Nous célébrons aujourd'hui les 50 ans de la signature du Traité de Rome. Si l'Union Européenne est née ce jour-là en s'appelant à l'époque le marché commun, il serait exagéré de faire remonter la construction européenne que depuis cet événement. Le Traité de Rome n'est en effet pas tombé du ciel, et a demandé des années de négociation, il s'appuyait déjà sur un début de coopération inter-étatique à travers la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, ainsi que sur d'autres initiatives qui avaient prises par des visionnaires, ceux qui sont considérés comme les pères fondateurs de l'Europe politique. Parmi ceux-là, La France peut être fière de compter des personnes comme Jean Monnet ou Robert Schuman. Ces cinquante dernières années, de grandes avancées ont été faites en matière de politique commune. L'Union Européenne s'étend désormais sur 27 pays, et possède même sa propre monnaie. La paix est aujourd'hui assurée, ce qui est déjà un succès formidable en soi. Chacune de ces avancées fut difficile, mais l'Europe dans sa globalité avance, petit à petit. Actuellement, il faut bien avouer que nous traversons une période de blocage. Sont incriminés ici les "non" français et néerlandais au projet de Traité Constitutionnel Européen, qui ont bloqué de fait la mise en place d'institutions plus efficaces que le Traité de Nice, et surtout plus adaptées à 27 membres. Il y a bien une crise de l'Europe dans ces deux pays qui ont refusé ce Traité. Mais pas seulement : d'autres pays s'abrittent derrière eux pour ne pas prendre le risque d'un débat sur une éventuelle ratification, comme la Pologne, ou la Grande-Bretagne qui aurait eu très peu de chances d'adopter le Traité via le référendum qui était promis à la population.

Il faut quand même reconnaître que ce Traité avait des défauts. En fin de compte, le plus important était de s'être appelé constitution. L'Europe fédérale est le but à atteindre pour la construction europénne, car c'est le système qui garantira le mieux l'appropriation par les citoyens de décisions communautaires. Néanmoins, c'est un objectif exigeant qui prendra du temps. La politique des petits pas, chère à Jean Monnet, doit toujours être de règle. L'annonce de la rédaction d'une constitution avait créé un espoir parmi les partisans de l'Europe fédérale, celui d'arriver à bon port plus tôt que prévu. Malheureusement, après une négociation difficile, le texte qui fut présenté ne donnait pas un fonctionnement fédéral de l'Union Européenne, c'était très certainement trop tôt pour une évolution aussi décisive. Et le terme de constitution ne pouvait être adopté légitimement que pour décrire le fonctionnement d'un ensemble fédéral. En lieu et place, on trouvait en première parti du Traité de nouvelles règles de fonctionnement pour améliorer effectivement l'organisation de l'Union Européenne, en deuxième partie une charte des droits fondamentaux, en troisième partie un récapitulatif des politiques adoptées par l'Union Européenne dont on pouvait se demander l'utilité de les mettre là, et en quatrième partie les règles de modification du présent traité.

Actuellement, la présidence allemande de l'Union Européenne tente de trouver une sortie de crise. Angela Merkel devra d'abord attendre le résultat des élections présidentielles françaises. Même si elle est peu reprise dans les médias, la plupart des candidats ont réflechi à ce qu'il fallait faire pour l'Europe. Ainsi, Ségolène Royal propose de faire revoter par référendum le Traité Constitutionnel après lui avoir adjoint un protocole social. Il n'est pas certain que cela suffise à faire changer les Français d'avis. Nicolas Sarkozy propose lui d'alléger considérablement le Traité pour en faire un texte qui n'aurait pas la prétention d'être une constitution. En gros, il ne subsisterait probablement plus que les parties I et IV du Traité original. Sans sa qualité de constitution, le Traité n'aurait plus besoin d'être voté par référendum, un passage par le Congrès suffirait. Surtout que c'était sur la partie III que s'étaient cristallisé les mécontentements euro-sceptiques. De plus, un Traité simplifié aurait peut-être davantage de chances d'être accepté par les autres pays qui ne se sont pas encore penchés sur le Traité Constitutionnel. Et ceux qui l'ont déjà ratifié pourraient considérer que "qui peut le plus peut le moins", et que les parties I et IV étant déjà acceptées, le Traité simplifié le serait de facto.

Evidemment, tout cela est à débattre. Il serait en tous cas caricatural que de laisser croire que l'immobilisation de la construction européenne est le fait de la seule France. C'est un sujet qui doit mobiliser chaque pays d'Europe. Pour cela, il apparait opportun de poursuivre la réflexion en se penchant particulièrement sur les problématiques propres à chaque pays, le lien sera plus facile à faire ensuite.