Le Journal du Dimanche de ce jour titre en une "Martine Aubry face aux rumeurs". Dans l'article associé, contrairement à ce que l'intitulé laisse présager, Martine Aubry ne répond pas aux dites rumeurs. On apprend en fait qu'elle prévoit de poursuivre en justice ceux qui les propagent. On ignore encore si cela concernera également le JDD, qui est bien obligé de les mentionner pour expliquer que la candidate les combat. Autour d'elle, on parle de tentatives organisées de déstabilisation. Martine Aubry connaîtrait ceux qui lanceraient ces rumeurs, ils viendraient de l'UMP, et elle n'hésitera pas à leur coller des procès. Ces menaces devraient permettre de faire taire les mauvaises langues. Le JDD rappelle que c'était également la méthode employée par Dominique Strauss-Kahn, lorsque celui-ci voulait cacher l'ampleur de ses problèmes sexuels. Mais était-ce la bonne stratégie ?

Lorsque Dominique Strauss-Kahn fut interpellé et inculpé pour tentative de viol, certains ont plus été étonnés du fait qu'il ait été arrêté que du fait qu'il se soit impliqué dans une affaire sexuelle qui a mal tourné. Le débat sur le respect de la vie privée par la presse fut vif, et n'a pas trouvé de conclusion définitive. On peut au moins penser que la vie affective de nos responsables politiques n'a pas d'importance pour l'électorat, tant que ça n'implique pas des défauts qui ont des répercussions sur l'exercice des mandats.

Une rumeur fausse concernant une personnalité politique est déjà quelque chose de très pénible. Une rumeur fausse concernant la famille d'une personnalité politique est encore plus insupportable. Martine Aubry doit donc être bien meurtrie que son mari puisse être accusé d'avoir des convictions religieuses douteuses. Elle dit savoir que ça a commencé il y a deux ans, qui a lancé cette rumeur, et qu'elle le dira un jour. Si elle dispose de tous ces éléments, elle serait en effet tout à fait dans son droit de se défendre. Ce serait même plus sain que de créer ses propres rumeurs, sur le thème "untel balance des rumeurs fausses".

Mais se contenter de faire pression pour éviter la propagation des rumeurs ne saurait être une méthode efficace. Si elle peut éviter que des choses paraissent dans la presse, elle peinera toujours à contrôler ce que se disent deux personnes dans un cadre privé, et la multiplication des procédures risque surtout de créer une notion de "faits qu'on voudrait nous cacher". Le JDD explique qu'il s'agit de "prendre les rumeurs le plus tôt possible avant qu’elles ne deviennent des questions posées aux politiques". Mais n'irait-ce pas plus vite de poser justement les questions aux politiques ? Ils y répondraient, et tout le monde saurait ce qu'il en ait.

En l'occurrence, la question de l'alcoolisme supposé de Martine Aubry date d'il y a bien plus de deux ans, et n'a jamais été particulièrement propagée par l'UMP. Cette question courrait déjà dans l'année qui a suivi sa défaite à l'élection législative de 2002, lorsqu'elle avait disparu de la scène nationale. Elle n'est pas neutre, vu l'influence que peut avoir une addiction lorsqu'on est aux responsabilités. On se souvient ainsi de ce qu'avait été la présidence de Boris Eltsine en Russie. Eh bien si Martine Aubry souhaite mettre ce thème de côté pour sa campagne présidentielle, elle irait plus vite en répondant directement à cette question, le plus tôt possible, avant que les choses sérieuses commencent. Cela pourrait donner deux possibilités :
- "Oui, j'ai eu un problème avec l'alcool, mais c'est aujourd'hui un problème réglé". Ce fut la stratégie employée par George W. Bush, à qui personne n'a jamais reproché son alcoolisme passé.
- "Non, je n'ai jamais eu de problème avec l'alcool, point final". Chacun se le tiendrait pour dit.
Evidemment, il faudrait éviter la défense de DSK : dire en privé "oui, j'aime les femmes, et alors ?", ce qui d'une part privilégie la communication officieuse, et d'autre part, laisse penser qu'il y a un comportement qui n'est pas sous contrôle.