Réflexions en cours

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mardi 30 novembre 2010

Le 7 décembre prochain, journée faste pour les voleurs

L'ancien footballeur Eric Cantona a une idée brillante pour faire la révolution sans verser de sang. Considérant que les problèmes du monde proviennent du système financier, il propose que chacun retire tout son argent de sa banque. Si plusieurs millions de personnes le font d'un seul coup, cela entraînera effondrement du système bancaire. Des internautes ont pris cette idée au mot, et se sont mis à faire campagne pour qu'un maximum de personnes retire son argent le 7 décembre prochain, dans l'espoir de réaliser enfin cette révolution contre le système, attendue depuis si longtemps. Interrogé, Eric Cantona affirme qu'il retirera bien son argent de la banque la semaine prochaine. Cela peut déjà paraître surprenant, vu que l'ancienne idole de Manchester a jusqu'à présent eu un comportement bien peu anticapitaliste. A l'heure actuelle, il passe encore dans des publicités pour lesquelles il a vendu chèrement son image, l'une pour les rasoirs Bic, l'autre pour les déodorants L'Oréal... où il apparaît barbu.

En tant que telle, la manipulation peut réussir. Une sortie massive d'argent du système bancaire peut effectivement le mettre à genou, comme ce fut le cas lors de la crise de 1929 aux Etats-Unis. Les banques doivent toujours avoir une certaine proportion des capitaux qu'elles prêtent, et leurs liquidités en monnaie fiduciaire ne sont pas à la hauteur des dépôts depuis que la monnaie scripturale règne en maître. Comme on l'a vu avec la crise actuelle, il suffit qu'une banque fasse défaut pour que les autres soient instantanément mises en difficulté. Voilà pourquoi les Etats ont volé si rapidement à leur secours, et assuré les agents économiques que leurs dépôts n'étaient pas menacés, de peur de voir une panique qui les aurait poussés à retirer leur argent. Mais une crise financière se répercute fatalement sur l'ensemble de l'économie. Et en guise de révolution, on aurait surtout une crise économique encore plus épouvantable que celle actuelle, dont le seul effet serait de réduire la plus grande partie de la population à une misère noire.

Attaquer le système bancaire de la sorte aiderait moins à ce qu'il soit plus sain qu'à faire une belle tentative de suicide. Le procédé est donc totalement irrationnel, pour ne pas dire profondément stupide. Heureusement, il y a peu de chances pour que ça ait lieu le 7 décembre prochain. Déjà, dans de nombreuses banques, il faut demander à l'avance lorsque l'on veut retirer des sommes importantes en liquide. Généralement, lorsqu'on clôture un compte, c'est pour envoyer l'argent sur un autre compte, par un simple jeu d'écriture puisque la monnaie reste scripturale. Là, il s'agit bien de retirer tout sous forme de pièces et de billets. Pour que ce soit possible, les petits malins devront au moins prévenir à l'avance.

Ensuite, il est peu probable qu'un très grand nombre de personnes s'engage dans cette voie. Tout le monde n'a pas envie de voir notre civilisation prendre fin, et de façon plus immédiate, que feraient les gens de tout leur argent mis dans une valise ? Du point de vue de la sécurité, c'est une hérésie. Et de fait, le comportement le plus rationnel serait pour les voleurs d'attendre les inconscients à la sortie des banques, les poches remplies de leurs milliers d'euros fraichement sortis de leur compte, et de leur prendre. Avec toute la publicité faite autour du 7 décembre, ils ne pourront pas ignorer cette opportunité. Chaque révolutionnaire d'opérette pourra donc à bon droit se sentir menacé de perdre tout leur pécule en étant à peine sorti de la banque. Le plus connu et le plus riche d'entre eux, Eric Cantona, serait alors particulièrement attendu au tournant... de la rue. Le 7 décembre ne sera donc certainement pas le jour de la fin des escrocs de la finance, mais il pourrait bien être une journée particulièrement faste pour les voleurs.

lundi 29 novembre 2010

Liberté de la presse et protection des sources

La publication de centaines de milliers de communications confidentielles internes au Département d'Etat américain par le site Wikileaks a été devancé par certains titres de presse qui avaient pu y avoir accès. Le New York Times affirme s'être entretenu avec les administrations américaines pour ne pas publier d'informations qui se mettraient en danger des vies. Les journaux concernés essaient de justifier la publication de documents diplomatiques pourtant classés confidentiels. Pour le New York Times, ils permettraient de mieux comprendre la diplomatie américaine. Le Monde considère que du moment où les documents sont révélés, il est de son devoir d'en faire le compte rendu. Le Guardian a le pompon de l'hypocrisie en affirmant qu'aucune communication électronique ne peut-être considérée comme secrète. Autant de mots pour dire que c'est un bon scoop pour tous, les "révélations" étant promises sous forme de feuilletons.

Ces explications ne convainquent pas. Le procédé pose surtout plusieurs questions, en premier lieu sur l'opportunité de publier de tels documents. Ils ont un intérêt non discutable, ils sont d'ailleurs utiles au fonctionnement de l'administration américaine. Mais pour qu'ils soient utiles, encore faut-il qu'ils aient comme seule audience celle qui a été prévue, soit les diplomates américains. Leur consultation pour des buts d'analyse historique est de toute façon prévue d'ici quelques dizaines d'années. Mais leur divulgation alors que les personnes concernées sont encore au premier plan ne peut qu'avoir une effet nuisible. Et surtout pour un maigre bénéfice collectif immédiat. En effet, des sources internes à n'importe quelle organisation peut vouloir transmettre des documents à la presse pour révéler un scandale, une situation contraire à la loi, comme ce fut le cas par exemple pour le Watergate. C'est le principe des whistleblowers, ceux qui tirent l'alarme.

Mais en dehors de ce cas de figure, cela se justifie nettement moins. En France, le secret de l'instruction est quotidiennement bafoué par des gens qui appartiennent au monde judiciaire, des personnes qui ne respectent les lois qu'ils sont censés eux-mêmes faire respecter pour des raisons qui n'ont pas grand chose à voir avec l'intérêt général. Une loi a été votée pour que les journalistes n'aient pas à révéler les sources de leurs révélations. La liberté de la presse est un principe fondamental de nos démocraties, et elle doit prévaloir presque tout le temps, les restrictions étant les secrets nécessaires à la sécurité nationale. Mais si le journaliste a le droit de publier, cela ne veut pas dire pour autant que la source a le droit de révéler.

Dans le cas de Wikileaks, les publications de centaines de milliers de documents militaires puis diplomatiques est clairement nuisible à l'intérêt général. La philosophie du site relève d'une vision dévoyée de la transparence. Qui peut souhaiter que chacune de ses pensées soient entendue par tout à chacun ? Dans le cas d'un particulier, ce serait invivable. C'est la même chose pour une organisation. Les correspondances diplomatiques dont il est question ne sont autre que le fonctionnement interne de l'administration américaine, avec ses erreurs, ses stratégies, ses choix qui restent ouverts... La publication brute de tout cela ne pourra que lui nuire. Aucune organisation de ce genre ne peut être vraiment transparente, c'est contraire même à son bon fonctionnement. La conséquence ne pourra donc qu'être une hypocrisie encore plus forte à chaque tentative de transparence, et un verrouillage encore accru sur les vraies informations importantes.

Et dans ce cas précis, ces fuites touchent le domaine régalien de l'Etat, avec ces documents touchant aux affaires militaires et diplomatiques. Ces divulgations non circonstanciées sont donc d'une grande irresponsabilité, mettant bien en cause la vie d'un ou plusieurs pays. Autant le dire clairement, ceux qui organisent ces fuites sont bien coupables de crimes de haute trahison. Et si un journaliste peut publier, sa source, elle, doit être condamnée sans état d'âme. La trahison est un des crimes les plus graves, de par les dégâts qu'elle peut entraîner. Il sera donc logique que le contre espionnage américain mette des moyens très importants pour retrouver les traîtres à leurs pays, puis que ceux-ci soient condamnés avec la sévérité prévue par la loi.

dimanche 28 novembre 2010

Une bouée de sauvetage pour l'Irlande dans la tempête des marchés

Après la Grèce, c'est donc l'Irlande qui est acculée à demander de l'aide européenne pour faire face à ses difficultés financières. La situation est pourtant différente. En Grèce, tout le monde est coupable. Le pays a vécu longtemps et pratiquement consciemment au dessus de ses moyens. Les avantages sociaux étaient nombreux mais non financés. Le déficit public, forcément colossal, était lui soigneusement caché... ne rendant que plus dur le retour à la réalité. En Irlande, le système était quand même meilleur à la base. Le pays attirait les capitaux étrangers, qui permettaient le développement de filiales dans un pays donnant accès à l'ensemble des marchés européens, avec une main d'œuvre de bonne qualité. Le souci était que le pays était d'une part habitué à une croissance forte, rendant très douloureux tout ralentissement économique, et d'autre part la dérégulation avait permis la croissance de banques imprudentes. Celles-ci ont pris de plein fouet à la fois l'éclatement de la bulle immobilière irlandaise (permise par la surchauffe économique) et les difficultés financières de leurs homologues américaines, britanniques et islandaises.

Le gouvernement irlandais a choisi de sauver ses banques en en garantissant les dépôts. La décision de l'administration Bush de ne pas sauver Lehman Brothers avait eu place prépondérante dans l'aggravation de la crise mondiale. En conséquence, l'aide accordée est immense. Le pays prend en fin de compte en charge les pertes de ses banques, aboutissant à des déficits publics exceptionnels records. L'Irlande aurait du pouvoir assumer cette charge. Elle avait d'ores et déjà pris des mesures pour en tirer les leçons et réformer le pays.

Hors les discussions européennes sur le Fonds Européens de Stabilité Financière ont rendu les marchés financiers très nerveux. La volonté de l'Allemagne que toute aide à un pays européen s'accompagne de la restructuration de sa dette et donc de pertes pour les créanciers a même créé une belle panique. Cela se traduit par un renchérissement des taux d'intérêts, et des attaques contre les titres des pays perçus comme les plus fragiles financièrement... ici, l'Irlande donc. Cela a encore dégradé la santé financière du pays, et poussé son Premier ministre Brian Cowen à demander l'aide de l'Union Européenne et du FMI, après avoir pourtant proclamé précédemment qu'il n'en ferait rien. Cela a déjà provoqué une crise politique : il n'y survivra pas. L'Irlande va au devant d'élections législatives anticipées, et l'Europe se retrouve avec une crise supplémentaire à gérer.

Mais il n'est pas dit que cela suffise à calmer les marchés, en plaine folie furieuse. A ce stade, on est plus du tout dans le domaine du rationnel. Nous sommes encore dans un cas typique de dilemme du prisonnier qui remet fondamentalement en cause la valeur des marchés. Chaque individu, en croyant servir son propre intérêt, ne fait que desservir l'intérêt du groupe entier. Les agents tentent donc de se désengager de titres perçus comme risqués, accroissant eux-même le risque dans un cercle vicieux de prophéties auto-réalisatrices marqué par la déraison collective.

Quand la Grèce ne peut s'en prendre qu'à elle-même, l'Irlande peut se dire que les marchés financiers lui font payer sa volonté de sauver ses banques, ses banques dont la faillite aurait encore plus affecté ces mêmes marchés financiers. A peu près tout le monde sait que les marchés sont en fait bien peu rationnels, n'hésitant pas parfois à travailler pour leur propre perte en entraînant tout ce qui se trouve à côté. Ce n'est d'ailleurs pas ça le drame. Le drame, c'est de devoir y avoir recours.

jeudi 25 novembre 2010

Décentralisation et loyers

Deux députés ont récemment rendu un rapport sur les autorités administratives indépendantes au Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée Nationale. Ils les trouvent coûteuses, et proposent des regroupements pour en diminuer les frais. Les loyers sont particulièrement élevés. L'Etat n'est pas un bon gestionnaire immobilier, et louer dans Paris est de toute façon couteux. Mais se pose alors une question : pourquoi louer dans Paris ? La raison est souvent la recherche d'une adresse prestigieuse, mais ce qui est compréhensible pour une entreprise l'est beaucoup moins pour une administration publique. En effet, son premier souci doit être l'efficacité, et non la recherche d'un statut social particulier. Le critère le plus important pour le placement d'une organisation est la proximité de voies de communication. Un bâtiment doit être bien desservi en routes et en transports en commun pour qu'il soit simple de s'y rendre. C'est une nécessité pour ceux qui y travaillent comme pour les visiteurs occasionnels.

En région parisienne, c'est le cas de nombreuses zones de la petite couronne. Au nord et à l'est de Paris, certains endroits sont mêmes particulièrement intéressants : ils sont encore peu encombrés, et ils permettraient d'accueillir les emplois de toute une population qui y vit, mais est actuellement obligée de passer beaucoup de temps chaque jour à se rendre à un travail éloigné. Mais rien n'oblige une administration à se trouver forcément en Ile de France. Quelque soit son emplacement, une administration centrale unique sera plus difficilement atteignable pour une grande partie de la population, qui devra prendre trains ou autoroutes pour s'y rendre. Que ce soit à proximité de Paris ou non ne change pas grand chose à l'affaire. Il est donc envisageable de délocaliser ce type d'administration dans des villes importantes, très bien connectées au TGV et au réseau d'autoroutes, mais où les coûts seraient moins importants. Des villes comme Bordeaux ou Nantes n'ont pas les loyers stratosphériques de Paris, mais en ont la plupart des atouts, notamment en terme de main d'œuvre. Et si les délocalisations peuvent s'avérer difficiles, notamment pour les familles des employés, il faudrait au moins que les nouvelles administrations soient dès le départ créées en dehors de la région parisienne. La Halde ou Hadopi auraient très bien pu commencer leurs activités ailleurs.

Ce serait non seulement une politique de réduction des coûts, mais aussi une politique d'aménagement du territoire. En Allemagne, le pays est pour des raisons historiques peu centralisé autour d'une ville en particulier. Administrations et grandes entreprises sont présentes de façon assez homogène, au moins à l'ouest. Vu comment Paris est congestionné à l'heure actuelle, avec des implications pour tous en terme de marché de l'immobilier ou de transports, il serait bon que l'Etat fasse sa part pour mieux occuper l'ensemble du territoire français.

mercredi 24 novembre 2010

Didier Le Reste retraité

Didier Le Reste, le dirigeant de la fédération des cheminots CGT, prend sa retraite. Il a 55 ans. Il a commencé à travailler à la SNCF comme contrôleur il y a 34 ans. S'il avait été conducteur, il aurait pu partir à l'âge de 50 ans. L'essentiel est d'avoir 25 ans de services. Cet exemple concret montre bien que la réforme des régimes spéciaux de fin 2007 n'a pas changé grand chose, seul le nombre d'années de cotisation pour avoir une retraite à taux plein ayant augmenté. Seulement, les décotes par année non cotisée sont faibles, et leur implémentation se fait sur une très longue période, jusqu'en 2024. Et la période de référence est toujours les six derniers mois, et non les 25 meilleures années, augmentant mathématiquement la pension.

Hors les concessions accordées par le gouvernement se sont révélées nombreuses, trop nombreuses. La cour des comptes et plusieurs parlementaires se sont exprimés sur le sujet, ayant remarqué que le coût de ces concessions effaçait en très grande partie les gains résultants de cette réforme. En somme, le compte n'y est pas. 500 000 personnes cotisent pour les régimes spéciaux, et 1,1 million de personnes en sont retraités. Les cotisations ne suffisent donc pas, et en ce qui concerne les pensions de la SNCF, elles sont financées à la fois par des transferts de l'Etat et par des cotisations patronales. Pour la SNCF, c'est un coût important, évidemment répercuté sur ses clients. Inutile donc de se demander pourquoi ses prix augmentent. Et c'est aussi une charge financière pour tous. Elle ne se justifie pourtant pas vraiment.

Plutôt que de faire de fausses réformes des régimes spéciaux, pourquoi ne pas tout simplement les supprimer ? S'il est normal que les militaires aient un régime adapté, les salariés de la SNCF et de la RATP sont des travailleurs comme les autres. Pourquoi continuer de traiter des entreprises publiques, chargées de délivrer un véritable service d'intérêt général à la population, comme des vaches à lait ? C'est bien sûr une question de capacité de nuisance des syndicats, qui sont fiers de protéger leurs corporatismes. Bernard Thibault, 51 ans, dirigeant de la CGT depuis 11 ans, mais toujours rémunéré par la SNCF, a encore quatre années devant lui avant de prendre lui-même sa retraite et passer le relais à un autre organisateur de grèves en chef.

mardi 23 novembre 2010

Le rythme scolaire allemand

L'Education Nationale est certainement le ministère dont l'activité est la plus scrutée. C'est normal, connaissant le nombre de personnes qui y travaillent, et le nombre d'élèves qui y étudient. Le système scolaire français est donc un enjeu politique majeur, et il est l'objet de moult propositions, émanant de toutes parts. Très récemment, le marronnier de la suppression des notes est réapparu. Il est évidemment bien ridicule, casser le thermomètre ne suffisant pas à changer la température. Plus sérieusement, le ministre Luc Chatel a lancé depuis la rentrée une expérimentation sur la mise en place des rythmes scolaires à l'allemande dans une centaine de collèges et lycées français. C'est là aussi un sujet de réflexion récurrent. Les difficultés du modèle français nous ont depuis longtemps fait regarder le modèle allemand avec intérêt. Il est facile de penser que l'herbe est plus verte ailleurs. Le fait qu'il soit déjà fermement installé outre-Rhin montre qu'il ne s'agit pas d'une fantaisie, mais bien d'une alternative. Une question demeure pourtant : l'exemple est-il bien positif ?

Au vu de ce qu'il se passe en Allemagne, il est tout à fait possible d'en douter. Le modèle allemand consiste à regrouper les cours le matin, libérant les élèves pour des activités au choix, leur demandant moins de concentration. L'idée est de s'adapter au rythme supposé de l'enfant. Seulement, cela ne se passe forcément aussi bien que dans la théorie. Les activités de l'après midi sont optionnelles, elles ne sont pas vraiment encadrées par l'école. Cela veut dire que ce sont les parents qui doivent y accompagner leurs enfants, nécessitant d'eux une forte présence dans l'après midi. Leur progéniture est en effet lâchée dans la nature très tôt, vers 13 h. De nombreux enfants ne font pas ou peu d'activités l'après midi, et ce temps libre se traduit souvent par une simple oisiveté. Cela explique le fait que la chaîne allemande RTL2 diffuse des dessins animés tous les après midi, ou que l'on croise autant d'adolescents par petits groupes dans les rues à ces heures là.

Plus grave, l'exigence de présence de la famille pousse de nombreuses femmes à devoir faire un choix entre vie professionnelle et vie familiale. En Allemagne, le taux d'activité des femmes ayant des enfants est bien plus faible que dans d'autres pays, et celles qui sont attachées à leur carrière choisissent fréquemment de ne pas enfanter. La conséquence directe est particulièrement nette : le taux de natalité allemand est très faible, et même préoccupant. Le taux de fécondité, à 1,37 enfant par femme, est bien loin de suffire, et la population allemande décline quantitativement, posant des problèmes économiques et sociaux non négligeables.

Or ces inconvénients ne sont pas accompagnés d'avantages. Le rythme scolaire allemand n'apporte pas de meilleurs résultats. En fait, les Allemands sont mêmes les premiers à se plaindre des piètres performances de leur système éducatif. Les publications des résultats des tests PISA (menés auprès des pays de l'OCDE) sont vécues comme de véritables traumatismes outre-Rhin. En lecture et en mathématiques, le rang de l'Allemagne n'a rien de glorieux, se trouvant dans la deuxième moitié du tableau. La France elle-même y obtient de meilleurs résultats. L'Allemagne se déchire depuis une décennie dans des polémiques récurrentes sur les performances décevantes de son système éducatif. Parfois, le système français y est même cité en exemple.

Le rythme scolaire allemand n'est donc pas synonyme de bienfaits. Dès lors, quel besoin aurions nous donc de l'appliquer ? Il y a probablement des choses à faire au sein de l'Education Nationale. Veiller à ce que les programmes soient bouclés serait un bon début par exemple. Une autre chose positive serait de se demander ce qu'ont apporté les multiples réformes qui se sont succédés depuis 20 ans. Chaque ministre lance sa réforme sans se préoccuper des effets des précédentes. En fin de compte, nous naviguons à vue, les grandes idées et les petites lubies formant les vagues et marées sur lesquels le bateau de l'Education Nationale dérive.

lundi 22 novembre 2010

La consommation chinoise

A l'instar du sommet de Copenhague sur l'environnement, la réunion du G20 à Séoul n'a pas abouti à quoi que ce soit de concret. La séquence a été à peu près la même : les Européens ont été spectateurs de discussions où Barack Obama a tenté en vain de convaincre les Chinois de faire quelque chose qu'ils ne voulaient pas faire. Cela commence à ressembler à un schéma habituel. Ici, la question a été d'ordre monétaire. Le déséquilibre des balances commerciales commence à poser vraiment problème. La balance commerciale américaine est déficitaire vis-à-vis de la Chine, les importations américaines sont donc payées par des dollars que la Chine amasse. Elle les utilise pour acheter des bons du trésor, finançant ainsi le gouvernement américain qui est largement déficitaire. Cela rend forcément les États-Unis mal à l'aise.

Au cours de la dernière décennie, la consommation américaine a été très forte, servant de moteur non seulement à l'économie américaine, mais aussi à l'économie mondiale, via les importations réalisées. Par ricochet, cela a permis à des pays exportateurs de connaître une croissance forte, mais l'on peut se demander ce qu'ils en font. Dans le cas de la Chine, l'argent est utilisé de plusieurs manières. Il y a d'abord l'épargne, en une certaine façon, via l'achat d'obligations d'État et l'augmentation des fonds de réserve en devises étrangères. De nombreuses machines outils sont également achetées à l'étranger. Cela représente un débouché important pour un pays comme l'Allemagne, même si le solde de sa balance commerciale avec la Chine est également déficitaire. La Chine dépense aussi beaucoup pour s'assurer de son approvisionnement en matières premières : pétrole, minerais... En ce qui concerne la nourriture, la Chine n'est pas auto-suffisante, elle est obligée d'en acheter en grande quantité à l'étranger. C'était l'une des causes de la hausse de produits comme le blé ou le lait lors de l'inflation de 2007-2008.

Mais tout cela reste assez faible en fin de compte, et la logique voudrait que le yuan augmente fortement pour compenser un tel déséquilibre entre les importations chinoises et les exportations. La Chine s'y refuse. Les victimes en sont non seulement les autres pays industrialisés, mais aussi la population chinoise. Même si les ouvriers chinois bénéficient d'augmentations salariales chaque année et qu'une classe moyenne se développe, les gains de pouvoir d'achat sont bien plus faibles qu'ils pourraient l'être. En effet, la Chine dispose de réserves financières, les prix des produits de consommation étrangers restent contrôlés grâce à la stabilité du yuan... mais ils ne sont pas achetés, par volonté politique, donc.

Cette consommation manquée pourrait être compensée si une part plus importante du système productif chinois était dédié à satisfaire la demande chinoise plutôt qu'étrangère. Mais cela voudrait dire moins d'exportations et moins de puissance commerciale. En maintenant la consommation chinoise à un niveau inférieur à ce qu'elle pourrait être, non seulement l'inflation demeure à peu près mesurée (limitant les risques de demandes, et donc de troubles politiques provenant de la population), mais la Chine conserve également des moyens de pression sur le reste du monde via les avantages de ses exportations. C'est le cas lorsqu'elle contrôle la dette américaine, ou lorsqu'elle peut se permettre de menacer le Japon de ne plus exporter de terres rares par exemple.

De nombreux pays préfèrent répondre au maximum aux besoins de sa population, sans voir un horizon plus lointain. En Chine, c'est l'inverse. L'État chinois se préoccupe davantage de sa propre puissance au détriment du sort de sa population. On le savait en matière de politique, c'est aussi le cas en matière d'économie.

jeudi 18 novembre 2010

La haine comme ambition politique

Pendant le quinquennat de Jacques Chirac, Dominique de Villepin méprisait Nicolas Sarkozy. Ce dernier, disposant alors d'une forte popularité, était le favori au sein de la droite pour la prochaine présidentielle. Dominique de Villepin croyait que Nicolas Sarkozy finirait par se carboniser, lui laissant la voie libre. Fort d'une haute estime de lui-même, il pensait que la présidence lui était due. C'est alors qu'est arrivée l'affaire Clearstream.

Ce qui est remarquable, dans cette affaire, c'est que presque toutes les suppositions lancées dans les semaines qui ont suivi son éclatement se sont révélées vraies après des années d'enquêtes. Un auditeur en mission au sein de la société Clearstream a fait parvenir des listings de comptes à un journaliste d'investigation. Celui-ci les transmet à Imad Lahoud, un subordonné de Jean-Louis Gergorin à EADS, qui les modifie pour y incorporer les noms de candidats potentiels à la prochaine présidentielle, comme Nicolas Sarkozy ou Dominique Strauss-Kahn. Jean-Louis Gergorin, qui est un proche de Dominique de Villepin, envoie ces listings modifiés de façon théoriquement anonyme au juge Renaud Van Ruymbeke pour qu'il enquête dessus. Dominique de Villepin se réjouit des premières mentions dans la presse et l'encourage à ne pas lâcher Nicolas Sarkozy à ce sujet. Mais la supercherie est rapidement avérée, et Nicolas Sarkozy décide de se porter partie civile dans l'affaire, souhaitant que les coupables de cette tentative de manipulation soient condamnés. Le premier procès n'a pu mettre en avant de preuves prouvant la culpabilité de Dominique de Villepin, mais une question n'a pas trouvé de réponse : qui a incité Imad Lahoud et Jean-Louis Gergorin à organiser une telle affaire ?

Toujours est-il que Dominique de Villepin s'est retrouvé au banc des accusés, qu'il n'a pu être candidat à la présidentielle en 2007. Nicolas Sarkozy le fut. Depuis, Dominique de Villepin ne le méprise plus, il le hait. Et depuis 2007, il rêve de vengeance. A partir du moment où il a quitté Matignon, Dominique de Villepin a organisé son parcours politique de telle manière à se montrer comme l'opposant le plus acharné du Président de la République. Cela peut paraître paradoxal, dans la mesure où ils sont censés être du même bord politique. Et lorsque Dominique de Villepin critique la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy, il critique la politique qui a été menée lorsqu'il était lui-même Premier ministre. Dans son combat judiciaire et politique contre Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin utilise les mots les plus durs pour se poser en victime et attaquer le pouvoir politique en place, pourtant composé en grande partie de ceux qui le soutenaient autrefois.

Dominique de Villepin ne sera pas élu Président de la République. Il a pu le croire à une époque, mais ce n'est plus vraiment son objectif actuel. L'électorat de droite n'est pas suffisant pour envoyer un candidat du même parti au second tour face au Président sortant. Par contre, il peut tout à fait le faire perdre. En attisant la division pendant la campagne, voir lors du vote, Dominique de Villepin peut fortement gêner la réélection de Nicolas Sarkozy, se rajoutant aux autres contraintes habituelles inhérentes aux sortants. Et cette idée pourrait largement suffire à l'ancien Premier ministre. Son combat politique n'est pas tant pour construire quelque chose, que pour détruire quelqu'un. Cette haine ne peut pourtant pas être la base de l'avenir de la France.

mercredi 17 novembre 2010

Retour sur Knysna

Il semble qu'en fin de compte les 23 bleus de la dernière coupe du monde ne toucheront aucune prime, en renonçant à leurs droits à l'image tant pour la compétition en elle-même que pour les matchs de qualification. C'est tout à fait normal, pour deux raisons. D'abord d'un point de vue moral, vu qu'ils n'ont pas à être généreusement récompensés pour une prestation dans laquelle ils ont été pire que mauvais. Ensuite d'un point de vue économique : les droits à l'image sont la rémunération obtenue par les athlètes pour que les sponsors puissent se servir de leur image pour valoriser leur marque. En l'occurrence, l'image qu'ils ont donné a été si mauvaise qu'elle a pu dévaloriser celle des sponsors. Ceux-ci ont demandé réparation à la Fédération Française de Football, et ont obtenu des remboursements. Il était dès lors normal que la fédération ne souhaite pas verser quand même de l'argent qu'elle n'a plus à sa disposition.

L'équipe de France aurait quand même pu se passer de ses ultimes tergiversations. Lorsque Patrice Evra a annoncé qu'ils renonçaient à tout, cela n'aurait pas du aller plus loin. Le scandale n'était même pas qu'ils aient produit une mauvaise performance pendant les matchs. A l'instar de tous les sportifs, ou même de tous ceux qui font quelque chose, il arrive que cela ne fonctionne pas. Il est néanmoins préférable de mettre le maximum de chances de son côté, de travailler pour la réussite. Le terrain était déjà propice à la polémique, puisque le public avait le sentiment que ce n'était pas le cas, en maintenant un sélectionneur qui avait gravement échoué pendant l'Euro précédent, et avait obtenu la qualification de son équipe dans des conditions particulièrement douteuses.

Mais le psychodrame de Knysna était une pure folie. D'abord, les insultes proférées par un joueur envers l'autorité (en l'occurrence Raymond Domenech) n'ont pas été immédiatement sanctionnées. L'exemple est particulièrement terrible. Ensuite, la "grève" des autres joueurs dans le bus a été encore pire. En refusant de s'entraîner, ils ont définitivement montré qu'ils se moquaient de leurs performances, qu'ils n'avaient pas envie de se donner à fond. Et tout cela pour soutenir l'arrogance de leur camarade...

Cela a symbolisé d'une manière plus globale le sentiment de la part du public que le football, leur sport préféré, perd le sens des réalités et des exigences minimales. Les sommes d'argent dont il est question posent particulièrement problème. Les footballeurs sont extrêmement bien payés. Qu'elle en est la logique ? Normalement, cela se justifie car les footballeurs sont peu nombreux à faire tourner une industrie qui rapporte des dizaines de millions d'euros à chaque club. Il est donc logique qu'ils en reçoivent une part importante sous forme de rémunération. Mais en fin de compte, ce n'est pas vraiment le cas. Les salaires se justifient sur l'offre et la demande, où il y a une demande très forte pour quelques super stars seulement, réclamés par les supporters de plusieurs clubs. Les salaires de ceux-là explosent, sans que cela soit compensé par des revenus supplémentaires équivalents pour le club. Résultat, ils sont nombreux à être en déficits et à avoir toutes les peines du monde à équilibrer leurs comptes.

En France, le système est arrivé à une voie de garage : tous les clubs ont comme modèle économique de prospérer sur les transferts. Il consiste à former ou développer la valeur économique de joueurs pour pouvoir les revendre à des clubs étrangers (riches théoriquement, mais déficitaires eux-aussi) à bon prix. En conséquence, ils n'ambitionnent plus sérieusement de remporter les compétitions européennes. Les grands clubs européens, eux, sont dans une fuite en avant, en étant soutenus financièrement par des personnalités richissimes ou bien refusant de voir obstinément qu'un jour il faudra payer la facture. Et tout cet argent arrive dans la poche de footballeurs souvent jeunes, voire immatures, et dont certains perdent rapidement le sens des réalités. Il y a de quoi être circonspect. Qu'il y ait de l'argent dans le football n'est pas un problème en soi. Le fait que le modèle économique ne fonctionne pas et que les valeurs sportives soient oubliées en est un. Dans toute l'Europe, il doit y avoir davantage de fair play, non seulement sportif, mais aussi financier.

mardi 16 novembre 2010

Et maintenant, on ne fait plus rien

Quel est le message du dernier remaniement gouvernemental ? Il doit bien y en avoir un, pour avoir été annoncé depuis si longtemps et pour qu'il finisse par avoir lieu. Ce ne peut être la volonté de faire un gouvernement "resserré". Pendant sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy en avait promis un, ne comportant que quinze ministres, pour des raisons d'efficacité. Dans le nouveau gouvernement, hormis le Premier ministre, ils sont 22 à avoir le titre de ministre. C'est 50 % de plus que l'objectif annoncé. Ce ne peut être la stricte parité parmi les ministres, autre promesse électorale. Les femmes ne représentent qu'un tiers des membres du gouvernement. Et ce n'est définitivement pas le gouvernement de l'ouverture. Des personnalités dites d'ouverture ont été écartées du gouvernement alors qu'elles pouvaient encore y contribuer de façon positive, à l'instar de Jean-Marie Bockel.

A vrai dire, le signal envoyé est même celui d'un gouvernement de fermeture. Il ne s'agit même plus d'inclure d'autres familles politiques que la sienne, il a été question de ne pas accueillir toute sa famille politique. La partie centriste de la majorité a été écartée. Le Nouveau Centre, le Parti Radical ou même les centristes de l'UMP n'ont plus voix au chapitre. Nicolas Sarkozy pouvait légitimement garder François Fillon au poste de Premier ministre, dans la mesure où celui-ci n'a rien à se reprocher. Mais il a fait une erreur en ne prenant pas en compte l'apport de Jean-Louis Borloo, en l'humiliant même.

L'UMP, bâtie par Jacques Chirac, avait pour but d'unir la droite pour éviter les petits conflits internes et les douloureuses divisions. Là, on se retrouve avec un gouvernement tristement RPR. Son but est, paraît-il, de former une équipe de combat dans le cadre de la prochaine présidentielle. La majorité est sortie épuisée du conflit sur les retraites, et elle sent visiblement le besoin de se refaire une santé. Dès lors, il ne peut plus être question de prise de risque ou de questions clivantes. Le grenelle de la fiscalité ou le dossier de la dépendance, vaguement en vue, seront traités de manière à ne donner lieu à aucun remous. En d'autre termes, il ne se passera rien. Rien ne sera fait. Le gouvernement va gérer les affaires courantes jusqu'à la prochaine présidentielle, et accessoirement fera campagne pour le Président. Il passera aussi probablement du temps à traiter les conséquences de la division de la majorité. Bref, il ne reste plus qu'à commencer à écrire les programmes pour la prochaine législature.



Cela fait bien longtemps que les gouvernements sont créés de façon presque aléatoire, mais cette fois-ci en est l'exemple le plus frappant. Il est possible de s'en rendre compte en en consultant le détail :

- Déjà, contrairement à sa promesse de campagne faite lors du Pacte écologique de Nicolas Hulot, le Président de la République a dégradé le ministère de l'environnement. Le ministre de l'environnement aurait théoriquement du être numéro 2 du gouvernement, seul ministre d'Etat, doté d'un poids politique important et ayant la main sur toutes les administrations concernées. Nathalie Kosciusko-Morizet n'est que numéro 4, n'est pas ministre d'Etat, a un poids politique modéré (même si elle connait le sujet) et a perdu le contrôle du dossier majeur qu'est l'énergie.

- Le retour d'Alain Juppé n'aurait jamais du avoir lieu. Il avait démissionné en 2007 car avait été battu aux législatives, et avait promis aux Bordelais de se consacrer à Bordeaux en 2008. Il n'est pas plus député aujourd'hui qu'hier, et laisse tomber Bordeaux. Surtout, homme du passé, on se demande ce qu'il revient faire à Paris hormis l'envie de profiter du titre ronflant de ministre d'Etat.

- Le ministère de l'immigration et de l'identité nationale disparaît, alors qu'encore une fois, c'était une promesse présidentielle. On revient à la situation précédente, où le dossier est traité par l'Intérieur. S'il y a ce changement, c'est soit qu'on fait une erreur aujourd'hui, soit qu'on en a fait une hier. Il faudrait le dire.

- Xavier Bertrand revient au gouvernement, après avoir échoué à la tête de l'UMP. A sa place, Jean-François Copé arrive pour servir, comme toujours, son intérêt personnel en priorité. Les militants n'ont de toute façon pas à choisir leurs dirigeants, une décision qui n'aura en fin de compte servi qu'à démobiliser le parti présidentiel.

- Certains ministres qui étaient performants là où ils étaient (comme Valérie Pécresse, Christine Lagarde ou François Baroin), restent en place, ce qui est déjà ça. Eric Woerth part, après avoir accompli sa mission qu'était la réforme des retraites. Totalement carbonisé, il aura quand même bien duré malgré la campagne médiatique dont il fut l'objet.

- Roselyne Bachelot se voit attribuer un ministère aux contours flous, ce qui signifie probablement qu'il est vide. La raison est simple : François Fillon voulait la garder, mais plus à la Santé. D'où une création de ministère ex-nihilo.

- Encore fois, certains députés (Patrick Ollier, Maurice Leroy, Thierry Mariani...) deviennent ministres uniquement parce qu'ils l'ont toujours voulu.

- Et enfin, Frédéric Lefebvre se voit récompensé d'un strapontin ministériel pour sa violence verbale et sa renonciation à ses propres capacités intellectuelles. Le signal envoyé est parfaitement clair.

Ne pouvait-on vraiment pas faire mieux ? Avec plusieurs mois de réflexion avant ce remaniement, cela aurait du être possible.

lundi 15 novembre 2010

Impôt sur la fortune et bouclier fiscal

L'impôt sur la fortune (ISF) est un impôt stupide. Mieux vaut le dire d'entrée. Son montant est calculé en proportion d'un capital, et non sur un quelconque flux d'argent. Un particulier devra payer la même somme s'il possède une maison coûteuse, mais inerte, quelques soient ses revenus. Si ceux-ci sont peu élevés, la logique est même qu'il devra la revendre au final pour payer l'impôt. L'ISF ne prélève pas un revenu, il punit la propriété. La logique n'est plus que sur un gain d'argent, une partie est partagée avec l'Etat pour le faire fonctionner, mais son but est tout simplement d'appauvrir ceux qui y sont assujettis. Mis en place par la gauche en 1981 pour des raisons idéologiques, la droite n'en a jamais supporté l'existence. Quand à la fin du quinquennat précédent, le projet de la prochaine législature fut en discussion au sein de l'UMP, l'opportunité d'y mettre fut mise sur la table. Craignant de se voir reprocher de faire une politique dédiée aux plus fortunés, le candidat Nicolas Sarkozy a préféré proposer un autre mécanisme : le bouclier fiscal à 50 % des revenus.

Le but est que personne n'ait à perdre aux impôts plus de la moitié de l'ensemble de ses revenus. Ainsi, un individu pourra garder au moins la moitié de son salaire net, malgré tous les impôts se rajoutant les autres. C'est un principe moral : des prélèvements confiscatoires sont injustes pour ceux qui font un effort pour augmenter leurs revenus, et peuvent décourager la croissance de l'activité économique en en diminuant l'intérêt. Déclarer que personne n'ait à se voir prélever plus de 50 % de ses revenus permet d'introduire au moins une certitude, celle de l'individu de savoir dans quel proportion il travaille pour lui-même au final.

Mais le bouclier fiscal ne résultat pas d'une restructuration de l'imposition faisant qu'il soit impossible d'être imposable au-delà de 50 % des revenus. Le processus n'intervient pas en amont, mais bien a posteriori du calcul d'imposition. Il consiste en un chèque de remboursement (une sorte de "trop perçu") de l'administration fiscale aux contribuables concernés. L'image est évidemment désastreuse. L'idée que l'on donne de l'argent à ceux qui sont déjà généralement les plus aisés ne passe pas. Le coût de 500 millions d'euros de tels remboursements n'est pas négligeable. L'opposition ne parle que de cela depuis trois ans, à chaque fois qu'il est question d'une limitation budgétaire. Comme si ces 500 millions auraient pu tout financer... Il reste que la mesure est majoritairement impopulaire.

Au sein de la majorité, la question de la suppression du bouclier fiscal a alors fait son apparition. Et dans des termes semblables qu'auparavant : s'il n'y a pas de bouclier fiscal, alors il faudrait supprimer l'ISF. Mais encore une fois, une telle suppression serait également impopulaire. Et l'ISF rapporte 3 milliards d'euros, ce troc entre deux mesures coûterait donc 2,5 milliards d'euros. Vu la taille de nos déficits, on peut difficilement se permettre de les augmenter encore davantage. Et tant que l'on n'aura pas d'excédents budgétaires, il n'y a aucune solution claire. Il est, paraît-il, question d'un grenelle de la fiscalité à venir. Ces thèmes en seront au centre, et l'une de ses premières missions pourrait être de refondre tous les impôts sur les particuliers pour qu'ils soient plus simples, plus efficaces et peut-être plus justes.

dimanche 14 novembre 2010

La fin du castrisme

Lorsque Fidel Castro a déclaré, en septembre dernier, que "le modèle cubain ne marche même plus pour nous", le monde entier fut surpris. Cela fait en effet 50 ans qu'il tient Cuba sous sa coupe, y ayant implanté un communisme rigide et doctrinaire. L'un des plus grands promoteurs du communisme fait donc aujourd'hui un constat d'échec. Un constat qui, certes, avait déjà été fait par tous ceux qui ne sont pas communistes. Mais le fait qu'un leader communiste finisse par l'admettre si crument, dans une lucidité soudaine et tardive, représente une nouvelle étape. De fait, au cours du demi-siècle précédent, Cuba s'est fourvoyé. La vie politique n'est qu'une dictature, l'économie est désastreuse, la pauvreté forte. L'indépendance voulue par rapport aux Etats-Unis s'est concrétisée par un blocus douloureux. Le cinéaste américain Michael Moore peut vanter le système de santé cubain, cela ne cache pas le désastre d'un pays totalement dépendant des importations de ses partenaires idéologique, le bloc soviétique hier, le Vénézuela aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, la situation est exsangue, le mirage ne peut plus perdurer, des changements sont impératifs.

Les observateurs internationaux ont ainsi interprété la déclaration de Fidel Castro dans un sens particulier. Ce serait une marque d'appui envers son frère Raul, actuellement au pouvoir, qui est en train de mettre en place des réformes économiques. Celles-ci visent à permettre l'initiative privée et à augmenter la productivité des activités cubaines. Il est donc question de l'introduction d'une dose de capitalisme et de libéralisme dans le système cubain. Et pour l'entériner, un nouveau congrès du Parti Communiste Cubain est prévu pour l'année prochaine, alors qu'il n'y en a plus eu un depuis plus d'une décennie. Le fait que les frères Castro soient ceux qui initient ces changements permettront peut-être de faciliter leur acceptation. Mais la libéralisation est quelque chose de risqué pour un système communisme.

La Nouvelle Politique Economique menée par Lénine avait ainsi donné des résultats encourageants, mais fut finalement durement rejetée. Plus récemment, la Perestroika lancée par Gorbatchev était devenue nécessaire par le fait que l'URSS soit dans l'impasse dans les années 80. Mais la conjonction d'un volet d'ouverture politique avec la libéralisation économique a provoqué un souffle tel qu'il a balayé le système communiste. A la même période, Deng Xiaoping lançait également une libéralisation de l'économie, avec des modalités différentes, mais n'hésitait pas à repousser toute ouverture politique. En 1989, la Chine a choisi la répression à Tien'anmen, lorsque la Russie laissait faire la chute du mur de Berlin.

Aujourd'hui, il reste à voir de quelle façon sera faite la libéralisation du système cubain. L'âge avancé des frères Castro pose à court terme la question de leur succession. Ce pourrait être l'occasion de nouvelles institutions, pouvant accompagner la libéralisation économique lancée actuellement. L'idéal serait évidemment que tout se passe dans le calme, avec l'appui tant des structures internes que de la population. La levée de l'embargo américain serait une bonne façon de récompenser une quelconque ouverture politique. Mais ce ne sera que le début. Il y aura tellement à faire pour redresser ce pays...

Photo : Political Kudzu

jeudi 11 novembre 2010

Blog de droite

Une fois n'est pas coutume, parlons de ce blog. Aujourd'hui, cela fait cinq ans que le premier article a été publié. Environ 500 articles ont été écrits depuis, soit à peu près deux par semaine en moyenne. Certaines périodes sont plus fastes, d'autres moins, cela dépend de l'inspiration.

Une fois n'est pas coutume encore, ce billet sera écrit à la première personne. Comme certainement pour tous les autres blogueurs, mes propres motivations sont assez égocentriques. Je m'occupe de ce blog avant tout pour ce que cela m'apporte. Il me permet de mettre en forme ma pensée, de garder des notes d'une actualité toujours fugace, de construire une réflexion, petit à petit, comme le titre du blog l'indique. Je le fais en ayant pleinement conscience que je puisse me tromper, et sur certains billets, je m'en rends bien compte a posteriori. Par contre, je dois avouer que je ne me suis jamais soucié de quelconques statistiques ou d'une éventuelle présence dans le classement truc ou machin.

Les billets que je rédige reflètent évidemment mes points de vue. Je considère qu'en toute chose, tout est question de dosage. Sur chaque dossier, il y a un éventail d'alternatives, plus progressives que binaires. Les solutions extrêmes ne sont jamais les bonnes, car elles rejettent une réalité qui n'est faite que de nuances. Dans le monde actuel, dans la France d'aujourd'hui, voila quels sont mes opinions sur les endroits où mettre le curseur :
  • Je suis un fervent partisan de la construction européenne, croyant même aux bienfaits d'une Europe fédérale. Cela n'est possible que s'il y a une adhésion citoyenne à un tel projet, ce qui n'est actuellement pas vraiment le cas.
  • Je suis contre le communautarisme. Au vu des expériences passées, je ne crois pas que le multiculturalisme soit une politique durable, alors que l'assimilation, lorsqu'elle est faite, montre des résultats bien plus encourageants.
  • En matière d'économie, la grande question est de savoir quelle doit être l'importance de l'implication de l'Etat. En France, aujourd'hui, je pense qu'elle est trop forte. La compétitivité des entreprises françaises est faible, il y a trop peu d'exportations et surtout d'investissements, l'esprit d'initiative est trop souvent réprimé, il y a une hostilité malsaine envers le travail, et les déficits publics passés nous handicapent sous la forme d'une dette pénible à supporter.
  • Je ne crois pas que les délinquants soient des victimes de la société, ils sont des coupables qui lui nuisent. Lorsque quelqu'un commet un délit, c'est sa décision, et il doit pouvoir en être tenu responsable.
  • Je considère que dans une démocratie, chacun doit pouvoir s'exprimer librement, et que les décisions reviennent aux représentants élus, en l'occurrence le Parlement et la Présidence de la République. Je souhaite que la Vème République dure le plus longtemps possible, pour préserver des institutions stables et fortes.
Au fil du temps, l'axe politique évolue. Telle position qui était à gauche il y a un siècle est à droite désormais. Aujourd'hui, la grande majorité de ceux qui défendent des positions semblables aux miennes se trouvent au centre droit ou à droite, alors que ceux qui ont des opinions adverses sont soit aux extrêmes, soit à gauche. Cela fait de facto que je suis quelqu'un de droite. En conséquence, le blog que je tiens est de droite également. C'est un constat.

Contrairement à d'autre personnes, je ne tire ni honte ni fierté excessive de mon positionnement politique. Je suis toujours étonné de voir des gens affirmer qu'être de gauche, c'est bien en soi, que la droite c'est le mal absolu, et se prévaloir de tous les excès verbaux pour se glorifier ou disqualifier celui qui ne pense pas de la même façon. Je pense, au contraire, qu'il est nécessaire d'avoir des avis argumentés différents, pour qu'il y ait plusieurs possibilités de positionnement du curseur. La diversité des positions politiques (hors extrêmes), les alternances occasionnelles du pouvoir et la Raison permettent à la démocratie de s'auto-corriger et de se frayer un chemin. En tenant ce blog, j'espère y participer modestement, à la mesure de mes moyens.

mardi 9 novembre 2010

Faut-il modifier le Traité de Lisbonne ?

La perspective de modifier le Traité de Lisbonne si peu de temps après qu'il ait enfin été définitivement adopté ne fait plaisir à personne. Foudroyée par le rejet du Traité Constitutionnel Européen, l'Union Européenne avait péniblement du trouver une issue de secours pour se donner des institutions. L'adoption du Traité de Lisbonne lui-même fut loin d'être une partie de plaisir, entre le référendum négatif irlandais, le risque de rejet par les tories britanniques, et la mauvaise volonté de la Pologne et de la République Tchèque. Le Traité de Lisbonne avait au moins comme mérite de donner à l'Union Européenne des institutions adéquates pour pouvoir fonctionner longtemps sans gros problème. Et de fait, il n'est pas remis en cause dans ses principes ni ses modalités. Mais alors, qu'est-ce qui pousse les dirigeants européens à rouvrir la boîte de Pandore ?

La crise de la dette publique grecque est passée par là. Le nouveau gouvernement grec a découvert que les comptes publics du pays étaient faux, la Grèce vivant bien plus au dessus de ses moyens qu'elle ne le laissait croire. Avec ses comptes dégradés et son énorme dette, elle peinât à trouver de l'argent pour continuer à couvrir ses déficits budgétaires béants. Evidemment, tout cela montrait que la Grèce était bien loin de respecter les critères de Maastricht. La conséquence directe fut que l'euro fut attaqué, étant la monnaie de la Grèce, avec des conséquences désagréables pour l'ensemble des pays de la zone euro. Il a fallu trouver un moyen de rassurer les marchés, les convaincre que leurs titres grecs seraient bien payés (les créditeurs étant souvent d'ailleurs des banques de la zone euro justement, une défaillance pouvant se transmettre à l'ensemble de l'économie). Les Etats européens ont, comme certains l'avaient fait individuellement pour le secteur bancaire au début de la crise, garanti la dette grecque en créant un fonds spécial, le Fonds Européen de Stabilisation Financière (FESF).

Il s'agit en fait d'un mini FMI, à l'échelle européenne. Ce fonds emprunte sur les marchés avec la garantie AAA des Etats membres, ce qui lui permet d'obtenir les taux d'emprunt les plus faibles. Il prête alors cet argent au pays qui risque de faire défaut à ses créditeurs. En contrepartie de ce privilège, il peut forcer le pays concerné à faire des réformes drastiques pour améliorer l'Etat de ses finances. Le fonds peut être doté de plusieurs centaines de milliards d'euros, et devait être temporaire. Sa seule présence devait permettre de rassurer les marchés, le risque de défaut étant considérablement éloigné, les taux d'intérêts des pays en mauvaise situation pouvaient alors baisser, leur laissant davantage d'air pour respirer le temps d'améliorer leur situation.

Seulement, il est désormais question de rendre ce fonds permanent. Et c'est là où la chancelière allemande Angela Merkel intervient. Elle considère que pour éviter une censure du dispositif par la cour constitutionnelle allemande, il doit être inscrit au sein du Traité de Lisbonne, avec tout l'arsenal répressif envers les pays ne respectant une rigueur budgétaire suffisante. Nicolas Sarkozy en a accepté le principe, en faisant revoir un peu à la baisse la portée de cet arsenal (il n'est plus question d'automaticité des sanctions). Aujourd'hui, les autres pays semblent bien obligés de suivre.

Mais est-ce une bonne chose ? Déjà, on ne peut que regretter de toucher au Traité de Lisbonne. Ce n'est pas une bonne idée en soi, et de le faire aussi vite risque de faire un mauvais précédent. Chacun pourra considérer que le Traité est modifiable à sa guise, en fonction d'une quelconque circonstance. Le risque se pose notamment de la part de partis eurosceptiques, qui n'auront plus peur de promettre n'importe quoi à ce sujet. Les blocages et psychodrames en vue sont légions. Ensuite, on peut se demander s'il fallait rendre permanent le FESF. Le problème de la Grèce est avant tout que ses comptes n'étaient pas fidèles à la réalité, ce que les dispositions du FESF ne peuvent corriger par avance (au pire, réprimer a posteriori, une fois que le mal est fait, ce qui ne change rien). Et les pays qui ne respectent pas les critères de Maastricht ordinairement (comme la France) peuvent d'ores et déjà s'en prendre à eux-mêmes. Enfin, il n'était pas certain que la cour de Karlsruhe bloque réellement le dispositif, mais le risque existait tout de même.

Au bout du compte, les inconvénients surpassent les raisons de cette modification. Voilà une mauvaise situation dont sont responsables tous ceux qui ont des comptes publics structurellement déficitaires. Cela fait pas mal de pays, mais la France ne doit pas se conforter à cette pensée. Elle peut déjà agir pour réduire ses déficits, c'est l'heure de passer à l'action au moins sur ce point là.

lundi 8 novembre 2010

Un porte-avions en garde partagée

Le nouveau traité franco-britannique en matière de défense permet d'envisager de nombreux postes d'économie pour les deux pays, notamment en mettant en commun certaines infrastructures, et en faisant jouer des économies d'échelles pour une partie des achats. Les points de collaboration prévus sont nombreux, et celui qui a le plus fait parler de lui est la coopération sur les forces nucléaires. Un autre point important est la décision de favoriser l'interopérabilité entre avions et porte-avions des deux pays. Concrètement, il s'agit déjà d'installer des catapultes sur le prochain porte-avions britannique, le Queen Elizabeth, pour que les avions français puissent y opérer. Les avions des deux armées pourront ainsi utiliser le Queen Elizabeth ou le Charles de Gaulle indifféremment, et à terme la façon d'opérer des flottes d'accompagnement se rapprochera.

Il est néanmoins loin d'être certain qu'un pays accepte d'envoyer son propre porte-avions sur le théâtre d'une crise qui concerne exclusivement l'autre pays. Certes, depuis désormais bien longtemps, les intérêts des deux puissances convergent largement. Mais les questions de souveraineté nationale ne manqueront pas de se poser. En ne disposant que d'un seul porte-avions, un pays ne dispose d'une telle force de frappe qu'une partie du temps. Les périodes d'entretien, faites au port d'attache, sont en effet longues et fréquentes. Normalement, le but est donc d'en avoir deux, pour être sûr d'en avoir toujours un à disposition. C'était jusqu'à présent la politique de la France, avec le Foch et le Clemenceau. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les coûts de construction d'un porte-avions sont exorbitants. L'échelle est le milliard d'euros. Le porte-avions nucléaire français, le Charles de Gaulle a coûté bien cher et l'Etat français est réticent à mettre l'argent d'un deuxième sur la table. Au sein de l'armée, certains craignent que les crédits qui y seraient engagés ne soient trouvés au détriment des autres forces.

Du côté anglais, la question se pose désormais en des termes à peu près semblables. Le gouvernement travailliste avait décidé de construire deux nouveaux porte-avions pour relever ceux arrivant à bout de course. La construction du Queen Elizabeth a ainsi débuté l'an dernier. Mais l'arrivée des tories a changé la donne. Leur volonté de réduire la dépense publique a mis un point d'interrogation sur le deuxième, le Prince of Wales. Aux dernières nouvelles, sa construction devrait bien avoir lieu. Il est en effet bien plus économique de construire deux porte-avions à la suite que d'en construire un. Une annulation renchérirait le coût du Queen Elizabeth, et un tel désengagement serait coûteux en soi. L'idée des tories est donc de construire ce deuxième porte-avions, avant de décider ce qui pourrait en être fait. Une idée est de le vendre. Mais il pourrait aussi être utile militairement à la Grande Bretagne.

On peut en effet envisager que le Prince of Wales (ou quelque soit son nom) serve tant les marines britannique que française. La solution serait alors une forme de garde partagée : équipée de la même façon que le Queen Elizabeth ou le Charles de Gaulle, il pourrait être opéré par les Britanniques ou par les Français indifféremment. Il serait dans ce cas à la disposition du pays dont le porte-avions serait en période de maintenance, de telle manière que la France et la Grande-Bretagne aient toujours chacun un porte-avions immédiatement projetable selon sa volonté. Le coût serait divisé entre les deux pays, ne payant chacun la moitié des frais qu'ils auraient du engager pour obtenir la même prestation seule. Voilà des avantages qui poussent à étudier cette solution. Ce nouveau traité franco-britannique permet au moins d'en envisager l'hypothèse.

dimanche 7 novembre 2010

"Le dollar : notre monnaie, votre problème"

Bien que personne ne semble prêt à l'assumer, la guerre des monnaies a bien lieu. Pour commencer, la Chine refuse toujours de laisser s'apprécier le yuan. Elle a de bonnes raisons pour cela, toutes relèvent directement de son intérêt d'Etat si chèrement défendu. D'abord, une monnaie sous évaluer lui permet d'inonder les marchés occidentaux de ses exportations à bas prix, saignant à blanc les industries locales, et faisant rentrer des sommes immenses grâce à une balance commerciale énormément bénéficiaire. Ensuite, laisser le dollar être à un haut niveau par rapport au yuan lui permet de préserver la valeur de ses grandes quantités de bons du trésor américains qu'elle a acheté justement avec les sommes provenant de cette balance commerciale excédentaire. Bref, la Chine est puissante, elle le sait, elle gagne sur tous les tableaux et n'a jamais été enclin à une quelconque empathie envers les autres économies. Elle considère que son heure est arrivée, et il est temps qu'elle en profite. Comme d'habitude, elle réagira de façon outragée à quiconque essaiera d'exprimer une réserve sur la façon dont elle conduit sa politique économique.

Viennent alors les Etats-Unis. Le congrès essaie justement de faire quelque chose contre la faiblesse du yuan, mais il est contenu par une administration Obama bien prudente sur la question. Plutôt que de s'attaquer de front à la Chine, la solution trouvée a été de dévaluer de fait le dollar, en faisant tourner la planche à billets. La Fed créé donc de la monnaie ex nihilo en grande quantité pour racheter des bons du trésor, provoquant un afflux de dollar dans l'économie. La conséquence est double. A très court terme, cet afflux d'argent peut éventuellement faire redémarrer la machine économique américaine, encore à la peine. Mais cette augmentation de la masse monétaire sans augmentation équivalente de la production créera immanquablement de l'inflation. La Fed est prête à cela, car l'inflation américaine est actuellement très faible. Ensuite, cela fait également baisser le cours du dollar, facilitant les exportations américaines... et faisant diminuer la valeur des bons du trésor détenus par les Chinois.

Il y a bien un risque que l'ampleur de cette relance purement monétaire finisse par créer une nouvelle bulle économique, comme les faibles taux d'intérêt opérés au début des années 2000 par Alan Greenspan a permis la formation de la bulle immobilière dont on subit actuellement les conséquences de l'éclatement. Mais pour l'instant, cette politique monétaire est dans les intérêts des États-Unis. Seulement ce schéma oublie tous les autres pays du monde. Ils voient ainsi leurs monnaies s'apprécier rapidement face au dollar, sans qu'elles se déprécient pour autant face au yuan. Il leur est donc encore plus difficile d'exporter (les marchés sont souvent libellés en dollar), et ils sont toujours aussi vulnérables aux importations provenant de Chine. Les pays en développement s'alarment d'ores et déjà d'une politique dont les conséquences leur sera si défavorable. La zone euro est dans l'embarras. Interrogé sur la question, Olivier Blanchard, le chef économiste du FMI, se contente de dire que la BCE devrait peut-être faire la même chose que la Fed. Mais il sait certainement qu'une telle politique a peu de chance de trouver grâce auprès des monétaristes allemands.

Le plus marquant dans tout cela, c'est de constater l'inutilité de fait des tentatives passées pour réguler ce genre de questions. Les membres du G20 ne peuvent que constater leurs isolements respectifs. De telles coopérations ne peuvent fonctionner si certains participants conçoivent leur intérêt personnel comme prioritaire sur toute autre question. Le système monétaire de Bretton Woods était basé sur une conception de la monnaie où chacun devait être gagnant (en l'occurrence, en faisant que le dollar soit aussi bon que l'or comme référence monétaire). Il s'est écroulé lorsque les Etats-Unis n'ont plus voulu jouer le rôle auquel ils s'étaient eux-même proposés, et ont mit fin unilatéralement à la convertibilité or du dollar. Par la suite, quand les pays européens se sont inquiétés des effets de ce choc, le Secrétaire américain au Trésor, John Connally, leur déclara "le dollar c'est notre monnaie, mais c'est votre problème". Rien n'a changé depuis.

jeudi 4 novembre 2010

L'Enseignement de Langue et Culture d'Origine, ou le communautarisme institutionnalisé

Surprise en passant devant des écoles primaires de certains quartiers. A côté de l'entrée, sous verre, avec les papiers sur les menus de la cantine et l'élection des parents d'élèves, on trouve un texte en arabe. Heureusement, on en trouve une traduction un peu en dessous. Il explique aux parents les modalités pour inscrire ou réinscrire leurs enfants à l'Enseignement de Langue et Culture d'Origine (ELCO). En se renseignant sur Internet, on découvre ce que recouvre ce sigle discret. Il s'agit de donner des cours de langue et de culture étrangère aux enfants d'origine immigrée dans les locaux de l'école primaire publique. Ces cours sont assurés par des professeurs étrangers, rémunérés par les pays d'origine, avec un contrôle quasi nul de la part de l'Éducation Nationale, faute d'inspecteurs compétents en la matière. Lorsque les ELCO ont été mis en place dans les années 70, c'était à l'époque de l'immigration massive voulue par l'Etat. Celui-ci croyait que les immigrés repartiraient à terme dans leurs pays d'origine, et les ELCO avaient pour but de maintenir leurs enfants dans leur culture d'origine pour que ce retour se passe facilement. Des telles conventions avaient ainsi été signées avec plusieurs pays dont provenait l'immigration, leur donnant ainsi une délégation d'éducation.

Mais cela ne s'est pas passé ainsi. Dans leur très grande majorité, les immigrés ont choisi de rester en France. Pourtant, les ELCO n'ont pas cessé. Et bien loin d'aider les enfants à retourner dans le pays d'origine de leurs parents, ils contribuent surtout au développement de ces cultures en France. Leur logique est devenue totalement communautariste. Comme le montre le fait que l'on s'adresse aux parents avec leur langue d'origine, ils participent à la coexistence de plusieurs sociétés au sein d'un même pays, ne partageant pas la même langue et la même culture. Plutôt que de favoriser l'assimilation des enfants au sein de la communauté nationale, on les rejette indéfiniment dans d'autre cultures, les marginalisant de fait. Et c'est une politique opérée par l'Éducation Nationale, dans les école publiques et laïques.

La République sous-traite consciemment une partie de la formation de ses futurs citoyens à des pays étrangers. Voilà le genre de folies dont on peut difficilement s'étonner ensuite de payer les conséquences. Et de fait, les alertes ont été données de nombreuses fois, c'est même un thème récurrent des rapports sur l'intégration. En décembre 2003, le rapport de la commission Stasi sur la laïcité constatait par exemple que "sur fond de droit à la différence, on a glissé vers le devoir d'appartenance" et que "cet enseignement relève d'une logique communautariste". Il notait que ce dispositif allait "souvent à l'encontre de l'intégration des jeunes issus de l'immigration", ainsi que de la promotion de la langue française. La commission Stasi recommandait la suppression progressive des ELCO.

Encore à l'heure actuelle, dans un rapport que le Haut Conseil à l'Intégration s'apprête à remettre ce mois-ci au gouvernement, la question des ELCO est longuement abordée. Celui-ci note que les effectifs des élèves ne cessent de croître, notamment ceux d'origine algérienne ou turque. Il raconte également que, de façon quasi-unanime, les acteurs et partenaires de l'école "s’interrogent sur la pertinence du maintien d’un tel dispositif et considèrent, à juste titre, que les changements d’objectifs assignés à ces enseignements, l’usage qui peut en être fait par des familles ou des enseignants, les défauts de pilotage ont des conséquences négatives sur l’intégration des élèves qui en bénéficient." Le rapport poursuit en mettant en avant le risque "d’assister à un éloignement des valeurs républicaines alors que la mission de l’école est de les porter auprès des élèves pour qu’ils se les approprient. Susceptibles de renforcer les références communautaires, les ELCO peuvent conduire au communautarisme alors que la République qui doit être enseignée ne peut pas être un conglomérat de groupes. Certains interlocuteurs craignent même que certains ELCO deviennent des « catéchismes islamiques »."

A l'instar de la commission Stasi, le Haut Conseil à l'intégration préfère que l'enseignement de l'arabe soit assurée par des cours de langue vivante ordinaires, par des professeurs de l'Éducation Nationale. Pour les ELCO, sa conclusion est la suivante : "Depuis son premier rapport de 1991, le HCI a toujours préconisé la suppression des ELCO tant ils lui paraissent contraires à l’objectif d’intégration. Il renouvelle ici cette recommandation qu’il considère comme l’expression d’une volonté forte d’intégrer les populations immigrées à la société française".

Cela fait donc deux décennies que la suppression des ELCO est demandée pour favoriser l'intégration, mais cette promotion du communautarisme est toujours autant institutionnalisée. Si l'Éducation Nationale est consciente du problème, il semble que les diplomates soient réticents à leur suppression pour maintenir de bonnes relations avec les pays avec lesquels ces accords ont été conclus. Mais pour quel résultat ? Il y a déjà suffisamment de forces qui gênent l'assimilation des populations d'origine étrangère pour qu'il y ait une politique publique qui agisse consciemment en faveur du communautarisme.

mercredi 3 novembre 2010

Nobama

Après la folie collective qui s'empara du monde entier et d'une partie des États-Unis à l'annonce de la victoire de Barack Obama lors de la présidentielle de 2008, les résultats électoraux des démocrates aux élections de mi-mandat peuvent étonner. Malgré un capital certain de bonne volonté à disposition et un congrès démocrate, le Président américain n'a pas su répondre aux attentes énormes qui étaient placées en lui. Plusieurs facteurs ont joué lors de ces élections. Il y avait déjà un malentendu de départ. Certes Barack Obama a gagné dans une certaine joie collective, mais il n'a jamais fait l'unanimité. Son charisme, son talent oratoire extraordinaire et son profil un peu différent lui ont permis de bien mobiliser l'électorat démocrate. Néanmoins, une partie de l'élection s'est aussi jouée sur le bilan des républicains, et après huit années de George W Bush, il y avait un désir fort de changement qui favorisait nettement n'importe quel candidat démocrate. Et de fait, le courant conservateur qui avait tellement soutenu les républicains n'avait jamais cessé d'exister, et après quelques mois à peine, il a réussi à reprendre l'initiative à travers le moment des tea parties, Fox News ainsi que la révolte envers l'administration et les républicains modérés.

Pour les démocrates, le terrain était dès lors miné. Barack Obama a déçu, parce que l'économie actuelle américaine est si mauvaise. Son plan de relance par les grands travaux a surtout donné l'impression qu'il dépensait trop et pour n'importe quoi. La loi sur l'assurance maladie fut combattue pied à pied dans une guerre de tranchée interminable, et reste mal comprise. Il a déçu aussi ses partisans en n'arrivant pas à tenir certaines de ses promesses électorales, telles que la fermeture de Guantanamo ou l'autorisation de s'affirmer homosexuel dans l'armée.

Barack Obama a en particulier eu toutes les difficultés du monde à manœuvrer un congrès qui était censé lui être acquis. Dernièrement, le fait qu'il n'ait pas la super majorité de 60 sénateurs sur 100 l'a particulièrement handicapé. Cela ne gênait pourtant pas tant que ça les républicains, qui en leur temps, ne l'avait pas, et faisait quand même en grande partie ce qu'ils voulaient. Là, les élections révèlent non seulement une véritable guerre culturelle entre libéraux et conservateurs furieux, mais donne aussi une chambre des représentants dédiée à l'opposition frontale.

La situation n'a pourtant rien de désespérée pour les démocrates. Ronald Reagan et George Bush Sr n'ont jamais eu le contrôle de la chambre des représentants, et ont vu leur camp y perdre des sièges lors des élections de mi-mandats (en 1982, 1986 et 1990). Bill Clinton avait lui aussi perdu le contrôle de la chambre des représentants en 1994, et a quand même été réélu sans problème en 1996. Surtout, l'exagération des attaques des républicains risque de les desservir. La colère et le fait que le relativement centriste John McCain ait été défait pourraient inciter les républicains à se tourner vers un candidat particulièrement conservateur pour 2012. Quitte à effrayer les électeurs indépendants, de la même manière que la conservatrice Christine O'Donnell a perdu une élection que le républicain modéré Mike Castle (son adversaire dans les primaires) avait toutes les chances de l'emporter. De fait, la campagne pour la présidentielle va commencer d'ici peu de mois chez les républicains. De son côté, Barack Obama a deux ans pour montrer qu'il peut mettre en place son programme malgré une chambre des représentants hostile, comme l'avaient fait ses prédécesseurs.

mardi 2 novembre 2010

Le nombre de commissaires européens

Après avoir sermonné aigrement la France sur la question des Roms, la commissaire européenne Viviane Reding s'en prend désormais vertement au couple franco-allemand pour ses propositions en matière de limitation des déficits. Comme toute proposition, celles faites par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont critiquables. Mais on peut se demander en quoi la commissaire pour la justice, la liberté et la sécurité a à s'exprimer sur ce dossier précis. Ceux qui sont le mieux placés pour analyser ces propositions sont les autres gouvernements, puisque c'est leur intérêt qui est en jeu. On peut même remarquer le portefeuille de Viviane Reding est une coquille vide, créé depuis quelques mois seulement, alors que la politique de sécurité de l'Union Européenne est prise en charge par une autre commissaire, celle aux Affaires intérieures, Cecilia Malmström. Alors forcément, Viviane Reding est condamnée à tenter d'avoir du poids sur des affaires qui ne la concernent pas vraiment.

Ce n'est d'ailleurs pas le seul poste discutable de la Commission Européenne. Le commissaire européen à l'élargissement a un rôle malsain, car il est voué à faire s'élargir l'Union, sans vraiment se poser la question de savoir si c'est une bonne chose en soi. C'est l'éternel histoire de l'homme qui avait un marteau et qui ne voyait plus les problèmes que sous forme de clous à enfoncer. Le commissaire à l'élargissement élargira, puisque c'est sa raison d'être. C'est le genre de choses qui donne l'impression aux citoyens européens, même ceux qui sont favorables à la construction européenne, que la Commission a tendance à former une bureaucratie qui tourne en vase clos.

Dans la Commission Santer de 1995, il y avait 20 commissaires, et deux vice-présidents (soit 10 % des commissaires). Dans la commission actuelle, il y a 6 vice-présidents pour 27 commissaires (soit plus de 22 %). Etait-ce bien utile d'augmenter ainsi le nombre de vice-présidents ? On retrouve ce genre de situations dans les communautés de communes, les conseils généraux ou régionaux, où il faut distribuer des honneurs factices. Mais il n'est pas sûr qu'une organisation fonctionne mieux en augmentant la proportion de vice-présidents. De même pour le nombre de commissaires mêmes. Selon la règle d'un commissaire par pays, l'arrivée des pays de l'est a fait augmenter de façon artificielle le nombre de commissaires, sans que les dossiers à traiter augmentent pour autant. Cela ne peut être qu'une source d'inefficacité.

Heureusement, le Traité de Lisbonne prévoit qu'à partir du 1er novembre 2014 (soit pour la prochaine Commission Européenne normalement), le nombre de commissaires soit réduit, passant aux deux tiers du nombre d'États membre. Dans une Europe à 27, cela ferait donc une Commission à 18. Cela laisse certes présager des psychodrames lorsqu'il faudra déterminer quel pays n'en aura pas, mais aussi une bien meilleure organisation lorsque cela sera mis en place. C'était soit ça, soit l'existence de commissaires sans portefeuille, comme dans certains gouvernements...

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