La Russie va prendre la présidence du G8, elle a remboursé en avance ses créanciers et ses décisions sont à nouveau redoutées d'un point de vu géopolitique. Si elle n'a plus de visée guerrière depuis la fin de la guerre froide, elle n'a plus forcément besoin de missiles à ogives nucléaires pour se faire respecter. Car grâce à l'étendue de son territoire, et surtout grâce à ses immenses ressources en énergie tel que le gaz naturel dont elle détient le contrôle, la Russie se reconstitue une main de premier choix dans le jeu de la politique mondiale.

Depuis l'écroulement de l'URSS, la Russie a connu une perte d'influence sur ses anciens pays satellites. C'est justement en voulant empêcher l'indépendance de la province musulmane de la Tchétchénie qu'elle y est intervenue militairement de façon importante. Comme en Afghanistan, l'armée russe y fait face à une longue guérilla, une guerre sale marquée par les ripostes terroristes des combattants tchétchènes, comme lors des prises d'otages du théâtre de Moscou et de l'école de Beslan. La lutte contre le terrorisme islamiste avait rapproché la Russie des Etats-Unis, au début du mandat de George Bush. Mais il semble désormais que la Russie demande plus sous la direction de Vladimir Poutine, et avec sa nouvelle santé économique, elle veut retrouver son rang de puissance mondiale. Dans cet objectif, les ressources naturelles du pays sont un immense atout, alors que les prix du pétrole battent régulièrement des records. L'approvisionnement en énergie est plus que jamais crucial pour les pays développés, et le gaz naturel de la Russie représentait une source vitale pour l'Europe avant même l'écroulement de l'URSS. Les prix plus abordables du gaz naturel, bien que corrélés au pétrole, avaient incité les Européens à y faire recours abondamment. Désormais liés à l'approvisionnement russe en gaz naturel, les Européens sont à la merci de ceux qui tiennent le robinet. L'Europe occidentale a toujours du payer sa facture au prix du marché, l'augmentation des tarifs fut donc importante mais progressive. Par contre, les pays de l'Est, et encore plus les anciens pays soviétiques, bénéficiaient d'accords préférentiels pour leur approvisionnement, dont le maintien restait au bon vouloir de la Russie.

Si la Russie ne pouvait plus rien faire pour éviter l'éloignement des anciens pays du bloc de l'Est de son influence, elle entend garder un certain contrôle de ses voisins immédiat. Ce contrôle est certain pour la Biélorussie, dont les récentes élections ont montré le peu d'empressement du pays à devenir une démocratie ouverte. Dans le cas de l'Ukraine, ce fut manifeste : le pays est divisé par un mouvement russophile situé géographiquement à l'est du pays et qui souhaite garder des liens forts avec la Russie, et un mouvement pro-occidental à l'ouest qui désire faire intégrer l'Ukraine à l'Union Européenne. Après son empoisonnement et une révolution pacifique en réaction d'élections truquées, Viktor Iouchenko, un pro-occidental, a finalement réussi à remporter la Présidence. Mais peu de temps après, la réaction de la Russie fut d'augmenter brutalement les prix du gaz à destination de l'Ukraine en plein hiver, mettant ainsi à mal l'économie ukrainienne en guise de mesure de rétorsion. La Russie avait fortement condamné la révolution orange...

Ce geste fit prendre conscience à tous les pays européens l'état de dépendance dans lequel ils se trouvaient. Et cela pose les problèmes d'approvisionnements énergétiques avec plus de gravité. Le pétrole étant aux mains de l'OPEP, le gaz à la Russie, autant de pays qui ne sont pas forcément des grands alliés des occidentaux. La question de l'indépendance énergétique doit à nouveau être posée. Le gaz peut plus facilement être remplacé que le pétrole, et si l'approvisionnement des centrales électriques à gaz devient difficile, la France peut compter sur son expertise en matière de centrales nucléaires. Il faudra travailler dans ce sens. La question du statut de la Russie est également posée : l'Etat a désormais la main mise sur le secteur de l'énergie après la mise sous tutelle des richissimes oligarques qui avaient fortune dans le chaos de la Présidence Eltsine. L'emprisonnement de Mikhail Khodorkovsky, le dirigeant de la compagnie pétrolière Yukos a permis à Vladimir Poutine de faire coup double : d'une part, le groupe Yukos est passé sous contrôle étatique. D'autre part, la voix dérangeante de cet homme n'est plus : en plus du contrôle de l'énergie, l'Etat russe prone également le contrôle des médias... voire des élections. Ces évolutions sont certainement négatives, et l'on peut s'inquiéter sur une Russie de moins en moins démocratique, qui reconstitue sa puissance au travers de sa stratégie énergétique. Si les relations avec la Russie sont encore plutôt bonnes, il n'en faut pas moins surveiller constamment ce qu'il s'y passe, au risque de se réveiller un jour avec une mauvaise surprise.