Pendant le quinquennat de Jacques Chirac, Dominique de Villepin méprisait Nicolas Sarkozy. Ce dernier, disposant alors d'une forte popularité, était le favori au sein de la droite pour la prochaine présidentielle. Dominique de Villepin croyait que Nicolas Sarkozy finirait par se carboniser, lui laissant la voie libre. Fort d'une haute estime de lui-même, il pensait que la présidence lui était due. C'est alors qu'est arrivée l'affaire Clearstream.

Ce qui est remarquable, dans cette affaire, c'est que presque toutes les suppositions lancées dans les semaines qui ont suivi son éclatement se sont révélées vraies après des années d'enquêtes. Un auditeur en mission au sein de la société Clearstream a fait parvenir des listings de comptes à un journaliste d'investigation. Celui-ci les transmet à Imad Lahoud, un subordonné de Jean-Louis Gergorin à EADS, qui les modifie pour y incorporer les noms de candidats potentiels à la prochaine présidentielle, comme Nicolas Sarkozy ou Dominique Strauss-Kahn. Jean-Louis Gergorin, qui est un proche de Dominique de Villepin, envoie ces listings modifiés de façon théoriquement anonyme au juge Renaud Van Ruymbeke pour qu'il enquête dessus. Dominique de Villepin se réjouit des premières mentions dans la presse et l'encourage à ne pas lâcher Nicolas Sarkozy à ce sujet. Mais la supercherie est rapidement avérée, et Nicolas Sarkozy décide de se porter partie civile dans l'affaire, souhaitant que les coupables de cette tentative de manipulation soient condamnés. Le premier procès n'a pu mettre en avant de preuves prouvant la culpabilité de Dominique de Villepin, mais une question n'a pas trouvé de réponse : qui a incité Imad Lahoud et Jean-Louis Gergorin à organiser une telle affaire ?

Toujours est-il que Dominique de Villepin s'est retrouvé au banc des accusés, qu'il n'a pu être candidat à la présidentielle en 2007. Nicolas Sarkozy le fut. Depuis, Dominique de Villepin ne le méprise plus, il le hait. Et depuis 2007, il rêve de vengeance. A partir du moment où il a quitté Matignon, Dominique de Villepin a organisé son parcours politique de telle manière à se montrer comme l'opposant le plus acharné du Président de la République. Cela peut paraître paradoxal, dans la mesure où ils sont censés être du même bord politique. Et lorsque Dominique de Villepin critique la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy, il critique la politique qui a été menée lorsqu'il était lui-même Premier ministre. Dans son combat judiciaire et politique contre Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin utilise les mots les plus durs pour se poser en victime et attaquer le pouvoir politique en place, pourtant composé en grande partie de ceux qui le soutenaient autrefois.

Dominique de Villepin ne sera pas élu Président de la République. Il a pu le croire à une époque, mais ce n'est plus vraiment son objectif actuel. L'électorat de droite n'est pas suffisant pour envoyer un candidat du même parti au second tour face au Président sortant. Par contre, il peut tout à fait le faire perdre. En attisant la division pendant la campagne, voir lors du vote, Dominique de Villepin peut fortement gêner la réélection de Nicolas Sarkozy, se rajoutant aux autres contraintes habituelles inhérentes aux sortants. Et cette idée pourrait largement suffire à l'ancien Premier ministre. Son combat politique n'est pas tant pour construire quelque chose, que pour détruire quelqu'un. Cette haine ne peut pourtant pas être la base de l'avenir de la France.