Le Mouvement Européen France défend depuis des décennies la construction européenne avec un but fédéral. Avec ses milliers d'adhérents, il a par exemple fait campagne pour le Traité Constitutionnel européen. Cette association oeuvre donc en faveur de l'intérêt général en promouvant la construction européenne, dans une logique de paix, d'union, et d'efficacité. Malheureusement, cette dernière campagne fut un échec. Et à l'heure où l'Union Européenne est déboussolée par le refus français, il est temps pour le Mouvement Européen français de voir ce qu'il aurait pu mieux faire pour la promotion de ses objectifs. Auparavant, le président du Mouvement était coopté par son prédécesseur, par des accords tacites et d'obscurs équilibres entre partis. En effet, si l'association n'est pas apolitique dans la mesure où elle défend une certaine ligne politique en matière d'Europe, elle se veut transpartisane, ce qui veut dire que chacun laisse de côté ses convictions qui n'ont rien à voir avec la construction européenne pour combattre ensemble en faveur de celle-ci. Mais désormais, le président peut être élu par le Conseil National, ce qui est nouveau en soi, et cela a une importance dans la mesure où cette fois il y a deux candidatures. Ainsi, si le président sortant, Pierre Moscovici, se représente, il doit faire face à Sylvie Goulard, l'une des personnalités de l'association.

Pierre Moscovici présente dans sa profession de foi des idées intéressantes d'actions à venir pour le Mouvement Européen. Et il faut lui reconnaître l'introduction du débat dans l'association en permettant justement cette possibilité de multi-candidatures. Mais dans sa présentation, l'idée d'aborder la questions des frontières de l'Europe semble taboue : il ne voit en elle que la possibilité de division entre pro-européens, et s'avoue favorable à la poursuite des négociations entre l'UE et la Turquie jusqu'à leur terme. A vrai dire, il est d'autant plus hostile à ce genre de débat qu'il est personnellement favorable à l'adhésion turque. Et s'il refuse le débat sur un éventuel échec de l'adhésion turque, c'est pour d'autant mieux proposer comme priorité la tenue d'un débat sur les liens entre l'Europe et "l'espace méditerranéen", soit l'Afrique du Nord.

On pouvait penser que Pierre Moscovici, en tant que personnalité politique influente, aurait pu promouvoir avec force les idées du Mouvement Européen. S'il a effectivement souvent accès aux médias, c'est toujours en tant que membre du Parti Socialiste, et jamais en tant que président du Mouvement Européen. De plus, lorsqu'il s'exprime sur la construction européenne, c'est carrément pour se faire l'avocat passionné d'une Union Euro-Méditerranéenne, allant "de l'Arctique jusqu'au Sahara" selon l'expression de Dominique Strauss-Kahn, dont il est le lieutenant. Donc s'il se montre peu en avant pour le Mouvement Européen, il souhaite continuer à en être le président pour lui faire adopter ses propres idées d'espace euro-méditerranéen, qui n'a plus grand chose à voir avec l'idée d'Europe fédérale que l'association défend.

En face, la candidature de Sylvie Goulard a plusieurs mérites. D'une part, elle n'est pas une personnalité politique, ce qui lui permet d'être au-dessus du débat droite/gauche, en étant pas de la mêlée, et donc de s'affranchir d'accords millimètrés censés éviter de froisser les égos de chacun. De plus, lors de la prise de parole, ce ne pourrait être qu'en tant que présidente du Mouvement Européen. Car il faut plus qu'une simple association organisant des débats entre convaincus pour faire progresser le fédéralisme, il faut que celle-ci soit un porte-voix, un mégaphone de la cause européenne. Enfin, Sylvie Goulard n'hésite pas à aborder la question des frontières de l'Europe, et celle de la candidature turque. Car elle n'ignore pas que l'adhésion de ce pays changerait la construction européenne et anéantirait toute possibilité d'Europe fédérale. Défendre celle-ci c'est donc aussi combattre les obstacles qui lui sont prévus. Sa personnalité, son parcours, ses propositions sont donc les bonnes pour le Mouvement Européen, et c'est pour cela qu'il faut souhaiter sa victoire dans cette élection.