L'hebdomadaire The Economist a publié en juin dernier un article comparant la Belgique à l'ensemble de l'Union Européenne. Le résultat est frappant, et même inquiétant. Pour résumer, les Belges seraient d'autant plus prompts au démantèlement de leur Etat que les régions autonomes qui en résulteraient se placeraient d'emblée sous la protection européenne. Ils sont donc très favorables à la construction européenne, en l'occurrence dans la perspective d'une Europe des régions. Ils pourraient donc solder par ce biais la contradiction d'un Etat réunissant des Wallons dépensiers et bon vivants à des Flamands économes et travailleurs. Néanmoins, l'Union Européenne souffre en fait du même mal.

En effet, la crise économique et financière récente a encore une fois mis l'accent sur les différences culturelles entre le nord et le sud de l'Europe. Les pays du nord, emmenés par l'Allemagne, se soucient fortement de leur orthodoxie financière. Le personnel politique doit veiller à ce que le budget public soit à peu près équilibré, et cela implique soit des taux d'impositions importants, soit des dépenses publiques fortement maîtrisées. Forcément, la population est mise à contribution pour que cela soit tenable. Le temps de travail hebdomadaire est alors plus long, les jours de congés payés moins nombreux, et la retraite plus tardive. De l'autre côté, dans les pays du sud, la première priorité est le "bien être social", ce qui est compris comme le fait d'avoir le maximum de bénéfices (services publics, assurance maladie et vieillesse, augmentation du pouvoir d'achat...) pour le minimum de travail possible (celui-ci étant toujours considéré comme une contrainte). La plupart du temps, l'écart entre les revenus et les dépenses est tel que le fonctionnement des institutions publiques est financé à crédit. La Grèce explose aujourd'hui de ce déséquilibre. Cela fait des décennies que la France a pris la tête des pays latins dans la croisade contre une orthodoxie financière jugée toujours trop stricte. Si l'Espagne a connu le plein emploi grâce à une bulle immobilière, les pays du sud paient la plupart du temps leur protection des travailleurs en poste par un chômage important.

L'Europe, construite sur l'Alliance franco-allemande, serait donc un mariage de la cigale et de la fourmi. La colère des Allemands, devant travailler jusqu'à 67 ans, face à la perspective de devoir sauver une Grèce très généreuse envers ses employés, est loin d'être neutre. A l'heure actuelle, l'Union Européenne n'est pas plus un Etat nation que la Belgique. Le risque pèse donc toujours que les forces à l'oeuvre dans la séparation de la Belgique se retrouvent au sein de l'Union Européenne toute entière. Un équilibre doit être trouvé. Et les séparatistes flamands devraient également se poser la question des répercussions à long terme de leurs ambitions.