Le rejet de la loi "Hadopi" par l'Assemblée Nationale fut une surprise. Cette loi était la suite du rapport Olivennes visant à mettre fin au non respect des droits d'auteur sur Internet, mais son parcours législatif avait d'ores et déjà été des plus difficiles. La pertinence des propositions était il est vrai bien incertaine. Rejeté par de nombreux internautes, combattu férocement par l'opposition, sujette aux doutes de nombreux parlementaires de la majorité, notamment vis-à-vis du dispositif de "réponse gradué", il n'était pourtant pas question d'un rejet pur et simple en assemblée plénière alors que le texte était soutenu par le gouvernement et la majorité parlementaire. Avec 21 voix contre face à 15 voix pour, ce rejet eu pourtant lieu. Les responsables de l'UMP, tels que Jean-François Copé ou Roger Karoutchi, s'en sont pris à des "manoeuvres" socialistes, notamment le fait qu'une petite réserve de députés de gauche s'étaient cachés en coulisse pour apparaître juste au moment du vote. Cette défense est particulièrement pathétique : le président du groupe UMP et le secrétaire d'Etat aux relations au Parlement doivent bien savoir que les décisions sont prises à la majorité, et qu'en conséquence, pour pouvoir l'emporter, il faut être plus nombreux que ses adversaires. Les députés de l'UMP ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes : ils auraient du être présents en plus grand nombre. Avec seulement 15 députés de présent sur plus de 300, la question de l'absentéisme des députés ne qu'être évoqué.

Le Parti Socialiste n'est pas beaucoup plus exemplaire dans cette affaire. 21 députés sur plus de 220, cela fait plus de 90 % d'absents, sur un texte pourtant jugé important. Il y a une dizaine d'années, lorsque la gauche était au pouvoir, cette situation s'était également produite, lorsque la droite fit échouer l'adoption du PACS grâce à une très faible présence de la majorité dans l'hémicycle. De manière générale, en dehors des séances de question au gouvernement retransmises sur une grande chaîne nationale, l'hémicycle est souvent très peu rempli. Lorsqu'on leur pose la question du vide à l'Assemblée Nationale, les députés répondent souvent qu'il faut aussi s'occuper du travail en commission. Si seulement... Beaucoup de publicité est accordé aux commissions, mais l'absentéisme y est le même que dans l'hémicycle. En prenant les deux en compte, on ne fait que démontrer cet absentéisme massif. Une bonne partie des députés ne vient siéger et travailler que le mardi et le mercredi, puisqu'ils sont là pour les séances de question au gouvernement, et ils sont prompts à s'enfuir pour faire autre chose. Cela peut être l'exercice de leur ancienne profession (notamment pour les professions libérales), mais aussi pour s'occuper du "travail sur le terrain".

Il ne s'agit que marginalement de s'occuper des permanences, mais bien dans la plupart des cas de s'affairer à son mandat local : maire, président d'agglomération, président de conseil général, président de conseil régional, les occasions ne manquent pas. Lorsque l'on est parlementaire et responsable d'une collectivité locale, l'une de ces deux fonctions est presque toujours négligée. Et la plupart du temps, cela tombe sur celle de parlementaire, puisque le contrôle de ce travail est plus difficile, alors qu'il est important d'être souvent vu dans sa circonscription. Voilà pourquoi les députés défendent le cumul des mandats de façon si enthousiaste, alors qu'aucun autre pays occidental ne le pratique, et écartent systématiquement les critiques quant à leur absentéisme. La fonction de parlementaire n'est plus vue que comme un moyen d'obtenir des avantages pour sa collectivité locale, la participation à la construction de la politique de la France est oubliée. Et lorsque, comme sur Hadopi, les effets de cet absentéisme se font sentir de la manière la plus cinglante, il ne reste plus aux députés que des excuses pathétiques. Mais comment peuvent-ils s'étonner ensuite, de la désaffection du peuple pour la politique, et de participations bien faibles aux élections ?