Réflexions en cours

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mardi 18 janvier 2011

Pas de droit de grève pour les fonctionnaires allemands

En France, les fonctionnaires ont le droit de grève, s'en servent abondamment, et gare à ceux qui viendraient essayer de le limiter, car il leur est vite rappelé que celui-ci est inscrit dans la Constitution. Mais ce que l'on prend ici pour un formidable acquis social simplement parce qu'il est écrit "Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent." dans la Constitution de 1946 ne coule pas de source ailleurs. Ainsi, en Allemagne, ce principe n'est tout simplement pas reconnu. On lit par exemple dans l'article allemand de Wikipedia consacrée à la grève : "En Allemagne, il n'est pas reconnu de droit de grève aux fonctionnaires d'après l'avis dominant. En Sarre et en Rhénanie-Palatinat, l'interdiction de faire grève est actée par la loi, par la Constitution même en Sarre. La Constitution hessoise met par contre les fonctionnaires au même niveau que les ouvriers et employés. Pourtant, le principe selon lequel la loi fédérale l'emporte sur la loi locale demeure. Au delà de ça, l'interdiction de faire grève est regardé par la Loi Fondamentale comme un principe traditionnel protégé du fonctionnariat. Mais cette interdiction n'est pas sans limite. Ainsi, il n'est pas permis de se servir de fonctionnaires comme briseurs de grèves".

Et en effet, dans la Constitution de la Sarre, ce Land frontalier de la France, on peut lire "Le poste de fonctionnaire d'Etat exclut le droit de grève". La Loi Fondamentale allemande explique que "le droit de la fonction publique doit être réglementé et développé en tenant compte des principes traditionnels du fonctionnariat", et cette interdiction de faire grève en fait partie. Bien sûr, ceux qui connaissent un peu l'Allemagne savent qu'il y a parfois des grèves dans des entreprises ou des administrations publiques, et s'étonneront à juste à titre de cette apparente contradiction. Mais un dossier de la Fondation Robert Schuman consacré à ce sujet nous en apprend plus :

"Notre voisin d’outre-Rhin constitue un cas à part, dans la mesure où dans ce pays, comme chez son voisin autrichien, les fonctionnaires ne disposent pas du droit de faire la grève. Cette interdiction, qui ne touche que les fonctionnaires statutaires - soit près de 30% du personnel des services publics, les autres bénéficiant d’un régime de droit privé - est considérée comme le corollaire d’un statut leur accordant la garantie de l’emploi."

Vérité au-deçà du Rhin, erreur au-delà aurait pu dire Blaise Pascal. C'est pourtant une façon de faire qui a du sens. D'un côté, il y a les agents publics, qui ont des contrats ordinaires de droit privé, qui peuvent faire grève. De l'autre, il y a des fonctionnaires titulaires à statut particulier, qui ont la garantie de l'emploi, mais qui n'ont pas le droit de faire grève. Évidemment, les grèves sont aussi moins virulentes en Allemagne parce que le dialogue social y est meilleur, les relations entre employeurs et employés n'étant pas marquées par cette vieille odeur de lutte des classes qui empoisonne la France. Mais on voit que les limitations de droit de grève en ce qui concerne les services d'intérêt général peuvent être tout à fait légitimes et respectées dans une grande démocratie qui nous est voisine.

mercredi 12 janvier 2011

Le retour de la Pologne

La nouvelle loi hongroise sur les médias a suscité l'émotion à travers l'Union Européenne, de nombreux pays s'inquiétant ouvertement d'une loi liberticide. Cette agitation se produit au moment précis où la Hongrie récupère la présidence de l'Union Européenne. C'est en fait un exercice récurrent, puisqu'il se trouve fréquemment un pays pour jouer au mouton noir (ou à qui on fait jouer ce rôle). On se souvient par exemple comment la présidence tchèque du premier semestre 2009 fut marquée ses propres démons. L'Autriche, autrefois, se plaça également dans cette position avec l'épisode Jörg Haider. Un de ces pays dont on n'entend plus parler est la Pologne. Il y a quelques années, la Pologne s'était placée en mauvais élève de la construction européenne, le pouvoir polonais en place pourrissant les sommets européens de la même manière qu'il menait une politique erratique à l'intérieur de ses frontières. Les jumeaux Kaczynski, s'étant emparés de la Présidence de la République et du poste de Premier ministre, s'étaient embarqués dans un programme conservateur idéologique, qui n'a en fin de compte rendu service à personne.

Exténués par un flot ininterrompu de polémiques absurdes, telles que la chasse aux sorcières communistes, les électeurs polonais ont choisi de ne pas renouveler leur confiance dans le parti Droit et justice lors des élections législative de 2007, ce qui permit au leader du parti plus modéré Plateforme civique, Donald Tusk, de remplacer Jaroslaw Kaczynski au poste de Premier ministre. La cohabitation avec le Président, Lech Kaczynski, n'était pas des plus simple. Celui-ci continuait à poser des difficultés au niveau européen, notamment lorsqu'il s'est invité à un sommet contre l'avis de son Premier ministre, et força le ministre des Affaires étrangères à lui laisser son siège. Son mandat arrivait à échéance en 2010, et ses chances de réélections étaient minces. L'accident d'avion dont il fut la victime poussa naturellement son frère à reprendre le flambeau, et à se porter candidat à sa place. Il ne bénéficia pourtant pas de la vague d'émotion que la mort de Lech avait entraîné, et c'est à nouveau le candidat de la Plateforme civique, Bronisław Komorowski, qui l'emporta.

Depuis, la Pologne ne fait plus parler d'elle. Il s'avère que c'est plutôt bon signe. Au niveau intérieur, la Pologne connaît une croissance économique appréciable, et le climat politique s'est un peu assaini du fait que Jaroslaw Kaczynski ne bénéficie plus d'une tribune aussi élevée pour manifester ses aigreurs. Au niveau extérieur aussi, la transformation est spectaculaire. La Pologne a un rôle constructif dans l'Union Européenne, et ses relations avec l'Allemagne et la Russie se sont un peu améliorées. Bien sûr, des siècles de méfiance ne se lèvent pas facilement, comme le révèle encore le mauvais accueil fait au rapport russe sur l'accident d'avion de Lech Kaczynski, mais au moins la Pologne souhaite discuter plus calmement.

Si l'Europe est prompte à pointer du doigt des canards boiteux, on peut également se réjouir lorsqu'un pays progresse discrètement. Et à ce niveau là, on ne peut que remarquer que la plupart des pays de l'Europe de l'est ont quand même fait un travail de reconversion fantastique depuis la chute de l'empire soviétique. Ils ont, il est vrai, été bien aidés par l'Union Européenne, et la Pologne encore plus que d'autres. Et au sujet de la Hongrie qui préoccupe actuellement, il y a des raisons d'être également optimiste. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, est un homme habile et expérimenté, qui sait défendre des positions fermes de façon bien plus raisonnable que ne le faisaient les frères Kaczynski en Pologne. C'est déjà ça.

lundi 3 janvier 2011

Bienvenue à l'Estonie dans la zone euro

Au 1er janvier 2011, l'Estonie rejoint l'euro, et est le premier des pays baltes à adopter la monnaie unique. Pour cela, elle a du scrupuleusement observer les critères de Maastricht, et sa dette publique, à environ 8 % du PIB, laisse rêveur bien d'autres pays qui seraient déjà content de n'en avoir que 60 %. Il n'y a pas de secrets, ces bons résultats s'expliquent par la rigueur budgétaire pratiquée par l'Estonie. Elle sera heureuse à l'avenir de ne pas avoir à payer les conséquences de dépenses inconsidérées de sa part. Pour les pays qui utilisent déjà l'euro depuis plusieurs années, cette nouvelle entrée est l'occasion de souhaiter la bienvenue au club, la zone euro. Cette nouvelle étape permettra à l'Estonie d'avoir son mot à dire dans les réunions de la Banque Centrale Européenne (BCE), et permet également la concrétisation de l'euro pour la population, via le changement des pièces et des billets.

Pour le reste, l'Estonie bénéficiait déjà des avantages (et incidemment des contraintes) de l'euro auparavant. En s'inscrivant dans le mécanisme de taux de change européen (MCE II) en juin 2004, elle s'engageait déjà à faire converger ses fondamentaux économiques (tels que la dette publique ou l'inflation) avec ceux de la zone euro, dans le but que son ancienne monnaie, la couronne, ne varie que dans une fourchette de plus ou moins 15 % vis-à-vis de l'euro (par rapport à un cours pivot). Dans les faits, la réussite d'une telle politique lui garantit une stabilité effective de sa monnaie, la couronne ne fluctuant plus que très peu par rapport à la monnaie unique. Avoir la même monnaie permettra à l'Estonie de ne plus avoir à se soucier de changes du tout.

On peut d'ailleurs remarquer que d'autres pays ont arrimé leur monnaie à l'euro pour bénéficier d'une excellente stabilité. Les autres Etats baltes, la Lituanie et la Lettonie, ont rejoint le MCE II respectivement en 2004 et 2005, voyant leur monnaie ne varier que de moins d'1 % dans les faits par rapport à l'euro. Le Danemark, qui avait spectaculairement rejeté l'adoption de l'euro par référendum, en bénéficie tout de même largement, étant présent dans le MCE II. La conservation de sa monnaie est en fin de compte de l'ordre du symbole, le principal problème étant que le Danemark subit les décisions de la BCE et ne peut y prendre part. D'une manière générale, de nombreux pays en quête de stabilité financière ont pris l'initiative de fixer le cours de leur monnaie à l'euro. Et cela démontre bien la réussite de l'euro.

Bien que très critiqué, il faut en effet le dire : l'euro est une formidable réussite. Il permet des transactions bien plus faciles, de ne plus soucier des taux de change, que l'on soit une entreprise, un voyageur ou un consommateur qui achète à l'étranger. Bien sûr, l'euro est une source de soucis politiques pour les pays qui l'ont adopté, mais chaque pays doit se soucier de sa monnaie. L'autre monnaie de référence, le dollar, connaît ses propres problèmes avec les déficits gigantesques des Etats-Unis. Et bien que les difficultés actuelles de l'euro soient réelles, il n'y a pas lieu d'avoir des réactions exagérées comme certaines sont dans l'air. L'euro ne s'écroulera pas car aucun pays n'y a intérêt. Il y a toujours eu des problèmes de taux de change, contre lesquels on a chaque fois voulu se prémunir de différentes façon.

Ce fut d'abord en visant une convertibilité fixe avec l'or, puis en fixant le cours des monnaies avec le dollar. Avant l'euro, les crises monétaires se soldaient par des dévaluations qui n'avaient rien de solutions vraiment enviables à long terme. Aujourd'hui, à l'heure où les cours de change flottants mettent en exergue la folie des marchés financiers, l'euro est un rempart qui déplace à distance ce genre de problèmes. Comme toujours, on peut se plaindre, mais il reste que cette vertu n'est pas assez reconnue. En fin de compte, les variations brutales de l'euro avec le dollar sont la principale difficulté actuelle, illustratrice de la nature irrationnelle des marchés financiers. Alors que ce fut autrefois le cas, on ne peut que regretter qu'il n'y ait plus une certaine stabilité à ce niveau-là.

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