Réflexions en cours

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dimanche 31 mai 2009

L'anti-fédéralisme institutionnalisé au Parlement Européen

Le leader des tories britanniques, David Cameron, a annoncé samedi la création d'un groupe "anti-fédéraliste" au Parlement Européen, qui associera, outre son parti, les droites polonaises et tchèques. Il s'agit là donc de l'alliance des partis les plus eurosceptiques parmi ceux qui ont réussi à conquérir le pouvoir dans leurs pays respectifs. L'ancien Premier ministre tchèque, Mirek Topolanek, a dit à cette occasion "Je veux une Europe libre, capable d'évoluer, où chaque Etat choisisse lui-même son degré de participation à la politique commune de l'Union". Il s'exprime ainsi en faveur d'une Europe politique à la carte, où chaque pays participe aux programmes qui l'intéressent, plutôt que de se lier sur tous les points où l'intérêt général serait mieux assuré au niveau européen. Il n'y a nul doute que le degré de participation à l'Union Européenne souhaité par ces différents pays est proche de zéro. S'ils expriment le sentiment de leurs compatriotes, on peut alors se demander à quoi bon auront alors servi leurs adhésions.

Le Royaume-Uni, la Pologne et la République Tchèque sont trois pays qui ont longtemps attendu leur adhésion à l'Union Européenne, et qui ont peu de temps après été ravagés par l'euroscepticisme le plus virulent et le moins constructifs. Etait-ce si difficile de découvrir que la construction européenne portait en elle des germes explicites de politiques communes ? Les pays de l'Europe ont pourtant largement bénéficié des apports de l'Union Européenne, que ce soient en terme de fonds régionaux pour réaliser des investissements locaux ou dans la participation à un marché unique. Ainsi, la Pologne a bénéficié de la politique agricole commune, et la République Tchèque a pu développer son tissu industriel grâce aux investissements d'entreprises décidant de fabriquer à l'est les produits vendus à l'ouest, comme les voitures. Seulement, pour que l'Union Européenne reste un ensemble gardant un semblant de cohérence, il faut que les différentes politiques s'équilibrent... et non pas que chaque pays choisisse les seules politiques l'avantageant personnellement. Car sinon, c'est laisser la place à un comportement de passager clandestin généralisé. L'Union Européenne ne doit pas être le lieu où les gains d'un pays se font au désavantage d'un autre. Ce serait le moyen le plus efficace de la détruire. Que diraient alors ceux qui ont jusqu'à présent bénéficié du libre échangisme, si par les excès de celui-ci la construction européenne venait à s'écrouler et le protectionnisme redeviendrait la règle ?

Au delà de cette volonté d'institutionnaliser l'anti-fédéralisme, il existe heureusement des partis de droite favorables à la construction européenne. C'est la CDU en Allemagne, le Parti Populaire en Espagne ou bien l'UMP en France. Leur alliance, le Parti Populaire Européen, devrait constituer la première force dans le prochain Parlement Européen selon les estimations. Ses députés devront veiller à limiter l'influence de leurs collègues au comportement suicidaire.

lundi 11 mai 2009

Des listes européennes consternantes

Maintenant que l'UMP vient de divulguer ses listes de candidats pour les prochaines élections européennes, il est possible de comparer celles présentées par les principaux partis favorables à la construction européenne. Le constat est assez décourageant : la constitution de ces listes marque avant tout une grande légèreté prise avec la démocratie européenne, tant les candidats et leurs points de chute ont été choisis sur des critères ayant peu à voir avec le travail parlementaire et la nécessité de créer un lien entre le peuple et les institutions européennes.

Ainsi, le parachutage est une pratique généralisée. La création de circonscriptions était une chance pour que chaque citoyen puisse mieux identifier ses représentants au Parlement Européen. En effet, trop souvent les gens ont l'impression que les décisions européennes tombent d'en haut, sans pouvoir rien y faire. C'est pour cela, qu'entre autres, ils doivent pouvoir s'adresser à leurs députés au Parlement Européen, et pour cela, ils doivent savoir qui s'occupe d'eux spécifiquement. En mettant des candidats qui ne sont pas originaires de régions pourtant vastes sur les listes, cet objectif est manqué. La probabilité sera forte qu'ils seront par la suite peu en lien avec les territoires qui les ont élus, ce qui favorisera ce sentiment d'abandon. C'est avec une inconséquence flagrante que le Parti Socialiste a envoyé par exemple Vincent Peillon dans le Sud Est et Henri Weber dans le Centre, alors qu'ils étaient auparavant élus dans le Nord Ouest, que le Modem a envoyé Sylvie Goulard dans l'Ouest alors qu'elle n'a jamais habitée dans l'une des trois régions qui forment cette circonscription, ou bien que l'UMP a mis Michel Barnier tête de liste dans l'Ile de France, alors que lui-même souhaitait rester fidèle à la Savoie dont il fut élu jusque là.

Un autre souci est le fait de choisir des candidats sans considération pour l'apport qu'ils auront une fois élus au Parlement Européen. Le député socialiste sortant Gilles Savary, considéré comme l'un des plus travailleurs au Parlement parmi les Français, n'est sur aucune liste, alors qu'il souhaitait continuer. Un autre expert des questions européennes, Alain Lamassoure, a été relégué en troisième place sur sa liste par l'UMP, au profit de Dominique Baudis, considéré comme plus médiatique. Le fait de forcer Rachida Dati à se faire élire à Strasbourg ne rend service ni à elle, ni à l'Ile de France. De son côté, François Bayrou continue lui aussi de recruter des célébrités pour faire office de tête d'affiche pour ses listes. Dans le Sud Ouest, il avait ainsi fait élire Jean-Marie Cavada en 2004, mais cinq ans plus tard, c'est Jean-Marie Cavada qui s'y colle.

Il faut dire que les élections européennes sont souvent une bonne occasion de recycler des personnalités politiques qui n'ont pas réussi à se faire élire ailleurs. Pierre Moscovici, qui était le premier à se dire passionné par l'Europe, a toujours essayé d'échapper au Parlement Européen, dans lequel il se réfugiait lorsqu'il perdait les législatives. En 2007, il a réussi à se faire élire à l'Assemblée Nationale, et démissionna aussitôt de son mandat européen. C'est la même chose pour Vincent Peillon, qui doit sa place de tête de liste sûre d'être élue à ses alliances politiques, mais qui ne réussit pas à se faire élire sur son nom propre malgré ses différentes tentatives. Les candidats Modem relèvent également de cette catégorie : Marielle de Sarnez se présente à toutes les élections, et aurait quitté le Parlement Européen il y a deux ans en cas de victoire aux législatives. Dans le Sud Est, Gilles Artigues est un ancien de l'Assemblée Nationale qui cherche à se recaser après avoir été élu. C'est en fait de façon massive que les candidats présentés par François Bayrou s'avèrent être des vaincus lors d'élections précédentes.

Le pire, c'est lorsque l'opportunisme politique pousse à promouvoir des candidatures de personne ayant même une vision de l'Europe contraire à celle des partis qu'ils représentent. Les Verts, censés être un parti parmi les plus engagés en faveur d'une Europe fédérale, ont fait de José Bové, l'une des personnes les plus hostiles au Traité Constitutionnel Européen, en tête d'une de leurs listes. La différence de position avec celle de Daniel Cohn-Bendit est ici frappante, mais ne semble gêner personne. A l'Est, c'est Jean-François Kahn qui est à la tête de la liste Modem : il partage avec François Bayrou la même obsession anti-sarkozyste, mais ne dit rien sur l'Europe. Et pour cause, vu qu'il soutenait le très eurosceptique Jean-Pierre Chevènement en 2002. Autre ancienne chevènementiste à se retrouver sur des listes de personnes favorables à la construction européenne : Marielle Gallo, qui a comme seul mérite d'être l'épouse d'un écrivain ayant soutenu Nicolas Sarkozy en 2007. Du côté du PS, cela fait bien longtemps que plus personne ne recherche la cohérence en matière d'Europe. Benoît Hamon et Pervenche Berès ont à nouveau une place de choix malgré tous leurs efforts pour saborder l'Europe.

Le vrai problème s'avère être le mode de scrutin à la proportionnelle. Le fait de créer une liste permet d'effacer les questions que l'on pourrait se poser sur les candidats au profit de l'expression d'un suffrage global en faveur de partis politiques. Cela déresponsabilise terriblement les candidats. Ceux qui sont en tête de liste sont certains d'être élus, et n'ont qu'à se concentrer sur les questions purement politiciennes internes à leurs partis pour être sûrs de garder une bonne place lors la prochaine élection. Ceux qui sont en deuxième moitié de liste n'ont absolument aucune chance d'être élus, et se désintéresse également de la campagne électorale. Les quelques personnes qui restent dont l'élection est possible mais pas certaine n'ont pas la visibilité suffisante pour faire la différence. Ce système favorise le mépris des partis politiques envers la constitution de listes sérieuses, alors que les questions européennes sont déjà souvent vues comme peu intéressantes car peu médiatisées. Il n'est alors pas étonnant de voir naître un tel divorce entre le peuple et les institutions européennes. L'Europe mérite mieux.

samedi 9 mai 2009

30 ans d'élections européennes

C'est aujourd'hui la fête de l'Europe. Le 9 mai 1950, Robert Schuman et Jean Monnet ont appelé à une gestion commune de ressources naturelles entre pays européens, dans un esprit de pacification. Cela a amené à la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, première étape d'une union économique qui aura vocation à être de plus en plus politique. Dans cet esprit, le Parlement Européen, à l'avis d'abord consultatif et issu des parlements nationaux, fut élu au suffrage universel à partir de 1979. Voilà donc trente ans que les citoyens européens ont la possibilité de voter pour élire les députés européens. Ceux-ci ont progressivement vu leurs pouvoirs s'étendre, et en gagneront de nouveaux si le Traité de Lisbonne est bien adopté.

Le Parlement Européen a désormais son mot à dire sur la composition de la Commission Européenne, et a de ce fait permis la chute de la Commission Santer en 1999. En 2004, la première composition de la Commission proposée fut également rejetée par le Parlement, ce qui força José Manuel Barrosso à effectuer plusieurs changements dans l'équipe qu'il avait prévu. En outre, le Parlement Européen a un fort pouvoir de contrôle. La célèbre directive Bolkestein sur la libéralisation des services fut ainsi profondément remaniée, à tel point que la clause du pays d'origine en fut éliminée. Encore dernièrement, des décisions importantes ont été prises en matière de régulation financière (notamment sur les exigences à avoir de la part des banques et des agences de notation) et de politique énergétique commune. D'une manière générale, l'Union Européenne a le premier rôle dans toutes les questions de régulation, et le Parlement Européen est au centre de ces institutions.

Le travail législatif européen impacte donc la vie quotidienne de tout à chacun, il est donc logique que tout le monde ait la possibilité de s'exprimer sur les représentants qui accomplissent ce travail. Mais le Parlement Européen est autant influent que peu médiatisé. Son travail sérieux et souvent sans polémique car réalisé dans la concertation peut ressembler à un sujet aride. Il est bien plus facile de (mal) expliquer des choix européens sans faire apparaître que l'on y a une part. Il est effectivement souhaitable que les députés européens fassent la démarche d'être plus présents auprès de leurs électeurs pour leur expliquer leurs décisions, mais à l'approche des élections européennes, chaque citoyen a également le devoir de prendre l'initiative et de se pencher sur le travail réalisé par la dernière législature et les projets proposés par les différents candidats.

En tant que fête de l'Europe, ce jour marque donc un bon point de départ pour la campagne des élections européennes. Les élections sont dans moins d'un mois, le 7 juin, et seront probablement marquées par une forte abstention, à l'instar des éditions précédentes. Ce n'est pas une raison de s'éloigner pour autant des enjeux européens : de même que la honte de l'abstention est collective, c'est à chacun de s'impliquer sur des questions qui engagent notre avenir.

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