrangers, ont représenté un bouc émissaire justifiant un pays uni, centralisé, au delà des particularismes régionaux. En Grèce, la lutte contre les Ottomans turcs a été le mouvement historique permettant d'arriver à l'indépendance. En Italie, l'unification d'un pays morcelé s'est faite contre la domination autrichienne, dont l'origine remontait pourtant à Charlemagne. Et l'Allemagne divisée a même trouvé en la France un adversaire de circonstance permettant de justifier la création du second Empire allemand en 1871.

Est-il impossible qu'il y ait des nationalistes européens ? Posons la question sous d'autres termes : s'il y avait des nationalistes européens, comment feraient-ils pour lancer un mouvement populaire attisant les passions, menant à l'unité à travers la confrontation contre un adversaire plus ou moins justifié ? Eh bien quand on voit les nationalistes de chaque pays européen, on ne peut évidemment pas dire qu'ils soient très favorables à la construction européenne. Mais un autre de leurs points communs est leur rejet de l'Islam, vue comme une menace pour leurs valeurs nationales individuelles.

L'Histoire est bien sûr instrumentalisée par les nationalistes de tous poils. Et à travers les habituelles simplifications souvent abusives, d'un point de vue historique, les musulmans se retrouveraient facilement à être désignés comme les adversaires séculaires des Européens dans leur ensemble. Les nationalistes présenteraient alors les invasions sarrasines et mahométanes comme un mouvement global contre lequel les Européens se seraient illustrés. La bataille de Poitiers de 732, où Charles Martel porte le coup d'arrêt à l'expansion musulmane dans l'Europe de l'ouest est déjà assez célèbre. L'Espagne mettra des centaines d'années à opérer la reconquête jusqu'au bout de l'Andalousie. Dans l'Europe du sud est, la chute de Constantinople de 1453 est emblématique de la poussée ottomane dans cette région, et est suivie de deux siècles de conflits avec le Saint Empire Romain Germanique. La bataille de Vienne de 1683 est le pendant de la bataille de Poitiers.

Alors que la religion musulmane prenait de l'ampleur autour de la Méditerranée, les royaumes occidentaux ont tenté ce qui peut s'apparenter à des contre offensives, les croisades. Mais alors que les papes appelaient régulièrement à des croisades, d'abord au Proche Orient, ensuite pour secourir l'Empire byzantin attaqué, les rois de l'Europe de l'ouest préféraient guerroyer les uns contre les autres. Cette désunion pourrait alors être présentée comme un facteur nuisible à l'Europe et à ses intérêts, surtout face à un défi commun.

Dans un tel cadre, le principal élément "unificateur" de l'Europe se trouverait donc être la religion chrétienne, ou au minimum la culture chrétienne. On comprend mieux le débat qu'avait provoqué la possibilité d'inscrire la référence aux "racines chrétiennes de l'Europe" dans le Traité Constitutionnel Européen au moment de son élaboration. Alors que tout débat autour de l'Islam est plus que jamais hautement inflammable, et que l'avenir des pays musulmans autour de la Méditerranée reste incertain, le terrain est probablement propice pour ce genre de mouvement explosif. Il faut donc faire attention : jusqu'à présent, il n'y a pas eu de liaison entre les différents nationalismes "nationaux" des pays Européens. Et pour cause, puisqu'ils sont trop occupés à servir de boucs émissaires les uns aux autres. Mais si un jour ils se trouvent un bouc émissaire commun, le problème du nationalisme changerait totalement de dimension.

dimanche 1 juillet 2012

Pour vos vacances, allez en Grèce !

En Grèce, rien n'est réglé. Le pays croit encore avoir le luxe de se permettre des crises politiques, ce qu'on a vu avec des élections législatives qu'il a fallu refaire après avoir constaté qu'elles n'avaient pu porter une majorité au pouvoir. D'un côté, l'exaspération pousse les Grecs à voter pour des partis extrémistes. De l'autre, ils continuent de croire qu'ils traversent certes une grave crise économique, mais qu'elle n'est pas pire qu'ailleurs. En fin de compte, ils continuent de croire qu'ils peuvent avoir le beurre et l'argent du beurre, c'est à dire continuer à avoir l'euro comme monnaie, mais sans passer par les (très dures) réformes imposées par les bailleurs de fonds internationaux. Ces dernières décennies, ils ont connu une forte croissance et même une certaine prospérité en vivant à crédit. Ils peinent à comprendre que c'est tout une philosophie de vie qui doit changer.

La France n'est pas fort bien placée pour donner des leçons à la Grèce, vu qu'elle a les mêmes torts, ils sont simplement un peu moins prononcés. La situation à long terme de la Grèce est encore incertaine, et il lui faut toujours éviter de retourner au tiers monde. Elle n'a pas beaucoup d'industrie, mais elle a au moins une activité économique qui était une force : le tourisme. Seulement, le tourisme est lui aussi gravement handicapé à cause de cette crise économique. Non pas que les touristes aient tellement moins de moyens pour visiter le pays, mais ils semblent en avoir moins envie. Les reportages sur la Grèce sont parfois caricaturaux, et peignent un pays où plus rien ne fonctionne. Ce n'est pas la réalité. Toutes les infrastructures sont intactes, et la capacité de la Grèce a accueillir les visiteurs reste la même par rapport à il y a quelques années. L'accueil des Grecs est extrêmement chaleureux, et il y a de la place dans les hôtels. A vrai dire, l'infortunée désertion du pays par les touristes se voit rapidement dans les salles de restauration des établissements, bien peu occupées par rapport à leur capacité.

Evidemment, les monuments grecs n'ont pas bougé d'un millimètre. C'est un pays qui a une histoire passionnante, et dont l'influence a été primordiale pour le monde entier. Le voyage en Grèce est comme un pélerinage qu'il faut faire une fois dans sa vie, et vu le besoin désespéré des Grecs pour un peu d'activité économique, c'est une excellente idée que de le faire maintenant. Après tout, comme pour tout le monde, il vaut mieux que les Grecs vivent de leur travail plutôt qu'à crédit, et pour les Européens, quitte à donner de l'argent aux Grecs, autant avoir une prestation en contrepartie. C'est donc l'heure d'aller en Grèce !

mercredi 14 mars 2012

François Hollande seul contre le traité budgétaire européen

Contrairement à ce qui est souvent dit, il n'y a pas de perte de souveraineté d'un Etat dans la construction européenne. Il y a un partage de souveraineté : chaque gouvernement participe aux décisions qui affecteront son pays et les autres. Il est donc légitime que lors des élections nationales, les candidats expliquent quel projet européen ils souhaitent et exposent les mesures qu'ils défendront. Seulement, il ne faut pas oublier que ce sont des décisions qui se prennent à plusieurs, et qu'un seul pays ne peut décider à la place des autres. C'est ce que l'on voit actuellement dans la campagne présidentielle.

En affirmant vouloir renégocier les accords de Schengen, quitte à mettre une date butoir, Nicolas Sarkozy a surtout fait un coup politique, purement électoraliste. Mais comme souvent avec lui, le mouvement est savamment calculé pour être en fait aussi réaliste qu'impressionnant. Avec une telle déclaration, il prend en effet peu de risques, puisque les accords de Schengen sont déjà en cours de renégociation, et que leur nouvelle version arrivera certainement avant un an, ce qui rend peu probable l'idée d'un "clash" entre la France et les autres pays de l'Union Européenne à ce sujet.

La volonté de François Hollande de ne pas ratifier le traité budgétaire européen est en revanche bien plus problématique. Déjà, parce que la France a elle-même était aux premiers plan de sa création, ensuite, parce qu'il a été accepté par presque tous les autres pays européens, et enfin, car il vise à régler la crise des dettes souveraines européennes. Depuis l'accord européen à ce sujet, celle-ci s'est d'ailleurs très nettement calmée. Les taux d'intérêts payés lors des emprunts d'Etats ont largement diminué, ce qui montre le retour d'une certaine confiance. Or vouloir renégocier ce traité, alors qu'il est au contraire si urgent de l'adopter partout, c'est justement vouloir réouvrir les plaies de cette crise. Cela n'a rien de responsable.

Surtout qu'il n'y a pas vraiment de raison de le renégocier. Les socialistes refusent l'idée d'inscrire l'interdiction des déficits publics dans la Constitution car ils sont partisans d'un Etat Providence financée par la dette publique. Ce n'est pourtant une politique souhaitable. François Hollande veut qu'un traité budgétaire prenne en compte l'objectif de croissance en plus de celui d'équilibre des comptes publiques. Mais la croissance économique ne se décrète pas. Ce qu'il appelle "politique de croissance", ce sont les sempiternelles "relances" keynésiennes financées par le déficit. Cela ne fonctionne plus aujourd'hui. Aujourd'hui, pour avoir de la croissance, il faut de l'innovation, de la compétitivité, un dynamisme qui ne dépend pas du budget de l'Etat. La croissance économique vient du secteur privé, et les socialistes français tendent à l'oublier systématiquement.

Le reste de l'Europe est conscient de ces principes économiques de base. Chacun voit bien comment la Grèce a été acculé à la misère à force de vivre à crédit. A part la France, les pays européens savent bien que l'équilibre des comptes publics est désormais un impératif. Même la Grande Bretagne, qui n'a pas voulu ratifier ce traité, est favorable à la discipline budgétaire, et tend à vilipender les institutions européennes pour leur propension à la dépense. En cas de victoire de François Hollande, la France serait le seul pays à vivre encore dans l'époque révolue de la dépense publique. François Hollande veut renégocier un traité sans que ce ne soit bénéfique pour personne. Les gouvernements européens en place, ceux avec qui il devrait négocier, sont contre une telle démarche. Il isolerait ainsi la France et nuirait à l'économie européenne. Ce n'est pas souhaitable.

mardi 28 février 2012

Et si on laissait tomber la Cour Européenne des Droits de l'Homme ?

La Grande Bretagne cherche à réformer la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Elle a actuellement la présidence pour six mois du Conseil de l'Europe, dont dépend cette institution judiciaire. C'est une belle fenêtre pour avancer ses vues. Il faut dire que les Britanniques sont furieux après des condamnations pour le moins controversées. La CEDH reproche ainsi à la Grande Bretagne de priver de droit de vote ses détenus, une pratique qui a cours depuis presque toujours. Cela fait partie de la punition, considèrent en somme les Britanniques, qui n'ont aucune envie de changer la loi correspondante. La CEDH considère qu'il faut laisser la libre opinion du peuple s'exprimer, et que les prisonniers en font partie. Mais ce n'est pas la seule affaire qui pose problème : le gouvernement britannique reproche également à la CEDH de l'avoir forcé à libérer un islamiste plutôt que de l'extrader en Jordanie, où sa présence était demandée. Déjà qu'en temps normal la Grande Bretagne est vigilante sur son indépendance, mais quand on lui demande d'agir contrairement à ce qu'elle considère son propre intérêt, elle explose.

Seulement, sur ce coup, elle n'a pas forcément tort. On peut d'ailleurs être fédéraliste européen, et juger que la CEDH est devenu un vrai problème, une institution dévoyée et en roue libre. Pour commencer, contrairement à son intitulé, elle n'est pas spécialement liée à l'Europe, puisque la Turquie, un pays asiatique, en fait partie. Elle n'a par ailleurs aucun lien avec l'Union Européenne, qui reste l'authentique projet de construction européenne. Ensuite, les droits de l'homme sont devenus un prétexte pour rendre des décisions concernant n'importe quel sujet. La position de la CEDH comme ultime recours, soit après la cour de cassation en France, permet à tous les marathoniens de la procédure d'y envoyer leur dossier, espérant que via la loterie du jugement, une décision favorable vienne mettre à mal une justice locale trop peu conciliante. On arrive donc à une inflation démesurée des recours et des arrêts rendus, près de 900 par an aujourd'hui, contre une dizaine il y a une trentaine d'années. Même avec les nouvelles adhésions, un tel volume ne se justifie pas.

Le souci, c'est que la CEDH a depuis développé une fâcheuse tendance à outrepasser le rôle qui lui a été confié. C'est encore une fois la vieille rengaine de l'homme qui a un marteau, et qui voit tout sous forme de clous à enfoncer. Au départ, les droits décrits dans le titre I de la Convention européenne des droits de l'homme sont en nombre assez restreint et vise les plus grands droits reconnus pour les citoyens de démocraties. Seulement, la CEDH raisonne aujourd'hui "par extension". Elle n'applique plus seulement la Convention européenne des droits de l'homme, mais tout un tas de textes internationaux qui ont été écrits à travers le monde depuis... et ce, alors qu'elle n'en a pas été chargé. Elle a également une vision très large de l'application des droits, bien plus que dans l'esprit initial du texte.

En conséquence, les décisions surprenantes voire presque incompréhensibles se multiplient. En 2009, l'interdiction des crucifix dans les salles de classes italiennes, où leur présence est une longue tradition, avait provoqué un tollé. Finalement, deux ans plus tard, elle est revenue en arrière en décidant que les crucifix ne posaient aucun problème. Neuf ans de procédure pour arriver à ça...

Plus récemment, l'Italie a été condamnée pour avoir rejeté l'entrée sur son territoire de migrants somaliens et érythréens qui venaient de Libye. La CEDH s'est appuyée dans cette décision sur une interdiction du refoulement qui n'est absolument pas dans le texte qu'elle est chargée d'appliquer. Le texte de l'arrêt le reconnaît, mais avance que la Cour interprète ou admet au-delà. L'interdiction des traitements inhumains ou dégradants est alors invoqué pour justifier une innovante interdiction du refoulement. Et ce, alors qu'il ne s'agit que d'un risque, et qu'il ne dépend pas de l'Etat qui ferme sa frontière.

Au bout du compte, lorsqu'on prend la peine de consulter les dizaines de pages que constituent tous ces arrêts, on découvre à quel point la CEDH se soucie désormais moins d'appliquer le droit que de prôner sa propre idéologie, fondamentalement subjective. Les considérations externes aux affaires s'y multiplient, et les juges montrent que leur métier consiste à façonner la société tels qu'ils voudraient qu'elle soit, non à simplement vérifier que les grands principes démocratiques sont appliqués.

Avec tout cela, le danger est que la CEDH devienne de moins en moins pertinente, à force d'outrepasser ses compétences. Le besoin de réforme se fait donc nettement sentir. Sinon, c'est son existence même qui pourrait être menacée à terme. Après tout, dans les pays démocratiques, les institutions politiques et judiciaires ordinaires suffisent déjà à appliquer les droits de l'homme. Si l'Italie et la Grande Bretagne ne sont pas des démocraties, alors il n'y a aucune démocratie dans le monde... Quel était alors le besoin d'un recours supplémentaire, bien plus éloigné ? La Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne s'applique ainsi suivant un strict respect du principe de subsidiarité : si une question ne concerne pas l'Union Européenne elle-même, alors elle peut-être traitée par la juridiction nationale. Il est donc nécessaire de réformer la CEDH si l'on ne veut pas se poser la question de son abandon pur et simple.

vendredi 17 février 2012

10 ans d'euro

Demain, cela fera 10 ans que l'euro est la seule monnaie utilisable dans les commerces français. La double circulation du franc et de l'euro avait en effet duré 6 semaines, ce qui était un délai plutôt court pour faire le basculement. Mais pour être parfaitement exact, l'euro est la monnaie française depuis plus de 13 ans ! Il faut se souvenir que depuis le 1er janvier 1999, le franc n'était plus qu'un voile par rapport à l'euro, les taux de change étant parfaitement fixes entre les différents pays de la zone euro. Dès ce moment là, le double étiquetage avait commencé, et les consommateurs pouvaient se préparer à compter en euros pendant les trois années qui ont suivi.

Les accusations d'inflation générées par l'euro ont été injustes. L'inflation est un phénomène naturel qui a existé avant l'euro. La Banque Centrale Européenne a toujours veillé à ce que celle-ci reste modérée, aux alentours de 2 %. Très souvent, les gens ont tendance à comparer les prix d'aujourd'hui avec des prix en francs, comme si ceux-ci avaient été toujours été stables. Il arrive même, dans les micro trottoirs, que des personnes compare les prix actuels avec ceux en francs, mais datant de bien avant les années 90 ! C'est n'importe quoi. Quand on voit le détail des augmentations, on se rend compte que pour les produits de grande consommation, cela n'a rien de scandaleux. Ce n'est pas l'euro qui fait augmenter les prix, mais plus le manque de concurrence ou le manque de vigilance des consommateurs.

Bien sûr, en parlant de l'euro, il est difficile de ne pas évoquer sa crise actuelle, qui est plutôt celle des dettes souveraines. Il y a clairement une erreur qui fut commise, celle d'admettre la Grèce dans la zone euro, alors que ses comptes publics étaient truqués. Mais cela ne doit pas faire oublier les avantages de la monnaie unique européenne, au premier rang desquels la stabilité facilitant les échanges au sein des pays qui l'ont adopté. Pour les touristes ou les acheteurs en ligne, l'euro simplifie également bien les choses au quotidien. La stabilité permise par l'euro n'est pas un souci, contrairement à l'instabilité qui demeure entre les différentes monnaies mondiales qui co-existent. La libre fluctuation des cours permet des mouvements violents, qui ont des répercussions graves sur l'économie. Evidemment, il ne saurait (encore) être question d'une monnaie mondiale.

Quoi qu'il en soit, les problèmes monétaires ont pratiquement toujours existé. Déjà au XIVème siècle, la France hésitait entre une monnaie faible, avec le système des mutations monétaires qui permettait de financer la royauté sur le dos de la population, et une monnaie forte, stable mais rare faute de métal précieux. Les marchands de toile flamands s'étaient fait des fortunes en créant une monnaie prétendument au pair avec l'anglaise (avec qui ils commerçaient), mais en ayant juste un tout petit peu moins d'or par pièce. A l'époque, on ne théorisait pas encore l'économie, mais on n'en sentait pas moins les effets. Les problèmes monétaires, quelques soient leur forme, demeureront longtemps, mais avec l'euro, nous avons fait un pas vers une amélioration. Bon anniversaire à l'euro, et souhaitons qu'il dure longtemps !

jeudi 15 décembre 2011

François Hollande irresponsable vis-à-vis de l'Europe

Le dernier Conseil Européen a conclu à un accord entre 26 pays pour adopter un nouveau traité ébauchant une politique économique commune. L'un de ses objectifs est de mettre en place des mesures pour assainir les finances publiques des pays européens, et surmonter in fine la crise des dettes souveraines. Mais dès lundi, il fut attaqué par François Hollande, candidat d'un grand parti français à la présidentielle : s'il est élu, il cherchera tout simplement à le renégocier. Peu importe qu'il ait obtenu l'assentiment de 26 pays, un exploit de nos jours, François Hollande cherche à le saborder avant même qu'il soit mis en place. Il veut inclure dans ce traité l'intervention de la Banque Centrale Européenne et des euro-obligations, deux politiques farouchement rejetées par l'Allemagne. Donc il veut en fait mettre à mal l'accord actuel pour aller au clash avec l'Allemagne.

Dans le climat de germanophobie qui règne actuellement au Parti Socialiste, ce n'est pas si étonnant que ça. Mais l'Union Européenne n'a pas été construite avec des politiques de coups de menton. En croyant pouvoir faire cavalier seul sur les questions européennes, François Hollande se montre irresponsable non seulement vis-à-vis de l'Europe et de l'Euro, mais aussi vis-à-vis de la France. Ce qui est malheureux, c'est que dans sa position actuelle, une telle déclaration est propre à affaiblir dès maintenant les économies européennes.

François Hollande ne veut pas non plus voter pour l'inscription de la règle d'or dans la Constitution, une mesure également prévue par cet accord. Les circonstances actuelles ne font pourtant que nous rappeler le danger d'avoir des déficits publics structurels, et la nécessite d'une gestion budgétaire rigoureuse. Mais ce n'est même pas cela qui est contesté : cette opposition ne se fait que sur des bases purement politiciennes. Peu importe l'intérêt général, pour les socialistes, le vrai drame, ce serait de se trouver d'accord ne serait-ce qu'une seule fois avec la majorité. Il y avait pourtant là la possibilité de dépasser les clivages pour travailler ensemble à une mesure salutaire. Or pour le candidat socialiste, il n'y a plus déjà que des calculs électoraux à court terme. On ne peut que regretter l'absence de vision d'ensemble de François Hollande, et espérer qu'avant l'élection, sa "présidentialisation" se fasse davantage par une meilleure maturité intellectuelle que par un port de tête hautain.

lundi 12 décembre 2011

L'influence perdue de la Grande Bretagne en Europe

Le dernier Conseil européen fut le théâtre de mouvements importants pour l'Union Européenne. Certes, il est difficile de savoir si l'accord auquel sont arrivés les dirigeants européen ouvrira la voie de la sortie de la crise des dettes souveraines. Mais il n'en est pas moins significatif. Pour commencer, il s'agit là de la première ébauche de politique économique commune... la politique économique commune en question étant celle de la rigueur budgétaire. On reprend ainsi les critères de convergence de stabilité, mais en se montrant plus strict, et intégrant davantage ces politiques économiques via une coopération renforcée. Le traité n'est pas encore précisément rédigé, mais ses grandes lignes sont connues. Le but étant qu'il soit formellement voté par chaque participant en l'espace de quelques mois, et qu'en attendant, ces grandes lignes soient d'ores et déjà appliquées par les gouvernements actuels.

L'autre évolution significative est la perte presque totale par la Grande Bretagne de son influence dans les institutions européennes. L'euroscepticisme virulent du parti conservateur britannique dessert grandement son pays. Le premier mouvement dans ce sens était le départ de ce parti du Parti Populaire Européen pour un groupe politique eurosceptique mais marginal. Encore récemment, la demande de certains députés d'organiser un référendum de sortie de l'Union Européenne a montré aux autres pays européens que la Grande Bretagne se montrait peu déterminée à jouer son rôle en Europe. Mais le coup de grâce fut la stratégie de négociation irréfléchie adoptée par David Cameron pour ce dernier sommet.

Angela Merkel voulait changer le Traité de Lisbonne pour y intégrer les nouvelles règles de rigueur budgétaire. C'était un objectif compliqué : sa ratification fut difficile, et c'était comme rouvrir la boîte de Pandore. Mais il n'était pas nécessaire de le modifier forcément, il était également possible de rajouter un nouveau traité supplémentaire avec ces nouvelles règles, tel un addendum ne concernant que ceux qui l'auraient signé. David Cameron a rapidement montré ô combien une modification du Traité de Lisbonne serait prise en otage pour tout et n'importe quoi : il s'opposait à toute modification s'il n'obtenait pas que la City soit épargnée de toute réglementation européenne sur les marchés financiers. Vu le rôle de ceux-ci dans le déclenchement de la crise financière de 2008 et sa propagation, c'eut été se tirer une balle dans le pied. Cette demande fut donc refusé nettement par les autres pays européens.

La stratégie britannique se révéla alors faible car l'accord de David Cameron n'était pas obligatoire. Nicolas Sarkozy avait comme plan de secours la possibilité d'un traité supplémentaire ne concernant que les pays de la zone euro. Les 17 pays en faisant parti se mirent rapidement d'accord, remplissant de facto l'objectif initial. En dehors de la Grande Bretagne, les pays n'appartenant pas encore à la zone euro n'ont pas voulu rester sur le bas côté, et ont alors décidé d'accepter également ce traité. La Grande Bretagne se retrouva alors seule, n'ayant ni son mot à dire sur ce traité, ni une garantie que la City sera protégée. On va désormais découvrir que l'on peut avancer sans elle.

Historiquement, la Grande Bretagne s'est attachée à avoir une certaine influence au fil des siècles sur les événements continentaux. Mais dernièrement, elle a cru qu'elle pouvait faire coïncider la politique européenne avec ce qu'elle croît être ses intérêts nationaux. En ne voulant rien concéder et en voulant tout obtenir, elle s'est elle-même mise hors jeu. Et de ce fait, nous assistons à une baisse de la puissance de nos voisins d'outre Manche.

lundi 5 décembre 2011

Pour le PS, l'Allemagne paiera

Le Parti Socialiste a fait une salve de déclarations qui ressemblent à un tir groupé : feu sur l'Allemagne ! Et plus précisément, pour attaquer l'Allemagne, le PS a décidé de la dépeindre comme une menace, en évoquant les pires moment de l'histoire de nos voisins d'outre Rhin, à croire que l'on est en conflit ouvert avec eux. Dans cette catégorie, il y a eu Arnaud Montebourg, qui a accusé la chancelière allemande Angela Merkel de faire "une politique à la Bismarck", démontrant un resurgissement du nationalisme allemand. D'après lui, elle "construit la confrontation pour imposer sa domination". Voilà des propos lamentables, mais le pire c'est qu'ils ne sont pas isolés. En effet, un autre député socialiste, Jean-Marie Le Guen, a comparé la rencontre de Nicolas Sarkozy avec Angela Merkel et Mario Monti à Strasbourg à celle de Daladier à Munich en 1938, ce qui fait d'Angela Merkel... Adolf Hitler, ni plus ni moins. Voilà pour le sens des proportions. Et ce genre d'analogies continue, avec Julien Dray qui a comparé hier le discours de Nicolas Sarkozy à Toulon au sabordage de la flotte française face à l'arrivée de l'armée allemande en 1942. Pour les socialistes, le gouvernement allemand est donc comparable aux nazis, et discuter avec lui fait des responsables français des lâches n'ayant pas le courage de lutter.

Aujourd'hui, François Hollande rencontre le SPD allemand, qui n'est pas au pouvoir. Cela ne servira pas à grand chose dans l'immédiat. S'il est élu Président de la République, c'est bien avec Angela Merkel et ce gouvernement que les socialistes trouvent si horrible qu'il devra traiter. En matière de politique européenne, le projet du PS semble considérer que le Parti Socialiste français décidera ce qu'il veut comme il veut. Pourtant, la diplomatie est toujours une affaire de compromis, et par définition, on obtient jamais totalement ce que l'on veut si l'on fait des concessions. Le Parti Socialiste pense qu'un compromis est un signe de lâcheté face à une Allemagne hégémonique. Voilà une vision européenne bien malsaine. Quant aux clichés que les socialistes nourrissent sur nos premiers partenaires, ils sont consternants.

Cette agressivité est d'autant plus forte que la France est en position de faiblesse : elle ne peut pas forcer l'Allemagne à faire quelque chose qu'elle ne veut pas. Le PS voudrait que l'Allemagne vienne plus fort à la rescousse de tous les pays dont les finances publiques n'ont pas été gérées rigoureusement. Comme d'habitude, il défend un Etat Providence où c'est toujours quelqu'un d'autre qui paie. Dans la vision historique des relations franco-allemandes, la référence des socialistes ici, c'est "l'Allemagne paiera", comme lorsqu'il fallait forcer l'Allemagne à payer la reconstruction française après la première guerre mondiale. Mais tout cela appartient au passé, et l'archaïsme économique du PS ne doit pas se transformer en archaïsme diplomatique également.

jeudi 10 novembre 2011

UE : mariage de raison ou mariage d'amour

Que serait une Union Européenne idéale ? Ce blog a déjà longuement expliqué que ce serait une Europe fédérale. C'est le but, c'est un but qui est aussi un moyen, car une Europe fédérale rendrait le projet européen plus efficace et plus légitime, et permettrait donc de meilleures politiques pour les citoyens européens. Mais cela n'explique tout. En particulier le "comment". En effet, il ne suffit pas de changer les institutions pour arriver à l'Europe fédérale, car l'échec deviendrait alors assez probable. Il faut changer le rapport des peuples et des pays envers la construction européenne.

On s'en rend compte au quotidien, et notamment lors des sommets européens : chaque gouvernement essaye de tirer le maximum de l'Union Européenne pour son propre profit. C'est normal, on n'attend pas d'eux qu'ils ne défendent pas les intérêts de leur peuple, et les décisions européennes doivent refléter les avis de chacun. La diplomatie intra-européenne repose donc encore plus qu'ailleurs sur les compromis et les négociations interminables. Cela se passait comme ça dès les premiers pas de la construction européenne. Tout ne repose que sur de subtils calculs pour trouver des solutions équilibrées. Les membres de l'Union Européenne considèrent qu'il est de leur intérêt à en faire partie, et après des siècles de conflit, cette coopération reposant sur des bases purement rationnelles a amené un répit bienvenue ainsi qu'une relative prospérité. L'Union Européenne est donc un exemple parfait de mariage d'intérêt.

Seulement, pour qu'une Europe fédérale, il faudrait que les peuples européens aient suffisamment confiance les uns dans les autres pour accepter que certaines décisions soient prises à plusieurs. Mieux, il faudrait qu'ils aient confiance dans les institutions européennes, et qu'ils aient un attachement réel pour l'Europe en tant que tel. Comme ils peuvent être attachés à leur ville, leur région ou leur pays, ils pourraient être attachés à l'Europe. Il faudrait qu'ils prennent conscience de tout ce qui les rassemble, et de l'existence d'une communauté de destins. Que l'Europe représente quelque chose pour eux, qu'elle ne soit plus qu'une institution froide et rationnelle, mais aussi une communauté à laquelle ils soient liés de façon affective. Bref, que l'Europe devienne un mariage d'amour.

Passer d'un mariage de raison entre pays à un mariage d'amour entre peuples n'a bien sûr rien d'évident. A l'heure de la crise des dettes souveraines, un tel discours peut même paraître très abscons. Mais cela ne pourra se faire qu'avec le temps, pour changer petit à petit les mentalités. Et sans que cela vienne uniquement des dirigeants européens. Il s'agit davantage d'une question culturelle. Il faudrait que ce soit un travail de fond à mener au cours des, disons, cinquante prochaines années.

dimanche 6 novembre 2011

Le nécessaire départ de George Papandreou

Quant à l'automne 2009, George Papandreou devint Premier ministre de la Grèce, ce pays était déjà durement touché par la crise économique mondiale. Par une décision pleine d'honnêteté, le nouveau gouvernement dévoila le fait que les comptes publics étaient dans un bien pire état qu'annoncé précédemment. En clair, tous les comptes et statistiques étaient truqués depuis des années pour faire paraître la Grèce économiquement plus saine qu'elle ne l'était en réalité. Le déficit public, à plus de 12 % du PIB révélait un pays vivant bien au-dessus des ses moyens, et trainant une dette trop importante pour donner confiance à de nouveaux prêteurs. La suite a découlé de ce terrible constat : mise en œuvre de plans de rigueur pour rééquilibrer les compte, privatisations, et appel à l'aide internationale pour se financer le temps que les réformes structurelles soient mises en place. Le traitement de cheval est à la hauteur de la maladie, mais les résistances viennent de partout en Grèce. La fraude fiscale généralisée, la corruption, les chasses gardées étaient si répandus que le changement de ces habitudes bloque très rapidement. En conséquence, ces réformes peinent à s'installer, et beaucoup sont ceux qui y mettent de la mauvaise volonté. Il semble plus urgent de protester que de chercher à voir comment s'en sortir.

Le dernier sommet européen devait justement apporter une nouvelle tranche de financement de la Grèce et une décote importante de la dette détenue par le secteur privé (à hauteur de 50 %) contre l'assurance que ces réformes seront poursuivis. Seulement, sans avoir prévenu qui que ce soit, George Papandreou a déclaré vouloir mettre ce nouveau plan à l'approbation des Grecs via référendum. Le procédé était navrant à bien des niveaux. D'abord, tout ce qui avait de rassurant dans ce nouveau plan fut ainsi soumis à une nouvelle incertitude, déclenchant la panique des marchés financiers. Ce n'est pas vraiment ce que doit rechercher la Grèce ces temps-ci. Ensuite, cela retardait d'autant la perspective des réformes supplémentaires, et bien évidemment des nouvelles rentrées d'argent. Enfin, c'était un référendum absurde, dans la mesure où le peuple ne pouvait se permettre de voter non, sous peine de ruine complète du pays.

Les autres dirigeants européens, se sentant trahis, ont tôt fait de rappeler à George Papandreou que le Grèce ne recevrait rien tant qu'il ne se serait pas sorti de cette situation, et que si on voulait faire un référendum, il fallait poser la bonne question : celle du maintien de la Grèce dans la zone euro. Les Grecs souhaitent très majoritairement garder l'euro. L'utilisation de cette monnaie est un symbole d'accès au rang des économies fortes, alors que la Grèce fut si longtemps un pays très pauvre. Seulement, cette accession n'allait pas de soi. L'euro devint la monnaie grecque en 2001, soit deux ans après les premiers pays. Ce fut un triomphe pour le gouvernement d'alors, dirigé par le PASOK, le parti socialiste grec.

Seulement, on l'ignorait alors, mais l'euro fut accordé à la Grèce sur la base de comptes truqués. Si on avait connu la véritable situation économique de la Grèce, on aurait certainement attendu bien plus longtemps avant de l'inclure dans la zone euro. Ce fut donc une erreur. Une erreur sur laquelle il est quasi impossible de revenir. Lorsque les conservateurs sont arrivés au pouvoir, en 2004, ils laissèrent les comptes continuer à se dégrader secrètement. Ce n'est donc qu'il y a deux ans que le pot aux roses fut révélé.

De tout cela, George Papandreou n'est pas coupable. Même si son père était Premier ministre jusqu'en 1996, et qu'il était ministre des Affaires étrangères entre 1999 et 2004, il n'était pas lui-même aux postes les plus concernés par cette escroquerie. En revanche, ce référendum était une tentative très malavisée d'obtenir un consensus, avec des conséquences très dangereuses pour la Grèce et l'Europe. Les Grecs eux-mêmes rejetèrent vivement cette proposition. Visiblement, la Grèce semble empêtrée dans des joutes politiciennes futiles. Après tout, les peuples ont les dirigeants qu'ils méritent. Vu la situation de la Grèce, l'heure devrait pourtant être à l'union nationale. Cela passerait par un changement de leadership. Avec son coup de poker à base de référendum, George Papandreou a définitivement perdu toute crédibilité en Europe et dans son propre pays. Son départ du gouvernement, aujourd'hui dans toutes les conversations politiques, est vraiment nécessaire.

jeudi 20 octobre 2011

Une taxe européenne sur les transactions financières

En août dernier, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont souhaité que soit mise en place une taxe sur les transactions financières. La proposition est désormais reprise par la Commission Européenne, et son président, José-Manuel Barroso souhaite la voir à l'œuvre d'ici 2014. Il s'agit là tout simplement d'un vieux serpent de mer, la taxe Tobin, du nom d'un ancien prix Nobel d'économie. A l'origine, il s'agissait de taxer faiblement toutes les transactions financières pour limiter la spéculation et financer l'aide au développement. Avec l'émergence d'Attac à la fin des années 90, la taxe Tobin avait le vent en poupe chez les alter-mondialistes, et l'idée s'est popularisée. Au cours de la décennie, la possibilité d'une taxe sur les transactions financières était souvent brandie comme une solution magique pour financer un peu tout et n'importe quoi.

Dans le projet actuel, les revenus de la taxe seraient partagés entre les Etats membres, désespérément en recherche de fonds, et l'Union Européenne, qui aurait là enfin une source supplémentaire de revenus propres. Alors que le monde traverse une crise financière terrible, l'idée de récolter des fonds sur le dos d'un secteur financier coupable apparaît plus que jamais séduisante. A force de spéculations, parfois même à très court terme et automatisées, les marchés financiers se sont progressivement déconnecté de l'économie concrète. La sophistication et la dérégulation des produits financiers depuis les années 80 a créé des forces turbulentes que plus grand monde ne comprend totalement. Et à côté de cela, les PME peinent parfois à se voir octroyer des crédits ordinaires. On comprend alors que la France, qui veut une politique économique européenne, et l'Allemagne, qui souhaite faire payer les banques dans la crise de la dette actuelle, mettent en avant cette taxe sur les transactions financières.

Seulement, elle doit faire face aux mêmes arguments qu'autrefois. En premier lieu, les théoriciens d'une économie libérale expliquent qu'une telle taxe nuirait à la fluidité des mouvements de fond, et en conséquence, rendrait plus cher le crédit et limiterait donc les investissements. L'argument est connu, mais douteux. Surtout, cet inconvénient pèse peu par rapport aux problèmes causés par une fluidité excessive. Les variations trop brusques des marchés financiers ont des externalités négatives qui dépassent le problème d'une baisse (certainement très limitée) des investissements. Et puis il est certainement préférable d'investir sur le long terme, plutôt que pour trois heures.

Le deuxième argument est beaucoup plus lourd, et justifie presque à lui la réputation d'impossibilité de la taxe Tobin. En effet, pour qu'elle soit parfaitement efficace, il faudrait qu'elle soit adoptée au niveau mondial. Le moindre passager clandestin aurait une grosse opportunité, celui d'accueillir les marchés financiers fuyant ladite taxe. Les Anglo-Saxons pointent déjà du doigt les centres financiers émergents tels que Singapour. Et à vrai dire, ils n'ont strictement aucune envie de s'y mettre. Aux Etats-Unis, Wall Street combat vigoureusement et efficacement toute régulation. Le Dodd-Frank Act adopté par le Congrès l'année dernière pour réguler davantage Wall Street n'est tout simplement pas mis en œuvre. Les mouvements d'opinion hostiles à tout nouvel impôt sont puissants, et se concrétisent via l'influence des lobbys dans la vie politique américaine. Les Britanniques, eux, considèrent qu'une telle taxe serait en fait une taxe sur la City, vu qu'elle est la première place où s'opère cette frénésie boursière que l'on veut limiter. Vu l'importance du secteur financier dans leur économie, ils combattront eux-aussi de toute leur force cette taxe.

La mettre en place au niveau mondial est donc une illusion, et même au niveau de l'Union Européenne, ce serait extrêmement compliqué. Certains souhaitent qu'elle se fasse au niveau de la zone euro, mais elle serait alors très facile à éviter. De toute façon, elle n'aurait probablement pas réussi à vraiment limiter la spéculation, mais au moins on en aurait eu des revenus intéressants. La France et l'Allemagne peuvent donc toujours la souhaiter, mais la vraie difficulté ne réside pas chez eux.

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