Réflexions en cours

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mardi 28 février 2012

Et si on laissait tomber la Cour Européenne des Droits de l'Homme ?

La Grande Bretagne cherche à réformer la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Elle a actuellement la présidence pour six mois du Conseil de l'Europe, dont dépend cette institution judiciaire. C'est une belle fenêtre pour avancer ses vues. Il faut dire que les Britanniques sont furieux après des condamnations pour le moins controversées. La CEDH reproche ainsi à la Grande Bretagne de priver de droit de vote ses détenus, une pratique qui a cours depuis presque toujours. Cela fait partie de la punition, considèrent en somme les Britanniques, qui n'ont aucune envie de changer la loi correspondante. La CEDH considère qu'il faut laisser la libre opinion du peuple s'exprimer, et que les prisonniers en font partie. Mais ce n'est pas la seule affaire qui pose problème : le gouvernement britannique reproche également à la CEDH de l'avoir forcé à libérer un islamiste plutôt que de l'extrader en Jordanie, où sa présence était demandée. Déjà qu'en temps normal la Grande Bretagne est vigilante sur son indépendance, mais quand on lui demande d'agir contrairement à ce qu'elle considère son propre intérêt, elle explose.

Seulement, sur ce coup, elle n'a pas forcément tort. On peut d'ailleurs être fédéraliste européen, et juger que la CEDH est devenu un vrai problème, une institution dévoyée et en roue libre. Pour commencer, contrairement à son intitulé, elle n'est pas spécialement liée à l'Europe, puisque la Turquie, un pays asiatique, en fait partie. Elle n'a par ailleurs aucun lien avec l'Union Européenne, qui reste l'authentique projet de construction européenne. Ensuite, les droits de l'homme sont devenus un prétexte pour rendre des décisions concernant n'importe quel sujet. La position de la CEDH comme ultime recours, soit après la cour de cassation en France, permet à tous les marathoniens de la procédure d'y envoyer leur dossier, espérant que via la loterie du jugement, une décision favorable vienne mettre à mal une justice locale trop peu conciliante. On arrive donc à une inflation démesurée des recours et des arrêts rendus, près de 900 par an aujourd'hui, contre une dizaine il y a une trentaine d'années. Même avec les nouvelles adhésions, un tel volume ne se justifie pas.

Le souci, c'est que la CEDH a depuis développé une fâcheuse tendance à outrepasser le rôle qui lui a été confié. C'est encore une fois la vieille rengaine de l'homme qui a un marteau, et qui voit tout sous forme de clous à enfoncer. Au départ, les droits décrits dans le titre I de la Convention européenne des droits de l'homme sont en nombre assez restreint et vise les plus grands droits reconnus pour les citoyens de démocraties. Seulement, la CEDH raisonne aujourd'hui "par extension". Elle n'applique plus seulement la Convention européenne des droits de l'homme, mais tout un tas de textes internationaux qui ont été écrits à travers le monde depuis... et ce, alors qu'elle n'en a pas été chargé. Elle a également une vision très large de l'application des droits, bien plus que dans l'esprit initial du texte.

En conséquence, les décisions surprenantes voire presque incompréhensibles se multiplient. En 2009, l'interdiction des crucifix dans les salles de classes italiennes, où leur présence est une longue tradition, avait provoqué un tollé. Finalement, deux ans plus tard, elle est revenue en arrière en décidant que les crucifix ne posaient aucun problème. Neuf ans de procédure pour arriver à ça...

Plus récemment, l'Italie a été condamnée pour avoir rejeté l'entrée sur son territoire de migrants somaliens et érythréens qui venaient de Libye. La CEDH s'est appuyée dans cette décision sur une interdiction du refoulement qui n'est absolument pas dans le texte qu'elle est chargée d'appliquer. Le texte de l'arrêt le reconnaît, mais avance que la Cour interprète ou admet au-delà. L'interdiction des traitements inhumains ou dégradants est alors invoqué pour justifier une innovante interdiction du refoulement. Et ce, alors qu'il ne s'agit que d'un risque, et qu'il ne dépend pas de l'Etat qui ferme sa frontière.

Au bout du compte, lorsqu'on prend la peine de consulter les dizaines de pages que constituent tous ces arrêts, on découvre à quel point la CEDH se soucie désormais moins d'appliquer le droit que de prôner sa propre idéologie, fondamentalement subjective. Les considérations externes aux affaires s'y multiplient, et les juges montrent que leur métier consiste à façonner la société tels qu'ils voudraient qu'elle soit, non à simplement vérifier que les grands principes démocratiques sont appliqués.

Avec tout cela, le danger est que la CEDH devienne de moins en moins pertinente, à force d'outrepasser ses compétences. Le besoin de réforme se fait donc nettement sentir. Sinon, c'est son existence même qui pourrait être menacée à terme. Après tout, dans les pays démocratiques, les institutions politiques et judiciaires ordinaires suffisent déjà à appliquer les droits de l'homme. Si l'Italie et la Grande Bretagne ne sont pas des démocraties, alors il n'y a aucune démocratie dans le monde... Quel était alors le besoin d'un recours supplémentaire, bien plus éloigné ? La Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne s'applique ainsi suivant un strict respect du principe de subsidiarité : si une question ne concerne pas l'Union Européenne elle-même, alors elle peut-être traitée par la juridiction nationale. Il est donc nécessaire de réformer la CEDH si l'on ne veut pas se poser la question de son abandon pur et simple.

vendredi 17 février 2012

10 ans d'euro

Demain, cela fera 10 ans que l'euro est la seule monnaie utilisable dans les commerces français. La double circulation du franc et de l'euro avait en effet duré 6 semaines, ce qui était un délai plutôt court pour faire le basculement. Mais pour être parfaitement exact, l'euro est la monnaie française depuis plus de 13 ans ! Il faut se souvenir que depuis le 1er janvier 1999, le franc n'était plus qu'un voile par rapport à l'euro, les taux de change étant parfaitement fixes entre les différents pays de la zone euro. Dès ce moment là, le double étiquetage avait commencé, et les consommateurs pouvaient se préparer à compter en euros pendant les trois années qui ont suivi.

Les accusations d'inflation générées par l'euro ont été injustes. L'inflation est un phénomène naturel qui a existé avant l'euro. La Banque Centrale Européenne a toujours veillé à ce que celle-ci reste modérée, aux alentours de 2 %. Très souvent, les gens ont tendance à comparer les prix d'aujourd'hui avec des prix en francs, comme si ceux-ci avaient été toujours été stables. Il arrive même, dans les micro trottoirs, que des personnes compare les prix actuels avec ceux en francs, mais datant de bien avant les années 90 ! C'est n'importe quoi. Quand on voit le détail des augmentations, on se rend compte que pour les produits de grande consommation, cela n'a rien de scandaleux. Ce n'est pas l'euro qui fait augmenter les prix, mais plus le manque de concurrence ou le manque de vigilance des consommateurs.

Bien sûr, en parlant de l'euro, il est difficile de ne pas évoquer sa crise actuelle, qui est plutôt celle des dettes souveraines. Il y a clairement une erreur qui fut commise, celle d'admettre la Grèce dans la zone euro, alors que ses comptes publics étaient truqués. Mais cela ne doit pas faire oublier les avantages de la monnaie unique européenne, au premier rang desquels la stabilité facilitant les échanges au sein des pays qui l'ont adopté. Pour les touristes ou les acheteurs en ligne, l'euro simplifie également bien les choses au quotidien. La stabilité permise par l'euro n'est pas un souci, contrairement à l'instabilité qui demeure entre les différentes monnaies mondiales qui co-existent. La libre fluctuation des cours permet des mouvements violents, qui ont des répercussions graves sur l'économie. Evidemment, il ne saurait (encore) être question d'une monnaie mondiale.

Quoi qu'il en soit, les problèmes monétaires ont pratiquement toujours existé. Déjà au XIVème siècle, la France hésitait entre une monnaie faible, avec le système des mutations monétaires qui permettait de financer la royauté sur le dos de la population, et une monnaie forte, stable mais rare faute de métal précieux. Les marchands de toile flamands s'étaient fait des fortunes en créant une monnaie prétendument au pair avec l'anglaise (avec qui ils commerçaient), mais en ayant juste un tout petit peu moins d'or par pièce. A l'époque, on ne théorisait pas encore l'économie, mais on n'en sentait pas moins les effets. Les problèmes monétaires, quelques soient leur forme, demeureront longtemps, mais avec l'euro, nous avons fait un pas vers une amélioration. Bon anniversaire à l'euro, et souhaitons qu'il dure longtemps !

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