Réflexions en cours

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jeudi 10 novembre 2011

UE : mariage de raison ou mariage d'amour

Que serait une Union Européenne idéale ? Ce blog a déjà longuement expliqué que ce serait une Europe fédérale. C'est le but, c'est un but qui est aussi un moyen, car une Europe fédérale rendrait le projet européen plus efficace et plus légitime, et permettrait donc de meilleures politiques pour les citoyens européens. Mais cela n'explique tout. En particulier le "comment". En effet, il ne suffit pas de changer les institutions pour arriver à l'Europe fédérale, car l'échec deviendrait alors assez probable. Il faut changer le rapport des peuples et des pays envers la construction européenne.

On s'en rend compte au quotidien, et notamment lors des sommets européens : chaque gouvernement essaye de tirer le maximum de l'Union Européenne pour son propre profit. C'est normal, on n'attend pas d'eux qu'ils ne défendent pas les intérêts de leur peuple, et les décisions européennes doivent refléter les avis de chacun. La diplomatie intra-européenne repose donc encore plus qu'ailleurs sur les compromis et les négociations interminables. Cela se passait comme ça dès les premiers pas de la construction européenne. Tout ne repose que sur de subtils calculs pour trouver des solutions équilibrées. Les membres de l'Union Européenne considèrent qu'il est de leur intérêt à en faire partie, et après des siècles de conflit, cette coopération reposant sur des bases purement rationnelles a amené un répit bienvenue ainsi qu'une relative prospérité. L'Union Européenne est donc un exemple parfait de mariage d'intérêt.

Seulement, pour qu'une Europe fédérale, il faudrait que les peuples européens aient suffisamment confiance les uns dans les autres pour accepter que certaines décisions soient prises à plusieurs. Mieux, il faudrait qu'ils aient confiance dans les institutions européennes, et qu'ils aient un attachement réel pour l'Europe en tant que tel. Comme ils peuvent être attachés à leur ville, leur région ou leur pays, ils pourraient être attachés à l'Europe. Il faudrait qu'ils prennent conscience de tout ce qui les rassemble, et de l'existence d'une communauté de destins. Que l'Europe représente quelque chose pour eux, qu'elle ne soit plus qu'une institution froide et rationnelle, mais aussi une communauté à laquelle ils soient liés de façon affective. Bref, que l'Europe devienne un mariage d'amour.

Passer d'un mariage de raison entre pays à un mariage d'amour entre peuples n'a bien sûr rien d'évident. A l'heure de la crise des dettes souveraines, un tel discours peut même paraître très abscons. Mais cela ne pourra se faire qu'avec le temps, pour changer petit à petit les mentalités. Et sans que cela vienne uniquement des dirigeants européens. Il s'agit davantage d'une question culturelle. Il faudrait que ce soit un travail de fond à mener au cours des, disons, cinquante prochaines années.

dimanche 6 novembre 2011

Le nécessaire départ de George Papandreou

Quant à l'automne 2009, George Papandreou devint Premier ministre de la Grèce, ce pays était déjà durement touché par la crise économique mondiale. Par une décision pleine d'honnêteté, le nouveau gouvernement dévoila le fait que les comptes publics étaient dans un bien pire état qu'annoncé précédemment. En clair, tous les comptes et statistiques étaient truqués depuis des années pour faire paraître la Grèce économiquement plus saine qu'elle ne l'était en réalité. Le déficit public, à plus de 12 % du PIB révélait un pays vivant bien au-dessus des ses moyens, et trainant une dette trop importante pour donner confiance à de nouveaux prêteurs. La suite a découlé de ce terrible constat : mise en œuvre de plans de rigueur pour rééquilibrer les compte, privatisations, et appel à l'aide internationale pour se financer le temps que les réformes structurelles soient mises en place. Le traitement de cheval est à la hauteur de la maladie, mais les résistances viennent de partout en Grèce. La fraude fiscale généralisée, la corruption, les chasses gardées étaient si répandus que le changement de ces habitudes bloque très rapidement. En conséquence, ces réformes peinent à s'installer, et beaucoup sont ceux qui y mettent de la mauvaise volonté. Il semble plus urgent de protester que de chercher à voir comment s'en sortir.

Le dernier sommet européen devait justement apporter une nouvelle tranche de financement de la Grèce et une décote importante de la dette détenue par le secteur privé (à hauteur de 50 %) contre l'assurance que ces réformes seront poursuivis. Seulement, sans avoir prévenu qui que ce soit, George Papandreou a déclaré vouloir mettre ce nouveau plan à l'approbation des Grecs via référendum. Le procédé était navrant à bien des niveaux. D'abord, tout ce qui avait de rassurant dans ce nouveau plan fut ainsi soumis à une nouvelle incertitude, déclenchant la panique des marchés financiers. Ce n'est pas vraiment ce que doit rechercher la Grèce ces temps-ci. Ensuite, cela retardait d'autant la perspective des réformes supplémentaires, et bien évidemment des nouvelles rentrées d'argent. Enfin, c'était un référendum absurde, dans la mesure où le peuple ne pouvait se permettre de voter non, sous peine de ruine complète du pays.

Les autres dirigeants européens, se sentant trahis, ont tôt fait de rappeler à George Papandreou que le Grèce ne recevrait rien tant qu'il ne se serait pas sorti de cette situation, et que si on voulait faire un référendum, il fallait poser la bonne question : celle du maintien de la Grèce dans la zone euro. Les Grecs souhaitent très majoritairement garder l'euro. L'utilisation de cette monnaie est un symbole d'accès au rang des économies fortes, alors que la Grèce fut si longtemps un pays très pauvre. Seulement, cette accession n'allait pas de soi. L'euro devint la monnaie grecque en 2001, soit deux ans après les premiers pays. Ce fut un triomphe pour le gouvernement d'alors, dirigé par le PASOK, le parti socialiste grec.

Seulement, on l'ignorait alors, mais l'euro fut accordé à la Grèce sur la base de comptes truqués. Si on avait connu la véritable situation économique de la Grèce, on aurait certainement attendu bien plus longtemps avant de l'inclure dans la zone euro. Ce fut donc une erreur. Une erreur sur laquelle il est quasi impossible de revenir. Lorsque les conservateurs sont arrivés au pouvoir, en 2004, ils laissèrent les comptes continuer à se dégrader secrètement. Ce n'est donc qu'il y a deux ans que le pot aux roses fut révélé.

De tout cela, George Papandreou n'est pas coupable. Même si son père était Premier ministre jusqu'en 1996, et qu'il était ministre des Affaires étrangères entre 1999 et 2004, il n'était pas lui-même aux postes les plus concernés par cette escroquerie. En revanche, ce référendum était une tentative très malavisée d'obtenir un consensus, avec des conséquences très dangereuses pour la Grèce et l'Europe. Les Grecs eux-mêmes rejetèrent vivement cette proposition. Visiblement, la Grèce semble empêtrée dans des joutes politiciennes futiles. Après tout, les peuples ont les dirigeants qu'ils méritent. Vu la situation de la Grèce, l'heure devrait pourtant être à l'union nationale. Cela passerait par un changement de leadership. Avec son coup de poker à base de référendum, George Papandreou a définitivement perdu toute crédibilité en Europe et dans son propre pays. Son départ du gouvernement, aujourd'hui dans toutes les conversations politiques, est vraiment nécessaire.

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