Réflexions en cours

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vendredi 28 septembre 2007

Les relations Gréco-Turques

A l'origine, la construction européenne a été entreprise pour faire la paix entre des pays qui se faisaient la guerre depuis des siècles. Après tout, entre la France, l'Italie et l'Allemagne, on s'étripe depuis le temps de l'Empire romain, à l'époque où ces pays étaient des peuples appelés les Gaulois, les Romains et les Germains. Mais il est possible de remonter encore plus loin dans les chroniques des guerres célèbres, seulement, pour cela, il est nécessaire de chercher un peu plus à l'est autour de la Méditérannée. Il y a bien sûr l'éternel conflit du moyen orient, qui semble être la conséquence de quelque décision divine, et dont personne ne verra la fin. Il y a aussi l'opposition entre les Grecs et les Turcs dont on retrouve la trace jusqu'à la guerre de Troie, les différentes cités grecques s'étant liguées pour affronter les Troyens dans un conflit resté fameux grâce au récit qu'en a fait Homère. Plus de 3000 ans après, les relations entre la Grèce et la Turquie sont toujours compliquées de nos jours, avec comme principal point d'acchoppement la question des zones d'influences sur la Méditérannée. Le règlement de la division de l'île de Chypre en est un exemple flagrant, mais ce n'est pas la seule île dont la souveraineté fait l'objet de tensions. Tout au long de l'après deuxième guerre mondiale, les incidents entre la Grèce et la Turquie se sont succédés dans la Méditerranée.

Aujourd'hui, la Grèce est devenue une démocratie européenne tout ce qu'il y a de plus ordinaire, et n'est donc plus tentée de faire du nationalisme à bon compte en prenant pour cible l'ennemi héréditaire turc. De son côté, la Turquie aimerait pouvoir rentrer dans l'Union Européenne pour pouvoir avoir une plus grande influence sur la scène internationale. Pour cela, elle est forcée d'adoucir ses positions en matière de politique étrangère. Cela n'est pas forcément évident, le nationalisme y ayant une vigueur encore dangereuse. Si toutes les tensions ne sont pas évacuées entre les deux pays, ils ont actuellement arreté de se voir comme d'implacables ennemis. La situation pourrait pourtant ne pas durer. Un regain de nationalisme pourrait remettre en cause ce nouvel équilibre, tout comme un éventuel passage de la Turquie dans le camps des Etats islamiques.

Au vu de la force du sentiment religieux militant en Turquie, cette dernière possibilité pourrait se faire de façon naturelle, par les urnes. Bon nombre d'experts en politique étrangère font d'ailleurs la promotion de l'adhésion turque dans l'Union Européenne pour cette raison de géopolitique : si on venait à lui refuser l'entrée, la Turquie pourrait être amenée à se brusquer et à prendre le parti de l'islamisme, devenant une menace douloureuse aux portes de l'Europe. C'est l'analyse que fait par exemple Michel Rocard, qui ayant abandonné tout espoir de fédéralisme européen se résoud à sacrifier l'Union Européenne pour éviter une menace turque, ainsi que Jacques Chirac, qui en tant que Président de la République française s'était fait l'ardent défenseur de la candidature turque.

C'est pourtant une analyse bien douteuse. Si la Turquie venait à entrer dans l'Union Européenne, cette dernière aurait dès ce moment une frontière avec des pays difficiles comme l'Irak ou l'Iran. De plus, rien ne garantit qu'une adhésion pourrait bloquer avec certitude la menace islamique en Turquie si elle est aussi forte que les pro-adhésions turque semblent le penser. Ce qui la rendrait dans ce cas encore plus alarmante. Surtout, la Turquie n'est en aucun cas condamnée à l'islamisme, et c'est justement refuser de croire en elle que de parier sur un tel scénario. Il n'y a pas de fatalité à éviter sans qu'on ait le choix de faire autre chose que de faire adhérer la Turquie. Car actuellement, le procédé relève de l'intimidation. Et ce n'est certainement pas le moyen de favoriser la paix et l'amitié entre les peuples.

jeudi 20 septembre 2007

La Roumanie de moins en moins pauvre

L'image de la Roumanie en France est celle d'un pays très pauvre, l'un des plus pauvres de l'Europe. Si le pays n'a jamais vraiment été dans le groupe de tête des pays les plus influents d'Europe, la période communiste n'a pas facilité non plus le développement économique roumain. Pourtant, cette perception de grande pauvreté est probablement surtout due au fait qu'il y a une certaine confusion en France entre la population nomade des Roms, qui sont originaires de Roumanie, et l'ensemble des Roumains. Aux Roms sont souvent associés l'idée qu'ils survivent par la mendicité et les vols, une image semblable à la plupart des gens du voyage. L'ouverture des frontières a permis l'entrée de nomades roms en France, fuyant la pauvreté dans leur pays d'origine, et laissant penser que la Roumanie étant effectivement un pays où règne une grande pauvreté. En fait, les Roms souffrent bien de pauvreté en Roumanie, mais ce n'est pas forcément le cas du reste des Roumains, qui forment une majorité ethnique. Dans son ensemble, la Roumanie est loin d'aller aussi mal que cela, bien au contraire. A l'instar du reste de l'Europe de l'est, la fin de l'emprise soviétique (traduite là-bas par une spectaculaire révolution contre le dictateur communiste local, Ceausescu) a permis une forte croissance, résultat d'un phénomène de rattrapage vis-à-vis des pays de l'Europe de l'ouest.

Ainsi, la Roumanie s'est fortement développée dans la dernière décennie, connaissant des taux de croissance largement supérieurs à 5 %. Certes, la base initiale fait qu'il faudra encore du temps pour que la Roumanie arrive à un niveau semblable de PIB par habitant à ne serait-ce que celui de pays comme la Hongrie. Il reste une véritable hétérogénéité des niveaux de vie dans les pays de l'Europe centrale et orientale. Mais la forte croissance de la Roumanie se fait non seulement sur sa main d'œuvre bon marché, mais également sur la création de véritables compétences technologiques dans divers domaines, comme celui des machines outils. Le succès des voitures Logan, produite par le fabricant local Dacia dans le cadre d'une alliance avec Renault, en Roumanie mais aussi dans le reste de l'Europe est un symbole de ce qui peut y être fait en terme de produits de qualité et de faibles coûts. Avec la Bulgarie, la Roumanie est entrée dans l'Union Européenne le 1er janvier dernier, et s'attèle désormais à atteindre les critères de Maastricht pour pouvoir adopter l'euro. Dans ce cadre, les finances publiques sont saines : les déficits publics représentent moins de 3 % du PIB, et la dette publique elle ne représente que 20 % du PIB, ce qui est bien loin des 65 % français. Le seul obstacle restant à l'adoption de l'euro est l'inflation assez forte, de l'ordre de 6 %, conséquence de la surchauffe de l'économie roumaine. De même, la Roumanie fait bien mieux que plusieurs pays d'Europe de l'est, et en premier lieu la France, avec un taux de chômage qui tourne autour des 4,5 %.

Vu comme cela, il y a bien moins lieu de s'inquiéter pour ce pays qui se développe très vite, de la même manière d'ailleurs que sa voisine la Bulgarie. La persistance de la présence des Roms en France est plus la conséquence d'une discrimination en Roumanie (et qui existe aussi en France d'ailleurs) que l'absence de perspectives de développement pour le pays. Si le chemin du rattrapage est encore long pour la Roumanie, celle-ci peut au moins se féliciter que l'horizon soit dégagé pour elle.

mercredi 12 septembre 2007

Les trois capitales de l'Europe

La polémique sur le siège du Parlement Européen refait surface fréquemment. Les députés européens ne sont pas les derniers à s'y engager, ils rejettent en majorité le fait que le Parlement Européen soit séparé en deux, et doive être transféré en fonction des sessions. Le Parlement se réunit en séance plénière à Strasbourg, et en séances restreintes et en commissions à Bruxelles. Le coût de ces transferts réguliers est de 200 millions d'euros pour l'Union Européenne. Non seulement ces dépenses sont inutiles, mais le fait même que les députés européens doivent osciller entre deux de travail est absurde. Il est donc rare de trouver de véritables soutiens à cette division du Parlement Européen. Mais se pose alors la question de la ville qui doit tout regrouper. Les députés européens préfèrent Bruxelles, où ils ont leurs habitudes. En tant que capitale de la Belgique, la ville est très grande, dispose de tous les équipements, et en tant que siège de multiples autres institutions, est déjà largement polyglotte. Le fait que la Commission Européenne s'y trouve déjà peut être vu comme une façon de faciliter l'influence (réciproque) entre ces deux organes de l'Union Européenne. Mais l'on peut se demander si justement l'exécutif et le législatif de l'Union Européenne ont besoin d'être centralisés au même endroit.

Ce n'est de toutes façons pas les députés européens qui choisissent où ils siègent, puisque c'est décidé dans les Traités discutés entre les gouvernements. Historiquement, il y a trois capitales à l'Union Européenne : l'exécutif, c'est-à-dire la Commission Européenne est à Bruxelles, le législatif, soit le Parlement Européen, est à Strasbourg, et la capitale du Luxembourg est également l'un des sièges de l'Union, en abritant notamment la Cour de Justice des Communautés européennes. Le Luxembourg n'héberge pourtant pas la Cour Européenne des Droits de l'homme, qui est à Strasbourg, mais accueille néanmoins le secrétariat général du Parlement Européen, ainsi que certains services de la Commission Européenne. Un échange pourrait être fait, pour que Luxembourg puisse être le centre des institutions judiciaires de l'Union Européenne, et que Strasbourg regroupe tout ce qui constitue le Parlement Européen. La France refuse que la ville alsacienne voie partir le Parlement, alors qu'elle est aujourd'hui complètement consacrée au projet européen. Le fait qu'une des capitales de l'Union Européenne soit à Strasbourg est un symbole majeur en soit. Après tout, l'Europe s'est faite sur le refus de la guerre, d'abord via l'alliance entre l'Allemagne et la France. Et en moins d'un siècle, il y eut pas moins de trois guerres entre ces deux pays, portant (entre autres), sur la domination de l'Alsace et la Lorraine. Ces basculements ont fait de l'Alsace un territoire disposant d'une double culture, d'une grande ouverture et d'une forte sensibilisation sur les enjeux européens. Faire de cette ville une capitale européenne est un signal d'apaisement et d'ambition de développement commun.

Evidemment, Strasbourg a été longtemps mal desservi par les infrastructures. Il y a désormais le TGV Est, qui la relie plus rapidement à Paris, et qui pourra accélérer à terme également les liaisons avec Francfort ou Stuttgart. On peut néanmoins regretter l'absence d'une autre ligne à grande vitesse qui relierait Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg, les trois capitales européennes. Pour qu'il n'y ait qu'une capitale européenne, il faudrait qu'elle semble peu attachée à l'un ou l'autre des pays de l'Union. Cela peut être le cas de Strasbourg. Mais cela pourrait également être le cas de Bruxelles, de façon surprenante, sur le long terme. En effet, en cas d'implosion de la Belgique, son actuelle capitale serait l'objet d'un conflit politique pour savoir quel serait alors son statut, alors qu'elle est actuellement l'une des trois parties de la Belgique, une ville neutre et censée être bilingue. Une solution pourrait être d'en faire une ville internationale, entièrement dévolue à l'Union Européenne. Mais une telle évolution ne relève que d'échéances très lointaines, en plus d'être loin d'être certaine. En attendant, si certaines institutions peuvent être déplacées, cela ne doit pas forcément être fait dans le but de sacrifier l'une des capitales de l'Union Européenne au profit d'une autre.

mardi 4 septembre 2007

L'économie hongroise, représentative de ses voisines

A l'occasion d'une tournée de tous les pays d'Europe avant que la France ne prenne la présidence de l'Union Européenne, Nicolas Sarkozy va bientôt visiter la Hongrie. Il est assez rare que ce pays, pourtant membre de l'Union Européenne depuis trois ans, soit évoqué dans les médias français. La dernière fois, ce fut lorsque le Premier ministre hongrois avait avoué, dans un enregistrement rendu public à ses dépens, avoir menti à la population pendant son premier mandat et sa campagne de réélection, et n'avoir rien fait pour améliorer les finances publiques jusque là. La révélation avait provoqué des protestations d'une partie de l'opposition, alors que le Premier ministre refusait de démissionner (et reste d'ailleurs actuellement au pouvoir). Mais ces événements datent de pratiquement une année. D'une manière générale, cette faible couverture de l'actualité des pays de l'Europe de l'est est probablement le résultat d'un relatif éloignement géographique, ainsi que de la taille modeste de plusieurs de ces pays. La Hongrie a une population de dix millions de personnes, et est assez représentative de l'ensemble des pays de l'Europe centrale et orientale.

Ces pays différaient d'ailleurs peu de ceux de l'Europe de l'ouest à l'époque médiévale. Le royaume de Hongrie a vécu comme les autres jusqu'à la Renaissance, où il fut envahi par l'Empire Ottoman pendant un siècle et demi. A la suite de la victoire de l'Autriche contre les Ottomans, les Autrichiens ont profité de leur contre-offensive pour dominer la Hongrie, qui finit par devenir son égal au sein de l'Empire d'Autriche-Hongrie. Dans cet ensemble, la Hongrie avait par elle-même des frontières très élargies par rapport à celles qu'elle connaît aujourd'hui, englobant des parties de la Roumanie, de la Slovaquie et de la Yougoslavie. L'ensemble composite allait devenir la proie des nationalismes, aboutissant in fine à la première guerre mondiale. Le pays tient alors son rang dans le concert européen, bien que n'étant pas arrivé à un stade aussi avancé de la révolution industrielle que dans l'Europe de l'ouest. La Hongrie rentre ensuite dans les années trente dans la sphère d'influence des nazis, et à la suite de la seconde guerre mondiale, passe sous domination soviétique, qui lui impose un régime communiste.

Cette évolution est mal acceptée par le peuple qui n'était certainement pas demandeur. Les Hongrois arrivent en 1956 à desserrer l'étreinte stalinienne lors de l'insurrection de Budapest, qui bien qu'écrasée par l'Armée rouge, permet un assouplissement sur les dogmes communistes. Certes, le Parti Communiste est toujours le parti unique en contrôle des affaires, mais il y a alors une plus grande liberté d'agir et d'expression en Hongrie, ainsi qu'une meilleure efficacité économique, les biens de consommation étant plus privilégiés qu'en URSS. Il est d'ailleurs notable que parmi les pays du bloc soviétique, plus un gouvernement disposait d'autonomie par rapport à l'URSS, et plus les libertés de la population étaient fortes, et meilleur était le développement économique. C'est ainsi en Roumanie, où l'obscurantisme soviétique était le plus fort, que la pauvreté a été (et reste) la plus forte, tandis qu'en RDA, très autonome selon les standards des pays du Pacte de Varsovie, la satisfaction des besoins de la population était la plus grande. Il suffit ensuite de comparer l'énorme écart de développement entre la RFA et la RDA au moment de la réunification, alors qu'il s'agissait d'un seul pays avant la guerre, pour se rendre compte du gâchis réalisé par le communisme dans les pays de l'Europe centrale et orientale.

Evidemment, la transition à l'économie de marché est difficile au début des années 90. Mais ces pays connaissent un certain effet de rattrapage auquel la Hongrie ne fait pas exception. Ainsi, si l'économie hongroise est encore relativement éloignée de celles de ses voisins de l'Ouest, elle progresse quand même à un rythme satisfaisant. Ce qui est plus inquiétant, c'est le déficit important du budget public, atteignant chaque année 10 % environ du PIB. C'est bien éloigné des 3 % requis par le Traité de Maastricht pour se qualifier pour l'euro, et la Hongrie devra encore patienter pour adopter la monnaie unique, peut-être encore une demi-douzaine d'années. Elle n'est pas la seule : si la Slovénie et Malte se sont qualifiés pour une adoption en 2008, nombreux sont encore les pays de l'Europe de l'est qui peinent à atteindre les critères de Maastricht, ce qui retarde considérablement les échéances prévues initialement. En ce sens, la Hongrie est bien représentative des économies de l'Est de l'Europe. Mais ils n'ont bien sûr pas le monopole du souci du déficit public...

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