Réflexions en cours

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jeudi 29 mars 2007

Le non néerlandais

Pour commencer un tour d'horizon sur les liens entre l'Union Européenne et les pays qui la compose, concentrons-nous sur la situation de l'autre pays qui a refusé le Traité Constitutionnel en 2005, quelques jours après la France, les Pays-Bas. Si le vote négatif de nos deux pays a eu pour effet de bloquer de fait la construction européenne, on est obligé de constater que les raisons invoquées en faveur de ce rejet étaient bien différentes entre la France et les Pays-Bas. Certes, il y a l'impondérable du vote totalement à côté de la question, et que ce soit ici ou du côté des Néerlandais, de nombreuses personnes ont d'abord voté "non" pour montrer leur hostilité à leurs gouvernements, chacun en période d'impopularité, alors que ceux-ci soutenaient l'adoption du traité. Mais à part ça, peu d'éléments semblables.

En effet, là où en France on considère que le rejet a été d'abord entraîné par la gauche et l'extrème gauche, aux Pays-Bas, pays assez libéral, ce fût bien l'euroscepticisme qui poussa au vote négatif. Ainsi, lorsque la gauche française refuse d'être considérée comme hostile à l'Europe et comme preuve, annonce qu'elle préfère une autre Europe, plus sociale (dans le sens où prestations sociales et salaires mimimum seraient garanties par l'Union Européenne), les rares partis néerlandais qui ont combattu le texte l'ont fait sur la base de la peur de l'étranger. Celle-ci reposait en fait sur des mouvements mal compris, voire mal justifiés dans le principe. Par exemple, l'élargissement fait auprès de dix nouveaux pays sans que l'Union Européenne soit vraiment préparée à un tel bouleversement a fait naître des inquiétudes dans l'opinion publique des Pays-Bas, mais pas seulement. Bien plus grave, la volonté des dirigeants européens de faire rentrer la Turquie dans l'Union Européenne sans se soucier du sentiment des peuples européens a poussé ceux-ci à l'affolement, constatant (avec raison), que sur de telles bases, la construction européenne perdait toute signification, et tout contact avec les citoyens des pays d'Europe. En l'occurrence, la question ne portait pas sur ce point précis, mais l'opportunité de l'adhésion de la Turquie méritait largement un débat dès le départ sur le principe même. Ce débat n'ayant pas été fait, montrant de facto que la construction européenne se faisait de façon déconnectée de la population européenne, il était évidemment bien plus difficile de demander un raisonnement serein sur les institutions européennes.

Mais il y a quand même eu un débat sur le poids accordé aux Pays-Bas dans la Constitution Européenne. L'accusation qui fut portée était que les nouvelles institutions que celle-ci apportait étaient défavorables aux Pays-Bas, dans le sens où elles leur donnait moins de poids dans la prises de décision. En toute honnêteté, il faut dire que cela était vrai. C'est en fait le Traité de Nice qui avait le tort de demander une majorité qualifiée très importante pour faire avancer chaque projet, ou une minorité de blocage assez faible. Ainsi, le poids politique des "petits pays" était largement plus que proportionnel à leur nombre d'habitants. En fixant la majorité qualifiée à 55 % des pays et à 65 % de la population dans la prise de décisions sur les dossiers émanant de la Commission Europénne, le Traité Constitutionnel Européen redevenait raisonnable sur ce point là, et aurait ainsi permis d'avancer plus facilement dans la construction européenne. Mais les Pays-Bas n'ont vu que le fait que leur influence diminuerait en conséquence, leur soutien aux réformes engagées ne devenant plus obligatoire. En appeller à l'intérêt général pour résoudre la question devient alors épineux, car faut-il prendre en compte l'intérêt général au niveau de l'intérêt de la population néerlandaise ou bien à celui de l'ensemble de la population européenne ?

C'est toute la question de l'Europe en tant qu'institution politique. Le principe de subsidiarité, appliqué d'une manière générale, dirait que pour un dossier de taille nationale, c'est un Etat particulier qui est compétent, et que pour une question qui se pose à l'échelle de plusieurs pays, c'est l'Union Européenne qui est la première concernée. Si le principe de subsidiarité est rigoureusement appliqué par l'Union Europénne, c'est alors l'intérêt général au niveau européen qui devient le seul légitime. Sur ce principe, les Pays-Bas auraient alors du accepter une diminution de leur capacité d'interférence pour le bien être collectif. Du reste, cette baisse d'influence institutionnelle ne devait pas nécessairement devenir une baisse d'influence réelle, tant c'est la pratique des institutions qui détermine les influences réciproques. Il n'est jamais bon que la construction européenne se fasse via le passage en force, et l'approbation néerlandaise devait rester souhaitable en pratique pour que l'évolution soit vraiment positive.

A l'aune de cette analyse, il apparaît que les électeurs français n'ont eux pas plus voté en prenant compte l'intérêt particulier de leur pays que l'intérêt général européen. En effet, puisque mécaniquement, ce nouveau traité donnait un poids plus important à la France dans la prise de décision. D'une manière générale, si la construction européenne repose toujours d'abord sur les locomotives françaises et allemandes (même si actuellement celle française est bien à la peine), il faut veiller à ce qu'aucun pays ne se sente exclu de la façon dont la construction européenne est menée. Cela peut paraître relever de l'idéalisme naïf, mais il serait souhaitable, dans l'absolu, qu'il y ait une prise en compte de notre intérêt général commun à tous les pays d'Europe, chez chaque citoyen, pour que la suite se passe au mieux.

dimanche 25 mars 2007

50 ans de construction européenne

Nous célébrons aujourd'hui les 50 ans de la signature du Traité de Rome. Si l'Union Européenne est née ce jour-là en s'appelant à l'époque le marché commun, il serait exagéré de faire remonter la construction européenne que depuis cet événement. Le Traité de Rome n'est en effet pas tombé du ciel, et a demandé des années de négociation, il s'appuyait déjà sur un début de coopération inter-étatique à travers la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, ainsi que sur d'autres initiatives qui avaient prises par des visionnaires, ceux qui sont considérés comme les pères fondateurs de l'Europe politique. Parmi ceux-là, La France peut être fière de compter des personnes comme Jean Monnet ou Robert Schuman. Ces cinquante dernières années, de grandes avancées ont été faites en matière de politique commune. L'Union Européenne s'étend désormais sur 27 pays, et possède même sa propre monnaie. La paix est aujourd'hui assurée, ce qui est déjà un succès formidable en soi. Chacune de ces avancées fut difficile, mais l'Europe dans sa globalité avance, petit à petit. Actuellement, il faut bien avouer que nous traversons une période de blocage. Sont incriminés ici les "non" français et néerlandais au projet de Traité Constitutionnel Européen, qui ont bloqué de fait la mise en place d'institutions plus efficaces que le Traité de Nice, et surtout plus adaptées à 27 membres. Il y a bien une crise de l'Europe dans ces deux pays qui ont refusé ce Traité. Mais pas seulement : d'autres pays s'abrittent derrière eux pour ne pas prendre le risque d'un débat sur une éventuelle ratification, comme la Pologne, ou la Grande-Bretagne qui aurait eu très peu de chances d'adopter le Traité via le référendum qui était promis à la population.

Il faut quand même reconnaître que ce Traité avait des défauts. En fin de compte, le plus important était de s'être appelé constitution. L'Europe fédérale est le but à atteindre pour la construction europénne, car c'est le système qui garantira le mieux l'appropriation par les citoyens de décisions communautaires. Néanmoins, c'est un objectif exigeant qui prendra du temps. La politique des petits pas, chère à Jean Monnet, doit toujours être de règle. L'annonce de la rédaction d'une constitution avait créé un espoir parmi les partisans de l'Europe fédérale, celui d'arriver à bon port plus tôt que prévu. Malheureusement, après une négociation difficile, le texte qui fut présenté ne donnait pas un fonctionnement fédéral de l'Union Européenne, c'était très certainement trop tôt pour une évolution aussi décisive. Et le terme de constitution ne pouvait être adopté légitimement que pour décrire le fonctionnement d'un ensemble fédéral. En lieu et place, on trouvait en première parti du Traité de nouvelles règles de fonctionnement pour améliorer effectivement l'organisation de l'Union Européenne, en deuxième partie une charte des droits fondamentaux, en troisième partie un récapitulatif des politiques adoptées par l'Union Européenne dont on pouvait se demander l'utilité de les mettre là, et en quatrième partie les règles de modification du présent traité.

Actuellement, la présidence allemande de l'Union Européenne tente de trouver une sortie de crise. Angela Merkel devra d'abord attendre le résultat des élections présidentielles françaises. Même si elle est peu reprise dans les médias, la plupart des candidats ont réflechi à ce qu'il fallait faire pour l'Europe. Ainsi, Ségolène Royal propose de faire revoter par référendum le Traité Constitutionnel après lui avoir adjoint un protocole social. Il n'est pas certain que cela suffise à faire changer les Français d'avis. Nicolas Sarkozy propose lui d'alléger considérablement le Traité pour en faire un texte qui n'aurait pas la prétention d'être une constitution. En gros, il ne subsisterait probablement plus que les parties I et IV du Traité original. Sans sa qualité de constitution, le Traité n'aurait plus besoin d'être voté par référendum, un passage par le Congrès suffirait. Surtout que c'était sur la partie III que s'étaient cristallisé les mécontentements euro-sceptiques. De plus, un Traité simplifié aurait peut-être davantage de chances d'être accepté par les autres pays qui ne se sont pas encore penchés sur le Traité Constitutionnel. Et ceux qui l'ont déjà ratifié pourraient considérer que "qui peut le plus peut le moins", et que les parties I et IV étant déjà acceptées, le Traité simplifié le serait de facto.

Evidemment, tout cela est à débattre. Il serait en tous cas caricatural que de laisser croire que l'immobilisation de la construction européenne est le fait de la seule France. C'est un sujet qui doit mobiliser chaque pays d'Europe. Pour cela, il apparait opportun de poursuivre la réflexion en se penchant particulièrement sur les problématiques propres à chaque pays, le lien sera plus facile à faire ensuite.

mardi 6 mars 2007

Une Europe écologique

Jeudi et vendredi se tiendra un sommet européen consacré aux questions énergétiques. Une baisse de 20 % des émissions de CO2 (par rapport à 1990) est d'ores et déjà acquise. Par contre il y a débat sur le fait de savoir si cet objectif doit être contraignant. Normalement, tant qu'à prendre une mesure, autant le faire de telle façon à ce qu'on souhaite vraiment la mettre en oeuvre. Mais la France et l'Allemagne s'opposent sur ce point, car pour accepter la contrainte, la France souhaite que l'énergie nucléaire puisse être compté dans les énergies permettant de réduire les émissions de CO2. L'idée étant de marginaliser encore plus les centrales thermiques qui ont des rejets en dioxyde de carbone. Les Allemands préfèrent que toute diminuation des émissions de CO2 se fasse au profit des énergies renouvelables, avec comme objectif d'arriver à 20 % de renouvelable dans les énergies utilisées en 2020. S'il est en effet souhaitable d'augmenter la part des énergies renouvelables de façon importante, il est étrange de la part de l'Allemagne de vouloir avoir une influence sur la politique nucléaire d'autres pays. L'énergie nucléaire a en effet l'atout de ne pas émettre de gaz nocif, et de voir ses déchets controlés. C'est en fait le résultat de l'influence des Verts allemands, qui à l'instar de ceux français, veulent mettre un tabou sur cette source d'énergie. La première priorité doit pourtant être de diminuer les émissions de CO2. La coalition rouge/verte de Gerhard Schröder et de Joschka Fischer avait décidé de l'abandon du nucléaire en ayant l'intention de le remplacer par les énergies renouvelables. Faire monter en puissance ces énergies est une bonne chose, mais pourquoi le faire au détriment du nucléaire, alors que l'Allemagne produit à 40 % son électricité à partir de centrales thermiques consommant du pétrole, et à plus de 20 % du charbon, combustibles qui émettent beaucoup de CO2 ? Au vu de ces chiffres, la France n'a pas à rougir à produire 80 % de son électricité à base d'énergie nucléaire.

Le fait est que mettre en place ses énergies renouvelables prend du temps et n'est pas forcément simple, ou peu couteux. Si pour la France, le nucléaire doit permettre de faire la liaison le temps qu'il faudra, il ne faut pas moins avoir une forte volonté politique pour cette mise en place. En outre, le nucléaire n'est pas une solution pour l'ensemble des consommations d'énergies, une bonne partie des transports ne pouvant difficilement fonctionner avec la seule électricité. Les biocarburants sont alors indiqués, et pour notre surproduction agricole, un tel débouché est intéressant. Là aussi, l'Union Européenne peut agir, en se servant de la PAC pour orienter la filière agricole à écouler une partie de sa production vers la fabrication de bioéthanol. Les cours du maïs et du blé augmentent déjà du fait de l'augmentation de la production de biocarburant aux Etats-Unis. Peut être faudrait-il aussi veiller à ce que les productions agricoles choisies n'aient pas de défauts vis-à-vis de l'environnement, le maïs par exemple demandant beaucoup d'eau, ce qui est peu recommandé par nos temps de sécheresse périodique.

Et autre motif d'espoir, même la Chine commence à se soucier des enjeux de développement durable. Certes de façon modeste, en voulant mettre des normes contraignantes aux émissions de gaz nocifs, alors que les émissions chinoises de CO2 ne cessent d'augmenter du fait de l'outrageuse croissance économique du pays. Mais le pouvoir chinois indique déjà que le soucis est présent, et ce n'était pas forcément gagné d'avance. Pour le coup, si les pays occidentaux trouvent des moyens d'assurer la croissance sans qu'il y ait croissance de la pollution, il ne faudra pas qu'ils hésitent à faire le transfert de ces technologies là.

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