Réflexions en cours

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samedi 24 novembre 2007

L'éventualité d'une union méditérranéenne

Le projet d'union méditerranéenne défendu par Nicolas Sarkozy et son conseiller Henri Guaino surprend les capitales européennes, qui ne s'attendaient pas à voir un nouveau grand projet mis sur la table à la grâce d'une campagne présidentielle française. Malgré des réticences initiales des deux côtés de la Méditerranée, la pensée principale s'est révélée être un "pourquoi pas" lorsque fut décidé le rattachement du concept au Processus de Barcelone, signifiant ainsi que c'est toute l'Union Européenne qui allait entrée dans cette nouvelle union, plutôt que les seuls membres ayant des côtés sur la mer en question.

Le contenu de l'union méditerranéenne n'est pas une préoccupation majeure : ce serait certainement l'occasion de faire une zone de libre échange entre l'Europe et des pays d'Afrique du Nord, du Proche-Orient et de l'Asie mineure. Ce à quoi pourrait se greffer certains projets concrets, tels que la gestion des voies maritimes. Enfin, tout le processus pourrait contribuer à favoriser la paix entre les pays concernés, à l'heure où certains se font peur à force d'aligner les incompréhensions. Mais justement elle ne pourrait probablement pas aller plus loin : les différences de conception politiques sont trop marquées, et il n'y a aucune chance que les différents peuples concernés acquiescent au moindre partage de souveraineté. Il faut dire que certains pays arabes sont des dictatures historiques, et le clivage politique de quelques pays se fait entre les islamistes et les nationalistes. Cela ne peut être en aucun cas un terrain fertile pour une union véritablement politique.

Néanmoins, ces collaborations peuvent être utiles à tout le monde, et dès lors elles ne doivent pas être négligées. L'union méditerranéenne peut être le partenariat privilégié entre l'Union Européenne et des pays non-européens qui avait déjà été évoqué par des personnalités politiques européennes depuis bien longtemps. Certains pays, comme la Turquie ou le Maroc, n'ont pas vocation à entrer dans l'Union Européenne, mais peuvent apporter et bénéficier des avantages inhérent à ce nouveau type d'union. Alors que l'Union Européenne ne peut plus veiller à la fois s'élargir et approfondir ses politiques, elle peut en revanche progresser dans ses affaires internes, et créer un nouveau partenariat, bien moins contraignant, avec les pays qui ne sont pas en Europe mais avec lesquels elle souhaite entretenir d'excellentes relations fertiles. Et il faut assumer dès le départ cet aspect là de l'union méditerranéenne, sous peine d'être menacé par des malentendus encore plus dangereux s'ils se révèlent trop tard.

mercredi 14 novembre 2007

Indépassable Etat-nation

Le fédéralisme au niveau européen peut être un excellent moyen de prolonger la construction européenne, dans le sens où il permettrait aux citoyens européens de s'approprier les mécanismes de décision de l'Union Européenne. Le but est de prendre en compte leur avis par des procédures démocratiques, et de favoriser leur sentiment d'appartenance à un même ensemble, pour qu'ils prennent conscience d'une communauté de destins entre les différents peuples d'Europe. Seulement, il faut être réaliste. Parmi les partisans du fédéralisme européen, il en existe certains qui trouvent que le concept de nation n'a apporté que des guerres, et donc militent pour la disparition des nations, d'abord au niveau de l'Europe, et dans l'idéal au niveau de l'humanité. Peut-être ne se sentent-elles pas elles-mêmes concernées par le concept de nation, mais c'est une grave erreur que de le sous estimer et de le prendre de haut. Il est même assez vain de vouloir lutter contre ce concept.

L'Histoire a montré qu'il n'était pas possible de faire vivre dans un seul pays plusieurs nations différentes. De telles situations existent, mais ne sont pas viables sur le très long terme, sur plusieurs siècles. En Europe, on l'avait constaté par exemple avec l'Empire d'Autriche-Hongrie, ou avec la question des Balkans. Encore aujourd'hui, les déchirements entre les Wallons et les Flamands actuellement montrent l'impossibilité d'unions forcées entre des peuples bien distincts. C'est quelque chose dont il faut tenir compte dans la construction européenne. L'Etat nation est aujourd'hui indépassable, et cela veut dire que pour les décisions les plus importantes, telles que l'adoption de traités institutionnels ou l'entrée de nouveaux membres, chaque Etat composant l'Union Européenne doit donner son accord. Il est donc hors de question d'imposer à un pays des décisions sur les principes mêmes de l'Union qu'il n'accepterait pas. Car dans une telle éventualité, c'est un sentiment d'incompréhension et de rejet profond qui éclaterait au sein de la population du pays concerné. L'Union Européenne ne doit pas s'opposer aux Etats nations, elle doit leur être complémentaire, toujours sur le principe qu'il faut prendre les décisions au niveau où elles sont le plus pertinentes.

On pourra objecter que le concept de nation est en fin de compte assez récent, ne datant que du début du XIXème siècle, et qu'il doit justement être dépassé comme la nation avait fait oublier les identités régionales. Seulement, les identités régionales ne sont pas mortes, c'est juste la force du lien établi par la nation qui s'est posée au-dessus et les a rendues moins perceptibles. Quelqu'un peut avoir des attaches pour son quartier, son terroir, sa région, son pays et pour l'Europe à la fois, sans que l'une de ces attaches nuise à une autre. C'est pour cela que d'une part il est souhaitable qu'il y ait un sentiment d'appartenance des citoyens européens à un même espace géographique, et d'autre part que ce lien en construction ne se fasse pas en opposition à ceux qui existent déjà. Car ce serait dans une telle situation que le rejet voire les risques de violence seraient les plus grands.

dimanche 4 novembre 2007

La CED, une occasion manquée

Au début des années 50, Jean Monnet lança l'idée d'une mise en commun des forces militaires européennes alors que les risques de conflit avec le bloc de l'est étaient extrèmement élevés. L'idée était d'une part d'avoir une alliance très solide entre pays d'Europe occidentale, et d'autre part de permettre le réarmememnt de l'Allemagne en mettant son armée sous un contrôle commun. Ainsi, en même temps que se mettait en place la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) entre la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, une union militaire européenne était en construction entre ces mêmes pays à travers ce qui devait s'appeler la Communauté Européenne de Défense (CED). La discussion sur ce sujet commence en 1950, pour arriver à un accord entre gouvernements le 27 mai 1952. A cette époque déjà, la CED est placée dans le cadre des institutions de la CECA, et fait partie du plan plus vaste que représente l'OTAN, l'alliance de tout le bloc occidental.

Le plan est prometteur, mais s'avère finalement trop ambitieux. En effet, le débat sur l'entrée dans la CED est vif en France, et à l'époque de la IVème République, c'est à l'Assemblée Nationale que se déroulent les échanges verbaux musclés. Si les chrétiens démocrates et une partie des socialistes et des radicaux s'activent en faveur de la ratification du traité en question, les députés communistes luttent contre, principalement parce que l'objectif final est d'avoir les moyens de lutter contre les soviétiques. Ils sont rejoints en cela par les gaullistes, qui souhaitent préserver la souveraineté de la France sur son armée. Même si la France a obtenu de pouvoir ne déléguer qu'une partie de ses troupes à la CED, le fait que la structure soit placée sous commandement américain à travers l'OTAN s'avère fâcheux. Et pour beaucoup de Français, la perspective de réarmer l'Allemagne alors que les souvenirs de la guerre sont encore si frais n'a rien d'évident. C'est ainsi que la CED finit par être repoussée par la France en 1954, et à l'instar de ce qu'il se passera pour le Traité Constitutionnel Européen 50 ans plus tard, c'est tout l'édifice qui s'effondre.

Evidemment, l'Allemagne n'est pas empêchée de se réarmer pour autant. C'était d'une part nécessaire dans le cadre de la guerre froide, et il fallait de plus sortir de ce cadre de défiance entre elle et la France pour faire avancer la réconciliation. Mais la principale victime de l'affaire est la perspective même de politique européenne de la défense. Certes, celle-ci n'a rien d'évident. Et cela d'abord car rares sont les situations de politique étrangère où tous les pays européens parlent d'une même voix, chacun étant tributaire de sa propre tradition dipolomatique et d'impératifs de politique intérieure. Mais il reste que l'idée de politique européenne de défense est pertinente, dans ce qu'elle peut permettre d'atteindre plus facilement une masse critique suffisante en terme de troupes, de faciliter les programmes d'investissements en recherche et en investissement, ou bien d'amplifier la voix de l'Europe qui est bien faible quand elle est divisée sur la scène internationale. Aujourd'hui, chaque armée européenne reconnaît la nécessité d'une mise en commun des forces militaires. Pourtant, si celle-ci est actuellement possible, c'est surtout dans le cadre de l'OTAN, qui reste l'instrument des Etats-Unis. Un instrument qui peut parfois avoir sa pertinence, mais qui limite l'indépendance de l'Europe.

Aujourd'hui, comme à l'époque de la CED, la question de l'OTAN reste donc centrale dans la définition d'une politique européenne de défense. C'est d'ailleurs l'occasion de constater que la question a en fin de compte peu avancé en 50 ans. A ce titre, la CED représente une belle occasion manquée, au vu du retard qui s'accumule sur une problématique pourtant pas négligeable. A l'heure où les institutions européennes semblent devoir se stabiliser après le Traité de Lisbonne, il est temps de travailler sur certains des grands dossiers de politique européenne qui ont été trop oubliés par le passé. La politique européenne de défense en fait partie.

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