Réflexions en cours

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vendredi 16 mai 2008

La chance du multilinguisme

Au sein des institutions européennes, l'anglais semble prendre un poids de plus en plus important. Par un souci de qualité d'expression dans la langue anglaise, les porte-paroles sont souvent choisis en fonction de leur langue maternelle, assurant une forte représentation des Britanniques au sein des institutions. Même à la Banque Centrale Européenne, institution à laquelle le Royaume-Uni ne participe pas, il n'est pas rare de voir "English: native speaker" comme l'une des conditions d'embauche. Nombreux sont ceux qui, en France, regrettent cette domination de la langue anglaise, et y voient une preuve de la perte d'influence des cultures nationales face au rouleau compresseur anglo-saxon. Il est vrai que d'une manière générale, dans le monde des affaires, les milieux scientifiques ou même la plupart des communautés mondiales, l'anglais a bel et bien une place à part, car il y a un vrai avantage pratique à ce qu'une seule langue suffise à être apprise pour communiquer avec le monde entier.

Seulement, cela se transforme en un vrai problème lorsque parler cette langue avec l'aisance d'une langue maternelle devient obligatoire, là où "communiquer" est l'objectif premier. De même, il n'est pas normal que les Britanniques ou les Américains se sentent dispensés d'avoir à apprendre une langue étrangère, partant du principe que tout le monde parlera leur propre langue. Il ne peut en découler qu'un sentiment de supériorité qui ne forme pas les conditions d'une relation sereine et fertile. En découvrant de nouveaux pays, le voyageur comprend que la condition de la découverte est un véritable échange, un échange qui est largement facilitée en parlant la langue locale.

Les pays de l'Union Européenne ne doivent ni laisser chaque peuple parler qu'une seule langue, forçant des traductions tout azimuts, ni laisser s'imposer une langue unique. La véritable chance pour les peuples d'Europe est de parler plusieurs langues, multipliant ainsi les opportunités. Le multilinguisme est donc la solution naturelle aux questions de langue en Europe, c'est une qualité que l'on n'acquiert certes pas en claquant des doigts, et qui ne peut être répandue instantanément. Voilà pourquoi il faut favoriser dès maintenant le plus possible ce multilinguisme dans l'apprentissage des langues étrangères dans chaque pays d'Europe, y compris dans ceux qui s'en croient dispensés.

samedi 3 mai 2008

Un président pour l'Europe

Le traité de Lisbonne prévoit que l'Union Européenne ait désormais un Président du Conseil Européen désigné pour deux années et demi, en lieu et place de la présidence tournante de ce Conseil par tranche de six mois. Etant donné que la ratification du Traité de Lisbonne par l'ensemble des pays de l'Union sera bientôt terminée, la question du nom du premier président commence déjà à agiter les milieux européens. Jusqu'à présent, le débat tourne autour du profil que doit avoir ce premier président : non seulement ses positions sur les questions européennes comptent, mais également sa stature. Car il est attendu que ce premier président définira autant la fonction que les textes officiels, voilà pourquoi le choix apparaît délicat. S'il s'agit d'une figure majeure, cela pourrait faire de l'ombre à la Commission Européenne. S'il est plus transparent, la situation actuelle ne serait pas grandement changée, et le président de la Commission Européenne pourrait continuer à avoir la haute main sur les affaires européennes. Dans la première hypothèse, le nom de Tony Blair est évoqué, mais souffre de venir d'un pays trop euro-sceptique. C'est néanmoins un argument en sa faveur chez ceux qui préfèrent une Europe se concentrant sur le libre échange plutôt que sur l'intégration des politiques. L'hebdomadaire britannique The Economist a d'ailleurs déjà commencé à faire campagne pour l'ancien Premier ministre. Dans la deuxième hypothèse, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker serait un candidat de consensus. En tant que pilier des Conseils Européens, il aurait la légitimité pour s'en occuper de façon permanente.

La distinction faite entre Conseil Européen et Commission Européenne est assez gênante. Le Conseil Européen ne se réunit que de façon épisodique et manque ainsi de suivi et de cohérence sur les dossiers, il est surtout le lieu de négociations opaques aux résultats alambiqués, chaque pays mettant un point d'honneur à vouloir en sortir comme un vainqueur ayant fait triomphé ses propres intérêts. La Commission Européenne, elle, tire sa légitimité d'une désignation sortant d'une de ces négociations opaques au Conseil Européen, et d'une simple validation par le Parlement Européen. Comment s'étonner alors de l'éloignement perçu des institutions européennes, de leur manque de visibilité et de leur légitimité souvent questionnée ?

Pour bien faire les choses, il faudrait que les postes de président du Conseil Européen et de président de la Commission Européenne soit fusionnés. Il n'y aurait alors qu'un seul "Président de l'Europe", ce qui aurait déjà un premier mérite, celui de la simplification. Ensuite, il faudrait surtout veiller à ce que ce président ait une légitimité indiscutable, c'est-à-dire issue explicitement du peuple européen. Certes, il est difficile d'envisager une élection au suffrage universel direct, dans la mesure où chaque nation aurait tendance à privilégier ses candidats, ne serait-ce que par manque de connaissance des personnalités étrangères. Par contre, une élection au suffrage indirect est tout à fait possible, si la direction politique de chaque camp est clairement donnée au moment du scrutin dans l'ensemble de l'Europe. Cela peut être fait par une élection spéciale, où, comme aux États-Unis, chaque pays élirait le même jour des grands électeurs appartenant à l'une des familles politiques européennes, ces grands électeurs élisant ensuite le Président de l'Union Européenne. Une autre option, plus simple, serait de donner mandat au Parlement Européen lors de son élection pour l'élection de ce Président et le vote de la confiance pour la Commission que celui-ci mettrait en place avec le Conseil Européen.

Pour l'instant, cela reste encore difficile, dans la mesure où la vie politique européenne manque encore de lisibilité pour l'ensemble de la population. Le premier objectif est de favoriser l'apparition de véritables partis politiques européens, peu nombreux mais ayant néanmoins une cohérence interne suffisante, et pouvant proposer des programmes d'actions pour l'Union Européenne. Evidemment, cela prendra encore du temps. Mais pour l'heure, rien n'interdit à José Manuel Barroso, actuel président de la Commission Européenne de devenir également président du Conseil Européen. Cela irait déjà dans la bonne direction.

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