Aujourd'hui, 9 mai, c'est la fête de l'Europe. Malheureusement, en matière de construction européenne, l'heure n'est pas vraiment à la joie. Depuis bientôt un an, la France, puis les Pays-Bas, l'ont bloqué en rejetant le traité constitutionnel européen. C'est une catastrophe d'une part car, à défaut de plan B, toute tentative de progrès semble gelé, vu que personne ne sait quoi faire. Le parlement estonien a même ratifié aujourd'hui le traité, alors que dans une bonne partie de l'Union il est considéré comme mort depuis longtemps. D'autre part, nous nous sommes privés des progrès qu'il apportait. En l'occurrence, le plus urgent était le titre I, qui fondait de nouvelles règles institutionnelles, la partie vraiment constitutionnelle en fait, et dont nous avions vraiment besoin pour dérouiller le processus de décision.

Chaque jour, on trouve des hommes politiques, des groupes d'intérêts, des médias, pour pointer du doigt l'Union Européenne pour tel ou tel dysfonctionnement. Et c'est vrai que le fantasme de la bureaucratie bruxelloise a de beaux jours devant lui, lorsque certaines décisions de la Commission semblent venir de loin, sans concertation, comme prises à l'aveuglette. Ce qui fait vraiment peur à nos concitoyens, ce n'est pas la construction européenne. Ils ont sentiment qu'elle se fait sans eux, voire malgré eux. Ce n'est pas avec des commissaires désignés, et qui parfois ne sont pas du tout des hommes politiques, que l'on rapprochera l'exécutif européen avec la population. Elle ne pourra qu'avoir la sensation qu'il se crée un nouvel Etat supra national, sorti d'on ne sait où et qui défend des intérêts qui ne sont pas les siens. Pour corriger ce sentiment tenace, il faudrait que la Commission soit issue de la voix du peuple, et non de désignations technocratiques, sans cohérence les unes avec les autres. Ou au moins donner des vrais pouvoirs de décisions au Parlement européen, lui au moins désigné par le peuple, plutôt que de simplement le cantonner au contrôle a posteriori.

C'est dans ce sens positif qu'allait le premier titre du traité constitutionnel. La réglementation perçue comme obscure du titre III est déjà dans les traités actuels, et l'on peut les modifier séparément. La Charte des droits fondamentaux représentait de réels progrès, mais sa valeur constitutionnelle n'était pas évidente pour tous. Elle pouvait être en document attaché mentionné dans le préambule. Toujours est il que plus de la moitié de l'Europe a approuvé le traité. Et ceux qui s'y sont opposés ont rarement mis en cause le titre I. Pourquoi, alors, ne pas essayer de faire approuver aux populations françaises et néerlandaises le seul titre I, que cette partie essentielle soit au moins validée partout, et qu'elle puisse rentrer rapidement en application. Avec les nouvelles règles, les discussions sur les dispositions du titre III auront de bonnes chances d'être plus efficaces.