Réflexions en cours

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jeudi 28 septembre 2006

Le Ségo Show

Avec le nouveau retrait de Lionel Jospin, cette fois des primaires socialistes à l'élection présidentielle, nombreux sont ceux qui disent que Ségolène Royal est sûre d'obtenir l'investiture de son camp, et donc d'être au second tour de l'élection présidentielle. Son atout est d'être populaire, et la simple peur d'un renouvellement du 21 avril, où la gauche serait de nouveau absente au second tour, fait que les socialistes vont choisir le candidat qui semble actuellement avoir les meilleures chances de gagner l'élection, plutôt que de choisir celui qui ferait le meilleur président. Ségolène Royal est populaire pour des raisons bien peu liées à la compétence, c'est davantage la personnalité médiatique qui est mise en avant. Nicolas Sarkozy a beaucoup été critiqué pour son omniprésence dans les médias, résultant du fait qu'il agissait et qu'il le faisait savoir. Ségolène Royal est dans la même situation, si ce n'est qu'elle n'a rien à faire savoir, à part vanter un vague slogan, l'ordre juste. C'est donc à un spectacle vide que l'on assiste, et de ce fait, si Nicolas Sarkozy fut au centre de ce que certains ont appelé le "Sarko Show", la tornade médiatique à laquelle on assiste aujourd'hui, qu'on pourrait appeler alors le "Ségo Show", apparaît bien effrayante en ne s'appuyant que sur une image, au lieu d'une action.

Car si Ségolène Royal venait à devenir Présidente, les décalages entre l'image et l'action apparaîtraient comme insurmontables. En ne prononçant que des formules vagues, des personnes désespérées peuvent projeter leurs espoirs dessus comme sur une toile blanche. Mais en passant à l'application, il ne pourra y avoir que des espoirs brisés, et encore plus de dégoût pour la politique. En attendant, les deux autres prétendants à l'investiture socialiste, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, qui présentent des visions bien différentes et bien plus précises de leur projet pour la France, et qui sont expérimentés, sont condamnés à n'être que les opposants de circonstance à la reine des sondages, pour mieux lui permettre d'apparaître comme un renouvellement. Ce qui est absurde dans le fond, vu qu'elle est aussi ancienne en politique, mais n'a pas eu d'expériences ministérielles importantes. Bien plus étonnant, personne ne s'attarde actuellement sur sa pensée politique, alors qu'il est intéressant de remarquer qu'elle est marquée par un conservatisme rarement vu à gauche.

Le dernier espoir pour les autres prétendants socialistes à l'investiture sont les six débats portant sur le fond qui vont être organisés dans le mois à venir. Mais l'avenir de la France ne repose pas uniquement sur les personnalités politiques, ce sont d'abord les citoyens qui les élisent qui doivent se sentir responsables pour les politiques à mettre en oeuvre.

jeudi 21 septembre 2006

L'angélisme des juges face aux mineurs

Une nouvelle polémique vient d'éclater entre le ministère de l'Intérieur et le pouvoir judiciaire français. Nicolas Sarkozy a accusé les juges du tribunal de Bobigny d'avoir démissionné de leurs responsabilités, en ne condamnant aucun mineur à la suite des émeutes urbaines de la fin de l'année dernière. Les violences avaient pourtant été nombreuses dans le département de la Seine Saint Denis, et il reste l'un des départements les plus touchés par l'insécurité. Celle-ci est alimentée par une délinquance de personnes de plus en plus jeunes, connaissant bien ce que risquent les mineurs en cas de confrontation avec le système judiciaire français : c'est à dire pas grand chose. Si la jeunesse et un manque d'autorité peuvent expliquer voir excuser un acte d'immaturité, celui-ci peut être puni par une décision mesurée si le délit n'a comporté aucune violence. Pourtant, cette disposition a été étendue plus que de raisons par les juges pour enfants, qui pardonnent tout à des mineurs pourtant souvent multi-récidivistes. Dès lors, la justice française est considérée comme une plaisanterie par ceux-ci, et ils ne se privent donc pas de persévérer dans le non respect de la loi et de la société.

Les juges sont atteints, à l'instar d'une partie de la population française, de ce que l'on peut appeler "le complexe de Jean Valjean". Le héros du roman de Victor Hugo est quelqu'un d'honnête, de bon à la base, poussé à voler du pain pour nourrir sa famille, car étant trop pauvre pour pouvoir l'acheter, une pauvreté dont il n'est pas responsable. A l'instar de ce célèbre personnage de fiction, les délinquants sont donc considérés comme avant tout des victimes de la société, avant d'être vu comme des coupables. Si des circonstances atténuantes peuvent être retenues dans l'expression de la peine, elles ne doivent pas être le prétexte pour un pardon aussi rapide que facile. De nombreuses personnes sont aussi dans des situations difficiles, et restent honnêtes en toutes circonstances. Ne pas sanctionner, ne serait-ce qu'un minimum, un comportement fautif, revient à décourager ceux qui font le choix du respect de la société. De plus, dans le cas de la récidive, les circonstances atténuantes ne jouent plus : le coupable aura fait plusieurs fois le choix du non-respect de la loi, ce qui n'est pas admissible. Pour ne plus s'étonner de voir la criminalité et la délinquance augmenter, il faut donc en cesser avec l'angélisme au niveau des juges. Evidemment, cela demande également que les moyens nécessaires soient donnés aux systèmes judiciaires et pénitentiaires, pour qu'ils aient la possibilité d'exercer leur tâche en de bonnes conditions.

De même, il ne faut pas avoir peur de condamner des délinquants s'ils sont mineurs, quitte à leur faire purger leur peine dans des centres adaptés. Quelqu'un qui, à 14 ans, est capable d'actes fondamentalement hostiles et se montre dangereux pour les autres, sait bien que ce qu'il fait est mal. S'il a les moyens d'accomplir des actes délictueux, il doit être considéré comme pouvant assumer ses responsabilités, et doit répondre de son comportement comme tout à chacun. Ce n'est visiblement pas le cas aujourd'hui, puisque les syndicats de policiers et des préfets signalent que même si les délinquants sont arrêtés à force d'efforts, cela ne change rien, vu leur libération rapide par un système judiciaire parfois trop crédule. L'habitude d'avoir la larme à l'oeil face aux coupables permet d'oublier la douleur bien réelle des victimes. Un mineur qui brûle la voiture d'une famille aux revenus déjà très modestes sans aucune raison doit-il être pardonné ? C'est en tous cas ce qu'il se passe actuellement. C'est un problème, mais visiblement il est impossible d'en parler. Lorsque Nicolas Sarkozy a mis le doigt sur cette question, de nombreux représentants du système judiciaire l'ont accusé de ne pas respecter la séparation des pouvoirs et de haïr les juges. Le ministre de l'Intérieur est pourtant celui qui est responsable de la lutte contre l'insécurité, et lorsqu'il se fait l'écho de ses subordonnés les policiers qui font face aux difficultés de cette lutte jour après jour, il lui est demandé de ne pas intervenir.

La séparation des pouvoirs est un principe fondamental de notre République. Et si l'exécutif n'a pas le droit d'intervenir dans le domaine judiciaire, que celui-ci prenne au moins ses responsabilités dans la lutte contre la délinquance, car il ne doit pas oublier qu'il a aussi un rôle important à jouer.

lundi 18 septembre 2006

Passer à la social-démocratie

Le Parti Socialiste a profondément évolué depuis 1981, date de son retour au pouvoir après l'instauration de la Vème République. Au gouvernement, la gauche a une approche plutôt pragmatique des choses, quand elle devient dogmatique à l'opposition. Dans son ensemble, elle n'assume pas encore le passage à la social démocratie. Cela la dessert, et cela dessert la France. En fait, la gauche reste très profondément marquée par le marxisme. Du côté du Parti Communiste et de l'extrême gauche, ce sont très clairement ses applications marxistes-léninistes, trotskistes et maoïstes qui sont prônées. Chez les socialistes, c'est la version soft du marxisme qui prévaut souvent, où l'on croit que l'Etat peut et doit régler tous les problèmes. Le problème vient du fait que si Marx était un brillant analyste de la société dans laquelle il vivait, ses idées à appliquer en matière d'économie se sont révélées désastreuses. Afin d'éviter une justification économique marxiste à leur politique, les socialistes ont donc du trouver de nouveaux maîtres à penser. En l'occurrence, leur choix s'est porté sur Keynes, qui préconisait l'intervention de l'Etat en cas de crise, et sur à peu près toutes les théories économiques que l'on ne pouvait suspecter de libéralisme, combattue à tous prix.

C'est ainsi que dans les années 70 le Parti Socialiste a été fondé sur une orientation très à gauche. Malheureusement, peu de socialistes étaient érudits en matière d'économie. C'est donc une interprétation très interventionniste de Keynes qui fut faite, toujours très proche des préceptes de Marx, même si celui-ci était moins cité. C'est ainsi que François Mitterrand put trouver un accord avec le Parti Communiste sur le programme commun. C'est ainsi que Jean-Pierre Chevènement fonda le CERES, sur une ligne très au gauche vouant un culte à l'Etat Providence. C'est ainsi qu'en 1981, les socialistes parvinrent à faire rêver les Français en leur promettant de changer la vie, pour mieux s'encastrer dans le mur des réalités. Le tournant de la rigueur montra la fin des utopies pour la gauche qui croyait que tout était possible, et dès lors, les gouvernements se devaient d'être responsables en prenant des décisions économiques viables. Mais cette évolution dans les actes ne s'accompagna pas d'une évolution dans les mentalités, et encore de nos jours, le Parti Socialiste considère que pour gagner, il lui faut d'abord faire le plein de voix dans son camp, ce qui veut dire faire croire qu'il défend un programme vraiment de gauche, comme autrefois.

En faisant cela, certains socialistes comme Henri Emmanuelli sont sincères, considérant que l'Etat doit vraiment appliquer de telles politiques, en refusant de voir leur échec. D'autres sont plus cyniques, comme Laurent Fabius, qui a des positions différentes s'il se trouve dans la majorité ou dans l'opposition. Tous laissent croire à leurs électeurs qu'il est effectivement possible que l'Etat mène une politique où il s'occuperait de tout et donnerait la richesse à chacun. Il y a pourtant eux des voix à gauche pour appeler à la raison, en souhaitant un programme fondé tant sur la solidarité que sur le réalisme. C'est la "deuxième gauche", celle de Michel Rocard ou de Jacques Delors. Encore aujourd'hui, ils sont ostracisés par les voix les plus fortes de la gauche. Et certains considèrent que Lionel Jospin a perdu l'élection présidentielle de 2002 en disant que son programme n'était pas socialiste. Si désormais, une part du Parti Socialiste est un peu plus réaliste, et a soutenu le Traité Constitutionnel Européen, il semble que ce qu'on appelle "le peuple de gauche" vit toujours dans une sorte d'illusion en croyant plus une politique est à gauche, et mieux c'est, dans une sorte de simplisme planant au-dessus de toutes les réalités.

En fin de compte il y a un malentendu général sur la nature de la gauche. Un élan passéiste et utopique la veut socialiste, façon première gauche de François Mitterrand, celle qui a échoué et qui ne peut qu'échouer, de par ses illusions économiques. La raison la voudrait social-démocrate, en joignant convictions et responsabilité, comme c'est le cas dans la plupart des pays européens. C'est ce qu'a voulu incarner Michel Rocard, mais ses convictions et sa personne furent repoussées du Parti Socialiste par la haine de François Mitterrand. C'est ce qu'incarne aujourd'hui Dominique Strauss-Kahn, mais lui aussi est combattu en étant dépeint comme étant un "social libéral". Il est bien triste que de nos jours le dogmatisme gauchiste soit tellement répandu que tous ceux qui s'en éloignent pour proposer des idées applicables soient systématiquement conduits dans des procès en sorcellerie et en trahison. On peut reconnaître les véritables hommes d'Etat de gauche au fait qu'ils ne cachent pas la vérité à leurs concitoyens. Eux-seuls sont en mesure de faire comprendre à leurs électeurs que maintenant le rêve n'est plus permis, et que c'est bien à la social-démocratie, la version responsable et raisonnée de la gauche, qu'il faut passer.

dimanche 17 septembre 2006

Evoquer l'islam

Le pape Benoît XVI a fait un vaste discours mardi dernier sur la relation entre la raison et la foi. A cette occasion, il a mis en cause la religion musulmane, citant un empereur byzantin pour lequel cette religion n'a apporté "que des choses mauvaises et inhumaines", avec comme exemple l'encouragement au jihad, la guerre sainte. Nous savons que Benoît XVI est un pape très clairement conservateur, qui ne fait aucune concession sur le fait que le catholicisme est la véritable religion révélée, et qu'en conséquence, le dialogue entre les religions n'est pas une priorité, vu qu'il apporte une certaine relativisation. Regrettant l'effacement de la foi catholique dans certains pays, le pape souhaite dans ces discours démontrer la force du catholicisme en tant que religion, fusse au détriment des autres. Cette semaine, il s'est ainsi prononcé sur l'Islam, en critiquant ce culte pour mieux promouvoir le christianisme. Ses propos sont discutables, et semblent bien peu marqués de la sagesse qu'exige un tel poste. En effet, en disant cela, il ignore délibérément les progrès réalisés par les savants musulmans, et tout simplement le fait que la grande majorité des musulmans vivent de manière pacifique, travaillant pour le bien commun, et ayant une interprétation bien différente du Coran que celle faite par les extrémistes islamistes.

Il était donc naturel que des responsables religieux musulmans demandent au pape de corriger ses propos. Cela a été fait, mais ce simple discours a entraîné bien plus que cela. Très rapidement, des responsables politiques et religieux musulmans se sont attaqués au pape en des propos très vifs, mais les foules sont également descendues dans la rue en réaction, hurlant à l'offense faite au prophète, y voyant une nouvelle attaque de l'occident envers l'islam et se déclarant prêt à tout pour laver cet affront. Pour commencer, le portrait du pape a été brûlé, le mot croisade a été lancé pour caractériser ses mots, des cocktails molotov ont été lancés sur une église, puis une religieuse italienne a été tuée en Somalie, et en conséquence l'Italie a relevé le niveau d'alerte terroriste vu l'augmentation du niveau de menaces. Cela rappelle immédiatement ce qu'il s'était passé lors des affaires des caricatures danoises de Mahomet.

Le Coran interdit de représenter le prophète, et un journal l'avait fait par défi. Parmi les douze caricatures, certaines étaient tout à fait inoffensives, d'autres caricaturaient surtout cette interdiction, et quelques unes faisaient un amalgame condamnable entre Islam et terrorisme. Les responsables religieux musulmans danois firent appel à la communauté musulmane internationale pour riposter, obtenant l'aide des pays musulmans. Cela se traduisit d'abord par des protestations diplomatiques auxquelles le gouvernement danois répondit qu'il protégeait d'abord la liberté d'expression. L'affaire évolua ensuite en un boycott des produits danois et des autres pays où les caricatures avaient été publiées. Enfin, des manifestations quotidiennes brûlèrent des drapeaux danois et s'attaquèrent violemment aux ambassades danoises dans une explosion de fondamentalisme religieux.

On peut envisager la question sous l'angle de la liberté d'expression : lorsque des propos du pape ou les caricatures d'un journal sont diffamantes envers toute une communauté religieuse sans distinction, il est naturel qu'il y ait des protestations. Mais dans le cas des caricatures, pour ceux qui manifestaient de la façon la plus exaltée, le problème n'était pas tant que certaines étaient insultantes, mais plutôt le fait même que Mahomet ait été représenté, ce qui au contraire au Coran. Les commandements du Coran ne s'appliquent pourtant pas à ceux qui ne sont pas musulmans, mais visiblement les manifestants ne voient pas cette subtilité, et considèrent que la loi musulmane s'applique à tous. A vrai dire, ce motif de colère ne pouvait être que le seul, car cela aurait été un pêché pour eux que de voir les caricatures, même s'ils se seraient rendu compte d'eux-mêmes de ce qu'il en était. On peut alors se demander si ces foules ne sont pas trop dépendantes des imams qu'elles respectent, alors que ceux-ci ne semblent pas tous se distinguer par leur sens des responsabilités. De même, il est totalement paradoxal qu'en réaction à un discours du pape accusant les musulmans de violence, certains d'entre eux usent justement de violence, lui donnant presque raison.

Petit à petit, on peut se demander si le problème n'est pas simplement qu'il n'est pas possible d'évoquer l'Islam en des termes négatifs. Pourtant, c'est un lieu commun que de dire que toute chose a des aspects positifs et des aspects négatifs. Les apports et les passifs du catholicisme sont discutés chaque jour, cela a été permis par les philosophes qui ont prôné la tolérance et l'esprit critique. Mais cela ne semble pas pouvoir s'appliquer à l'Islam, dont certains imams fondamentalistes refusent de débattre des différentes interprétations du Coran et des aspects négatifs qu'a pu apporter leur religion. A long terme, c'est la possibilité même d'un dialogue entre musulmans et non-musulmans qui pourrait être compromise, et cela justifie toutes les craintes de conflit entre civilisations. Heureusement, les musulmans sont loin d'être tous acquis à une idéologie fondamentaliste, et actuellement, nous pouvons encore espérer que ceux qui restent mesurés arriveront à être davantage entendus par les autres.

samedi 16 septembre 2006

Un ticket Sarko - Borloo ?

L'université d'été du Parti Radical Valoisien a affiché le rapprochement entre Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy. Même si ce dernier n'y était pas physiquement présent, il a adressé un message vidéo aux radicaux, en assurant que la fibre sociale de Jean-Louis Borloo serait fortement prise en compte lors des prochaines élections, et après. Cela officialise le fait que Nicolas Sarkozy et Jean-Louis Borloo sont liés pour les prochains combats. Jean-Louis Borloo manquait d'influence au sein de l'UMP, considéré comme incontrôlable et sortant des sentiers battus, il était peu pris au compte dans les mouvements d'appareils. Sa nomination au ministère des Affaires sociales et son adhésion au Parti Radical l'ont remis dans le jeu. Sa personnalité originale et ses succès à ce ministère en ont fait une personne très appréciée des Français. Dès lors, il constitue une force pour le prochain candidat UMP à la présidentielle. Surtout que Jean-Louis Borloo n'a jamais connu de difficultés relationnelles avec Nicolas Sarkozy, bien qu'en étant éloigné au départ, et en revanche, l'affaire du CPE a laissé des traces entre Dominique de Villepin et lui.

Lors de la soirée du 21 avril 2002, la France était choquée. Sur les plateaux de télévision, les hommes politiques présents se rejetaient chacun la responsabilité de cet événement, laissant les Français songeurs. Il y avait un homme pourtant qui prit la parole pour recentrer le débat sur les soucis que connaissaient les Français. Il parla du drame du surendettement, et de ce qui restait à faire pour améliorer les choses. Ce soir là, Jean-Louis Borloo montra qu'il avait la volonté sincère d'améliorer la vie de ses concitoyens, quand les autres restaient attachés à des questions électorales. Dépassant les considérations politiciennes, il rallia l'UMP pour avoir l'occasion d'agir, plutôt que de se complaire dans une opposition inactive. Au ministère de la ville, il mit en place la faillite personnelle pour aider ceux qui étaient handicapés par le surendettement, il lança un programme ambitieux de renouveau de l'habitat social afin de réhabiliter des cités et engagea avec de petits moyens des actions pour lutter contre la fracture sociale. L'efficacité de son travail surnageant par rapport aux oeuvres des ses collègues ministres, il obtint une promotion méritée en 2004. Aux affaires sociales, ses actions en faveur du logement et ses résultats en matière de baisse de chômage font de lui encore une fois l'un des meilleurs ministres. Il est donc logique que l'on souhaite le voir occuper de plus grandes responsabilités. S'il n'a pas du tout le profil d'un Président de la République, il a en revanche celui d'un Premier ministre qui conviendrait à notre époque.

Dès lors, l'idée d'un ticket où Nicolas Sarkozy serait Président après les prochaines présidentielles et Jean-Louis Borloo nommé à Matignon apparaît très séduisante. Ils présenteraient une évidente complémentarité, en neutralisant l'un l'autre leurs points faibles. Nombreux sont ceux qui reprochent à la France d'en haut, l'élite, d'agir depuis leurs bureaux en étant totalement déconnecté des réalités du terrain, sans se rendre compte des conséquences de leurs actes. On peut aussi regretter qu'une grande partie de la population ne comprenne pas les exigences complexes auxquels est soumis un gouvernement, et que de ce fait leur vote reflète une pensée politique ne prenant pas en compte les contraintes de la gestion d'un pays, en ne se basant que sur leur propre expérience, ce qui apporte un point de vue parfois limité. C'est peut être à ce niveau là qu'il y a une déconnexion entre gouvernants et gouvernés, un malentendu sur ce qui peut être fait, sur ce qui est douloureux et doit être fait, et sur l'intensité de la souffrance des certaines catégories de la population. En se positionnant comme étant le candidat de la rupture, Nicolas Sarkozy souhaite profondément réformer la France, ce qui, n'en doutons pas, peut se révéler douloureux pour de nombreuses personnes dans un premier temps, bien que cela soit nécessaire. Ces réformes doivent donc être faites dans le respect des faibles, tout en conservant l'efficacité de l'action. C'est justement pour permettre cela que la présence de Jean-Louis Borloo est nécessaire aux côtés de Nicolas Sarkozy, et que l'on doit espérer qu'en cas de victoire de ce dernier, le premier continuera son travail à un niveau supérieur au poste de Premier ministre.

Photo : Patrick Bernard / AFP

jeudi 14 septembre 2006

Réformer les régimes spéciaux de retraite

La réforme des retraites a été l'occasion d'un débat difficile en 2003, notamment du fait que les régimes du secteur public devenaient réalignés avec ceux du privé, plus contraignants. En 1995, la question des régimes spéciaux, particulièrement favorables à ceux qui en bénéficient, et donc particulièrement coûteux, avait été posée, et était l'un des facteurs des manifestations et des grandes grèves de cette année là. En 2003, ce point fut donc soigneusement évité pour faire passer le gros de la réforme. Mais cela ne veut pas dire que la question ne se pose plus. Et c'est ce que rappelle François Fillon lorsqu'il déclare la droite devra réformer ces régimes spéciaux si elle vient à remporter les prochaines élections. Cela suppose donc que Nicolas Sarkozy soit le prochain Président de la République, et que donc ça n'arrivera pas avant juin 2007 en comptant les législatives, et que ce cas est de plus loin d'être certain.

Cela n'a pas empêché la CGT, par la voix du responsable du syndicat chez les cheminots, Didier Le Reste, d'annoncer immédiatement un mouvement de grève en représailles dès le mois prochain. Il faut dire que les employés de la SNCF, comme ceux d'autres grandes entreprises publiques, ont un régime de retraite particulièrement généreux, les permettant de partir en retraite des années avant le reste de la population, avec des pensions calculées sur les six derniers mois uniquement. Ce que les cheminots considèrent comme un acquis social, est effectivement la somme de dizaines d'avantages obtenus par le corporatisme le plus forcené et le recours systématique à la grève au mépris des clients et de la santé de l'entreprise. Il n'est donc qu'à peine étonnant qu'ils en soient à faire grève dès qu'il est mentionné par quelqu'un que leurs avantages pourraient éventuellement être remis en cause dans un cas de figure aussi lointain qu'incertain. Cela démontre l'état d'esprit qui règne chez certains d'entre eux. S'ils se positionnent à gauche, en professant la générosité à tout crin, il faut bien constater que cette générosité doit d'abord se faire envers eux. Et c'est donc par des justifications tirées de la lutte des classes qu'ils défendent leurs privilèges, nuisant en conséquence aux entreprises qui les emploient, à l'Etat qui doit couvrir les déficits ainsi générés et donc aussi aux clients/usagers qui paient plus chers pour entretenir le train de vie défendu par les syndicats, y compris par leurs impôts. C'est donc une belle leçon d'égoïsme qu'assènent des syndicats comme la CGT et SUD, ce qui est bien loin de "la défense du service public", utilisé comme prétexte pour se justifier auprès de la population qui souffre par leur faute.

Néanmoins, il faut avouer qu'ils sont nombreux à bénéficier de ces largesses extorquées à la communauté, remettre en cause celles-ci est donc dangereux d'un point de vue électoral. Dès lors, nous ne pouvons que reconnaître le courage de François Fillon sur ce point, ainsi que celui de Nicolas Sarkozy puisqu'il ne l'a pas démenti. Une telle réforme peut être difficile à mettre en oeuvre, de l'honnêteté est donc nécessaire pour oser l'annoncer longtemps en avance. Dans la mesure où ces régimes spéciaux sont néfastes à tous ceux qui n'en bénéficient pas, il est néanmoins possible qu'une majorité de la population appuie cette volonté de réforme.

mercredi 13 septembre 2006

La fusion Canal Plus - TPS

Beaucoup moins polémique que celle entre Suez et Gaz de France, la fusion entre Canal Plus et TPS n'en était pas moins attendue et nécessaire. En effet, d'un point de vue économique, il n'y a pas la place dans un pays pour plusieurs bouquets de télévision par satellite. En Espagne, en Italie ou en Grande Bretagne, de telles situations avaient invariablement conduit à des fusions. Si cela n'avait pas été fait auparavant en France, c'est surtout du fait de l'intransigeance de Patrick Le Lay, le PDG de TF1, qui ne voulait pas en entendre parler, refusant qu'une telle fusion ne se fasse pas entre égaux. Or TPS avait quand même beaucoup moins d'abonnés que CanalSat, ce dernier bouquet ayant été lancé bien avant. Bertrand Méheut, le dirigeant de Canal Plus, était lui favorable à une telle fusion. Il faut dire que la concurrence était coûteuse, en terme de recrutement des abonnés d'abord, mais également dans la lutte pour les exclusivités en matière de cinéma et de sport. La Ligue Professionnelle de Football avait d'ailleurs bien profité de cette concurrence, en faisant monter aux enchères les droits de retransmission de la ligue 1.

Mais désormais le satellite en lui-même doit affronter de nouveaux moyens d'acheminement des chaînes, la TNT d'abord, et surtout la télévision par internet. Tant CanalSat que TPS avaient anticipé ces évolutions en se positionnant sur ces créneaux. Néanmoins, les fournisseurs d'accès à internet ont commencé à commercialiser leurs propres bouquets, en devenant ainsi des concurrents frontaux des bouquets par satellites. En vendant l'abonnement de chaînes thématiques, les fournisseurs d'accès peuvent également vendre des télécommunications téléphoniques à prix réduits, en plus de la connexion à internet évidemment. Cela en fait de redoutables compétiteurs, et avec eux, on ne peut plus douter du fait que même avec des bouquets par satellite fusionnés, la concurrence restera forte.

Même si cette fusion permettra à TPS et à Canal Plus d'être plus forts ensemble, ceux qui en profiteront le plus seront d'abord les consommateurs. En effet, la concurrence était négative pour eux par rapport à la situation antérieure où Canal Plus fournissait à ses abonnés l'intégralité du cinéma et du sport. Avec la concurrence, il y avait plus de contenus, mais il était divisé : un abonné devait souscrire à deux bouquets différents pour avoir tout le cinéma, et tous les événements sportifs. C'était donc bien une dégradation de la situation. Avec la fusion, les abonnés à TPS pourront avoir Canal Plus, et ceux de CanalSat pourront regarder TF1 et M 6 en qualité numérique. Il est donc des cas où la concurrence est défavorable au consommateur, contrairement à ce qu'affirme la doctrine libérale. Et en l'occurrence, on peut se réjouir d'une évolution qui sera favorable tant aux consommateurs qu'aux entreprises concernées.

mardi 12 septembre 2006

137 449 amendements

Le débat sur la fusion de Gaz de France et de Suez s'est ouvert à l'Assemblée Nationale en session extraordinaire avec pas moins de 137 449 amendements déposés par l'opposition. On peut reprocher de nombreuses choses à cette disposition, comme le fait de revenir sur une loi qui indiquait clairement que le capital de GDF n'appartiendrait pas davantage au privé à l'avenir, ou bien de favoriser une fusion pensée à la hâte afin de se défendre d'une tentative d'OPA du groupe énergétique italien Enel sur Suez. Mais utiliser de telles méthodes pour combattre ce texte revient à tuer le débat et à ridiculiser le parlement et le système politique.

Ce n'est pas la première fois que l'opposition utilise cette méthode. Grâce au copier-coller, les amendements sont générés automatiquement et multipliés par le nombre de députés engagés à combattre une loi. On arrive rapidement à des dizaines de milliers d'amendements, la plupart ineptes car n'ayant pas vocation à être débattus sérieusement. Le but est de faire un semblant d'opposition en bloquant volontairement le parlement par des moyens faciles, tout en forçant le gouvernement à adopter l'article 49-3 de la Constitution, permettant de faire passer une loi en l'état à condition de ne pas subir de véto de l'Assemblée Nationale. Cette disposition a mauvaise presse, et à raison, car elle donne l'impression de faire fi du débat démocratique et des députés. Mais si elle est malsaine, elle l'est moins que la méthode qui permet de bloquer le parlement de façon irresponsable. C'est ce procédé mesquin qu'utilise l'opposition, et si elle avait l'opportunité de faire valoir des arguments sérieux hostiles à cette loi, alors même que certains députés de la majorité rechignent à l'adopter, elle se décrédibilise profondément en prenant autant à la légère les institutions. L'illusion que cela avait fonctionné pour le CPE incite les députés socialistes et communistes à s'engager davantage vers l'irresponsabilité politique.

Le débat de tous ces amendements inutiles a donc commencé, mais il risque de prendre des mois. Le gouvernement se donne jusqu'à la fin du mois de septembre pour décider de l'utilisation ou non du 49-3. La suppression de cet article est préconisée par le candidat à la présidentielle Nicolas Sarkozy. Cela peut se justifier, mais dans ce cas il faudra quand même prévoir une façon de débloquer le parlement lorsque les discussions sont artificiellement bloquées par des députés peu scrupuleux. C'est en tous cas un triste spectacle qui nous est offert, et qui malheureusement ne risque pas d'inciter les citoyens à croire en la politique. Etre dans l'opposition ne signifie pas ne plus avoir de responsabilités. C'est ce que devraient se rappeler les députés de l'opposition.

Photo : Le Figaro

lundi 11 septembre 2006

11 septembre : 5 ans après

C'est une commémoration que l'on ne pouvait pas éviter. Il y a cinq ans, les actes terroristes perpétrés sur le territoire des Etats-Unis ont profondément marqué ce pays, et ont donné une nouvelle direction à sa politique étrangère. Cinq ans après, le moins que l'on puisse faire est de constater l'échec de cette nouvelle politique. La faute en revient d'abord à George Bush et à son équipe.

A l'émotion suscitée par les détournements d'avions et leurs conséquences, a naturellement succédé la colère. Et il était bien normal que tout soit fait pour empêcher de nuire davantage Al Qaida et le régime des talibans qui hébergeait les dirigeants de cette organisation. Ainsi, les alliés occidentaux ont aidé les rebelles du Nord dans leur lutte contre les talibans, avant d'entrer eux-mêmes en action militairement. La tâche n'avait rien d'aisée, mais elle était nécessaire. Et si de rares voix se sont élevées contre l'invasion de l'Afghanistan, les raisons en étaient claires à tous. Par contre, quand l'administration républicaine s'est mise en tête d'intervenir militairement en Irak, les raisons n'avaient rien de claires. Et ce manque de justification est le pêché originel de la guerre en Irak qui rend tout le moyen orient qu'il ne l'était auparavant, et la région était bien loin d'avoir besoin de ça.

La raison invoquée, l'éventuelle présence d'armes de destructions massives au service de Saddam Hussein devait être traitée d'une façon multilatérale, en s'appuyant sur l'Agence Internationale de l'Energie Atomique et les inspecteurs de Mohamed El Baradei. Du reste, il n'y avait aucune preuve, seulement des éléments qui laissaient planer une incertitude. Ce n'est pas suffisant pour déclencher une guerre, mais George Bush a créé le concept de guerre préventive, se déroulant avant même qu'il y ait un danger, ne souhaitant pas que celui-ci se traduise par une attaque effective. Aujourd'hui, il a été établi qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive en Irak. C'est donc une guerre injustifiée qui se déroule en Irak, et elle est d'autant plus difficile à mener qu'une fois Saddam Hussein neutralisé, il n'y a pas de solution de rechange. L'instauration de la démocratie se fait de façon très difficile, le critère utilisé par les électeurs étant l'appartenance à une ethnie. C'est en fait une guerre civile qui commence à faire rage en Irak, et l'armée américaine peine à garder le contrôle d'une situation de plus en plus chaotique.

George Bush se défend en faisant valoir les progrès réalisés, en expliquant que l'opération a au moins permis au monde de se débarrasser d'un cruel dictateur. En effet, mais dans ce cas fallait-il commencer par lui, alors que de nombreux dictateurs prospèrent à travers le monde, parfois avec l'appui même du gouvernement américain. Et sans solution de remplacement, on ne peut même pas être sûr qu'à long terme il y aura un gain de ce point de vue. L'invasion américaine a pu aussi être vue comme une opportunité pour les Etats-Unis de s'approvisionner en pétrole à bon compte. Mais dans les pays musulmans, c'est plutôt l'idée que l'Amérique est en train de mener une croisade contre les disciples d'Allah. Dans tous les cas, les effets sont désastreux en terme de progrès de la paix mondiale, de la lutte contre le terrorisme, du niveau du marché pétrolier, de la sympathie envers l'Amérique... bref, de tous les points de vue.

Aux prochaines élections en novembre prochain, les Républicains pourraient souffrir fortement du rejet des électeurs envers l'échec de la politique étrangère de George Bush. Celui-ci essaie de profiter du souvenir du drame d'il y a cinq ans pour raviver la peur du terrorisme, et ainsi justifier ses malheureuses décisions, celles passées, et celles à venir. Il utilise cet événement depuis trop longtemps pour des fins politiciennes, ce qui constitue un manque de respect incroyable vis à vis de la mémoire des disparus. Et bien qu'il ait été réélu, George Bush a montré ces cinq dernières années par ses décisions désastreuses qu'il était certainement parmi les pires présidents qu'aient connus les Etats-Unis.

dimanche 10 septembre 2006

Un parti écologiste

A l'université d'été de CAP 21, Corinne Lepage a appelé à une candidature unique écologiste à l'élection présidentielle. Cela fait suite à l'université d'été des Verts, où elle avait été invitée en compagnie de Nicolas Hulot, un autre candidat écologiste potentiel. Ces deux personnalités ne sont pourtant pas très bien vues par les militants du principal parti écologiste, les Verts.

Il faut dire que les Verts, à l'origine un mouvement dédié à la défense de l'environnement, s'est progressivement transformé en un parti dominé par l'idéologie gauchiste, perdant ainsi la neutralité originelle vis à vis de la gauche et de la droite. Les Verts portent désormais la responsabilité d'avoir fait de l'écologie un thème partisan, plutôt qu'un sujet pour lequel chacun doit s'impliquer. Cette évolution a été refusée par les anciens dirigeants verts Brice Lalonde et Antoine Waechter, qui ont en conséquence fondé leurs propres mouvements. Les Verts, qui en défendant une cause juste, celle de l'environnement, multipliaient les succès électoraux dans les années 80, sont devenus un parti miné par son éclatement en un nombre infini de tendances, suscitant peu d'intérêt des électeurs. Les Verts de Dominique Voynet et Noël Mamère sont devenus les défenseurs d'une politique "généreuse" mais irresponsable, parlant bien peu d'écologie, se permettant même de combattre l'énergie nucléaire, alors qu'elle permet au moins de ne pas émettre de dioxyde de carbone.

Les solutions défendues par les Verts ne sont souvent plus du domaine du possible, et sont de simples conséquences de leur idéologie post soixante-huitarde. Ce faisant, ils ne rendent pas service à la cause écologiste en se présentant comme ceux qui la défendent, alors que ce n'est plus le cas, ou tout du moins plus d'une façon sérieuse. Cela a favorisé l'apparition de mouvements écologistes indépendants, d'abord dissidents comme on l'a vu, mais aussi créés par des tiers, comme dans les cas de Corinne Lepage et de CAP 21. Leur voix est nécessaire pour rappeler à chacun l'importance de la prise en compte du facteur environnemental dans le développement des politiques, mais elle est polluée par celles des enfants maudits de l'écologie, les Verts. Pour ceux-ci, la question semble surtout de savoir s'il est opportun de se rallier à une candidature commune d'extrême gauche. Dès lors, il sera difficile de les ramener à la raison, et Corinne Lepage, ou d'autres, aura bien du mal à les faire adhérer à une candidature écologiste qui sortirait du cadre de la droite et de la gauche. Nous ne pouvons malheureusement que regretter une telle affiliation idéologique pour un parti qui aurait pu être utile, et souhaiter qu'un jour les Verts soient marginalisés par un mouvement écologique responsable d'une taille importante. En attendant, il ne faut pas oublier que c'est aussi la responsabilité des partis politiques traditionnels que de veiller à la préservation de l'environnement.

samedi 9 septembre 2006

La Banque Centrale Européenne

Créée par le Traité de Maastricht, la Banque Centrale Européenne (BCE) est au centre de nombreuses controverses. Elle est combattue par les souverainistes qui lui reproche de déposséder les Etats de la politique monétaire, ainsi que par les eurosceptiques de gauche qui lui reproche de ne pas prendre en compte l'objectif de croissance dans ses décisions. Historiquement, la BCE est la garante de la stabilité de la monnaie unique européenne. Le traité de Maastricht lui a assigné comme objectif que l'inflation ne dépasse pas les 2 % dans la zone euro. C'était avant tout la volonté des Allemands, qui voyaient dans le mark fort le principal élément qui permit la croissance économique allemande après guerre. Ils étaient encore traumatisés par l'écroulement de leur monnaie entre deux guerres, et les taux d'inflations déments qui l'accompagnèrent. Après avoir conservé dans la douleur un mark fort après la réunification, ils ne souhaitaient donc pas abandonner cette caractéristique de leur politique monétaire une fois passés à l'euro.

Du reste, l'indépendance des banques centrales et le seul objectif de lutte contre l'inflation formaient déjà une doctrine bien établie dès les années 80, formulée par Milton Friedman et les monétaristes. Si une telle politique monétaire pouvait être utile lorsque les politiques keynésiennes n'étaient plus efficaces, il est dangereux de ne prendre en compte qu'une seule possibilité, qu'une seule doctrine à suivre. Le succès de la politique monétaire de la Fed aux Etats-Unis reposait sur la sagesse d'Alan Greenspan, qui adaptait le niveau de rigueur aux circonstances. En cas de crise économique, il prenait l'initiative de lui-même de baisser les taux d'intérêts afin de faciliter une reprise s'il le trouvait justifié. C'est donc en maintenant une politique ciselée et équilibrée que l'Amérique a réussi à avoir une croissance forte sans souffrir de l'inflation. Malheureusement, le monétarisme est la seule référence des dirigeants de la BCE, qui considèrent de façon très naïve que le meilleur chemin vers la croissance est l'absence d'inflation. C'est parfois vrai, mais ce raisonnement poussé à l'extrême entraîne une lutte sans merci contre l'inflation, sans jamais se soucier de la croissance.

Ainsi, la BCE est devenue une réunion d'hommes qui se convainquent les uns les autres que leur politique est adéquate sans jamais se remettre en question, et sans prendre en compte les véritables nécessités de l'économie, qui est plus en contraste. La BCE défend jalousement son indépendance, donnant parfois l'impression de faire l'exact contraire de ce que les voix politiques demandent, uniquement pour faire comprendre que leurs décisions ne relèvent pas d'influences extérieures. Si les banquiers centraux européens se complaisent dans cet état de fait et dans l'autosatisfaction, l'économie européenne souffre d'une politique monétaire inadaptée. Actuellement, un euro trop fort (au-dessus de 1,20 $) rend difficile la préservation de la faible croissance qu'il nous est donné. Mais la BCE ne souhaite que d'augmenter les taux d'intérêts, voyant partout des risques d'inflations disproportionnés qu'elle combat toujours avec les armes les plus lourdes. Les ayatollahs de la lutte contre l'inflation à tous prix ne se soucient guère des dommages collatéraux de leur guerre personnelle.

Le problème n'est pas tant l'indépendance de la BCE que l'esprit qui y règne. Jean-Claude Trichet est sur la même ligne absurde que son prédécesseur Wim Duisenberg, celle de l'application aveugle du monétarisme, en lieu et place d'un sain pragmatisme. Peut-être faudrait il modifier les traités qui laissent possible une interprétation aussi monétariste du rôle de la BCE, mais le pouvoir politique peut déjà commencer à modifier les choses en nommant des responsables plus mesurés à la tête des banques centrales des pays membres de la zone euro. En attendant, une politique monétaire aussi rigoriste et inflexible force les gouvernements à se servir du levier budgétaire en contrepartie, ce qui explique en partie que les déficits publics de certains pays respectent tout juste les critères de Maastricht. Dès lors, la Commission Européenne devrait moins s'en étonner. Et la BCE encore moins s'énerver contre cette nécessité. Et si les gouvernements européens ne sont pas capables de faire ce qu'il faut pour faire de la BCE un endroit plus raisonnable, peut être le parlement européen, qui a un droit de regard sur l'action de la BCE, peut-il se pencher de façon plus attentive sur la question, avec l'objectif de changer les choses.

vendredi 8 septembre 2006

Quel avenir pour la presse quotidienne ?

De nombreux quotidiens français sont en crise, et c'est la lecture globale de quotidiens qui diminue année après année. On peut trouver de nombreuses raisons à cette évolution. En premier lieu, les jeunes générations qui ont grandi avec la télévision ont moins pris l'habitude de lire des journaux tous les jours. C'est plutôt sur internet qu'elles s'orientent pour trouver des informations fréquemment réactualisées, disponibles tout le temps avec une simple connexion. Ensuite, l'arrivée de quotidiens gratuits visant un public urbain fait une dure concurrence aux quotidiens payants établis, aux positionnements différents. Les gratuits leur prennent des lecteurs, et encore plus des annonceurs, ce qui met à mal le modèle économique des payants. Enfin, on peut penser que les payants sont vieillissants, et les jeunes lecteurs peuvent avoir du mal avec des lectures éloignées de leurs centres d'intérêt. En particulier, le manque d'attrait des plus jeunes pour la politique leur fait perdre de l'intérêt, vu que la politique était justement l'actualité la plus sérieuse, celle mis en avant par les journaux les mieux établis. Ainsi, si le quotidien sportif l'Equipe se porte bien alors que le sport reste un centre d'intérêt important pour les Français, le Figaro, le Monde et surtout Libération perdent des lecteurs, alors que ce sont justement ces quotidiens qui sont perçus comme la référence.

Le rôle d'internet n'est pas à négliger : ces trois quotidiens proposent leurs éditions du jour en ligne, gratuitement, en les finançant par la publicité. Ce n'est pas absurde, vu la part croissante des dépenses publicitaires sur internet dans les budgets des annonceurs. Mais si cela compense les pertes dues au manque à gagner en publicité des éditions papier du fait de leur nombre plus faible de lecteurs, cela remplace difficilement les revenus générés par l'achat du journal imprimé ou des abonnements. Il y a la possibilité de rendre la consultation des nouveaux articles payants, comme c'est le cas pour le Financial Times ou Les Echos. Actuellement, pour les trois quotidiens de référence, seules les archives sont payantes. Ce serait donc une bonne opportunité, mais surtout un pari risqué, vu que ce serait se priver de ressources publicitaires en ligne, sans connaître le nombre de lecteurs prêts à payer pour l'édition en ligne du journal.

Pour attirer de nouveaux lecteurs, les journaux ont tenté de lancer des nouvelles formules, avec de meilleures mises en pages et des formats différents. Si l'effort est nécessaire du fait que les journaux gratuits sont souvent plus confortables à lire que leurs aînés payants, il n'est pas suffisant. Le critère du prix et de la distribution est très important dans l'affrontement avec les gratuits. La presse quotidienne régionale bénéficie de réseaux de distributions locaux bien établis, et peut être difficilement remplacée vu l'ancrage de proximité des informations, et donc la valeur ajoutée particulière qu'elle apporte. La presse quotidienne nationale, elle, doit vraiment se concentrer sur ces deux critères. La lutte est pourtant malaisée, et la volonté risque de ne pas suffire. Du point de vue de la distribution, le nombre de kiosquiers et d'espaces presse est à la baisse. En cause : une rémunération faible et des conditions de travail pénibles. Les kiosquiers mettent particulièrement en cause les difficultés logistiques générées par le fait qu'ils ne peuvent refuser des marchandises à mettre en vente. Il est donc déjà nécessaire de modifier ce point de loi. La question de la rémunération des distributeurs va de pair avec celle du prix des journaux. A ce niveau là, les groupes de presse ont malheureusement trop peu de marges de manoeuvre. Ils ont à supporter des coûts exorbitants d'impression et d'acheminement vers les distributeurs. La faute en revient aux syndicats du livre qui plombent les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne. Cette entreprise a par la loi un monopole sur ces activités, mais leur contrôle par un syndicat obèse et corporatiste jusqu'à l'extrême rend toute évolution difficile. De par son pouvoir, le syndicat a réussi à obtenir des niveaux de rémunération et des accords collectifs complètement surdimensionnés, en ne se souciant absolument pas des conséquences de telles exigences sur leurs clients. Les membres de ce syndicat n'hésitent pas à faire grève, bloquant l'impression de tous les journaux s'ils sont des désaccords avec la direction de l'un d'entre eux. Si cela ne suffit pas, ils font usage de la violence. C'est donc à une organisation qui fait régner la terreur que la presse fait face alors qu'elle est mal en point. Les journaux gratuits étaient bien inspirés de ne pas y faire appel dès le départ, même si pour cela, ils ont eux aussi du faire face à des représailles parfois violentes.

Plutôt que de maintenir en respiration artificielle des journaux à bouts de souffles par des volumineuses aides publiques, ce qui n'est d'ailleurs pas sain au niveau des pressions qui peuvent être exercées dans les deux sens, l'Etat ferait mieux de s'attaquer à ce monopole du syndicat du livre. Une grève importante suivrait, et c'est la raison pour laquelle il faudrait prévoir par avance un plan de financement, et éventuellement d'ultimes aides étatiques pour surmonter cette dernière épreuve syndicale. Mais une fois que les groupes de presse bénéficieront de davantage de liberté quant à l'impression et à l'acheminement des journaux, ils bénéficieront d'une grande partie des marges, leur laissant la possibilité de baisser les prix des journaux, actuellement parmi les plus élevés d'Europe, et de mieux rémunérer les détaillants, permettant ainsi de régénérer leur réseau de distribution. Les aides de l'Etat n'auraient alors plus de raison d'être. Ce n'est pas le seul cas où le contrôle d'un syndicat irresponsable met en difficulté la survie même d'importantes entreprises. Mais c'est certainement l'un des plus manifestes.

jeudi 7 septembre 2006

Sortir de l'impasse en Corée du Nord

L'Iran persiste à vouloir détenir la puissance nucléaire. La communauté internationale refuse cette évolution, car l'Iran est loin d'être un pays à qui l'on peut faire confiance pour faire un usage sage d'une éventuelle arme atomique. Ce n'est certes pas le seul pays hostile à vouloir s'armer de la sorte : la Corée du Nord représente également un danger non négligeable en la matière. Ce pays vit en autarcie depuis plus de 50 ans désormais, sous la férule d'une dictature féroce et obscure. Le régime stalinien n'a connu aucune ouverture, contrairement aux autres anciens pays communistes. Kim Jong Il, dictateur incontrôlable tellement caricatural qu'on le croirait être un méchant sorti d'un film de James Bond, n'a absolument aucun regard pour le bien être de son peuple, préférant dilapider les rares richesses du pays dans des manifestations à sa gloire, des démonstrations de force et dans la préservation de l'armée nord coréenne. Là bas, il n'y a aucune liberté, et toute volonté d'en avoir est durement réprimandée.

Depuis la guerre de Corée, ce pays est coupé en deux. La Corée du Sud est riche et capitaliste, le communisme de la Corée du Nord a rapidement rendu celle-ci pauvre et le dos au mur. Le seul souci de Kim Jong Il et de son père à qui il a succédé est de garantir le maintien de son contrôle sur son peuple. La réunification des deux Corées sous l'égide de celle du Sud serait donc quelque chose de dévastateur pour la dictature. En revanche, si la Corée du Sud pouvait passer sous le contrôle de celle du Nord, le régime en place pourrait perdurer et être plus puissant. En fait, la Corée du Nord n'est ni plus ni moins qu'un régime néfaste pour la bien être de la population coréenne et du reste du monde, et elle est un puissant facteur déstabilisateur refusant constamment la paix, en vendant par exemple des missiles à l'Iran. Il n'est dès lors pas étonnant que les Etats-Unis considèrent ce pays dans l'"Axe du mal", même si le caractère hostile de la Corée du Nord n'est pas récent.

Pourtant, tant que Kim Jong Il ne martyrisera que son propre peuple, les pays occidentaux n'agiront pas directement contre ce régime dictatorial. La Corée du Sud, soucieux du sort de la population nord coréenne, essaie de faire en sorte que son voisin ne soit pas trop pauvre, en lui fournissant une aide alimentaire et médicamenteuse, ainsi qu'en tentant de nouer des liens diplomatiques pour faire avancer les choses. Malgré les espoirs suscités par le rapprochement entre les deux Kim (avec Kim Dae-jung, Président de la Corée du Sud), la Corée du Nord reste un danger pour la paix mondiale, déjà suffisamment mise à mal. Le développement de l'arme atomique par la Corée du Nord est donc loin d'aller dans le bon sens : si elle venait à l'obtenir, elle serait extrêmement menaçante pour la Corée du Sud, l'ouest des Etats-Unis et surtout le Japon, avec qui les relations sont très difficiles. L'armée nord coréenne s'enorgueillit de tester ses nouveaux missiles au-dessus de la mer du Japon, faisant du pays du soleil levant une cible désignée. Si un essai nucléaire venait à être effectué par la Corée du Nord, cela donnerait le signal que ce pays serait une menace insupportable pour le reste du monde. Il serait alors difficile de ne pas intervenir.

Pourtant, personne n'a intérêt qu'une telle situation se produise, mis à part Kim Jong Il qui justifie ses choix par ses délires mégalomaniaques. L'occident n'a pas envie de retourner faire la guerre en Corée, vu les difficultés qu'a entraîné la première entre 1947 et 1953. A cette époque, la Corée du Nord était soutenue par la Chine nouvellement communiste. Elle l'est toujours d'ailleurs aujourd'hui. Mais le gouvernement chinois est certainement moins extrémiste, et s'il souhaite préserver son régime très particulier par tous les moyens, il n'en est pas moins pragmatique sur certaines questions. La Chine se soucie peu de la moralité des autres pays du monde, la seule chose qui importe est que le parti communiste chinois garde le contrôle du pays. A ce titre, une Corée réunifiée et pro-occidentale n'est pas vue d'un oeil favorable, car elle serait vue comme un pont de débarquement pour les Etats-Unis, avec qui les relations sont ambivalentes. Pour autant, une guerre en Corée serait néfaste pour le libre échange sur lequel repose actuellement l'économie chinoise. La Chine n'a donc pas intérêt à ce que la situation s'envenime plus que pour l'instant.

Si la Corée du Sud a commencé des négociations, ou plutôt une reprise des relations diplomatiques avec celle du Nord, cela risque fort de ne pas être suffisant pour vraiment améliorer la situation. La voix de la Chine, par contre, serait elle suffisamment puissante pour faire entendre raison à la Corée du Nord. La Chine ne défend plus des positions idéologiques précises, seulement ce qui va dans le sens de ses intérêts. En l'occurrence, l'intérêt de la Chine est d'avoir comme voisin une Corée qui n'est pas hostile. Juste ça : le soutien de la Corée est bien trop faible pour se soucier vraiment d'y avoir un régime ami. Le pouvoir de nuisance par contre peut être important, si toute la Corée passe sous influence américaine. Le principal objectif de la Corée du Sud est la réunification pacifique. En considérant toutes les données du problème, il est possible d'imaginer une solution.

Il faudrait que la Chine manoeuvre pour mettre fin au régime nord-coréen et permette ainsi la réunification de toute la Corée sous l'égide de celle du Sud. En contrepartie, la Corée se déclarerait neutre, ce qui peut se faire tout en gardant son caractère capitaliste et démocratique, vu que ce n'est pas cela que la Chine redoute. La Chine et les Etats-Unis s'engageraient à ne pas faire de la Corée une zone d'influence pour l'un d'entre eux, et les deux puissances mondiales pourraient continuer à commercer librement avec le pays du matin calme. Ce serait sous certains angles une situation qu'a connu l'Autriche pendant la Guerre Froide. Si de tels accords étaient passés, la paix serait préservée, la population nord-coréenne serait libérée tandis que tous les efforts de la Corée du Nord seraient pour aider au relèvement de cette population exsangue. Espérons juste que chacun puisse prendre ses responsabilités au plus tôt, en travaillant pour faire grandir les rares pistes pour la paix qui subsistent.

mercredi 6 septembre 2006

L'héritage de mai 68

Lors des universités d'été de l'UMP le week-end dernier, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours conservateur, prônant le respect des maîtres et de l'autorité et remettant en cause l'héritage de mai 68. Ce n'est pas le premier à s'attaquer à cet héritage : Luc Ferry l'a fait longuement avant lui, ainsi que de nombreux intellectuels qui en retour se virent affublés du sobriquet de "néo-réacs". 37 ans après mai 68, il faut bien avouer que le souvenir de ces événements prend une apparence différente. Pour ceux qui y ont participé, mai 68 reste associé à un mouvement spontané, libérateur de la jeunesse, où le foisonnement des idées laissait entrevoir un monde meilleur. Dans l'oeil de l'historien, ce ne sont que des témoignages partiels. A la même époque, une intense agitation sociale avait lieu en Europe et en Amérique. En l'occurrence, le mouvement soixante-huitard était traversé par des influences marxistes, se divisant entre le gauchisme, le stalinisme et le maoïsme. L'affrontement des étudiants contre les forces de l'ordre montrait même une tendance anarchiste. L'héritage de mai 68, c'est avant tout une doctrine permissive, ce qui n'a que peu de rapport avec la vraie liberté.

"Il est interdit d'interdire". Le mot humoristique lancé par Jean Yanne est devenu un slogan terrifiant dans les conséquences de l'idéologie qu'il représente. Une liberté absolue n'a pas de sens, un monde sans loi n'est qu'un monde où règne la loi du plus fort. Le véritable critère pour juger du degré de liberté nécessaire est "la liberté des uns commence là où celle des autres finit". En d'autres mots, à la base il est permis de faire tout ce qui ne gêne pas autrui. D'autres restrictions peuvent être amenées dans les cas où certaines actions nuisent à la personne qui les commet, comme l'usage de la drogue. Mai 68 était loin d'aller dans ce sens. Au contraire, ces jeunes révoltés ont grandi en devenant des adultes parfois irresponsables en développant une culture de la facilité, du refus des contraintes et de méfiance envers toutes formes d'autorités, y compris lorsque cela devait être à leur tour de l'exercer envers leurs enfants. Ceux-ci ont donc grandi avec l'idée que tout était permis, et que s'ils étaient confrontés à un problème, c'est qu'il venait de la société, avant même de se demander quel y était leur rôle. De même, le corps professoral, autrefois marqué par la doctrine radicale qui prônait l'éducation comme moyen de créer des citoyens, est désormais davantage marqué par la doctrine gauchiste, où l'Etat doit absolument tout apporter sur un plateau à chacun, et où d'un point de vue culturel tout se vaut. La tolérance, règle de vie permettant de vivre ensemble, est devenue pour les soixante-huitards un mot d'ordre absolu sans distinction. Une fois qu'ils ont disposé de responsabilités, l'application de cette pensée a permis le développement d'un manque de respect global envers la société, pourtant communauté de tous ceux qui y vivent.

Du reste, ce n'est pas le seul aspect négatif de mai 68. Il en reste également une certaine faiblesse face aux émeutes, une augmentation des salaires inutile, car effacée par l'inflation qu'elle a générée, une culture de la grève et de méfiance envers le secteur privé, et plus généralement envers le travail, ainsi qu'une réforme des universités qui a considérablement affaibli ces dernières. L'éclatement des universités les rend moins visibles à l'international, alors que la question de leur financement n'a toujours pas été réglée. La suppression d'exigences particulières à l'entrée de l'université mis à part l'obtention d'un bac déprécié rend presque inutile les deux premières années de fac, qui servent depuis comme nouveau moyen de sélection des étudiants pouvant accomplir des études longues.

En revanche, les apports positifs de mai 68 apparaissent extrêmement maigres, s'ils existent. Le jugement de l'Histoire apparaît donc sévère pour mai les événements de mai 68 et leurs conséquences. Se rendre compte de cela permet au moins d'avoir la volonté des les corriger.

mardi 5 septembre 2006

De la double peine

Il y a peu de temps, un malfaiteur en cavale volait des voitures pour échapper à la police. Sa course folle s'est arrêtée lorsqu'il est tombé par hasard sur le dispositif important de sécurité déployé lors de la visite du Premier Ministre dans la région. Si l'anecdote parait amusante, elle mérite qu'on s'y penche de façon plus approfondie lorsque l'on apprend que le malfaiteur en question était déjà très connu de la police, de la justice et des médias, en ayant été au centre d'une ancienne polémique sur la double peine. Immigré algérien, il a eu six enfants avec une Française. En ayant été condamné à plusieurs reprises auparavant, il aurait du être expulsé de France. Mais il a fait jouer la corde sensible de l'opinion publique, en faisant valoir l'absence d'un père pour ses enfants s'il venait à être expulsé et ses liens forts avec la France. Le Ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy avait pris son cas en exemple pour supprimer la double peine, qui consiste à expulser les immigrés qui commettent des délits en France une fois qu'ils ont purgé leur peine de prison.

Elle a pourtant une justification : chaque immigré est un invité sur le territoire d'un pays dont il n'a pas la nationalité, et à ce titre il se doit d'avoir un comportement exemplaire. A quoi bon venir dans un nouveau pays si c'est pour ne pas en respecter les lois, et mettre à mal la vie de la société. Commettre un délit en étant étranger est donc une circonstance aggravante, vu que la confiance particulière que l'on a faite à l'immigré en le permettant d'être sur notre territoire n'est pas respectée. Comment justifier alors une présence supplémentaire si elle est négative ? C'est d'autant plus choquant dans le cas de récidivistes, comme c'était le cas pour cet homme. Certes, ses enfants grandiront en dehors de la présence paternelle. Mais si c'est pour le retrouver constamment en prison, cela ne change pas grand chose. Quant au lien sentimental avec la France, s'il permet d'y être irrespectueux des lois, alors il n'a aucune valeur. En outre, dans de nombreux pays démocratiques, la double peine est considérée comme parfaitement justifiée pour ces raisons. Il est alors difficile de voir la raison pour laquelle la France devrait se trouver en dehors de ce principe moral.

C'est qu'en fait ce terme même de "double peine" porte mal son nom. Il n'y a qu'une seule peine, celle purgée en prison. L'expulsion, elle, est une mesure de prévention qui devrait être automatique, au moins pour les récidivistes. Elle est le résultat de la rupture de la confiance accordée à l'immigrée, pas plus. Il n'y avait donc pas à reculer dans ce domaine.

lundi 4 septembre 2006

Place Jean-Paul II

Le parvis de Notre Dame vient d'être rebaptisé place Jean Paul II par le conseil municipal de la ville de Paris. Si l'UMP et le PS étaient d'accord sur cette décision, ce n'était pas le cas pour les Verts, le Parti Radical de Gauche, le Parti Communiste et plusieurs associations. S'il y eut une polémique, c'est que plusieurs raisons s'entremêlent.

Le premier argument est celui de la laïcité. La France est attachée à sa République laïque, et elle a été défiée à ce niveau là de façon régulière ces derniers temps. Certes, il y a déjà de nombreux lieux et rues qui ont été baptisés en hommage à des personnalités religieuses, et il ne s'agit pas de nier l'influence qu'a eu le catholicisme sur l'Histoire de la France. Mais alors que les controverses religieuses sont si fréquentes aujourd'hui, il faut s'en tenir à une stricte laïcité, pour la conserver comme le ciment qui fait le fondement de notre société depuis un siècle. Dès lors, il doit y avoir un dialogue et un respect pour les institutions catholiques comme pour toutes les autres religions. Mais il n'est pas nécessaire d'en valoriser une par rapport aux autres. La France a rendu hommage au pape Jean-Paul II lors de son décès, en étant fortement représenté à ses obsèques, et en mettant les drapeaux en berne, en considération d'un chef d'Etat ami mort dans l'exercice de ses fonctions. On peut considérer cela comme un traitement normal. Mais il ne faut pas en faire trop, surtout pour un représentant qui n'était que cela, contrairement à d'autres religieux qui se sont illustrés en dehors du cadre de l'Eglise, dans des organisations caritatives par exemple. Ainsi, cet hommage supplémentaire et superflu était une erreur.

D'autre part, même en dehors du souci de respect de la laïcité, on peut se poser la question de savoir s'il faut rendre autant hommage à Jean Paul II. Son long règne fut certes marqué par des réalisations considérables, il eut un rôle important pour la paix et dans la mise à mal du communisme institutionnel. En revanche, il ne prit pas toujours les décisions les plus sages, et cela se voit particulièrement dans son conservatisme religieux, se traduisant par une lutte décidée contre l'utilisation du préservatif, ce qui était irresponsable à l'heure de l'explosion de la mortalité due au SIDA. Il a également combattu l'avortement et l'homosexualité avec un même effort. Un bilan tâché donc, qui ne fut pas pris en compte dans la décision du Maire de Paris. Ce n'est d'ailleurs pas la première personnalité à qui l'on rend hommage de cette façon, sans regard vis-à-vis de la valeur des réalisations de celles-cI. Par exemple, était-il bien nécessaire qu'il y ait un lieu dans Paris nommé après Henri Krasucki, le leader syndical de la CGT ? Quant au quai François Mitterrand, rend-il hommage à l'homme, ce qui serait hautement discutable, ou bien seulement à la fonction présidentielle ? Ce serait alors une espèce de nécessité de circonstance qui voudrait que chaque Président de la Vème République ait un lieu dans Paris nommé à son nom. Mais François Mitterrand avait déjà la Grande Bibliothèque qu'il avait fait construire, comme le Musée du Quai Branly prendra probablement le nom de Jacques Chirac après la mort de ce dernier.

En dernier lieu, est-il bien utile de débaptiser des lieux aux noms bien établis juste pour rendre des hommages de forme à des personnalités disparues récemment, mais qui ne diront peut-être rien aux générations futures. Parfois, même les noms les plus forts ne dominent pas face aux appellations historiques. Ainsi, la place de l'Etoile ou l'aéroport de Roissy sont plus connus par ces dénominations que par le nouveau nom prestigieux qu'il leur a été attribué, celui de Charles de Gaulle. De même, le parvis de Notre Dame, immortalisé par Victor Hugo dans Notre Dame de Paris, sera certainement toujours connu sous ce nom là dans des dizaines d'années. Ce changement de nom apparaît donc vain autant que non justifié. Il n'est alors pas étonnant qu'il ait fait autant débat.

vendredi 1 septembre 2006

La nouvelle puissance stratégique de la Russie

La Russie va prendre la présidence du G8, elle a remboursé en avance ses créanciers et ses décisions sont à nouveau redoutées d'un point de vu géopolitique. Si elle n'a plus de visée guerrière depuis la fin de la guerre froide, elle n'a plus forcément besoin de missiles à ogives nucléaires pour se faire respecter. Car grâce à l'étendue de son territoire, et surtout grâce à ses immenses ressources en énergie tel que le gaz naturel dont elle détient le contrôle, la Russie se reconstitue une main de premier choix dans le jeu de la politique mondiale.

Depuis l'écroulement de l'URSS, la Russie a connu une perte d'influence sur ses anciens pays satellites. C'est justement en voulant empêcher l'indépendance de la province musulmane de la Tchétchénie qu'elle y est intervenue militairement de façon importante. Comme en Afghanistan, l'armée russe y fait face à une longue guérilla, une guerre sale marquée par les ripostes terroristes des combattants tchétchènes, comme lors des prises d'otages du théâtre de Moscou et de l'école de Beslan. La lutte contre le terrorisme islamiste avait rapproché la Russie des Etats-Unis, au début du mandat de George Bush. Mais il semble désormais que la Russie demande plus sous la direction de Vladimir Poutine, et avec sa nouvelle santé économique, elle veut retrouver son rang de puissance mondiale. Dans cet objectif, les ressources naturelles du pays sont un immense atout, alors que les prix du pétrole battent régulièrement des records. L'approvisionnement en énergie est plus que jamais crucial pour les pays développés, et le gaz naturel de la Russie représentait une source vitale pour l'Europe avant même l'écroulement de l'URSS. Les prix plus abordables du gaz naturel, bien que corrélés au pétrole, avaient incité les Européens à y faire recours abondamment. Désormais liés à l'approvisionnement russe en gaz naturel, les Européens sont à la merci de ceux qui tiennent le robinet. L'Europe occidentale a toujours du payer sa facture au prix du marché, l'augmentation des tarifs fut donc importante mais progressive. Par contre, les pays de l'Est, et encore plus les anciens pays soviétiques, bénéficiaient d'accords préférentiels pour leur approvisionnement, dont le maintien restait au bon vouloir de la Russie.

Si la Russie ne pouvait plus rien faire pour éviter l'éloignement des anciens pays du bloc de l'Est de son influence, elle entend garder un certain contrôle de ses voisins immédiat. Ce contrôle est certain pour la Biélorussie, dont les récentes élections ont montré le peu d'empressement du pays à devenir une démocratie ouverte. Dans le cas de l'Ukraine, ce fut manifeste : le pays est divisé par un mouvement russophile situé géographiquement à l'est du pays et qui souhaite garder des liens forts avec la Russie, et un mouvement pro-occidental à l'ouest qui désire faire intégrer l'Ukraine à l'Union Européenne. Après son empoisonnement et une révolution pacifique en réaction d'élections truquées, Viktor Iouchenko, un pro-occidental, a finalement réussi à remporter la Présidence. Mais peu de temps après, la réaction de la Russie fut d'augmenter brutalement les prix du gaz à destination de l'Ukraine en plein hiver, mettant ainsi à mal l'économie ukrainienne en guise de mesure de rétorsion. La Russie avait fortement condamné la révolution orange...

Ce geste fit prendre conscience à tous les pays européens l'état de dépendance dans lequel ils se trouvaient. Et cela pose les problèmes d'approvisionnements énergétiques avec plus de gravité. Le pétrole étant aux mains de l'OPEP, le gaz à la Russie, autant de pays qui ne sont pas forcément des grands alliés des occidentaux. La question de l'indépendance énergétique doit à nouveau être posée. Le gaz peut plus facilement être remplacé que le pétrole, et si l'approvisionnement des centrales électriques à gaz devient difficile, la France peut compter sur son expertise en matière de centrales nucléaires. Il faudra travailler dans ce sens. La question du statut de la Russie est également posée : l'Etat a désormais la main mise sur le secteur de l'énergie après la mise sous tutelle des richissimes oligarques qui avaient fortune dans le chaos de la Présidence Eltsine. L'emprisonnement de Mikhail Khodorkovsky, le dirigeant de la compagnie pétrolière Yukos a permis à Vladimir Poutine de faire coup double : d'une part, le groupe Yukos est passé sous contrôle étatique. D'autre part, la voix dérangeante de cet homme n'est plus : en plus du contrôle de l'énergie, l'Etat russe prone également le contrôle des médias... voire des élections. Ces évolutions sont certainement négatives, et l'on peut s'inquiéter sur une Russie de moins en moins démocratique, qui reconstitue sa puissance au travers de sa stratégie énergétique. Si les relations avec la Russie sont encore plutôt bonnes, il n'en faut pas moins surveiller constamment ce qu'il s'y passe, au risque de se réveiller un jour avec une mauvaise surprise.

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