Réflexions en cours

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mercredi 27 juillet 2011

Régulations financières

Le film documentaire Inside Job, oscarisé l'an dernier, cherche à expliquer les causes de la crise financière et économique de 2008. De nombreux témoins et participants ont été interrogés devant la caméra, mais la liste de ceux qui ont refusé de répondre aux questions des réalisateurs est au moins aussi longue. Surtout, on comprend rapidement où veut en venir le documentaire. On voit bien que si chaque entretien a probablement duré plusieurs dizaines de minutes, il n'en est extrait que quelques phrases, celles qui permettent aux réalisateurs d'illustrer leur propos. C'est la loi du genre, et à ce titre, le documentaire est particulièrement subjectif. Néanmoins, cela n'empêche pas de prendre cet avis en considération.

Il n'est pas particulièrement nouveau, mais il est bien expliqué. Selon Inside Job, l'origine du mal repose dans la dérégulation financière. Après le krach de Wall Street de 1929, le Congrès américain, du temps de l'administration Roosevelt, avait voté le Glass-Steagall Act, interdisant le regroupement des activités de banques de dépôt et de banques d'affaires. Cette régulation aurait limité les crises financières pendant des décennies. Mais la dérégulation qui fut mise en place à partir des années 80, et aboutit à la suppression du Glass-Steagall Act en 1999, permis une créativité sans limite en matière d'instruments financiers. Non seulement les nouveaux produits financiers devenaient de plus en plus difficiles à comprendre et à contrôler, distribuant les risques à tort et à travers, mais en plus les institutions financières devenaient obèses et dangereuses pour l'économie. Au fur et à mesure des années, les profits énormes générés par la spéculation et la mécanique financière devenaient de plus en plus déconnectés de toute réalité, d'où une bulle redoutable.

Aujourd'hui, la bulle a éclaté, les Etats ont du venir en aide à ces banques, et la seule faillite de Lehman Brothers a suffi à mettre à genou l'économie mondiale. Or rien n'a changé : les profits des banques sont retournés à des niveaux astronomiques sans que leur service à l'économie soit en proportion, les rémunérations sont exorbitantes et surtout, rien n'empêche de nouvelles déstabilisations macro-économiques semblables à celle que l'on a connu. L'aspect "toxique" de la finance telle qu'elles est pratiquée actuellement implique deux conclusions.

La première est qu'il est nécessaire de remettre en place une régulation du secteur financier. Il ne s'agit pas de faire administrer ce secteur par l'Etat, mais plutôt d'arriver au bon niveau de régulation. Les regroupements des banques d'affaires et de dépôt, la titrisation d'actifs, les produits dérivés financiers, les marchés de contrats à terme et d'option doivent être dans le collimateur des autorités. Cela implique que de telles normes réglementaires soient communes à l'Union Européenne et aux Etats-Unis. Et c'est loin d'être une question simple.

Déjà en Europe, le Royaume-Uni cherche à préserver la City de toute réglementation. Mais une réglementation de Wall Street devrait surmonter des obstacles bien plus insurmontables. Le documentaire Inside Job montre comment Brooksley Born, directrice de la Commodity Futures Trading Commission dans les années 90, ne réussit pas à réglementer le marché des produits dérivés de gré à gré, qu'elle considérait (à raison) comme particulièrement dangereux. Le lobbying sous toutes ses formes détruisit ses efforts dans l'œuf. Encore à l'heure actuelle, il n'y a aucune unanimité sur la question aux Etats-Unis. Le rapport de la Commission d'Enquête bipartisane sur la Crise Financière montra comment les experts nommés par les démocrates (dont Brooksley Born) et ceux nommés par les républicains n'arrivaient pas à se mettre d'accord ne serait-ce que sur les causes de la crise financière... Barack Obama pourrait tenter quelque chose, mais il ne l'a pas fait lorsqu'il avait une majorité au Congrès. Maintenant qu'il ne l'a plus, la probabilité en est d'autant plus réduite.

La deuxième conclusion à laquelle on arrive est particulièrement d'actualité. Si l'on considère que les marchés financiers sont si dangereux, il faut s'en tenir éloigné au maximum. Pour les Etats, cela implique de ne pas faire appel à eux pour financer les administrations publiques. Cela implique donc une rigueur budgétaire sévère, pour que les comptes publics soient au moins à l'équilibre, et que la dette reste totalement sous contrôle. Cela disqualifie alors les politiques économiques basées sur la dépense publique. Au bout du compte, cette situation apporte des leçons tant pour les libéraux que pour les interventionnistes.

mardi 26 juillet 2011

Recrudescence de candidats dans le Nord

Il n'y a pas que Martine Aubry qui soit candidate à la prochaine présidentielle dans le Nord Pas de Calais. Il y aussi plusieurs habitants de Bauvin et de Provin, deux petites villes de ce département. Un photographe leur a proposé de mettre en image leurs envies de changement, comme s'ils étaient eux-même candidats. L'initiative est bienvenue : chacun doit pouvoir profiter de cette échéance électorale pour s'exprimer, et mettre en avant sa vision. Si on n'a pas les professions de foi, les affiches sont elles plutôt bien fichues. Dans la presse, les "candidats" s'expriment sur leurs motivations. Ils regrettent une classe politique qui ne tient pas ses promesses. Eux ont des priorités et des promesses simples, qu'ils tiendraient.

En fait, leurs slogans résonnent comme ceux que l'on voit sur bon nombre d'affiches de candidats professionnels. Une candidate souhaite "un new deal français", se représentant sous une pluie de billets. Elle affirme : "Les politiques ne s’occupent que des classes supérieures. Pour nous les pauvres, il n’y a aucune réforme. Je ne suis pas politicienne mais je suis sûre qu’en injectant de l’argent pour les couches les plus pauvres, on pourrait changer le monde !" Dans cet avis, il y a d'abord un constat : ceux qui se considèrent "exclus" ont par définition le sentiment qu'ils sont délaissés, qu'on ne s'occupe pas d'eux. L'ampleur de leurs difficultés les empêche de remarquer tout ce qui est déjà fait pour eux. En l'occurrence, les politiques s'occupent bien plus des pauvres que des classes supérieures, ne serait-ce que parce que les premiers sont plus nombreux. L'Etat français est déjà très redistributeur. Cela passe par la progressivité de l'impôt sur le revenu, la prime pour l'emploi, la Sécurité Sociale, le RSA... Et la législation est également très protectrice.

Un "new deal" viserait à relancer la croissance en injectant de l'argent public (provenant de l'emprunt) au sein des défavorisés. Concrètement, c'est la politique suivie par la France depuis 30 ans. La régularité de ces injections d'argent fait que l'économie s'est habituée à cet interventionnisme public, qui au bout du compte, n'a plus d'effet, si ce n'est d'augmenter la dette.

Les candidats du nord se rendront peut-être compte du problème que posent les promesses politiques. La promesse politique peut être plus ou moins concrète. S'il s'agit de la mise en place d'une mesure précise, le responsable politique est totalement coupable s'il n'essaye pas de la mettre en place. Mais s'il s'agit d'une vaste ambition, comme "pour une société plus ouverte" ou "réduire la pauvreté", alors la faute repose dans le slogan lui-même. Chacun veut réduire la pauvreté, mais ça reste un vœux pieux si on n'explique pas comment concrètement en même temps. Si ce n'est pas le cas, ce n'est même pas la peine de considérer qu'il s'agit d'une promesse politique. Un citoyen qui dit "moi, je réduirai la pauvreté", sans se rendre compte de tout ce que cela implique, risque de faire lui-même une promesse intenable.

mardi 19 juillet 2011

Double problème de dette

Les marchés financiers sont nerveux. Les difficultés à sécuriser la dette grecque (mais aussi irlandaise, portugaise, italienne, espagnole, etc) font redouter un risque de défaut. Cela entrainerait des dépréciations massives dans les bilans des institutions financières, ce qui créerait in fine une crise économique encore plus sévère que celle actuelle. Appelés à la rescousse, les autres pays de la zone euro peinent à s'entendre. D'un côté, l'Allemagne pense qu'il faudrait que les créanciers puissent prendre en charge une partie de la facture. Après tout, ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux mêmes s'ils ont fait payer des taux d'intérêts faibles à des pays dont la dette est risquée. Les Etats ont déjà fort à faire à essayer de renflouer (par des prêts risqués) ces pays en difficultés pour avoir à tout payer. Mais de l'autre côté, où a tendance à se trouver la France, on considère que toute menace de participation des créanciers ne risque que de concrétiser le risque de défaut. En effrayant les prêteurs, les pays comme la Grèce auraient encore plus de mal à se refinancer, et les dépréciations mettraient directement à mal l'économie mondiale. Et par cette différence persistante d'opinion, la crise ne se risque pas, ce qui rend donc nerveux tout le monde.

D'habitude, dans une telle situation, la monnaie concernée serait un véritable repoussoir et plongerait rapidement. Mais à plus de 1,40 $ pour 1 €, l'euro reste à un cours élevé. C'est parce qu'après tout, personne n'est vraiment incité à acheter des dollars également. Les Etats-Unis se trouvent dans leur propre crise de la dette, un problème financier qui peine également à se régler à cause de désaccords politique. La dette américaine est à des niveaux très élevés. La nouvelle majorité républicaine du Congrès ne veut pas augmenter le plafond légal de la dette. Ce plafond a été augmenté de façon quasi systématique au cours des dernières décennies. Mais les républicains, qui se recentrent sur la rigueur budgétaire, ne veulent plus continuer cette fuite en avant. Ils veulent donc des coupes budgétaires massives pour désendetter le pays.

De son côté, Barack Obama considère que ces réductions de dépenses toucheraient surtout les défavorisés (puisque ce sont eux qui bénéficient le plus des services publics), et qu'il faut qu'il y ait donc aussi des augmentations d'impôts sur les plus hauts revenus. Or la plupart des républicains se sont engagés à ne jamais augmenter les impôts, sous aucune circonstance. Il y a donc très peu d'espace pour un compromis. Seulement, début août, l'Etat fédéral américain devra emprunter pour payer ses dépenses courantes, et donc augmenter sa dette au delà du plafond légal actuel. Dans le cas contraire, les Etats-Unis seraient également en situation de défaut, une crise qui pourrait autant endommager l'économie mondiale que les cas européens.

Résultat de ce double problème de dette simultané : ni le dollar ni l'euro ne sont attaqués. La livre britannique reste à ses niveaux bas, auxquels elle est arrivée après le début de la crise financière qui handicapa la City. En fait, la monnaie qui devrait vraiment augmenter, c'est le yuan chinois. Les déséquilibres commerciaux entre la Chine d'un côté, l'Europe et les Etats-Unis de l'autre, devraient pousser à acheter de la monnaie chinoise. Mais le gouvernement chinois ne laisse pas sa monnaie s'affaiblir, envers et contre tout. Donc rien ne se passe d'un point de vue monétaire. Au niveau du cours des actions, c'est une autre histoire. Le CAC 40 n'arrive pas à dépasser les 4000 points, mais c'est un niveau qui finit par devenir assez courant depuis une bonne dizaine d'années. Au final, tant qu'il n'y a pas un défaut avéré d'un pays, toutes ces inquiétudes n'handicapent pas vraiment le reste de l'économie. C'est pour ça que ces risques colossaux passent à peu près inaperçus à la plus grande partie de la population...

lundi 18 juillet 2011

Rupert Murdoch attaqué

Qui se souvient de Robert Maxwell ? Dans les années 80, il était un magnat de la presse et des médias, à l'égal de Silvio Berlusconi et de Rupert Murdoch. Parti de rien, il avait bâti un empire de la presse après la seconde guerre mondiale. Propriétaire du quotidien britannique Daily Mirror, il était pour la gauche ce que News Corp était pour la droite en Grande Bretagne. Mais sa mort brutale en 1991 révéla de graves malversations financières qui aboutirent à l'écroulement rapide et spectaculaire de son empire. Vingt ans après, son vieux concurrent Rupert Murdoch est toujours en vie, mais certains parlent déjà de la chute de son propre empire. Les révélations les plus récentes sur le piratage de téléphones portables perpétré par l'hebdomadaire News of the World donnent lieu à un scandale qui n'a eu que peu d'équivalents dans l'histoire.

Si News of the World a d'ores et déjà été fermé, c'est tout News Corp qui se retrouve désormais menacé. Le groupe a du retirer sa proposition de rachat des actions manquantes du bouquet satellitaire BSkyBe. Les enquêteurs commencent à s'inquiéter des méthodes d'autres tabloïds du groupe, comme The Sun. Et aux Etats-Unis aussi, on cherche désormais à savoir si le groupe y a commis des actes semblables. Le coup est rude pour News Corp, mais vu les lignes éditoriales de certains de ses titres, on pouvait s'attendre à ce que leurs façons de faire soient sérieusement remises en cause. News Corp édite certes des titres et des chaînes qui font un travail respectable (comme The Times, The Wall Street Journal ou Sky News), mais d'autres sont vraiment honteux (voir The Sun, The New York Post ou Fox News).

Le point commun de la plupart de ces médias est leur ligne éditoriale conservatrice, conformément aux idées politiques de Rupert Murdoch. A l'instar de Robert Maxwell, celui-ci cherche à acheter autant de l'influence que des sources profits lorsqu'il acquiert un titre. En conséquence, Rupert Murdoch est aujourd'hui l'un des hommes les plus puissants du monde, sa puissance étant donc à la fois éditoriale et politique que financière. L'ancien Premier ministre britannique Tony Blair se montrait ainsi ouvertement soumis au Sun, ayant mal vécu les nombreuses campagnes du quotidien contre les travaillistes.

Rupert Murdoch est donc d'autant plus attaqué actuellement qu'il est très mal vu par un très grand nombre de gens. Mais là où Robert Maxwell était un roublard, Rupert Murdoch s'est montré tout au long de sa vie implacable. En outre, il y a toujours une clientèle pour cette presse de caniveau. Les journaux de News Corp ne sont peut-être pas ceux qui servent le mieux la cause de l'information : le Daily Telegraph, qui avait révélé le scandale des notes de frais du parlement britannique, n'appartient pas à ce groupe. Mais on peut penser qu'il y a encore loin avant qu'ils ne soient abattus d'un bloc.

vendredi 15 juillet 2011

Misères des Verts


C'est entendu, la tolérance est une des valeurs fondamentales des Verts. Et Nicolas Hulot put la savourer à sa juste mesure, en recevant sur la tête des épluchures de légumes sur la tête en guise d'accueil à une de leur réunion. L'hostilité à sa venue était manifeste, et pourtant, il était candidat à la primaire de ce parti. Il fut largement battu, l'ex juge d'instruction Eva Joly l'emportant avec plus de 58 % des voix au second tour, ayant même failli l'emporter dès le premier tour.

En 2007, Nicolas Hulot avait déjà menacé de se présenter à la présidentielle. Vu sa popularité, s'il l'avait fait, cela aurait pu modifier la donne pour les candidats les plus importants. Néanmoins, il réussit à convertir cet élan dans son pacte écologique, sur lequel se sont engagés la plupart des autres candidats. Lors de ce quinquennat, cela se transforma concrètement dans le Grenelle de l'Environnement, auquel il fut d'ailleurs largement associé. Mais cette fois-ci, il voulut y aller vraiment. Les Verts virent la concurrence, celle d'un homme engagé pour la défense de l'environnement plutôt qu'un représentant de la gauche dogmatique. Ils se montrèrent malins, en s'arrangeant pour que Nicolas Hulot participe à leur primaire : c'était le moyen de canaliser cette candidature, et de la bloquer sous le poids des militants Verts traditionnels.

Nicolas Hulot craignait déjà les affres d'une campagne présidentielle nationale, il restera amer ne serait-ce qu'après la seule primaire des Verts. La gagnante, Eva Joly, n'est en politique que depuis moins de trois ans, mais est solidement ancrée dans le corpus idéologique vert, constitué d'un amas de visions manichéennes de la société. Elle a fait fort en s'attaquant d'emblée aux symboles du 14 juillet, voulant mettre fin à l'"image de domination" que constitue le défilé militaire sur les Champs Elysées, pour le remplacer par un "défilé citoyen". Voilà qui est troublant. Ce défilé militaire n'a pas pour vocation de démontrer une puissance guerrière envers qui que ce soit, mais il sert justement à rendre hommage à ceux qui risquent leur vie pour protéger notre sécurité. Qu'est-ce que cela révèle sur sa façon de voir nos armées, elle qui souhaite devenir leur commandant en chef ?

C'est bien là le drame d'"Europe Ecologie Les Verts" : ils parlent assez peu en fin de compte d'Europe et d'Ecologie, préférant généralement les thèmes sociaux, la plupart du temps pour remettre sur le devant de la scène des idées d'inspiration franchement soixante-huitarde. Et quand ils parlent d'écologie, ils le font comme s'ils étaient les seuls à pouvoir le faire, et pour mettre en avant des idées contre productives au niveau de la protection de l'environnement, telle que la fin de l'énergie nucléaire. Avec tout cela, la candidature d'Eva Joly ne risque pas d'apporter grand chose à la prochaine présidentielle.

mardi 12 juillet 2011

Des siècles et des puissances

Si l'on veut avoir une perspective historique sur les siècles passés, il est plus simple de les faire commencer une dizaine ou une quinzaine d'années après leur véritable début. Dans ce cas, on peut remarquer que depuis la Renaissance, chacun d'entre eux a été marqué par la puissance d'un pays particulier. Le XVIème siècle fut ainsi le siècle de l'Espagne. Charles Quint, héritier du trône d'Espagne et élu et empereur du Saint Empire Romain Germanique, a favorisé les destinées de son pays de manière éclatante. Sa domination du continent européen et les conquêtes en Amérique témoignèrent du rôle majeur qu'il joua à cette époque. Son fils, Philippe II, dirigea l'Espagne à son apogée. Mais le déclin de l'Espagne fut aussi rapide que fut son ascension.

Le XVIIème siècle vit la prédominance de la France. Après avoir été stabilisé par Henri IV, le pays fut dirigé d'une main de maître par Richelieu d'abord, puis par un Louis XIV renforcé par la Fronde. La centralisation et l'art de la raison d'Etat ont permis à la France de gagner beaucoup en territoire, mais aussi en influence à l'étranger. Louis XIV réussit ainsi à mettre les Bourbon sur le trône d'Espagne, et à la fin du règne du roi soleil, la culture française débordait largement du territoire hexagonal.

Le XVIIIème siècle ne lui bénéficia pas autant. Le règne de Louis XV fut assez désastreux, et à travers la guerre de sept ans, la France perdit ses possessions en Amérique du nord. Les difficultés financières qu'elle connaissait la menait à la révolution, alors que le Royaume Uni s'enrichissait par le commerce et l'industrie (il fut en effet le premier pays à voir commencer la révolution industrielle). Ce pays bénéficia d'une nouvelle stabilité politique, fruit de la Glorieuse Révolution du siècle précédent, qui permit l'émergence d'une monarchie représentative. Même si le Royaume-Uni perdit le contrôle des Etats-Unis, il restait une puissance militaire redoutable, et fut l'adversaire le plus solide et le plus déterminé lors des guerres révolutionnaires et napoléoniennes. Son statut de grande puissance était alors éclatant, et ne pouvait lui être contesté.

Si le Saint Empire Romain Germanique fut dissous au début du XIXème siècle, le Congrès de Vienne vit la naissance non seulement d'une certaine stabilité européenne due à l'équilibre des puissances, mais également à la Confédération Germanique. Et c'est là-bas que se produiront les changements les plus importants du XIXème siècle. Alors que l'Europe entière voit se développer les nationalismes, la Prusse bismarckienne arrive à faire l'unité de l'Allemagne autour d'elle. Quant l'ancien empire était affaibli depuis des siècles, le deuxième Empire allemand, créé en 1870, se pose en puissance militaire redoutable, et l'efficacité de son administration favorise un développement rapide. Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, l'Allemagne se distingue par rapport aux puissances précédentes par la force de ses croissances démographique et économique. La naissance de champions allemand dans la chimie et la métallurgie en est un excellent exemple.

Du fait de l'explosion des nationalismes, le XXème siècle s'ouvrit sur une effroyable boucherie européenne. L'affrontement des trois précédentes puissances mondiales notamment (France, Royaume Uni et Allemagne) marqua leur déclin commun. Toutes les puissances européennes se retrouvèrent affaibli, et au cours des deux guerres mondiales, ce fut à chaque fois les Etats-Unis d'Amérique qui tirèrent les marrons du feu. Le dollar devient la nouvelle monnaie dominante, à travers la guerre froide la puissance militaire américaine est devenue sans équivalent, et la culture américaine est un instrument de domination en soi. L'effondrement du bloc soviétique marqua la victoire du modèle capitaliste américain, et quoi qu'on en pense, c'est bien le système financier anglo-saxon qui fait la pluie et le beau temps sur l'économie mondiale.

Et maintenant ? Qu'est-ce qui nous attend pour le XXIème siècle ? Les Etats-Unis aimeraient bien garder leur statut, les néo-conservateurs avaient même fondé un think tank intitulé Project for a New American Century. A l'heure actuelle, on peut se dire qu'ils réussiront peut-être. Ce ne sera de toute façon pas le siècle d'un quelconque pays européen. A travers le monde, l'Europe est considérée comme vieillissante, presque un objet du passé. Elle est toujours hébétée par ce qui lui arrivé au XXème siècle (deux atroces guerres mondiales, et une longue séparation en deux blocs), l'influence militaire et diplomatique des pays européens est désormais assez anecdotique, et sa culture est en friche. Le Japon, puissance marquante pendant les années 80, traverse sa propre crise interminable.

En fait, tous les signaux pointent vers la Chine. La force de sa population, son économie florissante, sa mentalité travailleuse lui assurent un rôle désormais majeur sur la scène internationale. On en vient même à craindre qu'il n'y ait plus que deux pays qui comptent, les Etats-Unis et la Chine. Celle-ci ne s'est pour l'instant aucunement engagée vers la démocratie. Pour elle, la raison d'Etat qu'est la montée de la puissance chinoise compte avant tout. Elle cherche à obtenir le statut qu'elle considère mériter, et nous en sommes encore au commencement.

Et après ? Il est évidemment impossible de prévoir de tels mouvements plus d'un siècle à l'avance. Il y a néanmoins une opportunité. Isolés, les pays européens n'arriveront à rien face à des puissances telles que les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde. Si nous voulons avoir une quelconque influence, et reste une puissance mondiale, il faudra le faire en étant unis. Après 50 années, la construction européenne a accompli de grandes choses, mais reste incomplète. Les obstacles sont désormais essentiellement culturels, et ne doivent pas être négligés. Cela reste un formidable projet. Si l'on raisonne sur les tendances longues de l'Histoire, on se rend compte que le temps est une ressource pour nous. Il faudra alors mettre à profit les décennies à venir, pour faire en sorte que le XXIIème siècle soit le siècle de l'Europe. On ne le verra peut-être pas nous-mêmes, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'y mettre dès maintenant.

dimanche 10 juillet 2011

Martine Aubry et la "rumeur"

Le Journal du Dimanche de ce jour titre en une "Martine Aubry face aux rumeurs". Dans l'article associé, contrairement à ce que l'intitulé laisse présager, Martine Aubry ne répond pas aux dites rumeurs. On apprend en fait qu'elle prévoit de poursuivre en justice ceux qui les propagent. On ignore encore si cela concernera également le JDD, qui est bien obligé de les mentionner pour expliquer que la candidate les combat. Autour d'elle, on parle de tentatives organisées de déstabilisation. Martine Aubry connaîtrait ceux qui lanceraient ces rumeurs, ils viendraient de l'UMP, et elle n'hésitera pas à leur coller des procès. Ces menaces devraient permettre de faire taire les mauvaises langues. Le JDD rappelle que c'était également la méthode employée par Dominique Strauss-Kahn, lorsque celui-ci voulait cacher l'ampleur de ses problèmes sexuels. Mais était-ce la bonne stratégie ?

Lorsque Dominique Strauss-Kahn fut interpellé et inculpé pour tentative de viol, certains ont plus été étonnés du fait qu'il ait été arrêté que du fait qu'il se soit impliqué dans une affaire sexuelle qui a mal tourné. Le débat sur le respect de la vie privée par la presse fut vif, et n'a pas trouvé de conclusion définitive. On peut au moins penser que la vie affective de nos responsables politiques n'a pas d'importance pour l'électorat, tant que ça n'implique pas des défauts qui ont des répercussions sur l'exercice des mandats.

Une rumeur fausse concernant une personnalité politique est déjà quelque chose de très pénible. Une rumeur fausse concernant la famille d'une personnalité politique est encore plus insupportable. Martine Aubry doit donc être bien meurtrie que son mari puisse être accusé d'avoir des convictions religieuses douteuses. Elle dit savoir que ça a commencé il y a deux ans, qui a lancé cette rumeur, et qu'elle le dira un jour. Si elle dispose de tous ces éléments, elle serait en effet tout à fait dans son droit de se défendre. Ce serait même plus sain que de créer ses propres rumeurs, sur le thème "untel balance des rumeurs fausses".

Mais se contenter de faire pression pour éviter la propagation des rumeurs ne saurait être une méthode efficace. Si elle peut éviter que des choses paraissent dans la presse, elle peinera toujours à contrôler ce que se disent deux personnes dans un cadre privé, et la multiplication des procédures risque surtout de créer une notion de "faits qu'on voudrait nous cacher". Le JDD explique qu'il s'agit de "prendre les rumeurs le plus tôt possible avant qu’elles ne deviennent des questions posées aux politiques". Mais n'irait-ce pas plus vite de poser justement les questions aux politiques ? Ils y répondraient, et tout le monde saurait ce qu'il en ait.

En l'occurrence, la question de l'alcoolisme supposé de Martine Aubry date d'il y a bien plus de deux ans, et n'a jamais été particulièrement propagée par l'UMP. Cette question courrait déjà dans l'année qui a suivi sa défaite à l'élection législative de 2002, lorsqu'elle avait disparu de la scène nationale. Elle n'est pas neutre, vu l'influence que peut avoir une addiction lorsqu'on est aux responsabilités. On se souvient ainsi de ce qu'avait été la présidence de Boris Eltsine en Russie. Eh bien si Martine Aubry souhaite mettre ce thème de côté pour sa campagne présidentielle, elle irait plus vite en répondant directement à cette question, le plus tôt possible, avant que les choses sérieuses commencent. Cela pourrait donner deux possibilités :
- "Oui, j'ai eu un problème avec l'alcool, mais c'est aujourd'hui un problème réglé". Ce fut la stratégie employée par George W. Bush, à qui personne n'a jamais reproché son alcoolisme passé.
- "Non, je n'ai jamais eu de problème avec l'alcool, point final". Chacun se le tiendrait pour dit.
Evidemment, il faudrait éviter la défense de DSK : dire en privé "oui, j'aime les femmes, et alors ?", ce qui d'une part privilégie la communication officieuse, et d'autre part, laisse penser qu'il y a un comportement qui n'est pas sous contrôle.

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