Réflexions en cours

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mercredi 29 avril 2009

L'offensive pakistanaise

Le Pakistan vient de devenir une zone de combats militaires actifs, avec l'offensive menée par les troupes gouvernementales contre les talibans dans les régions situées à proximité de la frontière afghane. Ces régions sont connues depuis bien longtemps comme abritant des religieux particulièrement extrémistes, notamment car nombreux sont ceux qui agissaient auparavant en Afghanistan qui s'y sont réfugiés. Le fait est notable, car sous le précédent président pakistanais, Pervez Muscharraf, presque rien n'était fait, les Pakistanais se montrant peu motivés pour attaquer les talibans. Ils profitaient pourtant de l'alliance conclue avec les Américains, conclue au lendemain du 11 septembre 2001 : les Américains n'opéreraient pas militairement au Pakistan, et en contrepartie les Pakistanais s'occuperaient eux-mêmes des talibans. Des fonds américains leur ont été versés de façon inconditionnelle à cet effet, et ils ont obtenu une certaine tranquillité à l'époque où les Etats-Unis avaient tendance à envahir tout pays considéré comme trop menaçant.

Seulement, le Pakistan a préféré entretenir la perpétuelle hostilité avec l'Inde, une autre puissance frontalière. Cela est en continuité avec les différends conflits armés qui ont rythmé la vie de la région. Une guerre symétrique entre deux armées régulières a le mérite de la clarté, cela peut sembler plus séduisant que la guérilla, tout du moins pour les leaders militaires qui tenaient le pouvoir. Or les talibans deviennent de plus en plus ambitieux. Le pouvoir a longtemps eu tendance a s'accommoder de ces forces hostiles, quitte à ne plus contrôler du tout de vastes provinces. En février dernier, une trêve explicite a même été établie entre les deux camps : les talibans resteraient dans les régions qu'ils contrôlent, et laisseraient donc le reste du Pakistan tranquille, contre une permission d'établir des tribunaux islamiques dans ces zones-là.

Pour les Américains, il s'agit d'un camouflet discréditant toute leur politique concernant le Pakistan. Ce renoncement affiché est un non respect scandaleux des accords établis. Il n'est dès lors pas étonnant que Barack Obama et sa Secrétaire d'Etat Hillary Clinton mettent désormais la pression sur Asif Ali Zardari, le nouveau président du Pakistan, et l'ensemble des responsables pakistanais. Il est temps pour eux de vraiment de passer à l'action. L'administration américaine a donc forcé le Pakistan a prendre conscience de ses responsabilités. Car non seulement ces zones de non droit comme la région du Swat sont des lieux où le terrorisme prolifère, mais en plus si le Pakistan entier venait à tomber, c'est bien le contrôle de ses armes atomiques qui créeraient des difficultés insurmontables.

Trop souvent, l'opposition dans de tels pays se fait entre un pouvoir régulier modéré mais corrompu et un mouvement taliban jugé vertueux, car appliquant fidèlement une doctrine claire. Tel est le ressort qui a favorisé la popularité des talibans, hier en Afghanistan, aujourd'hui dans le Pakistan. Mais cela se traduit par une force qui est toujours utilisée pour s'en prendre à quiconque est jugé comme s'éloignant trop de leur doctrine. Ce totalitarisme doit être affaibli le plus possible, et en conséquence, il était vraiment devenu nécessaire pour le Pakistan d'utiliser ses options militaires pour reprendre le contrôle de son propre territoire.

dimanche 26 avril 2009

La cyberguerre

Le Pentagone a toujours été une cible de choix pour les pirates informatiques, surtout pour le défi représenté par les serveurs censés être les mieux sécurisés au monde. Des informations sensibles peuvent s'y trouver sur la plus grande armée au monde. Le piratage d'ordinateurs liés aux programmes de développement du nouveau chasseur F635 Lightning 2 de Lockheed Martin est dès lors un fait notable. Il ne s'agit pas là d'un défi que se seraient lancés de jeunes pirates. La valeur de ces cibles laisse plutôt penser que le piratage fut accompli en ayant consciemment ce but, et dans ce cas, ceux qui auraient intérêt à récuperer de telles informations sont soi des concurrents dans le milieu aéronautique, soit des armées potentiellement opposées. Ici, il apparaîtrait que l'attaque viendrait de Chine.

La Chine est déjà connue pour avoir été la source d'attaques "patriotiques" envers divers sites représentant des intérêts opposés à celui de ce pays, comme par exemple, ceux proches du Tibet. De son côté, la Chine, elle, dément. Cela pourrait être l'oeuvre d'individus chinois isolés, mais d'une manière ou d'une autre, de telles informations ont vocation à être utilisés par une force organisé, et il est évident qu'un pays ne reconnaîtrait pas ses tentatives d'espionnage ou d'attaques isolées. Ce n'est d'ailleurs pas le premier exemple d'attaque cybernétique organisée : le réseau estonien fut ainsi massivement surchargé à cause d'attaques venant de la Russie il y a deux ans, suite à une crise diplomatique entre les deux pays.

La multiplication de tels faits permet de noter le danger aigu de la cyberguerre. Aux côtés d'autres espèces de combats plus traditionnels, comme les combats terrestres, aériens, navals ou même balistiques depuis une soixantaine d'années, les guerres d'une échelle notable passeront également désormais par la guerre cybernétique. De tels risques sont à prendre au sérieux : entre les différents réseaux de données et de voix utilisées quotidiennement par tout le monde, les infrastructures se sont vu attribuées une place si importante que leur mise en défaut rendrait particulièrement vulnérable toutes les organisations. Les répercussions sont potentiellement énormes sur la vie courante ainsi que sur les capacités de réaction de l'Etat. Hollywood a déjà eu l'occasion d'anticiper de tels scénarios catastrophes : ils forment par exemple la trame du film Die Hard 4. C'est pour l'instant du cinéma dans une certaine mesure, mais en cas de guerre, usuelle comme asymétrique, cette nouvelle arme sera forcément utilisée à plus grande échelle.

L'Etat ou même les entreprises doivent s'en prévenir le plus tôt possible. Pour les forces militaires, ce doit même être un souci constant. En fait, il est même à espérer qu'en France, on soit d'ores et déjà prêt, mais cela paraît bien optimiste.

jeudi 23 avril 2009

L'absentéisme des députés

Le rejet de la loi "Hadopi" par l'Assemblée Nationale fut une surprise. Cette loi était la suite du rapport Olivennes visant à mettre fin au non respect des droits d'auteur sur Internet, mais son parcours législatif avait d'ores et déjà été des plus difficiles. La pertinence des propositions était il est vrai bien incertaine. Rejeté par de nombreux internautes, combattu férocement par l'opposition, sujette aux doutes de nombreux parlementaires de la majorité, notamment vis-à-vis du dispositif de "réponse gradué", il n'était pourtant pas question d'un rejet pur et simple en assemblée plénière alors que le texte était soutenu par le gouvernement et la majorité parlementaire. Avec 21 voix contre face à 15 voix pour, ce rejet eu pourtant lieu. Les responsables de l'UMP, tels que Jean-François Copé ou Roger Karoutchi, s'en sont pris à des "manoeuvres" socialistes, notamment le fait qu'une petite réserve de députés de gauche s'étaient cachés en coulisse pour apparaître juste au moment du vote. Cette défense est particulièrement pathétique : le président du groupe UMP et le secrétaire d'Etat aux relations au Parlement doivent bien savoir que les décisions sont prises à la majorité, et qu'en conséquence, pour pouvoir l'emporter, il faut être plus nombreux que ses adversaires. Les députés de l'UMP ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes : ils auraient du être présents en plus grand nombre. Avec seulement 15 députés de présent sur plus de 300, la question de l'absentéisme des députés ne qu'être évoqué.

Le Parti Socialiste n'est pas beaucoup plus exemplaire dans cette affaire. 21 députés sur plus de 220, cela fait plus de 90 % d'absents, sur un texte pourtant jugé important. Il y a une dizaine d'années, lorsque la gauche était au pouvoir, cette situation s'était également produite, lorsque la droite fit échouer l'adoption du PACS grâce à une très faible présence de la majorité dans l'hémicycle. De manière générale, en dehors des séances de question au gouvernement retransmises sur une grande chaîne nationale, l'hémicycle est souvent très peu rempli. Lorsqu'on leur pose la question du vide à l'Assemblée Nationale, les députés répondent souvent qu'il faut aussi s'occuper du travail en commission. Si seulement... Beaucoup de publicité est accordé aux commissions, mais l'absentéisme y est le même que dans l'hémicycle. En prenant les deux en compte, on ne fait que démontrer cet absentéisme massif. Une bonne partie des députés ne vient siéger et travailler que le mardi et le mercredi, puisqu'ils sont là pour les séances de question au gouvernement, et ils sont prompts à s'enfuir pour faire autre chose. Cela peut être l'exercice de leur ancienne profession (notamment pour les professions libérales), mais aussi pour s'occuper du "travail sur le terrain".

Il ne s'agit que marginalement de s'occuper des permanences, mais bien dans la plupart des cas de s'affairer à son mandat local : maire, président d'agglomération, président de conseil général, président de conseil régional, les occasions ne manquent pas. Lorsque l'on est parlementaire et responsable d'une collectivité locale, l'une de ces deux fonctions est presque toujours négligée. Et la plupart du temps, cela tombe sur celle de parlementaire, puisque le contrôle de ce travail est plus difficile, alors qu'il est important d'être souvent vu dans sa circonscription. Voilà pourquoi les députés défendent le cumul des mandats de façon si enthousiaste, alors qu'aucun autre pays occidental ne le pratique, et écartent systématiquement les critiques quant à leur absentéisme. La fonction de parlementaire n'est plus vue que comme un moyen d'obtenir des avantages pour sa collectivité locale, la participation à la construction de la politique de la France est oubliée. Et lorsque, comme sur Hadopi, les effets de cet absentéisme se font sentir de la manière la plus cinglante, il ne reste plus aux députés que des excuses pathétiques. Mais comment peuvent-ils s'étonner ensuite, de la désaffection du peuple pour la politique, et de participations bien faibles aux élections ?

vendredi 17 avril 2009

Un parti de la loi

L'insécurité n'est pas seulement un sentiment, c'est une réalité. L'importance de la délinquance est notable, et se nourrit du manque de morale ainsi que de l'impunité. A partir de 2002, les gouvernements successifs se sont attelés à la tâche, et ont tenté de combattre la délinquance en donnant à la justice de nouveaux outils pour la combattre, plus adaptés à la délinquance actuelle. Ces lois ont été farouchement combattues par certaines associations, les accusant d'entraver la liberté des citoyens. D'une manière générale, l'Etat a toujours été suspecté d'oppresser l'individu. Dès Hobbes et Rousseau, les philosophes se sont interrogés sur le nécessaire équilibre à trouver entre liberté et normes nécessaires pour permettre de vivre ensemble.

Dans une démocratie, l'issue apparaît facilement : les lois sont créées par les représentants du peuple. Dès lors, les citoyens n'entravent pas tellement leur propre liberté en respectant les lois. Ils ne font qu'obéir à leur propre volonté. Et en matière de liberté, la première est encore de pouvoir se déplacer comme on le souhaite sans risquer de dommages pour ses biens ou soi-même. Pour éviter d'interminables violences, l'Etat doit avoir le monopole de la force. Il est hors de question que chacun ait à assurer sa propre sécurité. L'Etat doit donc faire appliquer la loi, résultant de la volonté commune, face à ceux qui s'en affranchissent. Assurer la sécurité des citoyens est même la première des missions de l'Etat, une mission régalienne qui doit être assurée avant même que ce posent celles issues de l'Etat Providence.

Les forces de police et de gendarmerie doivent donc être soutenues. "Force reste à la loi" comme on dit. C'est un principe fondamental pour une démocratie, et pour toutes sociétés. L'ensemble des parties doivent s'entendre sur ce principe fondamental, et ne pas donner de l'espace à des mouvements appelant à son non respect. Car cela ne ferait qu'exercer la volonté d'une minorité contre tous.

mardi 14 avril 2009

Le manque d'égards du Parti Socialiste pour l'Europe

Il y a au moins un député européen socialiste en campagne actuellement. Benoît Hamon est à la fois porte-parole du Parti Socialiste et candidat aux européennes dans la région Ile de France. Il est donc tout indiqué pour expliquer aux électeurs les position de son parti sur les sujets européens. Invité sur RTL la semaine dernière, il répondit à une question sur la candidature turque :

"L'Union européenne est un grand marché intérieur. C'est d'abord une union économique et je ne vois pas de raison à ce qu'un marché comme le marché turc, et un pays comme la Turquie, ne rejoignent pas cette grande union économique."

Sur Europe 1, ce matin, il mit en avant l'argument du vote sanction pour défendre les listes socialistes aux européennes. L'idée est de profiter de ce scrutin pour sanctionner Nicolas Sarkozy et la gestion du gouvernement.

Si Benoît Hamon enchaîne donc les apparitions médiatiques, ses propos révèlent une conception bien peu ambitieuse du projet européen. L'Union Européenne est ainsi ravalée au rang de zone de libre échange, et les élections du Parlement Européen deviennent une bonne occasion de continuer le jeu politique national. C'est d'une certaine façon cohérent : si l'Union Européenne ne sert qu'à permettre du libre échange, l'élection de députés européens devient alors anecdotique, et l'on est alors obligé de parler d'autre chose pour justifier le vote en sa faveur. Après tout, le vote sanction a déjà permis au Parti Socialiste d'obtenir de nombreux succès aux élections locales en évitant les références aux enjeux locaux. Il y a cinq ans, les élections européennes avaient déjà été parasitées de la sorte. L'Europe ne s'en porte pas mieux, mais cela permet au Parti Socialiste d'avoir des élus tout en ayant l'illusion d'être populaire.

C'est néanmoins bien triste et très décevant de la part d'un Parti qui est censé être un partisan convaincu de la construction européenne. Que ce soit un opposant au Traité Constitutionnel Européen en la personne de Benoît Hamon qui représente principalement les socialistes en matière d'Europe est profondément décourageant. De telles considérations sont au mieux négligentes, au pire eurosceptiques. L'Europe mériterait davantage d'égards de la part du Parti Socialiste...

samedi 11 avril 2009

Et maintenant, le diplôme dans une pochette surprise !

Parfois, lorsque des élèves demandent à leur enseignant si tel devoir est noté, celui-ci leur répond qu'ils devraient un peu penser à travailler pour "eux-mêmes" plutôt que pour la note. L'idée simple est qu'après tout, les études sont d'abord faites pour apprendre, et la note ne vient que sanctionner les connaissances acquises. Cette idée simple n'a visiblement plus cours au sein de certaines universités françaises à l'heure actuelle. La note doit être accordée automatiquement, et les connaissances deviennent bien accessoires...

Comme d'habitude, les facultés françaises sont en grève. Que ce soient les professeurs, qui peuvent manifester sans se déclarer gréviste (et donc continuent d'être payés à ce moment-là), ou les étudiants, dont la "grève" n'est pas à proprement parler la cessation du travail, mais plutôt l'interdiction faites aux autres d'étudier, chacun s'affaire pour faire en sorte que l'université fonctionne encore moins bien. L'agitation en cours se traduit par des blocages de salles ou par des cours non assurés. Celui qui était venu pour travailler des cours et acquérir des connaissances s'est de toute évidence mal renseigné. S'il ne veut pas suivre la mascarade des assemblées générales étudiantes, il sera traité des pires insultes. Toute la litanie du lexique marxiste est aujourd'hui de sortie pour justifier le blocage des facultés. De façon paradoxale, si les cours ne sont plus assurés, c'est pour permettre leur survie nous dit-on. Le grave danger (toujours le même) qui plane au dessus de la tête des universités françaises serait celui de la "privatisation rampante". En l'occurrence, la principale mesure politique combattue est la réforme du statut des enseignants chercheurs.

Selon ce projet, la répartition du temps passé par chaque enseignant chercheur entre l'enseignement et la recherche relèverait d'une décision du président d'université, plutôt que d'une lointaine commission nationale. Ainsi, les décisions pourraient se baser de façon plus proche sur les évaluations faites de chaque personne, évitant des procédures administratives lourdes et complexes. Mais scandale ! L'évaluation régulière du personnel est un concept honni, et l'idée d'avoir un supérieur hiérarchique semble insupportable. Telle fut la première base de la "mobilisation" des enseignants chercheurs, rejoints par les étudiants les plus politisés, qui bloqueront donc les facultés dans le cadre de leur "lutte".

Si certaines universités ont traversé les derniers mois sont trop de problèmes, certaines ont été bloquées pendant plusieurs semaines d'affiliée. Les cours prévus n'ont pu avoir lieu, ce qui est déplorable pour l'image de l'Université française auprès des futurs étudiants et des étudiants étrangers, mais aussi nuisible directement pour les étudiants actuels. Les connaissances n'ayant pas été transmises, les partiels sont voués à se transformer en hécatombe. Qu'à cela ne tienne, parmi étudiants et professeurs l'idée de valider automatiquement le deuxième semestre fait surface. Cela reviendrait à donner un diplôme sans que les connaissances que celui-ci certifie n'aient été transmises. Tout d'un coup, le diplôme mentirait. Quelle confiance pourrait-on alors encore avoir en lui ? Dans certaines facs françaises, on ne fait pas cours, on ne travaille pas, mais des diplômes seraient donc accordés automatiquement sans autre critère. Autant le recevoir directement dans une pochette surprise à l'inscription ! Le procédé ne peut que nuire aux facultés qui s'abaisseront à cela. Ce faisant, elles se relègueront elles-mêmes sur le bas côté de l'enseignement supérieur. Ce qui est plus grave, c'est le risque que cette dévalorisation des diplômes nuise aux cursus solides et aux étudiants sérieux, qui paieraient cher l'irresponsabilité d'autres...

jeudi 9 avril 2009

José Manuel Barrosso, un choix par défaut

A la suite des prochaines élections européennes le mandat de la Commission Européenne prendra fin. Le moment précis peut encore varier en fonction de l'adoption du Traité de Lisbonne, mais il est juste et nécessaire que le débat autour de la politique menée par la Commission se tienne maintenant, pendant la campagne électorale. Le Parlement européen doit être le lieu autour duquel les politiques européennes se construisent, et à ce titre, les électeurs doivent savoir à quoi s'en tenir de la part des candidats. La composition de la Commission Européenne doit être approuvée par le Parlement Européen, et les différents partis politiques doivent indiquer quels seront leurs choix à venir. Le choix du président de la Commission est ici déterminant. Et la reconduction du sortant, José Manuel Barrosso, n'est pas forcément souhaitable.

Homme politique portugais de premier plan (puisque ancien Premier ministre) et ayant le mérite de parler parfaitement le français, entre autres langues, sa nomination à la tête de la Commission n'avait rien eu d'évident en 2004. Il la devait à son appartenance à la droite européenne, et au refus de la composante la plus souverainiste de celle-ci du Premier ministre belge, jugé trop fédéraliste. Installé à son poste par une volonté de laisser les Etats faire et de minimiser le rôle de l'Europe, José Manuel Barrosso a en fin de compte joué à fond la partition d'une Union Européenne très libérale économique et très faible politiquement. Son soutien appuyé à toutes les mesures pouvant déréguler le marché unique européen et à la candidature turque à l'Union Européenne en sont les preuves les plus marquantes. S'il a su se consacrer entièrement à sa tâche, il a montré néanmoins une capacité d'initiative bien insuffisant lorsqu'il s'agissait de passer à l'action. Il n'a pas su profiter du poids politique dont il disposait, et son mandat aura au final été cinq années de plus d'une Commission totalement déconnectée des peuples européens.

Son bilan est donc insuffisant, et ses perspectives d'amélioration décourageantes. Il pourrait probablement y avoir quelqu'un de meilleur à la tête de la Commission Européenne. Seul problème : personne ne semble se donner de la peine pour chercher un meilleur candidat. Il faut dire que les raisons qui avaient poussé à l'installation de Barrosso demeurent, et que les partis d'opposition ne semblent même pas motivés pour proposer un candidat alternatif. La reconduction probable de José Manuel Barrosso à son poste relève donc du choix par défaut, sans plus de considérations.

La campagne européenne aurait pourtant beaucoup gagné à pouvoir offrir un débat clair sur cette question. Le Parlement européen lui-même permet plusieurs opportunités de rendre le fonctionnement des institutions européennes plus politique et plus compréhensible par les citoyens. Sans même changer les textes, des évolutions peuvent apparaître dans la pratique. Outre donc, la possibilité pour chaque parti de désigner son candidat au poste de Président de la Commission, il est possible que le Conseil Européen sélectionne la totalité des Commissaires dans les rangs des députés européens. L'Union Européenne s'approcherait davantage de règles parlementaires, garantes d'une meilleure démocratie. Et c'est de cela dont a besoin l'Europe aujourd'hui.

dimanche 5 avril 2009

La Turquie, nouveau membre des États-Unis d'Amérique ?

Après le G20, l'OTAN et la République Tchèque, Barack Obama se rend en Turquie. Alors que la visite en République Tchèque se justifiait par la présidence actuelle de l'Union Européenne, celle en Turquie se fait en mettant en avant l'importance de ce pays comme pays musulman allié des États-Unis. La spécificité est donc telle qu'elle justifie un arrêt de la part du Président américain, qui jusque-là les distribue de façon méticuleuse. Celui-ci a pris le relais de ses prédécesseurs en souhaitant publiquement que la Turquie intègre l'Union Européenne. Le but serait de rechercher une plus grande coopération avec les pays musulmans, et l'entrée de la Turquie irait, selon lui, dans ce sens. Sur ce point, il est donc totalement sur la même ligne que George Bush. Ce qui est frappant, c'est que dans leur idée, l'Union Européenne semble ne consister qu'en un ensemble destiné à se courber dans tous les sens pour régler les questions stratégiques qu'affrontent les États-Unis. Ils ne semblent pas prendre beaucoup de précautions pour éviter l'ingérence dans les affaires européennes. Quel chef d'État européen irait se prononcer publiquement sur des enjeux institutionnels américains, comme par exemple, le fait que les habitants de la capitale Washington n'ont pas d'élus capable de voter au Congrès américain ?

L'offensive américaine en faveur de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne intervient en outre juste après une séquence assez troublante qui s'est joué au sommet de l'OTAN à Strasbourg. Alors que tous les autres pays soutenaient la candidature du Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, au poste de secrétaire général de l'OTAN, la Turquie a bloqué ce choix, notamment car celui-ci ne s'était pas opposé à la publication de caricatures de Mahomet dans un journal de son pays. En ne soutenant pas la liberté d'expression, la Turquie s'est naturellement retrouvée isolée. Hier, elle a fini par donner son accord sur le nom de Rasmussen, en précisant que Barack Obama lui avait donné des "garanties". Et aujourd'hui, la presse turque triomphe, présentant la Turquie comme la grande gagnante du sommet. Des trophées sont présentées, sous la forme de concessions sur la question chypriote ainsi que la nomination à venir d'un secrétaire général adjoint turque à l'OTAN, une revendication lointaine. Le fait que cette alliance militaire serve de théâtre à des épreuves de force entre membres sur fond de questions doctrinales religieuses peut paraître inquiétant.

Mais il existe une solution pour que le lien avec la Turquie soit renforcé de la façon considérée par l'administration américaine sans qu'elle n'adhère à l'Union Européenne. Il faudrait en fait qu'elle devienne membre des Etats-Unis d'Amérique. L'idée peut paraître farfelue, et les objections ne manqueraient pas. Pourtant, ces objections sont en fait les mêmes que celles que la candidature à l'Union Européenne affronte. Et au moins, les dirigeants américains seraient plus enthousiastes que ne le sont les dirigeants européens : la coopération entre l'occident et le monde musulman serait très forte si la Turquie appartenait aux États-Unis.

Alors bien sûr, la Turquie n'est pas en Amérique. Mais elle n'est pas en Europe non plus, et pourtant, il faudrait qu'elle l'intègre quand même.
Evidemment, la très importante population turque déséquilibrerait le débat politique américain. Mais ce serait la même chose pour l'Europe.
La population américaine verrait certainement d'un mauvais oeil une telle candidature sortant de nulle part. Comme la population européenne en fait.
On pourrait se dire qu'il revient aux Américains de déterminer qui fait partie de leur union. Mais visiblement, les Américains ne se privent pas de se mêler des questions européennes.

Si les États-Unis prêchent l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne, ce doit donc être car les raisons qui excluent cette adhésion ne les gêneraient pas. Ils devraient donc en tirer les conclusions, en proposant eux-mêmes à la Turquie d'intégrer leur fédération. L'idée n'est, après tout, pas plus absurde qu'une candidature à un groupe européen.

vendredi 3 avril 2009

Trois Français au G20

Le sommet du G20 qui vient de s'achever à Londres a été considéré comme une réussite non seulement par les participants, mais aussi par les commentateurs. Très souvent, les réunions internationales de ce type sont l'occasion de créer des compromis tellement mous qu'ils ne satisfont personne, même s'il est difficile de les désavouer dans la mesure où chacun en est un peu responsable. A Londres, des compromis ponctuels ont également du être faits, mais le succès en question vient surtout du fait qu'à peu près tous les intervenants étaient globalement d'accord sur le fond avant même de se retrouver. A savoir : la crise économique mondiale est d'une gravité extrême, les différents participants doivent faire en sorte qu'elle soit la plus courte possible, notamment en favorisant activement la relance et en recréant les conditions de la confiance, et enfin, le système financier mondial devra être à l'avenir davantage régulé.

La violence de la crise et la stupidité avec laquelle elle est née a permis à chacun de bien se rendre compte qu'il y avait un problème grave qui ne saurait être nié. La crise ne remet pas en cause le capitalisme, seulement l'idée selon laquelle celui-ci devrait voir une dérégulation financière sans limite. La mondialisation n'est ici pas à la faute. Les Etats-Unis ont ainsi obtenu sans peine une condamnation du protectionnisme. L'Organisation Mondiale du Commerce n'a pas eu à ce sommet à défendre le libre échange. Le directeur de l'OMC, Pascal Lamy, fut donc le moins en vu des trois français qui étaient présents au premier rang de ce sommet. Même si chacun des trois était venu défendre un point de vue différent, ce chiffre met quand même une certaine influence de la part des Français sur les évolutions mondiales.

Ce n'est d'ailleurs pas étonnant, dans la mesure où ce fut le Président français, Nicolas Sarkozy, qui avait le premier voulu un tel rassemblement pour permettre une réponse mondiale face à la crise, et ce, alors que Barack Obama n'était pas encore élu et que lui assurait la Présidence de l'Union Européenne. Il n'avait pas hésité à s'inviter à Washington pour inciter George Bush à participer à une rencontre plus vaste que le G8, en tenant compte des plus importants pays en développement tels que l'Inde ou le Brésil. En tandem avec Angela Merkel, il a su orienter les débats sur la nécessité de régulations, considérant que des orientations devaient être prises maintenant au risque d'oublier de le faire une fois le plus dur passer. Il a également réussi à se mettre d'accord avec les Etats-Unis sur la question des montants à allouer à la relance : si l'Allemagne et la France n'auront pas à lancer un nouveau plan de relance immédiatement du fait du rôle des stabilisateurs automatiques, les deux pays participeront avec les autres pays développés à la très forte augmentation des moyens du FMI.

Ce sont ainsi des centaines de milliards de dollars supplémentaires que le FMI pourra prêter aux pays en difficultés. L'institution aura également le premier rôle à jouer dans le cadre de la régulation et dans l'élimination des actifs toxiques. A ce moment où le monde a particulièrement besoin du FMI, c'est une chance que de pouvoir compter sur un homme de la stature de Dominique Strauss-Kahn, celui qui est à sa tête, et troisième français présent au G20. Ses compétences économiques et son savoir faire en matière de relations internationales seront sollicités pour permettre un retour le plus rapide possible à la confiance et à la croissance. S'il réussit les missions qui lui sont confiées, il y gagnera sans nul doute une gloire nouvelle, et la reconnaissance du plus grand nombre. Ce sera un peu lui l'exécuteur des volontés de la communauté mondiale.

Evidemment, le sommet du G20 ne réglera rien dans l'immédiat. Mais l'on peut au moins se réjouir du bon départ qu'il a permis, qui devra être relayé par chacun dans les mois à venir.

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