Réflexions en cours

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samedi 23 juin 2007

Malte débordée

Au cours du sommet européen qui vient de s'achever, une décision prise par le Conseil de l'Europe n'a pas attiré l'attention tellement elle était attendue : Malte et Chypre se sont vus accordés la possibilité d'adopter l'euro comme monnaie, ce qui sera fait le 1er janvier 2008. Ces deux îles de la Méditerrannée sont certes de tailles modestes, mais leurs économies sont fortes et leur engagement pro-européen constant. Lorsque l'on s'adresse à elles, on est sûr de ne pas faire face à des pays eurosceptiques enclins à bloquer la construction européenne. Le passage à l'euro est en fin de compte le symbole de cette volonté de s'accrocher à l'Europe. Mais malgré cette adhésion forte au projet européen, Malte ne se sent pas reconnu en retour, dans la mesure où l'île se sent bien peu aidée par les autres pays de l'Union Européenne dans un dossier qui les concerne pourtant également, et qui est devenu l'un des principaux sujets de débat des Maltais. La question de l'immigration clandestine se pose en effet avec force à Malte : de par sa proximité avec la Lybie, Malte se doit de recueillir les clandestins qui traversent par bateaux la Méditterrannée en espérant rejoindre les pays d'Europe continentale en raison de ses engagements envers les droits de l'homme. Seulement, l'afflux est tel que les centres d'accueil maltais ont rapidement été débordés, et le nombre d'immigrants a des répercussions démographiques visibles. Ainsi, ils représentent désormais l'équivalent de la moitié des naissances de l'île dans la croissance démographique, alors qu'elle n'est pas préparée pour cela. Il faut dire Malte est une île vraiment petite, et contrairement au Canaries qui envoient leurs immigrés dans la métropole espagnole, son territoire s'arrête à ses côtes.

Voilà pourquoi Malte demande l'aide du reste de l'Union Européenne pour prendre en charge une partie du problème avec elle. Il faut dire que la situation devient grave là bas, certains habitants parlant même d'"invasion", la vigueur du mouvement entraînant des sentiments xénophobes vis-à-vis des nouveaux venus imprévus. C'est ainqi que Malte souhaite que ses voisins européens accueillent eux aussi les clandestins qui arrivent à Malte. Bien évidemment, ces autres pays d'Europe sont très réticents à accueillir les clandestins de Malte, alors qu'ils ont déjà fort à faire avec ceux qui sont déjà sur leurs territoires. Malte regrette de ce fait le manque de solidarité envers elle. Pourtant il peut difficilement être question pour les autres pays d'Europe de régulariser les immigrants arrivés à Malte. Ce serait une prime à l'irrégularité, et de plus ce type de décisions est de nature à favoriser les tensions intérieures. Une autre demande de Malte est plus réalisable : accomplir des raccompagnements communs dans les pays d'origine.

Néanmoins, tous ces dilemmes ne sont que la conséquence d'un thème plus vaste, celui des migrations de l'Afrique vers l'Europe. Celles-ci sont difficiles, et leurs chances de succès sont limitées. Plutôt que de chercher de façon presque illusoire la fortune en Europe, la jeunesse africaine doit chercher à créer les conditions propices au développement sur son territoire. A l'heure actuelle, seule l'Afrique parait déséspérée et peu optimiste quant à sa faculté de se développer. Il n'y a pourtant aucune fatalité. Le continent souffre de plusieurs maux qui ne sont pas destinés à exister éternellement. Il est d'une part ravagé par les guerres. D'autre part, les pays d'Afrique sont nombreux à connaître des situations démographiques difficiles : la pyramide des âges est déséquilibrée par sa jeunesse, et les villes enflent au delà de toute raison. Des politiques peuvent être envisagées pour le progrès. Le tabou du contrôle des naissances doit ainsi être levé. Certes, cela implique des changements culturels importants, mais pour ceux qui sont prêts à risquer leur vie pour passer d'une misère à une autre, il faut mettre un tel courage dans ces domaines. Quant à Malte, l'île doit être soutenue dans la protection de ses frontières : après tout, les frontières de chaque pays forment les frontières de l'Europe.

mercredi 13 juin 2007

Un certain malaise en Belgique

Les élections législatives belges de dimanche dernier devraient déboucher sur un changement de Premier ministre. Guy Verhofstadt serait ainsi remplacé par Yves Leterme, cela traduit certes de bonnes performances électorales de la part des chrétiens démocrates, mais l'analyse des résultats en Belgique peut être plus compliquée. En effet, le pays est notable pour avoir adopté le système de la proportionnelle depuis un siècle maintenant. De plus, ces dernières décennies, un mouvement s'est engagé visant à séparer la vie politique flamande de la vie politique wallonne. De ce fait, les partis politiques belges ont finis par tous se scinder en deux, du fait de forts désaccords entre les branches francophones et néerlandophones. Pour constituer un gouvernement, il faut donc passer par un procédé complexe, où le roi nomme un informateur, qui désigne le formateur du gouvernement. Celui-ci deviendra Premier ministre, et doit tenir compte dans la composition de son gouvernement du poids de chaque formation et de chaque communauté, pour obtenir un dosage qui puisse avoir l'assentiment de l'Assemblée élue.

Avec l'arrivée de Yves Leterme au pouvoir, c'est en tous cas la volonté d'une autonomie encore plus grande de la Flandre qui l'emporte. Celle-ci souhaite en effet pouvoir se dégager de ce qu'elle perçoit comme un fardeau, c'est à dire la Wallonie. La Wallonie francophone est en effet plus pauvre, et donc demande davantage de ressources de l'Etat fédéral. Elle peut être vue comme semblable par certains aspects au nord de la France. De son côté, la Flandre est très proche culturellement des Pays-Bas. Et en fait, l'attelage peut sembler étrange, voire même instable.

La Wallonie est très attachée à l'unité de la Belgique, et au maintien des pouvoirs du roi. Elle n'en reste pas moins souvent curieuse de ce qu'il se passe en France, parfois même davantage de ce qu'il se passe en Belgique. La campagne présidentielle française a ainsi passionné les Belges, qui y trouvaient une clarté qu'ils ne trouvaient pas chez eux. Le débat télévisé entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy a ainsi attiré davantage de téléspectateurs belges que celui entre Yves Leterme et Guy Verhofstadt pendant la campagne pour les législatives belges. Les personnalités politiques belges francophones font d'ailleurs désormais référence à leurs contreparties françaises, en se comparant soit à la ligne de Nicolas Sarkozy, celle de Ségolène Royal ou bien de François Bayrou. Une "UMP belge" a d'ailleurs été créée en Belgique par des admirateurs de la démarche de Nicolas Sarkozy souhaitant de façon troublante que son programme soit appliqué en Belgique. Il existe même un parti "rattachiste", qui souhaite que la Wallonie soit rattachée à la France. Certes, son audience est limitée. Mais son existence même est révélatrice d'un certain malaise qui règne en Belgique. A ce titre, l'agitation née de l'émission de la RTBF simulant une séparation des communautés belges est emblématique. Lorsque la Flandre se prononce pour d'avantage d'autonomie ou pour une confédération plutôt qu'une fédération en Belgique, il existe le Vlaams Belang, qui milite carrément pour l'indépendance de la province.

Cette cohabitation entre deux ensembles, peut-être deux nations, forme donc la base de la vie politique belge. Si la situation n'est pas forcément la plus saine, elle a permis néanmoins de tenir l'unité belge depuis la création récente du pays en 1830. Il est pourtant difficile de prévoir comment la situation va évoluer. Si la Belgique devait devenir confédérale, ce serait probablement déjà un aboutissement en soi, étant donné que la dislocation du pays n'est souhaitable pour personne, que ce soit la Wallonie, la Flandre, les Pays-Bas et la France. Au moins, la Belgique dans son ensemble est largement favorable à la construction européenne. Elle l'accueille d'ailleurs largement, au vu des nombreuses institutions européennes présentes à Bruxelles. Pourtant, le caractère obscur de la vie politique belge pour les Belges eux-mêmes a également valeur d'exemple. C'est d'un contre-exemple dont il s'agit, tant les dosages complexes, les manœuvres de partis, le manque de clarté de la politique peut détourner les citoyens de la vie de leur pays. En Belgique, cela ne se voit pas, mais c'est uniquement parce que le vote est devenu obligatoire, sous peine d'amende. Sans ce signal de mécontentement que représente l'abstention aux élections, comment prendre en compte le véritable avis des Belges sur leur classe politique ? En se voilant la face pour mieux préserver un système bancal, les responsables politiques belges maintiennent un malaise fort tant en Wallonie qu'en Flandre.

samedi 9 juin 2007

L'indépendance de l'Ecosse

La semaine dernière, Tony Blair assistait à son dernier sommet du G8. Le Premier ministre britannique sera en effet remplacé par son ministre des finances, Gordon Brown, à qui le poste était réservé depuis la conclusion d'un accord d'ambitions entre les deux hommes dans les années 90. Tony Blair s'en va alors qu'il est de plus en plus impopulaire, mais il est possible que son successeur ne le soit pas vraiment davantage. Gordon Brown est tout aussi comptable du bilan des travaillistes, et le parti apparaît usé aujourd'hui, même s'il n'a pas démérité sur le plan intérieur. Alors que Gordon Brown n'apparaît comme un renouvellement, il sera encore moins facile de travailler avec lui sur la construction européenne, vu qu'il est réputé pour être plus eurosceptique que son prédécesseur. Certes, la situation serait pire avec les tories, mais l'ensemble n'est pas vraiment enthousiasmant, surtout que la politique irakienne ne sera probablement pas remise en cause. En outre, il se trouve qu'il est Ecossais, et que de nombreux Anglais sont réticents à l'idée qu'ils soient dirigés par quelqu'un qui vienne d'une région qui cherche à prendre de plus en plus ses distances avec l'Angleterre.

En fait, le fait que l'Ecosse puisse être un jour indépendante relève désormais du domaine du possible. Lors des récentes élections pour le parlement écossais, les indépendantistes ont reçu le plus de sièges. Leur leader, Alex Salmond, souhaite organiser un référendum sur la révision de l'Acte d'Union de 1707. Car, à la différence de l'Irlande, l'Ecosse n'est pas sous domination anglaise. La Grande Bretagne allie ces provinces avec leur accord. L'Ecosse peut devenir indépendante légalement si elle le souhaite. Certes, il y aurait de très nombreuses difficultés administratives. Mais l'Ecosse dispose déjà d'une bonne dose d'autonomie, et elle imagine pouvoir entrer facilement dans l'Union Européenne pour avoir un cadre, un support. L'euro serait naturellement la monnaie écossaise. Seulement l'adhésion n'est plus aussi simple de nos jours, vu que les Français ont décidé d'approuver chaque nouvelle adhésion par référendum (grâce à la perspective de la question turque). Cela rend tout de suite les choses moins évidentes...

De son côté, les Anglais ne seraient pas forcément fâchés de voir l'Ecosse voler de ses propres ailes. Un certain ressentiment existe envers cette région qui est accusée d'être un puits à subventions nationales, et de peser sur l'économie du Royaume-Uni. Il reste étonnant tout de même que les sentiments nationalistes soient aussi forts en Europe occidentale, qu'on en est encore à vouloir créer de nouveaux pays, lorsque ceux qui prévalent actuellement ne sont déjà pas d'une taille démesurée. Il n'est d'ailleurs pas certains que les autres pays d'Europe soient enchantés de devoir faire face à un nouveau pays, alors que les micro-pays sont déjà de mise dans les Balkans. Quant à Gordon Brown, ces mouvements électoraux sont une mauvaise nouvelle pour lui. D'une part car ils le mettent dans une situation bancale entre son terroir et son poste. D'autre part car l'Ecosse, avant d'être en majorité relative pro-indépendantiste, était surtout une terre favorable aux travaillistes. Pour les prochaines élections générales de 2008, il n'est plus certain qu'elle leur apporte une grande réserve de voix. Et l'usure du Labour fait que ces élections sont déjà prévues comme difficile pour le parti de Gordon Brown. Il peut d'ores et déjà s'attendre à une bataille rude.

mardi 5 juin 2007

La République Tchèque, exemple d'une "nouvelle Europe" bien peu pro-européenne

Lors du sommet européen qui s'annonce, les prises de position de la République Tchèque seront très attendues. Alors que le processus de relance de la construction européenne bat son plein, ce pays pourrait en effet représenter un obstacle à l'adoption d'un traité simplifié, moyen privilégié de sortir de l'impasse actuelle. Car même si les changements sont les mêmes que ceux qui étaient prévus initialement dans le Traité Constitutionnel Européen, ceux-ci ne sont plus vraiment désirés en République Tchèque. Le Président de la République Tchèque, Vaclav Klaus, est en effet un eurosceptique convaincu. Il rejoint en cela les frères Kaczynski en Pologne dans le sens où ces pays de l'est sont tous fortement réticents à ce que le Traité de Nice soit remplacé. La Pologne refuse cette évolution car le Traité de Nice l'avantageait clairement au niveau des droits de vote. Ce n'est pas le cas pour la République Tchèque, qui n'a rien à perdre à ce niveau là. D'ailleurs, lorsque la Pologne est gouvernée par des conservateurs traditionalistes, la République Tchèque l'est par des libéraux. Ainsi, dans l'optique de ceux-ci, l'Europe ne vaut qu'en tant que zone de libre échange, et ils refusent toute évolution vers une Europe politique assimilée à un "super Etat". C'est ni plus ni moins la position britannique.

La République Tchèque montre bien ce qu'il se passe dans les ex-pays communistes de l'Europe de l'est. Tout est fait pour se différencier de ce modèle honni du passé. Désormais, il est temps d'être performant dans l'économie mondiale, et à ce titre, la République Tchèque a bien compris les préceptes libéraux inculqués par les Anglo-saxons. Derrière le rideau de fer, elle ne rêvait pas vraiment de l'Europe occidentale, mais plutôt du modèle américain, qui n'avait pas peur de se poser comme opposant frontal du communisme. Et aujourd'hui, la priorité de la politique tchèque est l'amitié avec les États-Unis. Ce n'est alors pas très étonnant que la Pologne et la République Tchèque acceptent d'abriter les anti-missiles américains sur leurs territoires. La coopération est totale et presque aveugle, quitte à sembler être plus royaliste que le roi en matière d'atlantisme.

Nul rêve européen dans cet état d'esprit. Vaclav Klaus combat tout simplement la construction européenne, et est très populaire à son poste. Car si l'Europe de l'ouest la célèbre sur la base qu'elle a permis de mettre fin aux guerres, les pays de l'Europe de l'est célèbre surtout l'Amérique qui leur avait tendu la main. C'est à propos de cette Europe de l'est qui lui était soumise que Donald Rumsfeld avait parlé d'une "nouvelle Europe", pour l'opposer à celle occidentale, qui refusait de le suivre dans ses désirs guerriers. Et c'est bien là le paradoxe : cette "nouvelle Europe" n'a pas de désir d'Europe puissance, bien au contraire. Elle y a adhéré un peu cyniquement, pour profiter des avantages financiers qu'elle offrait, et bénéficier d'un grand marché commun. Avec leurs entrées, l'Union Européenne est encore un peu plus ancrée dans une optique libérale, qui la met en porte à faux avec certains de ses fondateurs. Il est dès lors peu étonnant que les accords soient si difficiles à être trouvés, quand de telles divergences sur le but même de la construction européenne existent. Pour les prochaines adhésion, il est nécessaire qu'il n'y ait plus de telles ambiguïtés.

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