Réflexions en cours

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mardi 24 février 2009

La faillite islandaise

On n'aura jamais autant parlé de l'Islande que ces derniers mois. Cette île peu peuplée se plaisant dans un certain isolationnisme confortable était jusqu'à présent habituée à une certaine discrétion. Autrefois vivant quasi exclusivement de la pêche, l'Islande s'est, au cours des dernières décennies, considérablement développé, s'appuyant sur le dynamisme de son secteur bancaire regroupé et privatisé. Ainsi, ces dernières années, non seulement les ménages islandais vivaient largement à crédit, mais les banques elles-mêmes s'étaient montré très dispendieuses, investissant de nombreux marchés étrangers. Elles finançaient non seulement les projets d'entreprises islandaises à l'international, mais proposaient également ses services aux habitants d'autres pays, notamment la Grande-Bretagne. Les banques islandaises ont fini par se retrouver particulièrement exposées à la crise financière de 2008, à tel point que l'ensemble du secteur financier s'écroula en septembre dernier. Les trois principales banques ont toutes dues être sauvées par l'Etat islandais. Elles avaient été particulièrement atteintes par les dépréciations d'actifs et la baisse du niveau général de l'économie mondiale. Au moment où le crédit interbancaire se raréfia, elles ne purent compter sur la banque centrale islandaise : ces banques avaient fini par obtenir un poids démesuré par rapport à l'économie locale, et la banque centrale ne put suivre davantage.

La suite est alors inévitable : sans son moteur que constituait son pôle financier, l'économie islandaise est à la dérive. Comme si c'était le cours de l'action "Islande" qui était attaqué, les agents économiques ont rapidement cherché à désengager leurs fonds de ce pays. La couronne islandaise connut alors une chute vertigineuse, ce qui entraina une hausse importante de l'inflation (vu le renchérissement des biens étrangers). Pour la contrer, les taux d'intérêts durent être relevés, ce qui rend bien lointaines les perspectives de retour à la croissance. En cette période difficile, une crise politique (modérée quand même, à la façon islandaise) s'ouvrit, et poussa à un changement de gouvernement. La nouvelle chef de gouvernement aura fort à faire, alors que c'est l'Islande dans son ensemble qui semble être en faillite. Même si le pays a bénéficié d'une aide du FMI, et d'une autre de la Russie, l'île se retrouve en quelque sorte victime de sa volonté passée de faire cavalier seul.

La couronne se trouvant dans un sale état, l'Islande souhaiterait pouvoir retrouver une certaine stabilité monétaire. La tentative d'établir une parité fixe avec l'euro a échoué, la banque centrale ne pouvant résister aux attaques sur la couronne. L'idée qui vient tout d'un coup d'apparaître depuis le début de la crise est d'adopter l'euro. Pour cela, il faut normalement faire partie de l'Union Européenne. Une partie importante des directives européennes sont déjà suivies de fait par l'Etat islandais, mais sur certains domaines la réglementation communautaire était rejetée, notamment en matière de pêche. Par exemple, la chasse à la baleine est encore largement pratiquée, comme en Norvège, alors qu'elle est rejetée par les pays de l'Union Européenne. Mais cela prendra du temps, et personne ne semble se poser la question de savoir si les pays déjà membres accepteraient tous cette nouvelle adhésion.

Dans les périodes difficiles, l'euro, comme monnaie de plusieurs pays différents, permet une certaine solidarité entre ceux dont l'économie est forte et ceux dont la monnaie aurait été normalement attaquée. Il évite que certains pays voient leur monnaie flamber à des niveaux empêchant toute exportation, et d'autres de voir leur monnaie chuter à tel point que l'inflation en résultant déstabilise l'économie. Aujourd'hui, les variations de l'euro face au dollar se font en fonction de la comparaison de l'état des économies des deux zones. L'euro est souvent mieux rémunéré de par les niveaux de taux directeurs pratiqués par la BCE, mais l'économie américaine parait régulièrement plus prometteuse aux marchés financiers. Voilà ce qui forme les errements des deux monnaies. Pour un pays petit et isolé comme l'Islande, chaque mauvais coup se traduit directement en bourse. Plongée dans le désarroi, ce qui manque à l'Islande, c'est déjà une planche à laquelle se raccrocher.

Enfin, on peut remarquer les conséquences terribles que peut avoir une spécialisation trop poussée de l'économie. La théorie des avantages comparatifs se retrouve ici en défaut : l'ancien domaine où l'Islande pensait avoir un avantage comparatif fort, les services financiers, se retrouve aujourd'hui être son talon d'Achille. Les pêcheurs islandais doivent espérer ne pas souffrir prochainement de la raréfaction de la ressource par cause de surpêche, car sinon cela ferait que leurs deux seuls atouts se révèleraient détruits à cause d'abus. Voilà un retour de bâton qui donne une leçon à tous les acteurs mondiaux, bien au-delà de la seule Islande.

samedi 14 février 2009

Une culture européenne

Une bonne partie des difficultés rencontrées dans les négociations au sein des instances européennes peuvent être attribuées à des incompréhensions résultant de différences culturelles. A un problème donné, les approches peuvent varier selon les pays, de même que les références, les priorités ou la façon de communiquer. De telles différences culturelles peuvent être rencontrées dans toute forme d'organisation internationale (comme certaines associations ou entreprises), mais elles deviennent d'autant plus exacerbées lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des politiques communes, quand chaque partie engage un peuple derrière soi. C'est en fait un des défis majeurs de l'Union Européenne, depuis ses commencements jusqu'à aujourd'hui et après.

Pourtant, il est possible de les relativiser. Après tout, dans un grand nombre d'Etats nation il existe des différences culturelles sensibles entre les différentes régions, et malgré quelques tensions occasionnelles, ces Etats arrivent à fonctionner. L'Allemagne par exemple a une structure fédérale, et des peuples ne partageant pas tout à fait la même identité entre la Bavière, la Ruhr ou l'ex Allemagne de l'est. Elle n'en n'arrive pas moins à dépasser ces différences quotidiennement. De même la France connaît toujours un certain nombre de régionalismes, et ne se présente pas moins comme une nation unie. C'est qu'au delà de ces régionalismes, il y a un fond culturel commun, des valeurs partagées qui rassemblent malgré tout.

Si l'on simplifie volontairement de façon très grossière les courants de populations européens, on peut arriver à quelques groupes "ethniques" qui ont interagi au cours des siècles, notamment les latins, les germains, les celtes ou les slaves. La France par exemple aurait selon cette façon de voir comme composantes de son identité de base la culture celte, la culture latine et enfin la culture germanique, mélangées au fur et à mesure. Elle connait d'étonnantes similitudes avec l'Italie, totalement latine, mais reste toutefois plus mesurée, s'orientant en cela vers une caractéristique généralement attribuée aux peuples germaniques. Selon cette optique, les cultures des peuples d'Europe pourraient donc être regroupées en quelques vastes ensembles, tout à fait capables de dialoguer les uns avec les autres après des siècles de cohabitation, voire même de s'influencer mutuellement.

Dans ce cas, il apparaît que les différents peuples d'Europe partagent une toile de fond commune. Il faut dire que le continent européen a été fréquemment traversé dans son intégralité par les mêmes vagues d'événements. Que ce soient par l'existence successive de vastes empires (romain, germanique, napoléonien), des guerres qui ont marqué de façon commune tous les peuples, ou par des mouvements religieux (la christianisation, la Réforme) ou artistiques (avec la Renaissance ou les Lumières), l'Histoire a bien donné aux peuples d'Europe des références et même des valeurs communes. Certains parleraient de civilisation occidentale, cela ne fait en tous cas que souligner le mouvement commun qui accompagne l'ensemble de l'Europe.

Tout cela forme donc une culture européenne, qui apparaît en filigrane des différentes cultures européennes. Elle ne s'oppose pas à elles, mais elle forme une unité qui en fait partie. Cette culture européenne fait partie de l'identité de chaque citoyen européen, et sur cela qu'il faut se baser pour la poursuite du projet européen.

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